House of the Dragon : Critique 1.03 Aegon le deuxième
HOUSE OF THE DRAGON
Date de diffusion : 05/09/2022 Plateforme de diffusion : OCS Épisode :1.03 Aegon le deuxième Réalisateur : Greg Yaitanes Scénariste : Gabe Fonseca & Ryan Condal Interprètes : Emma D’Arcy, Paddy Considine, Matt Smith, Milly Alcock, Rhys Ifans, Olivia Cooke, Steve Toussaint, Eve Best
LA CRITIQUE
La 3 ème heure de House of the Dragon maintient l’excellente qualité d’écriture des épisodes précédents. L’intrigue principale progresse rapidement aussi bien dans la temporalité que le développement des personnages. Cette progression permet de constater que les scénaristes ne cèdent pas à la tentation de délayer les événements du livre pour rallonger les heures et les saisons.
L’épisode est intelligemment structuré en deux grandes parties. Ces dernières soulèvent chacune des mécanismes majeurs impliquant l’impossibilité de toute pacification au sein de la famille targaryenne.
La première partie interroge la primauté du mâle et la seconde aborde la défiance du prince déchu et de l’aréopage humilié.
La primauté du mâle ou l’ordre des choses
Cette 3 ème heure est insistante sur le principe directeur de la série – et à raison.
Si la succession au trône de fer est la problématique générale de la danse des dragons, le principe directeur de la série, est une réflexion sur le rôle et la place de la femme dans un monde médiéval. L’objectif évident est de faire écho au contexte du monde contemporain.
Dans le livre comme dans la série, la condition de la femme, de haute ou de basse naissance, est riche de devoirs que de droits. Objets d’alliances, d’intrigues, de convoitises, sous prétexte du respect de règles et de traditions séculaires, les femmes sont soumises et à la merci du bon vouloir d’une figure masculine (le père, l’époux, le seigneur).
Ainsi, les hommes et les femmes occupent des positions et des fonctions différentes au sein de la société comme le résume Aemma Targaryen : « C’est par les inconforts de la grossesse que les femmes servent le royaume. (…) L’enfantement est notre champ de bataille ».
Si Alicent incarne les propos conservateurs et résignés d’Aemma Targaryen, Rhaenyra représente une figure symboliquement moderne. Consciente de sa haute naissance, elle souhaite briser les codes et l’ordre des choses pour « choisir librement » sa vie. Ce positionnement presqu’anachronique et moderne de Rhaenyra, interprétée avec justesse par Milly Alcock, vient se heurter à l’approche réaliste et résolument cynique que G.R.R. Martin adopte pour peindre une société féodale ouestrienne fondamentalement mysogine et paternaliste.
N’en déplaise à certaines, House of the Dragon adopte un discours suffisamment complexe et nuancé pour éviter tous procès d’intention sur son traitement du genre.
Du Feu et du Sang
Faisant honneur à son titre originel Feu et sang, l’épisode 3 met en lumière de manière spectaculaire sa singularité. House of the dragon est un show où s’entremêlent les codes du slow burner à huis clos et de la grimdark / Gritty fantasy. Cette singularité l’éloigne irrémédiablement de la série Rings of Power d’Amazon qui appartient à un autre genre, celui de l’Heroic fantasy. En quelque sorte, les comparer constitue un non-sens et reviendrait à confondre la saga vidéoludique The Witcher de CD Projekt avec la saga Final Fantasy de Square-Enix.
Bien qu’épique, la guerre des Degrés face aux Myriens n’a malheureusement pas la force
dramaturgique qu’elle devrait normalement avoir au sein de l’intrigue. En effet, cette guerre est dépourvue, voire dépouillée de son contexte historique. Avec l’épisode précédent, le conflit apparaît au mieux comme un haut-fait d’armes pour un Daemon Targaryen exilé et un Corlys Vélaryon humilié.
Or, cette guerre face à la triarchie, en particulier les Myriens, porte des éléments de contextes qu’il est nécessaire de soulever. En effet, ces éléments apportent des nuances qui légitiment et justifient le positionnement de Daemon Targaryen, désavouant en partie les arguments le présentant comme impétueux, belliqueux et irréfléchi.
La participation de Daemon a cette guerre n’est pas due au hasard, car elle répond à une inimitié profonde entre les Targaryens et les Myriens. En effet, ces derniers ont planté le premier clou du cercueil du sang du dragon en fauchant d’une flèche la vie d’Aemon Targaryen, fils ainé de Jaehaerys 1 er , héritier du trône de fer et père de Rhaenys Velaryon. Cette mort est le premier jalon du grand conseil d’Harrenhal (prologue de l’épisode 1) et la pierre fondatrice de la danse des dragons.
En un sens, en s’engageant dans cette guerre, Daemon entend résoudre un des premiers fondements majeurs du grand conseil du roi Jaehaerys 1 er , qui a entraîné la dislocation de la famille Targaryenne entre Viserys Targaryen et Rhaenys Velaryon. En s’alliant avec Corlys Velaryon, il soude à nouveau les Targaryen et accomplit un devoir nécessaire que son frère est incapable d’assurer. Hier encore, à l’issu du grand conseil d’Harrenhal, Daemon a levé une armée pour défendre ce même frère Viserys contre les Velaryon. Aujourd’hui, il tente de combler les brèches béantes en s’alliant avec les Velaryon.
L’ombre d’Aegon Targaryen
Avec une lecture contextualisée de la Guerre des Degrés, les choix et l’attitude de Daemon dans le conflit le rapproche plus de la figure d’Aegon le conquérant que de Maegor le cruel, comme le décrit Otto Hightower.
Cette mise en perspective contextualisée permet d’ailleurs d’entrevoir la double lecture qu’il est possible d’adopter sur le titre de l’épisode. En effet, ce dernier met en lumière trois visages d’Aegon le conquérant : celui de Daemon, de l’enfant Aegon, deuxième du nom et de Rhaenyra. Cette division des traits caractérisant Aegon 1 er marque symboliquement le déclin, voire la dégénérescence de la descendance de ce grand roi.
Perdant de sa superbe dans l’épisode, Viserys 1er n’est que l’ombre de son illustre ancêtre. Durant l’heure, à bien des aspects, il se rapproche de la figure d’Aenys 1 er , second roi de Westeros, qui faillit à la lourde tâche de succéder à son père, le grand Aegon 1 er – A noter que la faiblesse d’Aenys 1 er fut le terreau du régime de terreur de son petit frère Maegor.
Le défi de l’adaptation
L’épisode cristallise à la fois, la richesse et la complexité de House of the Dragon, tout en touchant du doigt ses propres limites – celui d’adapter la seconde partie de Feu et Sang.
L’épisode soulève le profond défi auquel fait face le show : Faire en sorte qu’une histoire soit intelligible, cohérente et complètement logique aux yeux d’un public qui en majorité n’a pas lu les livres.
En définitive, au moyen de dialogues et de relations interpersonnelles rappelant la série Succession, l’épisode 3 met en place minutieusement des éléments essentiels qui motivent les choix menant à la danse des dragons. Complémentaire au livre Feu et Sang, la série éclaire différemment les évènements, les choix et les positionnements des personnages, ce qui permet de nuancer toutes critiques sur des aspects manichéens du show.
Chaque partie, famille ou protagonistes ont une position qui s’explique et se défend – qu’il s’agisse de protéger le royaume, la lignée royale ou de faire respecter les droits et les devoirs d’un protagoniste.
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