The Orville : Review 1.09 Cupid’s Dagger

Date : 11 / 11 / 2017 à 13h00
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Unification


Poursuivant sa revisitation méthodique des propositions les plus classiques de Star Trek, The Orville 01x09 Cupid’s Dagger prend pour cadre les traditionnelles médiations diplomatiques où les protagonistes ont pour mission de favoriser la réconciliation entre deux civilisations ennemies, tandis que des impondérables (endogènes ou exogènes) compromettent cet exercice pacificateur (TOS 03x02 Elaan Of Troyius, TNG 01x08 Lonely Among Us, TNG 03x23 Sarek…).
Mais comme souvent avec ce thème, le rhème provient dudit impondérable… lui-même un grand classique trekkien, à savoir un changement soudain de comportement de l’équipage, consistant en la circonstance à sacrifier toute déontologie professionnelle et tout engagement personnel à des infatuations sentimentales puis à des copulations sauvages. Convoquant ainsi la mémoire de TNG 01x03 The Naked Now, de VOY 03x12 Blood Fever, d’ENT 02x25 Bounty, d’ENT 04x17 Bound... et davantage encore de DS9 03x10 Fascination… dont The Orville 01x09 Cupid’s Dagger pourrait représenter le remake ou le rip-off.
Sauf que comme toujours en pareil cas, The Orville apporte une considérable plus-value. D’aucuns pourraient la trouver scabreuse ou indigne, mais celle-ci gagnerait à être considérée comme audacieuse et même culottée au regard de la proposition idéaliste, post-tokeniste, et libertaire trekkienne…

L’USS Orville est chargé par l’amiral Halsey d’Union Central d’accueillir deux délégations (ambassadeurs et leur suites), respectivement Bruidians et Navarians, se disputant la souveraineté de la planète Lopovius… qui reviendra à celle de ces deux espèces qui l’a colonisée en premier. C’est l’étude de l’ADN d’un artefact archéologique Lopovian qui permettra d’en décider, sous l’expertise d’un forensic archeologist de l’Union et à bord de l’USS Orville, fournissant ainsi un terrain neutre.
Premier grain de sable : l’expert archéologue missionné par l’Union n’est autre que Darulio, l’extraterrestre bleu de peau avec qui Kelly Grayson avait trompé Ed Mercer dans le pilote The Orville 01x01 Old Wounds. L’univers est décidément bien petit, mais il légitimera pleinement le temps d’un épisode le ressort scénaristique d’avoir fait de l’ex du capitaine le commandant en second.
Deuxième grain de sable : comme tous ses semblables Retepsians, Darulio libère une puissante phéromone par la peau une fois par an pour favoriser l’accouplement. Et c’est ainsi que, malgré ses tentatives désespérées pour se racheter aux yeux d’Ed depuis le début de la série, Kelly ne mettra pas plus de deux heures pour se retrouver au pieu avec Darulio… au moment précis où Ed débarquera comme dans un bon vieux vaudeville, infligeant au spectateur une sensation assez caustique de boucle temporelle… ou de running gag. Mais fait inattendu, Ed ne mettra pas longtemps à s’éprendre à son tour de Darulio, engendrant une rivalité directe entre les deux ex-époux pour gagner les faveurs du même amant, soit un renversement complet du traditionnel "triangle amoureux" par une bisexualité aussi rafraîchissante qu’elle est présentée et vécue dans l’univers de The Orville comme naturelle.
Les phéromones sexuelles de Darulio ne sont pas genrées (contrairement à celles des Orionnes). Elles ne sont pas non plus "spécisées", puisque le métamorphe gélatineux Yaphit – ayant absorbé par contact accidentel les phéromones retepsiannes – induira lui-même une relation sexuelle – qui plus est particulièrement hardcore (et que l’épisode osera mettre en scène !) avec l’humaine Claire Finn.
Ironiquement, c’est aussi cette phéromone qui offrira la clef de résolution du conflit millénaire opposant les Bruidians et les Navarians, car elle sera sciemment utilisée par Darulio et Ed pour faire convoler durant quelques jours les deux ambassadeurs ennemis (qui mettront ainsi in extremis un terme à un combat spatial qui aurait pu être tragique), le temps que soit finalement officiellement établie la propriété partagée (ou commune) de la planète Lopovius... dans la mesure où l’ADN trouvé sur la poterie appartenait à un ancêtre commun aux deux espèces.

Prolongeant ce que l’univers Star Trek historique avait toujours suggéré et implicitement entériné (mais sans avoir la liberté de mettre explicitement en scène), et allant d’emblée plus loin que Discovery, The Orville pose ainsi des relations sentimentales et sexuelles ni catégorisées ni étiquetées, ni communautarisées ni revendiquées, mais véritablement inclusives, c’est-à-dire conduisant au coït d’un individu X avec un individu Y (voire davantage) sans aucune considération (préalable, conclusive, ou éthologique) d’orientation, de sexe, de genre, de race, ou d’espèce !
Visiblement, le plus estimable et prolifique vétéran de Star Trek qui est aussi la tête pensante de la série de Seth MacFarlane, Brannon Braga, a tout compris au paradigme sociétal trekkien. Et The Orville lui aura donné une belle occasion de le montrer sans ambages. Tel un accomplissement du futurisme trekkien... au risque de s’aliéner une partie des spectateurs d’aujourd’hui.

Mais The Orville 01x09 Cupid’s Dagger véhicule également une autre transgression envers les normes contemporaines… qui traquent toute forme de harcèlement sexuel (réel ou supposé), a fortiori depuis le "scandale Harvey Weinstein" (le roi déchu d’Hollywood) ayant hystérisé la doxa.
Parce que les phéromones de Darulio peuvent symboliquement s’apparenter à un super-GHB (ou méga-drogue du viol), conduisant les individus (hommes et femmes) à accepter des relations sexuelles qu’ils n’auraient jamais consenties sans cette influence, et même à les désirer irrépressiblement en vertu de sentiments chimiquement induits. Et même si cette pilule de super-GHB n’induit ni inconscience ni ivresse, téléologiquement, il s’agit bien d’une atteinte au consentement, même si elle n’est pas vécue ainsi par le sujet, en somme comme dans le cas d’une hypnose.
Darulio sait pertinemment qu’il est en période de "rut" ou de "chaleurs" (heat) contagieuses... or il n’en informe de lui-même aucun de ses collègues de travail, il n’a même aucun scrupule à laisser agir ses phéromones capiteuses et en tirer sans vergogne tous les profits sexuels.
Mais peu semble importer la société "orvillienne"... puisque nul ne s’indigne en internaliste de toutes ces relations sentimentales et sexuelles artificiellement provoquées... étant donné qu’elles n’engendrent manifestement aucun traumatisme individuel. L’essentiel est qu’une guerre soit évitée, que deux peuples antagonistes s’unissent... et finalement qu’Ed & Kelly reconstruisent à terme leur couple brisé (car il est finalement révélé en fin d’épisode que Kelly avait trompé son mari sous la possible emprise des phéromones de Darulio).

Une belle occasion de questionner philosophiquement et ontologiquement les contours fluctuants du "consentement" - bien souvent une illusion induite par le conditionnement social, les interactions, l’imitation, l’autosuggestion, et/ou des lois biologiques non choisies.
À l’inverse, le viol, le vrai, pénalement criminel, ainsi que l’abjecte culture du viol corollaire (ou le "non" des femmes est interprété comme un "oui" par les hommes) se mesurent par les traumas résultants. Or il n’y a rien de tel dans The Orville et c’est diablement révélateur... de la nature des événements survenus mais également de la maturité socio-culturelle atteinte.
Car les valeurs de l’utopie "orvillienne" sont finalement exprimées dans une réplique de l’épisode, avec un aplomb et une spontanéité confondantes : « It’s harmless. The worst thing that happens, we all have great sex. »
Les libertaires et les libertins y verront leur Terre promise. Mais moins les ligues de vertu et les défenseurs de l’ordre moral.
En somme : "faites l’amour pas la guerre" ! Renvoyant à une mythique devise hippie… sous les auspices de laquelle Star Trek TOS est née un beau jour de 1964.
La boucle est bouclée.

L’épisode peut également se targuer d’avoir réussi une remarquable intégration de son protagoniste non-humanoïde Yaphit, le faisant enfin sortir du rôle ingrat de blob humoristique. En somme… comme l’auront fait Star Trek DS9 avec Odo et Star Trek ENT avec les Xindis (mais que n’aura pas du tout réussi à faire Discovery pour le moment en dépit de son colossal budget).
Mentions spéciales au verbe rabelaisien décomplexé de l’épisode qui s’élève intelligemment au-dessus de l’habituel humour grivois, et au running gag savoureux de l’extraterrestre Dann avec sa musique d’ascenseur à contremploi.

En cherchant à prendre le contrepied de nos réflexes, à questionner nos idées reçues, et à nous mettre mal à l’aise, The Orville 01x09 Cupid’s Dagger façonne un morceau de pure SF, donc foncièrement anti-actuel et anti-actu.
Certes, il est permis de s’indigner de l’irresponsabilité éthique et déontologique de Darulio, de la nonchalance générale de la société "orvillienne" en termes de mœurs, du message potentiellement ambivalent voire malsain et assurément politiquement incorrect de The Orville 01x09 Cupid’s Dagger
Toujours est-il que ces partis pris sont hautement dépaysants, émancipateurs, et exutoires. En adressant un impudent (et impudique) pied de nez à la plupart des crispations et sacralités contemporaines, The Orville réussit à faire honneur à la libération sociale, morale, et sexuelle trekkienne. Sous couvert de provocation et de second degré... ou pas ! Et tant pis pour la doxa.

EPISODE

- Episode : 1.09
- Titre  : Cupid’s Dagger
- Date de première diffusion : 9/11/2017 (FOX )
- Réalisateur : Jamie Babbit
- Scénariste : Liz Heldens

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