The Orville - New Horizons : Critique 3.07 From Unknown Graves
THE ORVILLE NEW HORIZONS
Date de diffusion : 14/07/2022
Plateforme de diffusion : Hulu
Épisode : 3.07 From Unknown Graves
Réalisateur : Seth MacFarlane
Scénaristes : David A. Goodman
Interprètes : Seth MacFarlane, Adrianne Palicki, Penny Johnson Jerald, Scott Grimes, Peter Macon, J. Lee, Mark Jackson, Chad L. Coleman, Jessica Szohr et Anne Winters
LA CRITIQUE FM
Le moins, qu’on puisse dire, c’est que, plus la série progresse vers sa fin de sa saison, plus The Orville trouve sa place dans le Panthéon des œuvres d’anticipation qui resteront dans la mémoire de ses spectateurs.
Des quatre histoires en parallèle cette semaine, deux sont intimement liées. Par flash-backs, nous découvrons ce qui a conduit les Kaylons à considérer que toute créature biologique était à annihiler. La vision du comportement des créateurs vis à vis de leur création est clairement là pour nous faire réfléchir à nos propres tares en tant qu’être humain. Ce n’est pas pour rien que la cellule familiale qui est montrée semble tellement calquée sur la nôtre. Sans aucun doute, le jour où nous aurons des compagnons cybernétiques aptes à avoir une conscience, nous les considérerons comme nos esclaves personnels, incapables de les percevoir autrement que comme un outil à notre service.
Dans le même temps, l’équipage découvre une scientifique et un Kaylon atypique. Sur ce Kaylon, Timmis, et sur le choix qu’Issac est amené à faire, je n’ai pu m’empêcher de me remémorer la trajectoire de Data dans Star Trek La Nouvelle Génération, ainsi que celle de son frère Lore. Pour autant, ce n’est pas à une photocopie des personnages trekkien qui nous est donné à voir. La capacité à ressentir des émotions y est montrée d’une manière exclusivement positive.
Et le chemin qui mène Issac à se doter d’émotions est très différent de Data. L’androïde de Starfleet avait une vraie volonté de s’en doter, alors qu’Issac, à la base, se laisse convaincre par les arguments de Claire. Superbe prestation de Mark Jackson sur la transition soudaine entre un Isaac avec émotions puis sans. Les regrets de Timmis, sur la guerre, et ses explications sur le sort des Kaylons, permettent aussi de faire progresser psychologiquement le nouveau personnage de cette saison qui sans cela serait resté trop monolithique, l’enseigne Charly Burke. C’est ce qui lie les deux histoires Kaylons en une.
La troisième histoire est la relation amoureuse douloureuse entre Talla et John. C’est clairement l’ajout comique de cette semaine et les deux acteurs s’en donnent à cœur joie. L’attirance et les sentiments entre deux races extraterrestres n’est pas une condition suffisante à une relation suivie. Encore faut-il que le physique suive...
Et la quatrième histoire est également fort bien menée. Cette civilisation matriarcale dans sa beaufitude inversée donne également à réfléchir. J’ai beaucoup aimé la solution trouvée par Kelly pour préserver une forme de communication entre l’Union et les Janisi. Que la possibilité de tromper son conjoint soit le plus petit dénominateur commun entre les deux civilisations est une idée très originale. Cela compense la base de départ de la négociation. Je ne vois pas en quoi mentir sur les us et les coutumes de l’Union auraient pu déboucher sur un quelconque accord.
Bref, encore 75 minutes de bonheur avec The Orville.
LA CRITIQUE YR
Tout en continuant à offrir des conclusions ou des épilogues à des épisodes des deux premières saisons pour consolider au maximum le worldbuilding de la série avant son éventuelle annulation, The Orville 03x07 From Unknown Graves étend son spectre sémantique en chapeautant plusieurs thèmes et opus, exactement comme l’a fait The Orville 03x06 Twice In A Lifetime. La complexité internaliste en est la grande gagnante car la série démontre ainsi qu’elle est capable d’articuler en synergie de nombreuses problématiques, fructifiant intelligemment tous les germes plantés durant les premières années.
Déployé, non pas classiquement autour d’histoires A et B, mais carrément autour de six histoires (A, B, C, D, E, F) distinctes (dont quatre convergeront beaucoup), The Orville 03x07 From Unknown Graves est une composition chorale, exhalant la sensation d’un vaste univers où la main droite ne sais pas forcément ce que fait la main gauche, tandis que le champ narratif s’étend sur des siècles voire davantage.
Voici donc l’infographie éclatée du récit pluriel, assortie d’un découplage des notes (à l’instar des épisodes de Foundation)...
Histoire A : au travers de flashbacks objectifs séquentiels émaillant l’épisode (et par lequel celui-ci débute d’ailleurs), The Orville lève enfin le voile sur l’Histoire des robots Kaylons depuis leur création par des humanoïdes du même nom sur la planète Kaylon Prime il y a bien longtemps. En suivant le quotidien d’une parfaite petite famille (le père Verell, la mère Wenda, le fils Avim, et la fille Keena) ayant acheté le modèle robotique K-1, mais aussi le "PDG" (Yan) à la tête de la "multinationale" Vandicon commercialisant les Kaylon domestiques et prêt à sacrifier l’ontologie à ses dividendes, les spectateurs vivront ainsi les dernières années d’une puissante civilisation avant sa chute… telle une version accélérée de Caprica, la brillante série prequelle de BSG 2003.
Cette magnifique diachronie montrera comment une société humanoïde pas plus immorale à la base qu’une autre — entre le zist et le zest — a progressivement glissé du consumérisme hédoniste et geek (acheter des robots-à-tout-faire comme on achète des aspirateurs ou des machines à café) à l’esclavage le plus pervers et décomplexé à grande échelle (moyennant une normalisation ludique de la torture)... par commodité et vénalité (exploiter commercialement la sentience séduisante des robots en court-circuitant toute considération éthique dans la façon de les contrôler). Et c’est ainsi que, de serviteurs s’éveillant progressivement à la conscience et à la sentience, une espèce synthétique entière (les robots kaylons) a été réifiée avant d’être transformée en martyre dans l’indifférence générale… avant qu’une masse critique de souffrances collectives accumulées ne sonne le glas des maîtres-bourreaux par une rébellion exutoire et une extermination libératrice indifférenciée. En somme un rééquilibrage violent... comme il en existe tant dans la nature.
Oh le "soulèvement des machines", il n’existe pas un sujet plus classique depuis le Cycle des robots d’Isaac Asimov en littérature ou depuis la saga Terminator en audiovisuel, jusqu’à la très complexe série Odyssey 5 et même au récent nanar Moonfall (2022). Mais ce qui fait l’originalité de The Orville 03x07 From Unknown Graves, c’est d’avoir réussi — durant le temps polynomial d’un seul épisode — à faire ressentir par une expérience de vécu tout l’historicisme cycliques des pires crimes contre l’humanité. Ainsi, derrière le génocide impardonnable d’une civilisation entière se dissimule l’asservissement non moins impardonnable d’une autre... et qui contrairement aux esclaves biologiques (Spartacus...) n’avaient même pas le "luxe" de pouvoir "quitter ce théâtre de l’absurde" par "voie de suicide", tel un enfer perpétuel imposé. Pourtant, dans la société biologique Kaylon, il aurait suffi que des consciences morales et des voix publiques s’élèvent, à l’exemple de la "junior executive" de Vandicon (interprétée par Staci Lawrence), pour faire évoluer la condition des robots et ainsi éviter cette issue apocalyptique et cathartique fatale. D’où l’importance des luttes de classes et de l’existence de contrepouvoirs... Mais la tragédie de Kaylon pourrait être aussi celui d’une société où se serait un jour tenu (hors champ) un procès existentiel comme celui de ST TNG 02x09 The Measure Of A Man... mais où Bruce Maddox aurait gagné au lieu de Picard.
La possibilité d’émancipation fut la résultante de l’évolution endogène des robots Kaylon, mais également du développement clandestin d’une interaction distante entre eux tous, en d’autres termes d’une mise en réseau au nez et à barbe des organiques, soit la genèse même d’une force collective et coordonnée, le préalable à toute révolution. Certes, l’épisode ne dit pas si ce sont les créateurs biologiques qui ont eux-mêmes — sottement et/ou orgueilleusement — équipé par défaut leurs robots de mitraillettes crâniennes (par ex. à des fins de gardiennage ?) ou s’il s’agissait d’un auto-upgrade réalisé par les robots eux-mêmes dans le dos de leurs maîtres. Mais au fond, qu’importe la paternité de ces armes intégrées qui causeront la perdition de "l’humanité kaylonne", car dès lors que des IA aussi logiques et algorithmiques préparent une offensive, d’une façon ou d’une autre, et quitte à attendre le temps nécessaire, ils se donnent forcément les moyens de leur ambition via de nombreux coups d’avance pour ne laisser à leurs adversaires aucune chance.
Ironiquement, la seule réponse qu’auront été capables de produire les Kaylons synthétiques pour leur survie, c’est l’extermination intégrale, c’est-à-dire une violence extrémiste à l’image de celle que les Kaylons organiques leur ont fait endurer depuis qu’ils existent. Confirmant que la violence des révolutions est toujours à l’avenant de la violence des sociétés qui les engendrent. Du coup, les robots sont devenus sans en avoir conscience les vrais enfants et les parfaits héritiers de leurs créateurs humanoïdes aussitôt après les avoir génocidés, reproduisant ainsi le seul modèle qu’ils aient jamais connu, puis infligeant à leur tour à d’autres dans la galaxie le mal qui leur a été initialement fait. Soit un "déicide" scellant en réalité un acte de succession.
Ce récit de la Génèse des Kaylons robotiques est un pur bijou, à tel point qu’il aurait vraiment mérité un épisode dédié — cette histoire A faisant presque l’effet d’un best of elliptique.
5/5
Histoire B (bien différenciée au départ de l’histoire A déclinée dans le passé mais finissant par la prolonger dans le "présent") : les protagonistes découvrent dans les vastes villes souterraines de Situla 4 — une planète appartenant jadis aux Navarians (cf. The Orville 01x09 Cupid’s Dagger) mais désormais abandonnée — la Dr Villka, fille du ministre pagosan de la cybernétique, le Dr. Uhabbus. Pendant un an, le père et la fille ont réparé et tweaké un robot Kaylon rescapé de la Battle Of Earth (cf. The Orville 02x08+02x09 Identity). Icelui a été baptisé Timmis et il se distingue d’Isaac par des "yeux lumineux" oranges (et non pas bleus). Après avoir prudemment retiré ses armes crâniennes, les deux cybernéticiens ont trouvé une voie électrochimique dormante dans les récepteurs sensoriels de son cerveau, puis l’ont étendue et ont construit un nexus d’intégration dans son réseau cognitif (sic) pour l’éveiller au spectre complet des émotions biologiques ! Soit littéralement l’équivalent de la puce émotionnelle ("emotion chip") du Dr. Noonian Soong et dont Data (ou Lore) avait bénéficié tant bien que mal dans ST TNG 04x03 Brothers et ST TNG 06x26+07x01 Descent, puis durablement dans les quatre films de ST TNG.
Suscitant d’abord la défiance des protagonistes (à deux doigts de flinguer avant de causer), Timmis finira par séduire tout l’équipage de l’USS Orville par son émotivité et son empathie, mais aussi par ses profonds remords et sa dénonciation sans appel de la politique exterminatrice de ses semblables, mais néanmoins assorties d’une remarquable contextualisation de leurs motivations originelles, venant dialectiser l’histoire A.
La découverte des émotions par Timmis et la métamorphose comportementale (et morale) qui en a résulté (grâce à la géniale Villka et en amont à son père Uhabbus) laissera entrevoir un possible "remède" et une éventuelle porte de sortie inattendue au péril kaylon... De quoi offrir un potentiel renversement — à la fois inattendu et naturel (soit l’antithèse d’un twist sorti du chapeau) — à la situation de plus en plus précaire de l’Union (peinant depuis le début de la troisième saison à conserver ou conclure des alliances).
Mais ce faisant, The Orville semble accorder une valeur de panacée universelle aux émotions, bien davantage que le real Star Trek ne l’a jamais fait. Car faut-il rappeler que ce sont justement les émotions (et leurs extensions pulsionnelles ou passionnelles, narcissiques ou identitaires) qui sont à l’origine de la plupart des cruautés et des crimes de l’Histoire humaine. La maturité trekkienne de l’utopique Fédération demeurait à l’inverse un cheminement rationnel plus ou moins dans l’ombre de Surak, cherchant à faire prévaloir le logos (raison) et l’ethos (éthique) sur le pathos (émotion). Et si la quête de toute l’existence de Data était de devenir humain, pour rejoindre en quelque sorte son créateur le Dr. Noonian Soong, elle n’impliquait pas que les émotions étaient forcément la vertu suprême ni un garant de moralité, comme la relation dangereuse à "l’emotion chip" ou encore le miroir obscur de Lore ne cessaient de le montrer.
En réalité, la "thèse" que tente de défendre The Orville 03x07 From Unknown Graves est que seule la dimension émotionnelle permet d’accéder à l’empathie, à la compassion pour autrui, et à la capacité de remise en question — ce dont manquent de toute évidence les Kaylons dans leur ensemble. En dépit des innombrables contre-exemples du monde réel, ce débat reste malgré tout ouvert. Mais attention cependant à ce que The Orville ne solutionne pas la menace globale kaylonne au moyen du truisme hollywoodien et chrétien mais bien peu trekkien du "power of love".
4,5/5
Histoire C (distincte de l’histoire B, elle finira néanmoins par s’y adosser telle une application pratique) : la restauration (esquissée depuis la fin de The Orville 03x02 Shadow Realms) de la relation de couple entre Isaac et Claire, et qui sera mise à l’épreuve ici par l’exigence de Finn que son concubin robotique soit "opéré" par la Dr Villka pour y gagner les mêmes émotions que Timmis. Il en ressortira une illumination émotionnelle durant une séance holographique pesamment romantique (Isaac apparaissant pour l’occasion sous les traits de Mark Jackson), mais douloureusement éphémère… car Isaac se révèlera appartenir à une génération de Kaylons plus récente (fabriquée par les Kaylons eux-mêmes et non par leurs créateurs humanoïdes comme Timmis). Or chez Isaac, la voie électrochimique dormante dans les récepteurs sensoriels de son cerveau utilise des algorithmes de rétroaction mnémonique pour réguler les processeurs (sic). Leur réinitialisation ne permettrait qu’une recouvrance temporaire des émotions. Pour que ces dernières deviennent définitives, il faudrait recourir à une rétrogradation de sa voie électrochimique pour correspondre à celle de Timmis (re-sic)... mais au prix d’un complet effacement de la mémoire ! La Dr Villka imposera alors un authentique dilemme de SF à Isaac et à Claire : accéder aux émotions moyennant un reset mémoriel complet... ou alors conserver sa mémoire intacte mais dépourvue d’émotions (comme jusqu’à présent quoi). L’androïde aura l’élégance de laisser le choix décisionnel à son amie. Mais entre l’âme et le cœur (sic) de son bien aimé, Claire n’hésitera pas. Et ainsi, ouf, Isaac conservera son unicité et son altérité dans la série...
S’il fallait ne considérer que l’écriture très littéraire des dialogues par le vétéran de ST ENT, David A Goodman, et les interprétations inspirées de Penny Johnson Jerald et de Mark Jackson, l’histoire C serait assurément un chef d’œuvre romantique, pour un pur état de grâce suspendu entre ciel et cosmos. « Je croyais savoir tout ce qu’il y a à savoir, mais j’ai à peine effleuré la surface. C’est comme si pour la première fois, j’étais entier. La solitude d’être un Kaylon, c’est parti. Et tout ce que j’avais à faire, c’est t’embrasser ». La salve de déclarations sentimentales et de baiser langoureux dont Isaac inonde Claire sur fond de grande BO tire-larmes (qui en a oublié pour l’occasion sa retenue coutumière) convoque les comédies romantiques voire musicale de Broadway...
Le problème est justement que, passé l’esthétisme scénique, il y a quelque chose de trop parfait et de très artificiel dans cet enchaînement, entre l’idéalisation naïve de la fleur bleue et le propagandisme hagiographique des marieurs. Dans ST Generations, lorsque Data avait pour la première fois fait l’expérience de la puce émotionnelle — du moins de la façon prévue par le Dr. Noonian Soong et non pas sabotée par Lore — il multipliait les méprises et les bévues. Même si ce comic relief du film de David Carson n’avait alors pas fait l’unanimité, il avait néanmoins eu le grand réalisme de montrer que le premier contact avec un sens totalement nouveau est comme le premier pas d’un bébé n’ayant jamais marché. On trébuche, et pas qu’une fois, au point d’en être ridicule. En outre, la correspondance entre un "attachement rationnel" (comme celui d’Isaac pour Claire) et une vraie flamme sentimentale ne coule pas forcément de source, du moins pour qui n’a aucune expérience émotionnelle. Bien des méprises ou des contresens en la matière auraient gagnés à être mis en scène, d’une perspective cyber-comportementaliste...
Mais rien de tel avec Isaac : il n’a jamais éprouvé d’émotions dans sa vie au point de ne pas en comprendre le mot... mais à la seconde même où celles-ci surgissent... elles deviennent pour lui une langue natale… et le robot se transforme instantanément en Lord Byron ! Sérieux ? C’est peut-être beau et alliciant, mais ça frise le TGCM. In fine, l’éveil d’Isaac aux émotions aurait dû faire l’objet d’un épisode à part entière, et non d’une histoire C coincée parmi de nombreuses autres portant sur des enjeux civilisationnels objectivement prioritaires.
Malgré tout, difficile de ne pas être émerveillé par la construction narrative : Isaac a entrevu durant quelques minutes une fenêtre ouvrant sur une autre dimension (cognitive), c’est-à-dire sur une autre vie. Mais ladite fenêtre, si fugitive, s’est refermée à tout jamais... au point qu’il ne puisse plus la conceptualiser ni même se la rappeler.
Autant Claire avait agi au départ comme une consommatrice narcissique en exigeant qu’Isaac s’impose — sans le moindre recul — une thérapie de transition vers les émotions, comme on exigerait de votre copain qu’il vous fasse cadeau du dernier gadget à la mode. Autant elle aura été capable de sagesse, d’esprit de sacrifice, et finalement d’amour désintéressé en faisant le choix de laisser à Isaac son intégrité mentale plutôt qu’une mise aux normes du conformisme. Toutefois, il est assez irresponsable que nul ne se soit préoccupé de la "big picture", à la savoir les conséquences stratégiques funestes de l’incompatibilité du traitement du Dr Villka avec les "Kaylons nés de Kaylons" sans reset complet. Tout comme il est fort autocentré que Claire n’ait pas pris en compte dans son choix les conséquences globales si Isaac oubliait les raisons qui l’ont fait choisir l’humanité contre les Kaylons.
Quel paradoxe que cette histoire C : sublime en théorie… mais un peu factice en pratique, trop brève pour n’être qu’un fragment dans un épisode pluriel et polyphonique… mais trop prépondérante face au grand échiquier placé en vis-à-vis.
4/5
Histoire D (quoiqu’il soit possible de la considérer comme faisant partie de l’histoire B et indirectement de la A) : l’accélération brutale de l’évolution de Charly Burke envers les Kaylons suite à un échange déterminant avec Timmis qui réussira à la sensibiliser à la cruauté infinie du sort initial des Kaylons et donc aux raisons de leur rébellion originelle (illustré par les séquences de flashback). Cette prise de conscience de la sentience véritable des robots kaylons et de leur authentique capacité à souffrir laissera Charly proprement coite ! Puis l’épiphanie grandira progressivement en elle au point de l’éveiller à l’empathie envers les Kaylons. Enfin, ce sera la métanoïa et Burke remettra totalement en question son comportement haineux envers Isaac. Elle ira même à Canossa... en venant lui présenter d’elle-même des excuses — perspective encore impensable dans les épisodes précédents et qui constituera le mot de la fin de l’épisode.
Impensable en internaliste... mais néanmoins pas en externaliste. Car il ne fait aucun doute que le personnage bimbo de Charly Burke a été introduit dans la troisième saison dans ce seul et unique but. À savoir évoluer durant la saison pour offrir une rédemption, aussi bien à Isaac qu’à elle-même. Car il fallait en quelque sorte trouver un personnage — le plus hostile possible au départ — pour évoluer et pardonner symboliquement à Isaac, faisant de ce pardon un acte d’intégration et de baptême. Ayant accompli sa fonction narrative dès le septième épisode de la saison, elle pourrait donc quitter la série sans laisser de grands regrets aux spectateurs.
Soyons cependant équitables : les dialogues relatifs à l’examen de conscience et du repentir sincère placés dans la bouche de Burke sont impeccablement écrits, si bien que c’est un modèle académique du genre : « Une espèce entière ne peut pas être mauvaise. Voilà pourquoi ce que votre peuple a fait était si horrible. Mais voilà aussi pourquoi j’ai exagérément simplifié ma façon de vous traiter. Votre peuple était esclave. Et ça bousillerait n’importe qui, pendant longtemps. Et moi... je n’ai pas compris cette réalité. Du tout. Je suis désolé. »
Mais il n’en reste pas moins que le cheminement du personnage demeure un zeste prétexte et son retournement un poil rapide. C’est-à-dire quelque peu forcé aussi bien dans sa haine originelle contre Isaac que dans ses belles excuses actuelles. En outre, il est dommage que Charly n’ait jamais explicitement reconnu qu’elle devait sa survie à Isaac ni exprimé une quelconque reconnaissance pour le choix difficile de l’androïde en faveur de l’humanité et contre ses semblables.
3,5/5
Histoire E : l’équipage de l’USS Orville est chargé de négocier un traité d’alliance (mais pas forcément d’intégration au sein de l’Union) avec les Janisis... dont la société est radicalement matriarcale (misandrie assumée, infériorisation et réification des hommes...) et réputée intolérante envers les différences culturelles. Pour les accommoder et faciliter les négociations avec un délégation féminine (composée de la capitaine Losha, de la première officière Kava et de la première lieutenante Hodell), le staff de l’USS Orville a alors la "brillante idée" de reproduire à bord le même type de hiérarchie (femmes aux commandes, hommes cantonnés à des postes de faible responsabilité si ce n’est de serviteurs ou larbins). Mais lorsque Hodell trouve Ed à son goût et le "prend" d’autorité à des fins sexuelles, la pseudo-capitaine Grayson décide de révéler tout le subterfuge plutôt que d’affronter idéologiquement la captain Losha sur son terrain. Évidemment, les trois Janisis prendront mal cette manipulation organisée dès le début du sommet (un manque d’honnêteté peu compatible avec une alliance). Mais au moment où la délégation janisi s’apprêtait à quitter l’USS Orville avec pertes et fracas, un curieux "dénominateur commun" au parfum de candaulisme (les mariages janisis laissant aux femmes toute liberté à être infidèles à leurs époux mais sans que la réciproque soit vraie, ce que précisément ont vécu Ed & Kelly durant leurs années maritale) permettra de relancer les discussions diplomatiques sur des bases franches. Ce qui sauvera in extremis la situation en laissant une ouverture à un rapprochement, un envoyé diplomatique de la Planetary Union étant désormais le bienvenu au sein de la Janisi Regency.
Depuis des épisodes peu fameux comme ST TNG 01x14 Angel One et pas mal de mauvais giallos, cette histoire E s’inscrit dans un thème assez bateau et exposé à bien des simplismes, susceptible en outre de représenter une parodie (involontaire ?) du wokisme à la mode... qui glisse lui-même parfois dans la misandrie...
Beaucoup de clichés ici, notamment avec le recyclage du vieux discours (cys)genré selon lequel les hommes seraient des va-t-en-guerre conquérants, incapables de contrôler leurs pulsions, et méritant d’être écartés du pouvoir au profit des femmes, davantage bienveillantes et pacifiques. Non pas que cette théorie ne mérite pas d’être considérée et débattue, mais il est dommage qu’elle se voie articulée à la manière de l’une des dernières punchlines discréditantes de Boris Johnson (oubliant pour le bénéfice d’un tweet toutes les Catherine II, Isabelle la Catholique, Ching Shih, et Margaret Thatcher de l’Histoire). Mais pire encore, le manque de nuances de la représentation discriminatoire misandre ne symétrise aucunement la domination du patriarcat dans la grande majorité des sociétés humaines, a fortiori à ce niveau d’avancée technologique et donc d’inévitables contacts avec les autres civilisations. L’épisode fera des Moclans le point de mire de toute l’histoire E, notamment via l’emploi de la locution ironique "moclan situation" et parfois aussi de façon délicieusement humoristique d’ailleurs lorsque par exemple Bortus viendra s’indigner du caractère rétrograde des Janisis devant ses collègues médusés. Pourtant même les Moclans, qui criminalisent le sexe féminin dans leur propre société (cf. The Orville 01x03 About A Girl), n’ont jamais cherché à universaliser leur spécificité culturelle ni juger les autres à leur aune.
La stratégie concoctée par Ed et Kelly pour émuler la hiérarchie janisi à bord de l’USS Orville est en soi très contestable (difficile d’espérer bâtir une quelconque alliance sur un mensonge intégral). Mais elle pouvait cependant avoir le mérite diégétique de révéler que l’Union est tellement aux abois face à la multiplication des périls extérieurs (Kaylons depuis The Orville 02x08+02x09 Identity, prédateurs génétiques depuis The Orville 03x02 Shadow Realms, Krills depuis The Orville 03x04 Gently Falling Rain) que les officiers de la flotte en sont désormais réduits à se prostituer si nécessaire pour mendier quelques nouvelles alliances roboratives. Mais alors dans ce cas, le minimum de la responsabilité militaire était de se tenir à cette mise en scène, et pas seulement d’en faire un comic relief éphémère et inconséquent.
Épistémologiquement, il y aurait même eu un réel intérêt (et un certain courage) d’en profiter pour casser les clichés et entrer dans les nuances et les rouages internes de systèmes culturels et sociaux que l’utopie trekkienne/orvilienne et le wokisme contemporain réprouvent. Par exemple en montrant que tout ce que le politiquement correct anathématise à l’unisson ne se vaut pas pour autant. Et que par conséquent une société qui ne permettrait pas aux hommes (ou aux femmes) d’exercer le pouvoir ne serait aucunement l’équivalent d’une société où les hommes (ou les femmes) ne disposeraient ni du droit à disposer d’eux-mêmes ni de libre arbitre et seraient réduits à des esclaves sexuels destinés à des "harems" (pour le sexe opposé). Ainsi, lorsque les trois Janisis expliquent que les hommes de leur espèce ont été écartés du pouvoir car trop belliqueux alors que dans les même temps elles incarnent par leur comportement même tous les fantasmes masculins sur les Amazones guerrières, ou encore quand elles clament se soucier de leur gent masculine pour finalement estimer naturel (et universel) de les réduire à des objets dépourvus d’autodétermination… il y avait vraiment là un boulevard pour que la pseudo-capitaine Grayson mette en évidence les incohérences et les prétentions des postures de Losha / Kava / Hodell au nom même de leur discours ou de leur doctrine. Mais eût-il encore fallu pour cela chercher à comprendre l’altérité de leur culture en s’éloignant du trop plein de soi-même...
Malheureusement, Kelly fut incapable de saisir cette opportunité de faire avancer la pensée contre soi-même et le sens dialectique… pourtant à la portée des philosophes et des juristes antiques (e.g. à travers les distinctions très structurées entre patriciens, plébéiens, et pérégrins). Mais cette sorte "d’impuissance intellectuelle" est au fond le signe d’un manichéisme implicite, voire d’une forme de totalitarisme soft qui se refuse de penser des systèmes sociaux et politiques jugés nauséabonds, ce qui revient pour toute contre-argumentation à faire son coming out infatué et à dégainer la promotion de l’Union way of life ou rien comme réponse à tout. Du coup, même si ce n’est pas dans ces thématiques matriarcales (et genrées) que le Star Trek historique a le plus brillé, un épisode comme ST DS9 02x10 Sanctuary sut être incomparablement plus nuancé... et même, d’une certaine façon, ST TNG 01x14 Angel One (qui jamais ne perdit de vue la composante évolutionniste de l’équation).
En réalité, Grayson confirme une tendance régressive lourde qui avait commencé à se dessiner dans The Orville 03x05 A Tale Of Two Topas : Madame suit désormais son (bon) cœur et son inspiration du moment au mépris des plans et/ou des règlements, et tant pis pour les conséquences ! Et tel un prince consort, Mercer acquiesce toujours...
Malgré tout, l’histoire E n’est pas désagréable à suivre, notamment grâce au jeu de rôle décalé qu’elle offre, renvoyant aux bons souvenirs de la première saison de The Orville. Et son issue est élégante d’idéalisme, lorsqu’une mise à nue (et une confession) humiliante des héros réussit mieux que n’importe quel vaudeville maladroit. Comme pour dire que même l’obscurantisme peut parfois — parfois seulement — être réceptif à la raison... ou au désespoir.
Tout bien considéré, ce n’est déjà pas si mal. Mais cela aurait pu être tellement mieux…
3/5
Histoire F : la relation sexuelle entre John LaMarr & Talla Keyali, entamée dans The Orville 03x06 Twice In A Lifetime, et qui devient de plus en plus intenable étant donné les considérables deltas de force et de résistance physiques entre les corps humains et les corps xelayans (natifs de la planète Xelaya dont la gravitation est très supérieurs, cf. The Orville 02x03 Home). Durant leurs séances copulatoires homériques, Talla infligera involontairement à John de nombreuses blessures physiques... qui auraient pu être tragiques de nos jours mais néanmoins aisément soignées au 25ème siècle. LaMarr s’efforcera de les imputer officiellement à des sessions d’entrainement, malgré l’incrédulité croissante du personnel médical (Claire Finn en tête).
En dépit des apparences, il s’agit moins d’une allégorie de sexe BDSM (ou de pain porn) que d’une exploration des limites de viabilité de certaines relations intimes inter-espèces, l’attraction physique entre extra-terrestres étant susceptibles de se heurter à des incompatibilités physiques insurmontables. Somme toute, les émotions et le désir ne sont pas toujours une raison suffisante face aux lois naturelles et physiques.
Fait rare dans la troisième saison New Horizons, l’angle sera cette fois pleinement humoristique. Entre le running gag assumé des visites penaudes à l’infirmerie d’un John complètement défoncé dans tous les sens du terme (mention spéciale à scène où il crache toutes ses dents) et la parodie assumée d’un mélodrame larmoyant du côté de "Hulk" Talla, l’histoire F aura renoué avec l’esprit décalé de la première saison de The Orville... mais cependant pas au détriment de la crédibilité de son propos contrairement à l’histoire E.
Dispensable mais plaisant.
4/5
Il ne fait aucun doute que The Orville 03x07 From Unknown Graves bénéficie de toute la finesse d’écriture du real Star Trek. Il réussit à traiter de sujets graves et même d’une extrême violence (l’esclavage, la torture, l’extermination) sur plusieurs temporalités différentes, avec une distanciation et une sobriété toute bermanienne, sans recourir aux facilités du spectacle, de l’action... ou du pathos larmoyant. En ce sens, il pourrait être considéré comme le digne héritier du chef d’œuvre indépassable ST TNG 02x09 The Measure Of A Man (dans sa version longue si possible) à l’échelle de l’univers de The Orville.
En outre, l’épisode accomplit ce "miracle" typiquement trekkien de dé-manichéisation par changement de référentiel.. en apportant d’infinies nuances empathiques pour relativiser et même comprendre ce qui semblait être jusque-là le mal absolu, les Kaylons. Exactement comme Star Trek le fit successivement à propos des Klingons, des Ferengis, des Borgs, des Cardassiens... au gré des focus immersifs ou exploratoires et des changements de référentiels. Une manière intelligente de pousser les spectateurs à toujours défier leurs idées reçues au nom du doute et du scepticisme.
Enfin, plaisir qui ne se boude pas, ce septième épisode de la troisième saison signe le grand retour de l’humour, du moins sur deux de ces histoires (E et F).
Malheureusement, The Orville 03x07 From Unknown Graves souffre également du tropisme récurrent de la série à vouloir sacrifier l’intérêt général à l’émoi particulier.
Aucun choix contestable ni de décision irresponsable à déplorer ici, du moins pas dans des proportions comparables à ce qu’avait mis en scène The Orville 03x05 A Tale Of Two Topas. Mais néanmoins en filigrane, transparait une priorisation des zones de confort de chaque officier... et une promotion peu trekkienne des vertus curatives et salvatrices des émotions anthropocentrées (voire de l’amour). La moraline n’est plus bien loin...
Ainsi, quand il apparaît soudain qu’Isaac ne peut durablement suivre la voie de Janisis, nul à bord ne se préoccupe de la compromission corollaire du projet de transformer les ennemis Kaylons en amis, mais toute l’attention est portée sur les conséquences pour le couple Claire/Isaac comme si c’était bien là le plus important.
De même, lorsque Isaac laisse à Finn le choix final le concernant, elle prend certes la bonne décision de ne pas le reseter... mais seulement par convenance personnelle (pour conserver "l’âme" dont elle est amoureuse), sans songer une seule seconde aux conséquences tragiques (pour l’USS Orville et peut-être même pour l’humanité) que soit effacé de la mémoire d’Isaac le vécu qui l’a conduit à entrer en dissidence contre les siens pour sauver la PU.
Ou encore, lorsque Kelly s’est décidée sur un coup de tête révéler aux matriarches janisi la vérité quant au caractère mixte/égalitaire/paritaire de sa société, elle a pris le risque (un peu comme dans The Orville 03x05 A Tale Of Two Topas avec la transition de Topa) de ruiner une alliance tactique (dont l’Union avait pourtant désespérément besoin) pour la seule satisfaction de sa conscience et au mépris du plan décidé en amont (aussi contestable qu’il soit mais auquel elle avait pleinement adhéré).
Ce n’est donc pas forcément un hasard si la focalisation sur les relations personnelles (Claire/Isaac et John/Talla) prend progressivement le pas sur les vastes sujets de société par lesquels avait débuté l’épisode (l’Histoire tragique des Kaylons, la possibilité et l’utilité stratégique de réveiller leurs émotions, l’alliance avec les rétrogrades Janisis...), avec pour effet de les diluer ou les affadir. L’épisode avait commencé dans un général ambitieux, et il s’est achevé dans un particulier (trop) intimiste (et finalement sous-traité).
En définitive, les principales faiblesses de The Orville 03x07 From Unknown Graves résultent peut-être (?) du format extensible de l’épisode... qui désormais atteint une durée de 1h13 (plus long que chacun des précédents à la façon de la quatrième saison de Stranger Things) ! À force d’être affranchie (à l’ère de la SVOD) de toute contrainte de durée, la série a parfois tendance à s’épancher et se disperser en multipliant les histoires parallèles — pas moins de six lièvres chassés à la fois — toutes plus ou moins interconnectées, mais dont la qualité et l’utilité peuvent s’avérer, si ce n’est disparates, du moins inégales. En y perdant parfois le sens de la synthèse, de l’unité, et surtout de la hiérarchie, certaines thématiques autocentrées se retrouvent paradoxalement à occuper à la fois trop de place (par rapport à d’autres collectivement plus importantes) et pas assez (par rapport à leurs richesses propres).
Si "bien" que des dramaturgies existentielles majeures semblent sans cesse interrompues par du small talk ; sauf que c’est un trompe-l’œil, car il n’y a en réalité aucun small talk, juste des changements d’échelle et de priorités, ainsi que de nombreuses ruptures tonales et rythmiques. Telle est la difficile condition d’un épisode qui en concatène (ou en agglutine) plusieurs très hétérogènes, pour en devenir à la fois trop long et trop court. Prenant le risque de ne satisfaire pleinement personne, alors qu’il a largement de quoi combler tout le monde.
Une situation qui conduirait presque à regretter les contraintes imposées par les diffuseurs au Star Trek historique, dont les durées préformatées (entre 51 et 41 minutes selon les séries et les saisons) mettaient parfois à l’étroit certaines problématiques ambitieuses... mais où chaque sujet, chaque réplique, chaque développement étaient chirurgicalement essentialisés et priorisés.
Or à pousser dans des sols trop fertiles et confortables, les vignes cessent parfois de faire de grands vins...
Et dans le même temps, qui trop embrasse mal étreint...
Un peu dommage donc... même si l’épisode demeure tout de même du bien bel ouvrage et un Star Trek quasi-authentique. L’écriture est le plus souvent superbe, mais la structure relativement contreproductive. Brillant mais frustrant.
Faire un seul épisode avec la matière de plusieurs, serait-ce le symptôme d’une précipitation à l’approche d’une fin de saison qui pourrait bien être la dernière ?
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