For All Mankind : Critique 3.02 Game Changer
FOR ALL MANKIND
Date de diffusion : 17/06/2022
Plateforme de diffusion : Apple TV+
Épisode : 3.02 Game Changer (Changer la donne)
Réalisateur : Sarah Boyd
Scénaristes : David Weddle & Bradley Thompson
Interprètes : Joel Kinnaman, Shantel VanSanten, Jodi Balfour, Sonya Walger, Krys Marshall, Cynthy Wu, Casey W. Johnson, Coral Peña, Wrenn Schmidt et Edi Gathegi
LA (brève) CRITIQUE (non-analytique pour une fois)
Si For All Mankind 03x01 Polaris avait très efficacement entériné le passage d’une décennie tout en offrant une saisissante piqûre de rappel sur les périls spatiaux à grand renfort d’adrénaline, For All Mankind 03x02 Game Changer explore à l’inverse avec une grande finesse les dessous et les arcanes des diverses structures impliquées dans la course vers Mars, à la fois en égratignant plusieurs figures emblématique du main cast (Margo, Danielle, Ellen...) et en en introduisant un nouveau visage (Dev Ayesa) appelé à matérialiser le changement d’ère et de philosophie.
For All Mankind 03x02 Game Changer ose se dispenser de toute scène d’action et de tout spectacle. En dépit de quelques brèves séquences lunaires (célébrant le rêve d’enfance d’Aleida, désormais en charge du développement de Sojourner 1, et révélant que Jamestown est désormais devenue aussi vaste que la Moonbase Alpha de Space 1999), même les SFX sont ici réduits à leur portion congrue. Et pourtant, rarement l’implication émotionnelle des spectateurs n’aura été aussi grande…
Utilisant intelligemment les quelques faiblesses internalistes de For All Mankind 03x01 Polaris pour grandir la diégèse tout en exacerbant les contrastes narratifs, ce second épisode de la troisième saison de FAM révise le logiciel de la série. Ce n’est désormais plus un grand jeu à deux (USA vs. URSS)... mais à trois (vs. Helios Aerospace) !
Or dans la mesure où la chronologie s’est considérablement accélérée et que la troisième saison constitue une hybridation entre l’uchronie et le Zeitgeist, il n’y a rien de si étonnant à ce que les sociétés privées se lancent elles aussi dans la course. D’autant plus que la conquête des airs et de l’espace reste indissociable des initiatives privées (y compris dans le monde réel) comme l’a fort justement rappelé Dev Ayesa à travers un historique documenté durant la séance de présentation médiatique (en mode Steve Jobs) du vaisseau Phoenix (basé sur son rachat de la station Polaris à Karen Baldwin). Helios Aerospace se dévoile tel un rêve éveillé : innovante (ayant développé un moteur révolutionnaire au méthane lui permettant de lancer la mission martienne dès 1994 soit deux avant les agences spatiales étatsuniennes et soviétiques), collégiale, égalitaire (le PDG est logé à la même enseigne que tous ses employés, n’ayant même pas de bureau personnel), démocratique (décisions par vote à main levé de tous ses employés), possiblement placée sous un régime d’autogestion.
Par :
la subtilité des dialogues et des non-dits (brisant toute tentation de manichéisme et de positionnement axiologique),
la démystification courageuse de tous les personnages (y compris féminins) de la série : l’incontinente provocation de Molly qui exacerbe les inclinations dirigistes de Margo, l’incommunicabilité entre l’égocentrisme d’Edward et le militantisme woke de Danielle, le fétichisme passionnel irrésolu de l’héroïque Danny qui le transforme en pathétique stalker...
la maturité d’un soap opera devenant indissociable de la grande Histoire : la réconciliation entre Edward et Karen Baldwin puis leur reconquête conjointe des honneurs astronautiques via l’outsider Helios constitue un grand moment du rock’n’roll, le mariage utilitaire mais fécond entre Ellen et Larry est un miroir de celui d’Hillary et de Bill à l’assaut de la magistrature suprême...
la brillante exploration des évolutions sociétales : la bureaucratie ringardisant l’esprit pionnier, la séduction du management horizontal et son illusion d’égalitarisme collégial voire de socialisme utopique, le cynisme politique auquel même les plus idéalistes doivent se plier pour faire la différence...
l’exposition sans complaisance ni romantisme des conflits de génération : le dumping insultant des vétérans héroïques au profit des plus jeunes et/ou des plus diplômés (oui, Ed, heureusement que le mythique Deke Slayton n’est plus là pour voir ça), l’exploitation médiatique de l’icônisme et des héros patriotiques…
la radioscopie des lignes de forces complexes d’une société où a survécu la concurrence idéologique entre le libéralisme et le communisme... renforçant paradoxalement le capitalisme en partie commun aux deux (privé vs. d’état), tout en faisant naître de singulières chimères comme Dev et sa collégiale Helios...
... For All Mankind 03x02 Game Changer compose un tableau sociologique, politique et psychologique d’un alter-réalisme dans faille et d’une complexité proprement inouïe — possiblement même à un niveau encore inédit dans FAM !
Peut-être parce que la série a osé pour la première fois ne pas être politiquement correcte (e.g. la revanche jouissive des has been et la scène finale de Molly dans son bain). Ce qui confère soudain à cet épisode la justesse et la vérité de l’indépassable... Mad Men (2007-2015) de Matthew Weiner !
Cerise sur la pièce montée, le Phoenix de Dev Ayesa est un hommage à l’astronef homonyme de Zefram Cochrane qui fut, lui aussi, un game changer non gouvernemental dans Star Trek First Contact (du même auteur RDM).
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