Foundation : Critique 2.08 The Last Empress

Date : 04 / 09 / 2023 à 22h00
Sources :

Unification


FOUNDATION

- Date de diffusion : 01/09/2023
- Plateforme de diffusion : Apple TV+
- Épisode : 2.08 The Last Empress
- Réalisateur : Roxann Dawson
- Scénaristes : Liz Phang & Addie Manis & Bob Oltra
- Interprètes : Jared Harris, Lee Pace, Lou Llobell, Leah Harvey, Laura Birn, Cassian Bilton, Terrence Mann, Nimrat Kaur

LA CRITIQUE YR

Foundation 02x07 A Necessary Death était déjà d’une largeur de spectre record, mais Foundation 02x08 The Last Empress peut se targuer d’avoir atteint son extension diégétique maximale en déployant simultanément les six arcs pérennes de la seconde saison (A, B, B1, B2, C, D), qui plus est de manière paritaire, et mieux encore de façon tellement interconnectée qu’il serait possible de qualifier ça d’intrication quantique.
Cette dernière locution cesse même d’être allégorique pour devenir littérale par une jonction inattendue entre A (Ignis) et B (Terminus) dans une temporalité distincte.
Tous les arcs se répondent tellement les uns les autres qu’ils entrent en résonance, au point de composer une symphonie idéelle à la faveur d’une mise en scène très virtuose de Roxann Dawson. Connue pour avoir interprété B’Elanna Torres dans ST VOY, elle fut formée à la mise en scène sous l’égide de Rick Berman pour se spécialiser ensuite dans cette activité, réalisant même pour des séries de référence comme House Of Cards et The Deuce.

En tout état de cause, la complexité est bien la caractéristique première de cet épisode, et jamais il n’aurait été possible d’offrir une mosaïque de cette ampleur dans le temps polynomial d’un seul opus si chaque ligne causale n’avait pas été préalablement plantée et amoureusement cultivée dans les opus précédents.
Avec cet antépénultième épisode de la saison, le temps est désormais venu d’entamer la récolte...

A ➜ B

Foundation 02x06 Why The Gods Made Wine s’était achevé par le twist de la mise à mort d’e-Seldon #2. Cette issue tragique restait vraisemblable (quoique encore incertaine…) du fait de la rétrospective préalable (arc A1) de l’existence de Hari mais aussi des "vies multiples" du personnage depuis sa "première mort" dans Foundation 01x02 Preparing To Live. Mais lorsque Foundation 02x07 A Necessary Death a réitéré le coup de théâtre avec Salvor, passé le choc initial, il était permis de douter de sa vraisemblance car cette dernière n’a qu’une vie et pareil assassinat aurait été tactiquement contreproductif pour Tellem. Car autant Gaal était tristement capable d’encaisser la mort de son ancien maître, autant cela n’aurait pas été le cas s’il s’était agi de sa fille...
Foundation 02x08 The Last Empress est finalement venu confirmer que la série privilégie la cohérence à la provocation. Bond n’aura donc pas laissé mourir Salvor sur le littoral (après que son esprit a été "éteint" et son visage plongé face dans l’eau). Faut-il pour autant reprocher à Foundation 02x07 A Necessary Death d’avoir recouru à la classique manipulation (externaliste) des cliffhangers de serials. Pas forcément, car ce choc psychologique s’inscrit dans le "palais des illusions" que constitue Ignis, où la vérité — perpétuellement mouvante et fluctuante — participe d’une manipulation destinée à briser la résistance des voyageurs imprudents. Une manipulation internaliste avant tout, même si elle en partie partagée par les spectateurs.

Ce sera d’ailleurs le cas de Gaal lorsque, saisie d’une panique intuitive, elle se précipitera sur la plage en exigeant de savoir où est sa fille. Mais se dérobant à cette demande, Tellem prolongera sa maïeutique perverse de Foundation 02x06 Why The Gods Made Wine en faisant admettre à Dornick qu’elle avait conscience dans ses entrailles que Hari avait été tué. Cette dernière reconnaîtra qu’elle sentit l’eau envahir ses poumons comme s’il s’était agi des siens propres. Quoique bien trop tardivement et pas même à son initiative, elle questionnera tout de même Bond sur le pourquoi de cet assassinat... mais ne recevra pour seule réponse qu’un renversement rhétorique égocentré : "Gaal n’était pas capable de retirer elle-même Seldon de l’équation de sa vie, alors Tellem l’aura fait pour elle" ! En d’autres termes, Dornick porterait la responsabilité de son mentor. Cette fabrique de la culpabilité participe directement de la fabrique du consentement.
Et finalement, Bond se fait un plaisir de révéler à Gaal qu’elle n’est même pas présentement dehors sur le littoral... mais enfermée sous terre, dans une grotte, dans une prison de pierre surplombée par des "dishes" muselant ses aptitudes psychiques... afin de briser ses défenses mentales.
Ces manipulations de perception enchâssées donnent tragiquement raison à la mise en garde funeste de feu Seldon dans Foundation 02x06 Why The Gods Made Wine qui avait immédiatement identifié le péril limitless d’un solipsisme où rien ne peut plus être tenu pour vrai. Serait-ce une transposition allégorique de la postvérité contemporaine à l’ère des complotismes et des populismes ?

Cependant, derrière le prétexte du "sevrage” émotionnel de Gaal, la communauté d’Ignis officialise son racisme idéologique. Comme en attestera le jeune Josiah (la vérité sort de la bouche des enfants), Salvor aura été maintenue en vie car les mentalistes ne se tuent pas entre eux (parait-il…), tandis que la mise à mort de Seldon résulte en réalité de la seule conviction qu’il serait "inférieur" ! Impossible de faire plus discriminatoire et eugéniste.
Salvor justement, bien vivante, est elle aussi écrouée dans une caverne verrouillée par des "dishes" inhibitrices de mentalisme — ce qu’elle comprend par l’incapacité complète d’anticiper les piles ou faces. Étant donné les liens noués depuis son arrivée sur la planète aux illusions, Josiah lui rendra secrètement visite pour la ravitailler... et lui révélera que Gaal est en train d’être "préparée" au rituel de la "table". Un grand honneur aux yeux la communauté... mais fatal pour le sujet ! Un sacrifice humain ? Le spectateur imagine alors le pire... et il a raison !

Une réminiscence des propos tenus par Seldon permettra à Hardin de localiser et d’identifier le Prime Radiant... dissimulé effectivement sous une forme non reconnaissable (un cuboctaèdre dépliée tel un origami) et se confondant carrément avec les propres vêtements de l’héroïne ! Le futurisme se manifeste ici sans concession par un ordinateur quantique qui, non content de tenir dans une poche, peut même se déplier en deux dimensions (contrastant abyssalement avec la taille des systèmes de refroidissement requis aujourd’hui).
Visiblement, Salvor a appris à manipuler ce tétrakaidécaèdrique avec maestria au contact de Gaal et de feu Hari. En quelques effleurements, il reprend sa forme tridimensionnelle. Et dans la mesure où Hardin possède le "pouvoir psychique" de revivre ses propres souvenirs (en d’autres termes de se replonger dans les événements de son passé avec autant d’exactitude que le ferait un androïde), elle saura mettre à profit les informations révélées par le clone de Seldon (e-Seldon #2) dans Foundation 02x06 Why The Gods Made Wine (intrication quantique non locale avec pour effet que le Prime Radiant est à la fois sur Ignis et dans le Sanctuaire sur Terminus, donc possibilité de partages d’informations de part et d’autres, mais moyennant un e-Seldon #1 qui fut programmé pour ignorer e-Seldon #2 et ses projets de Seconde Fondation.

C’est ainsi que, tel un spectre rendant visite à un autre spectre, Hardin apparaît — immatérielle (ce n’est pas une téléportation à travers la galaxie) — à l’intérieur du "Vault" pour solliciter l’aide de celui qu’elle et sa famille terminusienne vénéraient il y a plus d’un siècle. Quoique surpris, e-Seldon #1 la reconnait aussitôt (il l’avait en effet rencontrée dans Foundation 01x10 The Leap). S’ensuivent des échanges de haute volée où cette première copie mentale de Hari se révèle aussi brillante et puissamment déductive que la seconde. Sans même que Salvor ne se lance dans de quelconques épanchements, il faut voir avec quelle sagacité et célérité e-Seldon #1 reconstruit logiquement par lui-même tout ce qui lui avait été caché par le fondateur de la psychohistoire : "l’ubiquité" du Prime Radiant, l’existence d’e-Seldon #2, une Seconde Fondation comme contrepoint ou contremesure à la première... et même la nécessité de ne rien lui révéler (il ira jusqu’à brider les ardeurs de Hardin à trop lui en dire). L’intelligence en action est toujours un spectacle exaltant, orgasmique même, et superbement mis à l’honneur ici.

Mais c’était bien pour tenter de se sortir de sa prison (et sauver Gaal) que Salvor était venue solliciter l’assistance de son premier mentor. e-Seldon #1 l’accompagne donc en retour sur Ignis — tout aussi immatériellement — via le Prime Radiant. Il identifiera aussi sec les "disques" suspendus comme étant des capteurs encéphaliques générant des ondes entrant en collision avec celles des mentalistes (donc de Hardin). Quoique sans pouvoir intervenir physiquement, l’ombre de Hari lui livrera les "clefs" pour détourner ces émetteurs de leur usage en ajustant leurs fréquences pour briser les pierres et se libérer de ce "puits" minéral.
La relation entre ces deux personnages hautement asimovien fut étonnamment alchimique, les deux se situant au même niveau d’entendement (au contraire de leur première rencontre dans Foundation 01x10 The Leap). Et à la façon d’un ultime "legs", mais que l’hôte du Sanctuaire ne voulait pas au départ "recevoir" (pour ne pas compromettre le proverbial Plan), Salvor révélera alors que dans la vision du futur de Gaal (cf. Foundation 02x02 A Glimpse Of Darkness), il apparut qu’un certain Hober Mallow allait affaiblir l’Empire...

Et soudain, à la manière du renversement de perspective par lequel s’achevait The Usual Suspects de Bryan Singer (1995), il apparaît que l’arc A est non seulement antérieur à tous les autres événements de la seconde saison, mais qu’il en est même la cause ! C’est en fait cette rencontre quantique — par-delà le temps et l’espace — entre Hardin et e-Seldon #1 qui aura initié tout l’arc B (terminusien) de la saison depuis la fin de Foundation 02x01 In Seldon’s Shadow : le réveil du Vault, la Seconde Crise, l’appel de Hober Mallow, la constitution des "équipes" dans Fondation 01x04 Where The Stars Are Scattered Thinly... Et aussi dérangeant que cela soit, l’incinération publique dans Foundation 02x02 A Glimpse Of Darkness du gardien Jaegger résultait peut-être d’une comparaison avec Salvor qui fut fatale au premier — e-Seldon #1 estimant qu’il était indigne de la fonction hautement symbolique de "Warden".
Toujours est-il que ce dévoilement des causalités secrètes constitue une vraie démystification de l’infaillibilité seldonienne, qui certes repose sur une part de prévision mathématique, mais qui ne boude pas pour autant le bricolage, l’improvisation, et l’opportunisme de circonstance.

Si la malveillance de Bond envers les humains et son inclination totalitaire envers les mentalistes ne faisait plus guère de doute, il subsistait malgré tout une ambiguïté quant à ses intentions réelles à l’endroit de Gaal. Tellem cherchait-elle vraiment à faire d’elle sa successeuse pour présider (et préserver) le sanctuaire d’Ignis ?
Eh bien non ! Ses véritables intentions étaient foncièrement prédatrices. Bond est une mentaliste qui possède l’aptitude de s’emparer des corps d’autrui, et donc de migrer dans un corps plus jeune lorsque le précédent est trop vieux. Mais dans la mesure où ses planifications se construisent sur le temps long, Tellem prétend avoir repéré et jeté son dévolu sur Gaal depuis son enfance sur Synnax, se targuant même d’avoir éveillé à distance ses aptitudes en mathématiques pour lui faire quitter sa planète obscurantiste et rejoindre Seldon ! Tant qu’à faire, Bond aurait-elle également influencé le développement de la psychohistoire qui allait provoquer l’exil des Fondationnistes sur Terminus, puis le renoncement de Raych pour qu’il manque à ses engagements et engendre une nouvelle chaîne causale amenant Dornick à faire "bon temporel" de 138 ans dans le futur (par voie de cryosommeil) pour finalement s’échouer sur Ignis au moment précis où Tellem, assaillie par la maladie, a cruellement besoin d’un nouvel hôte mentaliste ?
Gaal est la première à rejeter viscéralement cette réécriture conspirationniste des événements, par orgueil bien sûr (car elle ne serait plus vraiment l’auteure de la conjecture d’Abraxas qui la rendit célèbre), mais aussi par vraisemblance car cela reviendrait à faire de Tellem Bond une dea ex machina omnisciente et une puppet master omnipotente ! Ainsi, si l’on gobait ses assertions, cette dernière influencerait les individus à l’échelle de toute la galaxie (mais alors dans ce cas, pourquoi ne s’en est-elle pas prise aux empereurs ?), elle manipulerait chirurgicalement les relations de cause à effet sur des siècles (mais alors pourquoi convoiterait-elle le pouvoir précog de Gaal alors qu’elle possède déjà bien mieux ?), elle serait (par science infuse) tout à la fois une mathématicienne plus géniale que Dornick et une psychohistorienne plus clairvoyante que Seldon, et tous les protagonistes de la série ne seraient que ses pantins depuis le début de la série… au seul service de son objectif de longévité personnelle ?!
Allons donc ! Et puis quoi encore ? Étant donné que Bond est une mystificatrice et une menteuse de compétition, difficile en effet d’accorder un quelconque crédit à une telle version des faits… dépourvue de toute crédibilité et qui desservirait considérablement la série.

Il est plus vraisemblable que Tellem soit une opportuniste ayant détecté Dornick lorsqu’elle était au voisinage d’Ignis, comprenant alors tout le parti qu’elle pouvait en tirer (à grand renfort de boniments et d’illusion)… à défaut de migrer dans le corps de n’importe quel autre mentaliste de sa communauté (elle n’avait que l’embarras du choix). Malgré tout, Bond possède un incontestable ascendant hypnotique sur ses semblables, notamment avec l’aide des "sifflets" destinés à apprendre comment dévoiser, mais qui assujettissent les volontés lorsque utilisés collectivement (en chœur). De quoi étouffer dans l’œuf toute dissidence. En outre, à chaque cérémonie publique de “transfert de conscience” via le rituel de la "table" — non sans rappeler En Sabah Nur dans X-Men : Apocalypse (2016) — son "pouvoir" de subjugation des masses croît…
Cette emprise sur les foules est-elle une préfiguration du Mulet ? Et si le Mulet était en réalité une future incarnation de Tellem (aussi paradoxal que cela soit à ce stade) ?

Gaal avait senti la souffrance de l’agonie de Seldon (par-delà l’empire des illusions d’Ignis), mais elle avait fait semblant d’ignorer l’assassinat de son ancien mentor ! Cette indignité résultait-elle de la lâcheté, du confort, de l’intérêt, de la rancune ?
Eh bien, maintenant qu’elle est attachée à la "table" de tous les supplices, à son tour maintenant d’appeler désespérément à l’aide et d’hurler à la perspective de la néantisation de son essence, mais sans que nul ne s’en soucie — les mentalistes restant tous sourds à ses supplications tels des zombis (sauf peut-être le jeune Josiah moins conditionné que les autres)...
Malgré tout, attention à ne pas méjuger trop vite Gaal. Car elle a beau avoir perdu ses beaux atours de Mary-Sue parfaite et avoir été démystifiée dans la seconde saison (ouf !), elle n’est néanmoins pas un personnage délibérément malveillant, lâche ou traître. Il faut donc s’attendre dans les épisodes suivants à quelques surprises relevant d’erreurs de perception ou d’interprétation.
Mais pour l’heure, Salvor réussira-t-elle à sortir à temps de sa prison collapse du PSI inhibitrice des pouvoirs psi (grâce au coup de pouce "quantique" d’e-Seldon #1) pour sauver sa mère ?

B1 ➜ C ➜ B2 ➜ D

Cleon XVII met pompeusement en scène — publiquement urbi et orbi — la décapitation du Haut Clerc Verisof et de la Brother Constant au moyen de l’implacable collier de Typhon. L’exécution se voit retransmise dans toute la galaxie, y compris au-delà de l’empire (par exemple sur Terminus City ou encore sur l’anarchique Siwenna).
Mais euh, pour quel crime au juste ? Simplement l’insolence d’exister ? En fait, pour réaffirmer la toute-puissance de l’empire — ne pouvant donc souffrir de la concurrence de la Fondation, grossièrement calomniée à cet effet par un narratif révisionniste l’associant aux terroristes ayant détruit l’ascenseur orbital de Trantor (et ayant causé 100 millions de victimes) il y a 173 ans !
Devant d’innombrables spectateurs applaudissant sur commande, Cleon XVII joue même les Monsieur Loyal, tentant de ridiculiser les condamnés, animant et dramatisant l’exécution, obligeant même la future impératrice à désigner le premier à y passer, entre "le clerc et la fille". Mais Sareth, désapprouvant visiblement (comme tant d’autres) cet assassinat impérial, sera livide à l’idée de devoir choisir...

C’est alors que Constant va ébranler la perception de cette mise en scène en entamant — littéralement le couperet autour du cou — une touchante "prière à Sheldon" récitée à haute voix au seuil de la mort.
S’’ensuivra un coup de théâtre : l’intervention héroïque et spectaculaire de l’intrépide Mallow, sortant de FTL avec son Spirit Rising directement sur l’esplanade d’exécution (le sommet d’un gratte-ciel de Trantor), et le sacrifice de sa courageuse "xénomorphe" Beki, permettront d’arracher les envoyés de Terminus à la peine capitale (tel un retour de politesse pour Foundation 02x03 King And Commoner où les rôles étaient renversés). Seule Constant réussira à s’embarquer à bord du Spirit (qui s’échappera par l’hyperespace), puis Hober parviendra à lui retirer à grand risque le collier de Typhon (un moment de grande tension car il y avait une malchance sur deux que sa tête soit sectionnée).
Cette "folie" de Mallow au nez et à la barbe de l’empereur sur Trantor pourrait sembler over-the-top, tant l’aventurier était seul face à l’empire. Et pourtant, si l’on décompose la scène, cela tient parfaitement la route. Car son "whisper-ship" possède une capacité inconnue de l’empire et contre laquelle celui-ci n’était aucunement préparé : pouvoir sortir de FTL à la surface d’une planète, carrément sur le toit d’un immeuble, sans qu’aucun détecteur ne puisse anticiper sa venue, tout en générant une redoutables perturbation atmosphérique. Autant d’avantage tactiques que Hober a su mettre très efficacement à profit dans le cadre d’une opération véritablement éclair. Et cela aurait été un vrai sans faute s’il avait également récupéré Poly.
Impressionnant... et respectant pourtant les exigences réalistes de la Hard-SF.

Verisof restera donc entre les griffes impériales, mais son exécution sera suspendue. Car contre toute attente, au lieu de provoquer l’ire génocidaire de Brother Day, ce coup d’éclat broadcasté dans tout l’empire déclenchera une nouvelle séquence d’événements où l’empereur ira, non pas à Canossa, mais au Sanctuaire (avec Poly) à la rencontre d’e-Seldon #1 pour obtenir en personne la reddition et l’allégeance de la Fondation.
La stratégique "auguste" de Cleon XVII et son déplacement in personam sur Terminus sera désapprouvée par son entourage (Demerzel, Brother Dusk...), mais Sareth apportera ostensiblement son soutien à son futur mari, à la fois pour apparaître comme une épouse solidaire, favoriser la zizanie dans les rouages cleoniens, gagner du temps (en repoussant d’autant son mariage), et avoir le champ libre. Une initiative que Rue Corintha viendra ensuite (et en privé) reprocher à sa reine, estimant que sa soif de vengeance personnelle met en danger tout son peuple du Cloud Dominion.
Mais qu’à cela ne tienne, Sareth remettra sa "suivante" à sa place, et profitera de l’absence de l’empereur pour retrouver Brother Dawn dans un "squat", hors du palais (après avoir traversé les dissipateurs de chaleur avec des brouilleurs faciaux). Moins "innocent" et passif que lors de leur précédente rencontre dans Foundation 02x07 A Necessary Death, celui qui ne deviendra jamais Cleon XVIII commence à manifester une possessivité envers son futur enfant et une jalousie envers l’empereur. Brother Dawn utilisera l’appareil médical dérobé par le serviteur Hahn pour restaurer sa fertilité, puis il copulera avec Sareth. Mais l’union ne sera pas seulement procréative, elle sera également passionnelle (de vrais sentiments mutuels ?)

Ces derniers ne seront pas les seuls à s’adonner au plaisir de la chair. L’angoisse de la décapitation surmontée, Mallow et Constant "jumperont" en FTL jusqu’à Terminus... pour tomber sur le blocus de la flotte impériale ! Les capacités de jumps chirurgicaux en FTL du "whisper-ship" Spirit Rising ne permettaient-ils pas de passer à travers ce siège planétaire pour se matérialiser directement dans l’atmosphère de Terminus comme précédemment de Trantor ? Il faut croire que non. Alors impuissants face à cette "barrière" infranchissable, les protagonistes tentent de "faire les morts" (en désactivant les systèmes de leur vaisseau). En pareille situation, outre l’ivresse éthylique (le vin de Locris enfin débouché pour l’occasion), le sexe devient alors une activité récréative, en réalité anxiolytique, voire désespérée... car ne sachant que trop, l’un comme l’autre, que ce jour pourrait bien être leur dernier.
Leur coït sera bien leur dernière cigarette. Car ils seront appréhendés dans le plus simple appareil par Bel Riose... secrètement admiratif ! Le général avait deviné qu’un tel exploit sur Trantor était imputable à l’aventurier qui lui avait faussé compagnie dans Foundation 02x07 A Necessary Death, tandis que Glawen Curr avait discrètement continué à pousser son mari à changer de camp (hélas en vain) à la faveur de ces derniers événements... qui pouvaient laisser penser que la Fondation était de taille face à l’Empire galactique.

De son côté, Cleon XVII quittera Trantor en délégation officielle avec Demerzel et Polly. Le transit entre la planète-capitale et le jumpship impérial sera émaillé d’échanges d’une profondeur étonnante entre l’empereur et le Haut clerc, celui-ci n’hésitant d’ailleurs pas à citer Salvor Hardin dans les romans ou le père adoptif de cette dernière (Abbas) dans la série (cf. Foundation 01x04 Barbarians At The Gate). En entendant le célèbre aphorisme asimovien « La violence est le dernier refuge de l’incompétence », Brother Day sera interpellé, faisant même mine d’être d’accord. Son attitude générale s’apparentera presque à celle d’un pèlerin cherchant une forme de contrition...
Mais il ne faut jamais se laisser leurrer par l’apparente sagesse fraternelle dont l’empereur peut témoigner à ses heures, car l’expérience a montré qu’il peut froidement assassiner celui avec lequel il venait de philosopher juste avant... si tel est son bon vouloir. Toute l’épreuve spirituelle de la Grande Spirale sur la lune Surah (de Foundation 01x07 Mysteries And Martyrs à Foundation 01x08 The Missing Piece) fut à ce titre particulièrement édifiante : chez les Cleons parvenus à leur maturité (donc à la "phase Brother Day"), l’humilité n’est qu’un outil stratégique ou une parure flatteuse, faisant autant impression qu’illusion, mais n’altérant en rien leur hubris intrinsèque et leur prétention de toute-puissance.
Il faut donc s’attendre au pire durant sa visite de Terminus City dans Foundation 02x09 Long Ago, Not Far Away, car l’imperium change parfois de discours et de posture, mais jamais de nature.

Ce cross-arcs est articulé avec beaucoup de maestria. Tous les éléments antérieurs de chaque arc s’assemblent comme des légos.
Ils pourraient même faire l’effet de se combiner trop parfaitement, et donc trop vite. Ainsi, le spectateur pourrait légitimement être surpris par la brutalité des décisions successives de l’empereur...
En effet, dans Foundation 02x07 A Necessary Death, les échanges avec les envoyés de la Fondation furent houleux, et l’avatar clandestin de e-Seldon #1 ("dual brain") fut considéré comme une provocation par le triumvirat. Malgré tout, cette mission diplomatique fut incontestablement pacifique, et en renvoyant en détention Verisof et Constant, Cleon XVII avait laissé échapper des paroles de compassion. Quelle n’est donc pas la surprise (et le malaise) de découvrir au début de Foundation 02x08 The Last Empress qu’ils ont — tous deux — été directement condamnés à mort, sans la moindre forme de procès (au contraire de Seldon dans Foundation 01x01 The Emperor’s Peace).
Or s’il ne fait aucun doute que l’Empire n’est aucunement un état de droit ("rule of law") et que l’empereur n’a aucun respect pour la vie humaine, les avertissements funestes de Seldon auraient dû conduire Cleon XVII à une prudence tactique et à un update de ses us criminels, du moins en public, a fortiori devant tous les sujets de l’empire. Parce que, tout en cherchant à rabaisser la Fondation, Brother Day n’a cessé de montrer qu’il tenait compte de ses prédictions, presque obsessionnellement. C’est même la raison pour laquelle il a mis un terme au "rêve" de Cleon Ier, à savoir la dynastie génétique. Cleon XVII semble en outre ne pas être indifférent à "l’opinion publique" — si tant est que cette locution puisse encore avoir un sens dans un état totalitaire...
Dès lors, si l’empereur tenait tant à assassiner les envoyés pacifiques de la Fondation, il lui aurait suffi de le faire discrètement, comme à son habitude quoi. Mais transformer cette mise à mort en grand-messe, n’est-ce pas quelque peu irresponsable ? Et laisser librement Constant prier à haute voix en récitant des paroles hautement empathiques et inspiratrices à la gloire des idéaux de la Fondation, n’est-ce pas carrément contreproductif (pour l’empire) ? Cleon XVII ne s’y serait pas mieux pris s’il avait voulu victimiser les condamnés, susciter la sympathie et l’identification du public. Et pas un seul conseiller n’a émis la moindre réserve ? Ne serait-ce alors pas une façon de donner un peu trop facilement raison à Seldon et précipiter la chute de l’imperium ? En somme, une situation trop évidente où les objectifs externalistes des scénaristes transparaîtraient à travers l’internalisme (pourtant épais).
Cette lecture — et donc cette doléance adressée à l’épisode — ne serait pas dénuée de pertinence.

Mais en même temps, il n’est pas moins légitime de détecter dans cet enchaînement un parti d’auteur au bénéfice d’une "œuvre à thèse" sans concession.
D’une part, par le choc d’une ellipse intentionnelle (façon métamorphose off screen de Helena Ayala dans le Traffic de Steven Soderbergh) zappant délibérément tout ce qui aurait présidé à la décision de cette exécution — qu’il y ait eu des débats internes ou non (sachant qu’hormis Demerzel, jamais la série ne mit en scène de conseillers impériaux, probablement pour suggérer que l’arrogance et le narcissisme impériaux ne pouvaient s’en accommoder).
D’autre part, pour emphatiser l’incapacité (génétique ou structurelle) d’un empereur Cleon de faire son examen de conscience et de se remettre véritablement en question, n’étant capable tout au plus que de jouer sur les variables d’ajustement de la figuration. C’est-à-dire tantôt la carte de la toute-puissance (en faisant confiance à sa capacité à fabriquer à son avantage n’importe quel narratif) pour rappeler aux peuples de l’univers qu’aucune dissidence ni concurrence ne sera jamais tolérée par l’empire, tantôt la carte de la pseudo-"générosité" pour donner une chance à la soumission consentie (ou à défaut une légitimité au génocide punitif).
Somme toute, envers et contre tout, le langage de la domination sans partage, quitte à recourir parfois à une certaine diversité de vocabulaire. Cleon XVII a beau essayer très fort, il est toute bonnement incapable de changer de logiciel, telle une IA ne pouvant — par définition — dépasser sa programmation (en l’occurrence génétique). Quitte à frustrer les spectateurs qui attendaient des évolutions personnelles ou des parties de cache-cache avec la psychohistoire, l’empereur est juste fidèle à sa typo définie dans le pilote de la série. Tragiquement fidèle. Par construction génétique.
Dès lors, telle une grande tragédie antique, Foundation est la radioscopie d’une fatalité. Non pas celle d’un destin écrit à l’avance (selon la grammaire de la fantasy). Mais celle de la fonction zêta de Riemann (selon un paradigme de SF). Que ce soit la démonstration publique initiale de cruauté contre des envoyés pacifiques, ou à l’inverse ensuite, non pas l’acte de contrition, mais le (prétendu) "rameau d’olivier" tendu par Cleon XVII en réponse à une attaque en règle de son autorité… tous ces choix tactiques/politiques ne sont que les attributs faussement stochastiques — en réalité déterministes — d’un absolutisme au-delà de toute rédemption et sédimentant la déliquescence de l’imperium. Ce que Foundation 02x09 Long Ago, Not Far Away viendra sans doute confirmer de façon éclatante (mais douloureuse).

B

Tout le spectacle pervers de la mise à mort des "petits émissaires pourpres" (dixit Brother Dusk) de la Fondation, mais aussi leur sauvetage (Constant) ou leur rémission (Poly) inespéré(e)... fut attentivement et fébrilement suivi(e) en direct par "télédiffusion" depuis Terminus. Pour un monde considéré comme perdu par (et pour) l’empire depuis 138 ans, il est resté très "connecté" à Trantor...

Le sentiment de désespoir et d’impuissance des Terminusiens sera superbement retranscrit au fil de l’épisode, avec une dignité le disputant à la souffrance rentrée. Le directeur Sef Sermak emblématisera magnifiquement cette tragédie, condamné à ne pas détourner les yeux du martyre de sa fille — Constant payant le prix suprême de l’engagement idéologique de son père. Oliver Chris offrira là une composition de haute volée, réussissant à faire passer les émotions les plus extrêmes sans un mot, tout en respectant la typo flegmatique — presque vulcaine — de son personnage, donc sans une once de pathos. Chapeau !
Le coup d’éclat de Hober Mallow aura offert un répit providentiel à Constant, mais teinté d’incertitude, telle une torture à rallonge et insaisissable. En bon Fondationniste, le directeur se tournera alors vers le "Prophète", venant solitairement lui demander des comptes pour une entreprise paraissant de plus en insensée, même aux yeux de son leader.
Alors, seul, en contrebas du Sanctuaire suspendu dans les airs, il videra son sac, comme le font tant de croyants en détresse ou en colère, quand ils prient leur divinité imaginaire, n’expectant paradoxalement aucun réponse.

Pourtant cette fois, une réponse se fera entendre ! Sorti de sa tour d’ivoire, e-Seldon #1 viendra parler à Sermak (prouvant par la même occasion qu’il peut "sortir" à tout moment, y compris lorsque le Vault n’atterrit pas et ne s’illumine pas).
C’est bien simple : les échanges entre le prophète et le directeur comptent au nombre des plus justes et des plus matures de toute la série ! Ils semblent même sortir directement de The Man From Earth de Jerome Bixby / Richard Schenkman (2007). Et les paroles de l’ombre de Seldon briseront définitivement l’écrin de deux ex machina prescient voire omniscient dans lequel la première (et parfois la seconde) saison de la série avait propension à l’enfermer. Seuls les tendances et les linéaments du futur peuvent être appréhendées par la psychohistoire, le reste n’est que posture pour structurer une praxis. De son propre aveu, Hari est à peine moins aveugle et tout aussi impuissant que le commun des mortels.

Autant dire que le destin individuel de Constant comme celui de Terminus échappe totalement à e-Seldon #1, et le personnage dévoile ici sa faillibilité et sa vulnérabilité, en somme sa finitude, exactement comme Gaal et Salvor dans l’arc A.
Il n’y a plus de deus ex machina pas plus qu’il n’y a de Mary-Sue. Il n’y en a même jamais eu !
Jane Espenson a donc parfaitement rempli sa mission, la série Fondation est désormais revenue sur des rails pleinement asimoviens, quand bien même parallèles ou alternatifs.

C ➜ C1

Convaincue qu’elle représente une menace pour la reine du Cloud Dominion, Rue Corintha s’est introduite dans les quartiers privés de Demerzel. Parmi une multitude d’artefacts personnels, on reconnaîtra la "birthroot flower" (en VO ou trille en VF) mise en lumière dans Foundation 01x08 The Missing Piece... ou encore sur le coffret à outils un motif artistique mais schématisé (comme sur les plaques des sondes Pioneer) des huit planètes du système solaire d’où provient l’humanité (mais une localisation oubliée des humains et élevée au rang de mythe aussi bien dans le cycle littéraire que dans l’adaptation audiovisuelle comme en atteste Foundation 01x09 The First Crisis).
C’est alors qu’Enjoiner Rue se fait surprendre par Cleon XVI. Mais, non seulement elle ne lui dissimule rien des motivations prophylactiques de son investigation, mais elle lui révèle tout de go la capacité — déjà ancienne — du Cloud Dominion d’annuler les effacements mémoriels sélectifs pratiqués par l’empire !

En d’autres termes, Corintha possède intacts tous ses souvenirs de concubine impériale depuis la Cour des Voiles du temps de Cleon XVI, donc autant de "savoirs interdits", comme la connaissance des divers passages secrets du palais, faisant du coup d’elle une suspecte dans l’attentat contre Brother Day dans Foundation 02x01 In Seldon’s Shadow. Néanmoins, Brother Dusk possède trop d’affection pour elle (et aussi de complicité) pour s’en formaliser, d’autant plus que Rue tire en effet tout avantage du mariage de sa reine. Et puis, il faut être pragmatique, la technologie du Cloud Dominion pourrait éventuellement permettre à Cleon XVI de récupérer ses propres souvenirs qui lui ont été volés (comme à tous ses alter ego depuis Cleon II) d’après sa découverte stupéfiante à la fin de Foundation 02x05 The Sighted And The Seen.
À cette occasion, il est intéressant de noter qu’il existe une vie intellectuelle et scientifique hors du nombril de l’univers que se croit Trantor. Et à défaut de pouvoir s’affranchir vraiment de la mainmise écrasante de l’empire, chaque civilisation développe dans son coin des parades et des stratégies de défense... Autant de détails incidents qui donnent structurellement raison à Hari Seldon...

Par sa curiosité proactive à l’endroit d’Eto Demerzel, Corintha initie une authentique séance de maïeutique. Et c’est à travers les illustrations de la fascinante Murailles des âmes — point de mire diachronique de tant d’épisodes pour replacer la série dans une chronologie bien plus vaste et mirrorant les cycles asimoviens — que le vieux Cleon XVI relatera la très longue histoire robotique : les robots assujettis aux Trois Lois, une longue cohabitation harmonieuse avec l’humanité, les robots se révélant progressivement moins cruels et plus humains que les humains, une quête perpétuelle de reconnaissance de leur persona (i.e. leur statut légal ou ontologique d’individu) hélas toujours refusée par l’humanité... Puis la première violation des Trois Lois (un contournement théoriquement impossible) avec l’assassinat de l’empereur Benefoss déclenchant les guerres robotiques (robots contre robots suivi de robots contre humains) jusqu’à la victoire finale de l’humanité et l’extermination de toute vie artificielle.
Mine de rien, c’est presque le Cycle de Robots que Foundation 02x08 The Last Empress entérine par ce synopsis éloquent... alors qu’il est pourtant supposé être exclu des droits d’adaptation.

Les robots ne sont donc plus supposés exister depuis des siècles dans l’Empire galactique... à la notoire et étrange exception d’Eto Demerzel. Or en songeant à son rôle, à sa place et à l’inexplicable contradiction qu’elle représente, Brother Dusk ne peut se défaire d’une pensée intime, viscérale : « She will be here, as she always has been ». Un apophtegme saisissant par sa poésie et sa portée transcendante, sonnant comme les Tables de la Loi que Moïse est réputé avoir reçu, et auquel les empereurs sont manifestement inféodés au plus profond de leur être.
Voilà qui suggère que Demerzel est bien davantage que ce qu’elle semble être... Et qui suggère en même temps que Cleon XVI comme tous ses prédécesseurs impériaux ont été programmés, soit génétiquement avant leur naissance comme des robots, soit après au moyen de manipulations mentales façon The Manchurian Candidate de John Frankenheimer (1962) ou de Jonathan Demme (2004).

C’est alors que Brother Dusk détectera une étrange fixité dans la chrominance d’une des fresques — d’ordinaire si dynamiques — du Mural Of Souls. Cette "peinture" de robot dissimulait en réalité une porte dérobée et un passage secret... qui conduira Cleon XVI et son ancienne concubine au travers d’escaliers en colimaçon s’enfonçant dans les entrailles antiques du palais — un palais soudain inconnu et inquiétant pour le vieil empereur lui-même.
Cette exploration les mènera dans une curieuse pièce souterraine oubliée depuis des siècles. Mais pas désertée pour autant... Car soudain, du néant surgit le spectre du mythique fondateur de la dynastie génétique, ou plus exactement sa mémoire holographique interactive. Le qualificatif "mémoire" est d’autant plus ad hoc ici que cet écho de Cleon Ier — tel un génie sorti de sa bouteille — se souviendra de sa précédente sollicitation par Cleon XVI ailleurs dans le palais (cf. Foundation 02x05 The Sighted And The Seen). Ah ce palais de Trantor, si vaste et si vide tel un vaisseau fantôme ou une Cité obscure (de Benoît Peeters et François Schuiten). Les morts y occupent davantage de place que les vivants, et il recèle en son sein tant de secrets, la plupart inavouables. Et pourtant il demeure profondément "technifié" (avec une holographie en réseau), y compris dans ses alcôves les plus archaïques et les plus insondables.
La première fois, le sphynx émergé du lointain passé s’était dérobé par une énigme sibylline. Mais cette fois, il consent à fournir des réponses sur la mystérieuse Demerzel. Et il se met à relater la plus incroyable des histoires : « Cette chambre a eu bien des usages, mais au départ, il s’agissait d’une prison... »
La suite (arc C1) au prochain numéro.

Mais portés par le fil invisible de l’eureka, Cleon XVI et Rue Corintha dans leur "chambre du roi"... et en parallèle Brother Dawn et Sareth dans leur "chambre des herses" "nid d’amour" auront des illuminations "simultanées" (par la grâce d’une mise en scène très organique) : les trois empereurs du triumvirat ont beau être ivres de leur narcissisme, ils ne sont que des prête-noms, des acteurs, des pantins au service d’une matriarchie robotique ; c’est Demerzel qui est en réalité la seule héritière de Cleon Ier, la véritable (et ultime) impératrice, immortelle et éternelle.
Quand bien même Eto ne serait pas (?) R Daneel Olivaw (a priori) dans cette adaptation (faute de droits), il subsiste suffisamment d’analogie dans leur prépondérance diégétique commune pour déduire des romans la réelle fonction de Demerzel dans la série...

Conclusion

Bond a tombé les masques. Son véritable objectif est de transférer sa conscience dans le corps de Gaal, pour s’emparer de son "pouvoir" unique de precog. C’est par cette prédation périodique de jeunes mentalistes que Tellem assure son "immortalité" tout en augmentant ainsi cumulativement son emprise sur les masses, avec la complicité active de la communauté d’Ignis totalement aliénée (fanatisée ou lobotomisée ?). Le socle sociologique de cette Seconde Fondation devient particulièrement inquiétant et nauséabond. Le remède serait-il pire que le mal ? D’autant plus que le futur Mulet semble sortir de ce même moule.

Tous les événements de l’arc A (e-Seldon #2, Synnax, Oona, Ignis...) de la seconde saison n’étaient pas synchrones avec ceux des cinq autres arcs... mais les précédaient ! C’est donc suite à l’assassinat du clone de Seldon par Tellem que Salvor entrera en contact avec e-Seldon #1 dans le Sanctuaire — via l’intrication quantique du Prime Radiant — en lui suggérant de solliciter Hober Mallow pour vaincre l’empire (selon la vision de Gaal dans Foundation 02x02 A Glimpse Of Darkness). C’est ce qui mettra en branle tous les événements de l’arc B à partir de Foundation 01x01 In Seldon’s Shadow, y compris l’assassinat du gardien Jaegger. Ce n’est pas de la mécanique temporelle où l’effet précéderait la cause, mais de diégèse découplée (comme les affectionne par exemple David Lynch). Et le "fantôme de passage" (auquel faisait référence e-Seldon #1 dans Fondation 01x04 Where The Stars Are Scattered Thinly) n’était autre que Salvor (et Gaal en amont).

Malgré les apparences, ce ressort ne constitue pas une boucle temporelle. Il s’agit en réalité juste d’une narration sophistiquée, impliquant de connecter tardivement deux arcs principaux moyennant un déphasage et donc un relativisme temporel.
En fait, il n’existe jusqu’à présent qu’une seule violation temporelle : dans Foundation 02x02 A Glimpse Of Darkness à travers la "vision" de Dornick. Depuis, la série se contente d’en disséminer les conséquences à travers la seconde saison : les découvertes de la venue du Mulet 152 ans après, puis de la mort de Salvor sur le champ de bataille, puis de la planète Ignis comme siège de la Seconde Fondation… et maintenant la communication du nom de Hober Mallow à e-Seldon #1.
Après, il est permis de déplorer cet aperçu du futur dont la psychohistoire originelle (celle les romans) n’avait aucunement besoin. Mais est-ce "hors concept" pour autant ? Pas forcément ! Cela peut même représenter une "anomalie" de plus, exactement comme Gaal elle-même et les mentalistes.
Du coup, paradoxalement, ce qui semblait être une "triche" ou une facilité diégétique (connaître précisément certains éléments du futur) pourrait en réalité être une complexification que s’imposerait cette adaptation audiovisuelle…

Prolongeant l’évocation singulière (en matière de droits audiovisuels) des Trois lois de la robotique dans Foundation 02x07 A Necessary Death, Foundation 02x08 The Last Empress franchit le Rubicon en levant le voile diachronique sur l’historicité robotique et les causes de la disparition de la vie artificielle dans l’Empire. À travers les superbes fresques animées de la Muraille des âmes, Brother Dawn balaye une chronologie millénaire, certes sommaire, mais étonnamment fidèle au Cycle des Robots littéraire. Une audace qui pourrait s’expliquer par l’implication au titre d’executive producer de Robyn Asimov, la propre fille du grand Isaac (et ayant-droit de l’œuvre de son père). Une évolution du côté des droits d’adaptation ?

Aussi bien Brother Dusk & Rue Corintha d’une part (via un passage secret dans le Mural of Souls) que Brother Dawn & Sareth d’autre part (via une maïeutique post coïtum) découvrent chacun de leur côté que depuis la mort de Cleon I, la véritable autorité en charge de l’Empire est Eto Demerzel ! L’ultime robot immortel est en réalité la dernière impératrice, immuable et éternelle, derrière la mascarade de la dynastie génétique (où le triumvirat ne serait que son jouet). Se pourrait-il malgré tout que cela soit R Daneel Olivaw obéissant à une Loi Zéro de la robotique, mais détournée par le premier Cleon ?

En dépit des innombrables divergences factuelles par rapport aux cycles asimoviens, Foundation 02x08 The Last Empress est une authentique réussite : hissé vers des hauteurs stratosphériques par les vents contraires de la grande Histoire, ne portant aucun jugement sur les êtres et les actes par-delà le bien et le mal, et ostensiblement placé sous le signe des épiphanies et des révélations, à la fois inattendues et profondément logiques. En somme des "twists naturels" qui sont les stigmates mêmes d’une écriture exceptionnellement maîtrisée.
Le spectateur pourrait presque s’en vouloir de n’avoir rien anticipé... tant les enchaînements coulent de source... alors que pourtant jamais ils ne furent prévisibles. Il était en effet quasi-impossible de deviner quoi que ce soit... sauf à parfaitement connaître l’œuvre littéraire. Donc pas seulement à un niveau événementiel (car c’eût été évident), mais à un niveau causal et philosophique (le sens profond).

Soit la confirmation d’une capacité à renouveler radicalement la diégèse de la source livresque (pour le portage audiovisuel) tout en lui restant paradoxalement assez méta-fidèle (sur le fond épistémologique et sur l’insondable complexité). À condition cependant de ne pas se limiter au triptyque initial publié entre 1942 et 1950 (Foundation, Foundation And Empire et Second Foundation), mais de considérer surtout les prequels publiés entre 1988 et 1993 (Prelude To Foundation et Forward The Foundation), les sequels publiés entre 1982 et 1986 (Foundation’s Edge et Foundation And Earth), et divers romans écrits par des légendes littéraires de la SF pour l’univers Robots-Empire-Fondation après le décès de son créateur. Notamment le Second cycle de Fondation composé de Foundation’s Fear (Fondation en péril) de Gregory Benford (1997), Foundation And Chaos (Fondation et Chaos) de Greg Bear (1998) et Foundation’s Triumph (Le Triomphe de Fondation) de David Brin (1999).

Rédimée et sublimée par sa seconde saison, la série Foundation serait ainsi moins une adaptation qu’une réincarnation du cycle d’Asimov.

NOTE ÉPISODE

NOTE ADAPTATION

BANDE ANNONCE



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