Foundation : Critique 2.05 The Sighted And The Seen
FOUNDATION
Date de diffusion : 11/08/2023
Plateforme de diffusion : Apple TV+
Épisode : 2.05 The Sighted And The Seen
Réalisateur : Alex Graves
Scénaristes : Joelle Garfinkel & Jane Espenson
Interprètes : Jared Harris, Lee Pace, Lou Llobell, Leah Harvey, Laura Birn, Cassian Bilton, Terrence Mann, Nimrat Kaur
LA CRITIQUE YR
Foundation 02x05 The Sighted And The Seen se resserre cette fois autour de deux arcs... qui se complexifient inéluctablement.
A
Foundation 02x03 King And Commoner s’était achevé par un cliffhanger de taille : la conscience d’e-Seldon #2 s’était incarnée dans un corps. Cadeau de "l’inhumaine" Kalle sur Oona... peut-être par voie de clonage, faisant dès lors de Hari le pendant des empereurs génétiques. Y a-t-il vraiment un lien entre la singularité du Prime Radiant et la mystérieuse entité de Oona ?
Toujours est-il que c’est subjectivement une résurrection à laquelle est confrontée le fondateur de la psychohistoire, aussi surpris que Gaal et Salvor. Avec la redécouverte de la pesanteur, du déplacement pedibus cum jambis, de la douleur... Avec la sensation envoûtante d’être vivant, de ressentir, mais aussi d’être à nouveau adossé à un subsconscient et donc à des hantises : un flashback des derniers instants douloureux de sa "vie antérieure" (le refus de Raych de mettre à mort son maître et père spirituel, puis le passage déchirant à l’acte, finalement l’agonie), suivi d’une troublante "visitation" de Foss (comme sorti d’outre-tombe pour reprocher à Hari ses manipulations, son utilitarisme, son indifférence envers les vies individuelles y compris celles de ses plus proches face aux enjeux collectifs). Un parfum de "jugement dernier", mais à l’envers...
Les interactions entre Hari, Gaal et Salvor seront à la fois pétillantes et profondes, témoignant d’une vrai (et rare) maîtrise scénaristique. Et d’un commencement d’alchimie...
L’interception (pour la première fois depuis le début de la seconde saison) de transmissions des temps "présents" leur permettront de découvrir que la Fondation s’est étendue en 138 ans dans tous les Outer Reach (Spires extrêmes) de la galaxie, que la psychohistoire passe désormais pour une religion, et les Terminusiens pour des magiciens. Si Gaal et Salvor seront choquées, Hari déclinera toute responsabilités quant aux initiatives de son homologue virtuel (e-Seldon #1) et estimera cette évolution banale en l’entérinant par un cynique mais savoureux : « les hommes adorent se prosterner ».
Alors qu’Hari avait déployé tant d’efforts pour se désincarner (comme le fera remarquer Gaal) afin de mieux s’accorder au caractère impersonnel du Plan Seldon, la faiblesse de sa nouvelle chair le reconnectera à son humanité perdue. Malgré la faible emprise du soap sur la série (l’inverse serait anti-asimovien), Hari prendra soudain conscience que Gaal est en quelque sorte sa belle-fille et Salvor sa petite fille (puisque feu Raych était son fils spirituel et adoptif).
Le trio finit par atteindre Ignis, la planète supposée abriter la (future) Seconde Fondation. Des particules anions dans l’atmosphère font toutefois perdre à Salvor le contrôle de son Beggar qui se crashe à la surface... ou plus exactement survit à un violent atterrissage non (ou peu) contrôlé (il est donc très possible que l’astronef demeure réutilisable avec ou sans réparation). Dans tous les cas, une séquence saisissante et spectaculaire évoquant grandement l’écrasement sur Veridian III de la soucoupe de l’USS Enterprise D dans ST Generations...
Toujours proactive en "mode bad ass", Hardin part alors seule explorer la jungle... pour finalement tomber sur... Hugo Crast... supposé mort depuis près d’un siècle ! Très sceptique au départ, elle ne demande en fait qu’à se laisser convaincre par une explication boiteuse, trop heureuse de pouvoir tomber dans ses bras... Il prétendra l’avoir suivi dans le cosmos, et toujours "connecté" au Beggar (on ne sait comment), il aura appris sa plongée dans le cryosommeil. Il l’aura alors imité (pour rester "synchrone" avec elle), demandant à son ancien vaisseau de le réveiller à distance en même temps qu’elle (magique). Puis il aura su anticiper sa destination sur Ignis (faut-il que ce soit un spot évident). Un vrai conte de fée qui ne pouvait marcher que sur une jeune fille amoureuse et en deuil.
Mais quitte à être l’éternel rabat-joie, Seldon ne se laissera pas du tout mystifier par ce bullshit invraisemblable. Il détectera notamment des écarts de mensurations et de poids chez le pseudo-Hugo. L’impossibilité de lui transférer les commandes du vaisseau (alors qu’il en était le propriétaire originel) sera l’ultime confirmation de l’imposture. Hari lui refuse donc l’accès au vaisseau... à l’indignation générale.
Quant à l’incroyable crédulité de Salvor, elle est probablement imputable aussi à la puissance de la manipulation mentale qui lui a été infligée, ne portant pas seulement sur les sens mais aussi sur la cognition !
Seldon comprend donc que tous les indicateurs d’une redoutable menace sont réunis, il demandera alors à Gaal de cacher en urgence le Prime Radiant quelque part dans le Beggar mais sans lui révéler où...
Bien lui en a pris, car peu après, le Beggar est pris d’assaut ! Des inconnus parviennent à pénétrer à l’intérieur en perforant à l’explosif une zone probablement fragilisée de la coque (suite au "crash landing"). Les trois protagonistes ne sont pas en mesure d’opposer une quelconque résistance car les assaillants provoquent aussitôt leur évanouissement (« éteignez leurs esprits ») par simple volonté mentale.
C’est ainsi qu’apparaissent pour la première fois dans la série des mentalistes (mentallics en VO) — si l’on fait abstraction de la vision du Mulet en un autre temps, ainsi que de Gaal et de Salvor elles-mêmes. Bien sûr, les lecteurs d’Asimov l’avaient vu venir, car ils connaissent bien la nature de la Seconde Fondation. Pour le coup et sur ce plan, l’épisode aura été très fidèle à la configuration télique de l’œuvre littéraire. Ce qui peut paradoxalement questionner les limites d’une trop parfaite conformité à la source littéraire — à l’exemple du Dune de Denis Villeneuve — car ayant alors (pour les connaisseurs) la prévisibilité d’un orgue de barbarie déroulant sa carte perforée...
Le trio reprend connaisse dans un édifice ancien recouvert de végétation. Difficile de ne pas songer aux temples précolombiens en Amérique centrale (par exemple au Yucatan).
Seldon comprend qu’il s’agit en fait de l’antique palais d’été de l’empereur Kandar V il y a mille ans, laissé à l’abandon durant l’ère cléonique... Un parti pris qui antisymétrise le cycle littéraire puisque la Seconde Fondation avait élu domicile sur Trantor même.
La mère et la fille suivent le fil subtil de chuchotements (qu’Hari ne détecte pas) à travers un dédale d’escaliers sculptés dans la pierre (il y a presque un côté Vol 714 pour Sydney de Hergé), et tombent finalement sur une assemblée hiératique déployée autour d’un naos et vénérant une prétendue déesse-enfant : Telem Bond, septième incarnation de Pa’a.
Une nouvelle fois, Seldon ne se laisse pas prendre. La fillette divinisée ne projetant aucune ombre, il ne s’agit selon lui que d’un mirage télépathique... qui, d’avoir été ainsi éventé, s’efface. Et la véritable Telem Bond, nettement plus âgée et leader de cette communauté, se révèle à lui. Serait-elle Premier Orateur selon le langage du cycle littéraire ?
La sagacité supérieure de Hari apparaît paradoxalement aux yeux des mentalistes comme le signe de son "incomplétude" sensorielle, compensant par une meilleure capacité d’observation et de déduction l’absence de pouvoirs psi. Astucieux nominalisme (qui pourrait presque ressusciter le post rem de la querelle des universaux) : il ne s’agit pas de super-pouvoirs façon X-Men, mais de "complétude" (lorsque les humains standards seraient simplement "incomplets").
La planète Ignis se révèle un refuge clandestin pour tous les mentalistes de la galaxie, persécutés par les humains (de l’empire ou pas), et ayant capté l’appel télépathique de Telem à travers l’éther... Celle-ci préfère d’ailleurs qualifier les siens de "sighted" en VO ou clairvoyants en VF (d’où le titre de l’épisode).
La praticabilité concrète de cette "migration" convergente demeure questionnable, mais malgré tout explicable grâce aux aptitudes mentales des persécutés (pouvant aussi bien lire les pensées, altérer les perceptions, et même apparemment matérialiser des objets ou du moins des illusions à la manière de ce que prétend e.g. Sathya Sai Baba).
Quant au choix d’Ignis plutôt que de Trantor, cela se justifie par le caractère davantage techno-totalitaire de la dynastie génétique dans la série que des empereurs (plus classiques) dans les romans.
En dépit des procédés coercitifs employés à des fins "d’évaluation" (l’attaque aux explosifs du Beggar, la plongée dans le coma des protagonistes, le mentaliste Loron qui se fait passer pour feu Hugo...), les trois visiteurs semblent être les bienvenus et ne sont pas supposés être prisonniers...
Mais les longs échanges introductifs représentaient surtout l’occasion de les sonder télépathiquement. Les mentalistes lisant leurs intentions (et projets) comme dans des livres, ils découvrent alors l’existence du Prime Radiant (ce que redoutait bien Hari dès son arrivée sur Ignis). Or Bond ne veut pas laisser sa communauté devenir la Seconde Fondation. Pour s’en assurer, son objectif est de s’emparer du Prime Radiant et de le détruire...
La révélation de l’existence d’un "appel télépathique" à travers l’espace, attirant irrésistiblement (consciemment ou inconsciemment) les "Sighted" sur Ignis depuis toute la galaxie, tels les chants des sirènes, vient rétrospectivement très bien expliquer le tropisme qui a poussé Gaal et Salvor (elles-mêmes mentalistes) à se rencontrer dans la même unité de lieu et de temps sur Synnax au terme de la première saison (cf. Foundation 01x10 The Leap). Ce qui semblait n’être alors qu’un passage scripté de JdR ou un ressort poétique de fantasy... est finalement expliqué au sens de la SF grâce à cette seconde saison très crédibilisante sous la houlette de Jane Espenson.
B
Pas d’arc B cette fois-ci, mais la manière dont il s’est achevé dans l’épisode précédent suggère pour les épisodes suivants un subdivision en trois sous-arcs :
la Première Fondation, Terminus, le directeur Sermak, le Sanctuaire, et e-Seldon #1 ;
le High Claric Poly Verisof et la Brother Constant tentant d’établir des relations diplomatiques avec Trantor ;
Hober Mallow embarqué sur le jumpship Spirit vers une destination et pour une mission inconnues. Et si l’objectif assigné par e-Seldon #1 était une rencontre avec les Spacers (eux aussi victimes de l’empire) ?
C
Faisant suite à Foundation 02x04 Where The Stars Are Scattered Thinly, les intrigues de cour redoublent d’intensité dans le palais impérial de Trantor...
La reine Sareth approfondit son investigation sur l’origine de la mort de sa famille avec l’aide du garde prétorien (custodien) soudoyé, Claviger Markley...
Mais faute de pouvoir obtenir des informations sur la tentative d’assassinat dirigée contre Cleon XVII dans Foundation 02x01 In Seldon’s Shadow, la reine décide de poursuivre son enquête dans les quartiers privés de Brother Day. En d’autres termes, se donner à lui ! Rue Corintha ne reconnait pas l’innocente et timide Sareth dans une pareille initiative, mais cette dernière est "morte" en même temps que toute sa famille. Et la reine est désormais prête à tout pour découvrir la vérité.
Même s’il a conscience que cela scellerait véritablement l’alliance, la perspective de copuler avec Sareth n’enchante guère Cleon XVII, trop habitué au confort du sexe récréatif avec sa "mère" Demerzel... Icelle recourt alors aux méthodes des concubines royales pour "motiver" le souverain à "faire son devoir conjugal" et elle lui lancera un ultime « pense à moi » avant de laisser la place — encore chaude — à Sareth...
Mais rien ne se passera comme prévu. Le coït tournera court avant même d’avoir débuté dans la mesure où Sareth se livrera surtout à un passage au peigne fin des lieux (manquait juste "l’Inverness cape" et la loupe) tout en mitraillant l’empereur de questions. Si bien que celui-ci comprendra qu’elle n’est pas venue dans le but annoncé. Mais lorsqu’il commencera à l’accuser d’être peut-être derrière l’attentat, elle fera efficacement contrefeu en renversant la charge accusatoire et en reprenant l’ascendant, prétextant une enquête sur sa propre sécurité aux côtés d’un empereur qui n’est même pas fichu d’identifier ceux qui ont cherché à l’assassiner (malgré son pouvoir absolu, son régime de terreur et sa paranoïa). L’arme du "duel" sera le verbe haut, avec des répliques particulièrement enlevées (et même hilarantes) du style « Savez-vous qu’il existe d’autres points de vue que le vôtre ? Mais comment le pourriez-vous, puisque votre entourage, c’est vous-même ? ».
Malgré la violence de l’affrontement, Sareth consentira malgré tout au mariage en prétextant que tout refus signerait son arrêt de mort, s’exonérant ainsi en partie de son consentement, mais devenant désormais officiellement la fiancée de l’empereur.
Elle repartira sans avoir consommé l’union, mais largement bredouille. Il en ressortira cependant que Sareth avait déjà eu un amant, mais celui-ci compte au nombre des victimes de l’assassinat de sa famille (ce qui pourrait aussi expliquer sa détermination à trouver les coupables...).
Après son départ, signe de perspicacité, Cleon XVII révélera à Demerzel qu’il est convaincu que la reine le suspecte d’avoir tué sa famille. Mais loin d’être contrarié, il n’en développera que davantage d’estime pour Sareth, car l’intelligence sait reconnaître l’intelligence, ce qui dans cette société cynique et impitoyable s’exprime par une permanente duplicité et des agendas cachés... En même temps, Sareth est tellement pressée d’obtenir des réponses qu’elle dissimule parfois mal ses recherches (fouiller, cuisiner...). Mais l’absence visible de réaction de Brother Day (ni défiance, ni resserrement de surveillance), loin de constituer une incohérence, est plutôt le signe flamboyant de l’assurance et de la toute-puissance impériale (à l’instar des Borgs de Star Trek qui laissent leurs vaisseaux accessibles à n’importe quel intrus avec une indifférence éloquente).
C’était alors qu’Eto dévoile au détour d’une réplique l’implication de l’empereur dans cet assassinat de masse, mais son "âme damnée" robotique a bien sûr veillé à effacer toute trace ! Est-ce que quelqu’un sera étonné ?
Brother Day révélera aussi à cette occasion que les prestigieux anneaux artificiels de Trantor (nommés "arches" en VO) ne devaient pas être à l’origine visibles depuis la surface de la planète, mais il a finalement été décidé de les rendre ostentatoires pour tous afin de rappeler aux sujets qu’ils ne vivent que parce que l’empereur le veut bien !
C’est par des indicateurs de ce type qu’il est possible de mesurer l’écart impérial entre les romans et la série TV. Dans le cycle littéraire, il existait une grande diversité d’empereurs, et les derniers se caractérisaient surtout par leur perte croissante de pouvoir et de maintien d’ordre. Dans la série, l’imperium incarne la forme ultime de domination, d’ambition immuable, et totalement réificatrice envers les sujets (qui ne sont en fait que des objets sur lesquelles l’empereur exerce une totale propriété). Cette déviation dans le portage est certainement un signe des temps, assurément instructif, peut-être paupérisant sur le terrain de la nuance historique, mais potentiellement enrichissant au sens de la SF.
Revenue à son alcôve comploteuse dans les jardins du palais, Sareth révèle à sa suite avoir observé dans la chambre de l’empereur que du sang avait éclaboussé une fresque. Ce qui ne fera que décupler son désir d’en savoir plus... C’est alors que Claviger révèlera que tout le monde est soumis à des audits neuronaux réguliers (aussi bien les concubines que les empereurs eux-mêmes), constituant des enregistrements mémoriels complets conservées au Memorium.
Mais si la mémoire des empereurs n’est pas accessibles aux prétoriens, celle des autres témoins de l’attentat le sont... Et c’est ainsi qu’avec un aplomb fou, Markley mentira au conservateur ("keeper" en VO) du Memorium et mettre la main sur des audits mémoriels tiers.
Ceux-ci qui révéleront à Sareth et à Rue que Cléon XVII n’a pas été remplacée par un de ses clones (mais a néanmoins failli l’être car il était à douze secondes d’un œdème fatal suite l’injection de neurotoxines par les Anges aveugles). Mais ils révéleront surtout que Demerzel, avec son crâne sectionné à moitié (en réalité au tiers) lors de l’attentat est en fait un être synthétique. Une découverte impensable pour ces ressortissants du Cloud Dominion, car si Trantor possédait des robots il y a plus d’un millénaire (Demerzel était donc loin d’être la seule), ils étaient tous supposés avoir été détruits...
Voilà qui flirte mine de rien avec le Cycle des Robots (ou plutôt ses extensions dans les deux cycles suivants), mais il ne sera probablement pas possible d’aller plus loin dans l’in-universe de la série (faute de droits d’adaptation).
De son côté, Rue Corintha mène ses propres investigations à la faveur de la fenêtre de nostalgie ouverte par le vieux Cleon XVI... Celui-ci consent à projeter ses propres audits mémoriels, offrant ainsi des flashbacks tangibles de leur première rencontre à la Cour des Voiles... et de leurs ébats passés. Pour l’occasion, l’actrice Callina Liang (plus jeune) replacera Sandra Yi Sencindiver.
La Cour des Voiles, déjà entraperçue durant la première saison, constitue une sorte de "marché" à ciel ouvert où les courtisanes (et les courtisans) rivalisent d’audace pour attirer l’attention et se vendre aux empereurs dans l’espoir d’en ressortir riches après que leur prostitution fut effacée de leur mémoire. C’est en discutant avec Rue des souvenirs, ou plutôt de l’absence de souvenirs laissés par les effacements mémoriels sélectifs (imposés à tous ceux ayant eu des interactions avec les empereurs) que Cleon XVI en viendra à se poser des questions sur lui-même...
En discutant avec Demerzel, il découvrira que depuis l’attentat, Brother Day s’est arrogé l’exclusivité du contrôle et de la modification unilatérale de la mémoire de Brother Dawn et Brother Dusk par défiance envers eux. Alors que cette autorité était partagée auparavant... Dès lors, si des souvenirs lui avaient été retirés (par exemple durant les audits neuronaux consécutifs à l’attentat), Cleon XVI n’en saurait strictement rien. Mais plutôt que de démentir ou d’exclure formellement un tel scénario, Demerzel se contentera d’affirmer qu’en cas d’expurgation, tous les souvenirs seraient conservés dans le Memorium et aussi dans sa propre mémoire robotique inaltérable. Car si Brother Day avait pris de telles mesures, il lui aurait dit. Certes, mais ça ne signifie pas pour autant qu’elle le dirait à Brother Dusk (à qui elle n’a pas de compte direct à rendre).
Eto viendra ponctuer l’échange en signifiant que ce ne sont pas les intérêts de Brother Day mais de l’empire qu’elle sert ! Voilà qui est ambitieux, mais une telle formule offre un spectre quasi-infini d’interprétations et d’applications possibles (même en respectant à la lettre ce postulat). Autant dire que les agissements de Demerzel pourraient réserver à l’avenir bien des surprises, car il est même logiquement possible de trahir et de jouer double jeu au nom des intérêts de l’empire.
Alors pour tenter de déterminer la "légalité" de cette mesure et les éventuels recours, pour la toute première fois, Brother Dawn et Brother Dusk décident de convoquer la mémoire holographique interactive du fondateur dynastique Cleon Ier — tel un fantôme surgi du passé — pour éclairer et tenter de remédier aux abus de pouvoir que s’arroge Brother Day. Malgré les technologies impliquées (relevant de la seule SF), la scène distillera une puissante dimension hiératique teintée de fantastique (façon Charles Dickens), tel un échange avec le spectre d’un lointain aïeul portant un jugement implacable sur l’usage qui a été fait de son héritage par ses descendants...
Malheureusement, Brothers Dawn et Dusk ne seront pas plus avancés la fin, tant les réponses et conseils de la mémoire de Cleon Ier resteront cryptiques et méprisants (un peu à la façon d’un Vorlon dans Babylon 5). En outre, puisque l’un et l’autre désapprouvent le projet de mariage et de réforme de Brother Day, il reste curieux (et frustrant) qu’ils n’en aient pas profité pour révéler à l’écho de Cleon Ier que Cleon XVII s’apprête à mettre un terme à la dynastie génétique que ce premier a créée.
Ayant manifestement épuisé toutes les autres options, Brothers Dawn et Dusk sollicitent finalement le "keeper" (au passage en ayant failli "griller" Markley) pour accéder à toutes les métadonnées (≠ données) des audits neuronaux des empereurs Cleon (depuis le premier de la dynastie) stockés au Memorium.
Durant l’attente, Brother Dusk évoquera le sort de l’empereur précléonique Algren exécuté pour haute trahison (une époque où visiblement les empereurs avaient encore des comptes à rendre !), puis révélera que ce sont les échecs et les crises de son propre règne (sous le nom de Cleon XVI mais sans y avoir gagné d’épithète pas même celui de "traitre") qui ont conduits Brother Day (lorsqu’il était encore Brother Dawn) à vouloir en prendre le contrepied...
La surprise viendra des métadonnées fournies par le conservateur. Celles-ci révèlent que tous les Cleon clonés n’ont jamais dépassé cumulativement 89 cataphyls de mémoire (à la fin de leur vie), tandis que le fondateur de la dynastie en totalisait 213 cataphyls ! Un tel écart impliquerait un occultation de souvenirs systématique à grande échelle...
Serait-ce Cleon XVII qui aurait rétroactivement expurgés tous les scans neuronaux des empereurs stockés au Memorium ?
Serait-ce d’autres Cleon (y compris Brothers Dusk et Dawn) qui auraient pris part à cette opération, avant de se faire effacer eux-même la mémoire de ce actes pour n’en conserver aucun souvenir.
Ou serait-ce Demerzel, perpétuellement (omni)présente depuis Cleon Ier, et qui aurait systématiquement altéré les souvenirs des clones successifs "dans l’intérêt de l’empire".
Une énigme épaisse, poisseuse, déstabilisante par les implications possibles, et qui s’immerge dans du pur cyberpunk... lorsque tout ce qui fait l’ontologie des êtres humains est intégralement numérisable et falsifiable...
D
Pas d’arc D cette fois.
Après Siwenna, impossible de prédire l’étape suivante des investigations menées par le général Bel Riose et le Fleet Supremus Glawen Curr sur la Fondation...
Hobert Mallow croisera-t-il la route du Shining Destiny ?
Foundation 02x05 The Sighted And The Seen réussit cette fois un véritable sans-faute (en tant qu’épisode de SF hors adaptation).
Le visuel et le cadre Hard SF sont toujours premium. Presque chaque épisode met en exergue ou en valeur une planète différente. Ici, ce sera Ignis, envoûtante à la manière d’un monde perdu, non de Conan Doyle mais plutôt de l’Atlantide... où la nature a recouvert les vestiges d’une grande civilisation, mais où de nombreux mystères subsistent...
Mais une fois de plus, les dialogues forment l’épine dorsale du récit et composent une pierre emmaillotée...
Dans l’arc A, l’essentialisme des échanges se hisse presque au niveau de la mythique The Martian Chronicles de Ray Bradburry et Richard Matheson (1980). Quant à l’arc C, sa hauteur de vue flirte (à nouveau) avec l’inspiration de I, Claudius (Moi Claude empereur) de Robert Graves et Jack Pulman (1976), augmentés de toute la composante "larger than life" de la SF.
Avec beaucoup de malice (et un peu de méta), l’épisode s’est joué des spectateurs en mettant en scène des coups de théâtre dans la norme des productions concurrentes. En particulier les retrouvailles capillotractées et VIPiques entre Salvor et Hugo qui auraient trivialisé le parcours tragique de cette première tout en frappant l’univers de nanisme. Mais finalement (et heureusement), il s’agissait d’une manipulation des mentalistes d’Ignis... comme pour souligner dans la diégèse que la série n’a justement pas fait les erreurs qui auraient été si tentantes par démagogie.
Avec non moins d’intelligence, Foundation 02x05 The Sighted And The Seen vient rétroactivement résoudre l’incohérence de la rencontre si improbable de Dornick et de Hardin (la mère et la fille) à travers le temps et l’espace à la fin de la première saison.
De surcroît, la puissance d’équilibre des dialogues confère une authentique intelligence aux personnages (qui ne cessent d’anticiper et de deviner à demi-mot...), mais sans pour autant en faire des dei ex machina omniscients et infaillibles (donc sans tricher envers la vraisemblance).
Dans cette chorale de maturité (et même de hiératisme) avec des acteurs qui cultivent une rare sobriété, seule Salvor fait cette fois figure d’exception, avec sa naïveté d’avoir pu croire que Loron était Hugo (quoique probablement avec un coup de pouce de la manipulation mentale ayant aussi altéré son jugement et pas seulement sa vision). Mais comme le souligne la télépathe Telem, derrière son épaisse carapace, Hardin est une grande romantique sentimentale (et l’actrice Leah Harvey restitue d’ailleurs bien ce fond de vulnérabilité).
Les protagonistes de Foundation 02x05 The Sighted And The Seen sont soumis à bien des aléas, donc à des "imprévus" qui ne disent pas leur nom... à commencer par e-Seldon #2, redevenu désormais simplement Seldon, probablement par clonage comme les empereurs de la dynastie Cleon.
Il aurait d’ailleurs été intéressant de savoir (dans le champ de la série potentiellement distincte des romans) quel était son plan initial 138 ans avant si Gaal n’avait pas été présente et si elle ne l’avait pas arrachée au Raven à destination de Helicon ? Car c’est bien Dornick qui lui a révélé l’emplacement (inconnu de lui) de la Seconde Fondation... qu’il comptait pourtant fonder et qu’il voulait composée de mentalistes ! Alors Hari avait-il quand même initié auparavant un processus dont la communauté d’Ignis est le fruit. Ou bien celle-ci était-elle "inévitable" (au sens de la psychohistoire), mais simplement Seldon en fut exclu jusqu’à présent ?
Si e-Seldon#1 semblait tout contrôler depuis son Sanctuaire dans Foundation 02x04 Where The Stars Are Scattered Thinly, à l’échelle du temps long, c’est possiblement une illusion, car c’est finalement lui et sa Première Fondation que la Seconde a vocation à contrebalancer voire même à combattre (quand elle aura pris la place de l’Empire).
De plus, lorsque dans le flashback, Seldon tentait de motiver Raych pour accomplir le "suicide assisté", il déclarerait que tout le futur dépendait de l’acte d’un seul homme ! Or cette simple assertion invalide potentiellement le postulat de la psychohistoire (sauf à y voir en quelque sorte le premier terme d’une suite récurrente)... ce qui est en réalité parfaitement raccord avec la dialectique asimovienne qui comportait toujours tôt ou tard son antithèse ou sa palinodie. En réalité, c’était un impératif de réfutabilité caractérisant toute théorie scientifique selon Kark Popper.
Asimov reste donc central envers et contre tout... dans une réalité parallèle à celle des romans. La construction du récit diffère, les raccourcis se bousculent au portillon... et pourtant des pans entiers du lore se rappellent en force, le sens général est en grande partie préservé (quoique hybridé avec la doxa contemporaine), tandis que les dialogues — s’ils ne sont généralement pas verbatim de lui — rendent justice au maître par leur discursivité dialectique.
Dans le paysage audiovisuel actuel, Jane Espenson est l’une des rares qui pouvaient relever ce défi : faire de l’alter-Asimov cohérent. C’est-à-dire trahir (comme toute adaptation par définition et par construction), mais ne pas faire injure, voire même faire honneur.
BANDE ANNONCE
Les séries TV sont Copyright © leurs ayants droits Tous droits réservés. Les séries TV, leurs personnages et photos de production sont la propriété de leurs ayants droits.