The Orville - New Horizons : Critique 3.01 Electric Sheep

Date : 05 / 06 / 2022 à 14h00
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Unification


THE ORVILLE NEW HORIZONS

- Date de diffusion : 02/06/2022
- Plateforme de diffusion : Hulu
- Épisode : 3.01 Electric Sheep
- Réalisateur : Seth MacFarlane
- Scénaristes : Seth MacFarlane
- Interprètes : Seth MacFarlane, Adrianne Palicki, Penny Johnson Jerald, Scott Grimes, Peter Macon, J. Lee, Mark Jackson, Chad L. Coleman, Jessica Szohr et Anne Winters

LA CRITIQUE FM

Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? C’est avec un titre inspiré de l’œuvre de Philip K. Dick que vous connaissez mieux sous le nom de son adaptation cinématographique, Blade Runner, que nous revient, après deux ans d’absence, la série de Seth MacFarlane, The Orville.

Si les androïdes de Blade Runner imitent quasi à la perfection les humains, c’est loin d’être le cas des Kaylons, même si Isaac est ce qui s’en rapproche le plus. Ce premier épisode explore donc les conséquences de la guerre avec les Kaylons avec un focus sur le rapport que l’équipage peut entretenir, ou pas, avec Isaac.

Et c’est facile de comprendre l’animosité et l’impact qu’il peut engendrer sur son passage, tant les pertes ont été grandes dans l’Union suite aux batailles dévastatrices. En cela, sa présence même à bord du Orville, témoigne d’une évolution de l’humanité présentée dans la série. Je ne suis pas sûr que dans notre présent, une situation comparable ne serait pas allée au-delà des remarques policées tout en étant percutantes des membres de l’équipage.

Sur la thématique du suicide, The Orville fait ce que proposait le Old Star Trek. C’est-à-dire nous faire réfléchir à une problématique humaine en faisant un pas de côté. En l’occurrence, le suicide d’Isaac remet à plat le principe même du suicide puisque celui-ci n’a pas d’émotion et pas de raisons d’être touché par le harcèlement et des remarques désobligeantes.

Étant donné le sujet, on pourrait faire remarquer que c’est impossible de le traiter sans y apporter une bonne dose de pathos. Et c’est vrai que le décès d’Isaac fait remonter de fortes émotions particulièrement chez le docteur Finn. Mais, outre le fait que l’interprétation magistrale de Penny Johnson Jerald est tout en retenue, il n’y a pathos que si une scène n’est là que pour provoquer un dégoulinement de sentiment. Or, ici, l’émotion participe à l’histoire, ce n’est pas une finalité en soi.

Visuellement, la série est définitivement plus friquée que les deux premières saisons. Attention néanmoins à ne pas en faire trop. Il y a une bonne paire de scènes de SFX en surplus dans cet épisode qui ne servent absolument pas le propos.

Dans le même temps, il y a un changement de paradigme sur l’humour. Bye bye la gaudriole prout prout omniprésente, bonjour l’humour plus discret. En revanche, grosse crise de fou rire de ma part quand je me suis aperçu qu’à une semaine d’intervalle, Star Trek Strange New World et The Orville utilisaient le même artifice de scénario avec une géante gazeuse pour se cacher et une explosion pour faire croire que le vaisseau est détruit. Si j’étais complotiste, je parierais sur un bel espionnage industriel entre Disney et Paramount !

Le retour de The Orville est, en tout cas, dans l’ensemble très satisfaisant.

LA CRITIQUE YR

Lancée en parallèle de Discovery en septembre 2017, c’est le 25 avril 2019 que The Orville avait (temporairement) tiré sa révérence sur l’uchronique The Orville 02x14 The Road No Taken… pour ce qui allait devenir — Covid-19 aidant — une longue attente de plus de deux ans pendant lesquels les "Star Trek in name only" officiels de CBS/Paramount allaient se multiplier tels des cancrelats et inonder les écrans avec — depuis — pas moins de quatre nouvelles séries produites par Alex Kurtzman : Picard, Lower Decks, Prodigy, et depuis un mois Strange New Worlds.
Autant dire que bien des trekkers pouvaient légitimement se sentir orphelins de la série contemporaine qui possède le plus de fond trekkien en dépit de toutes ses imperfections…
La traversée du désert à désormais pris fin, The Orville revient en gloire avec une dénomination upgradée de l’épithète New Horizons, mais sans le moindre reboot internaliste à la clef (ouf !), si ce n’est quelques nouveaux décors (suite un refit en in-universe du vaisseau) et un nouveau générique émulant toujours davantage celui de ST VOY — décidément étalon et inspirateur indépassable, aussi bien pour les Star Trek officiels que pour les Star Trek officieux et les fanproductions.
Malheureusement, l’avenir de The Orville demeure bien incertain, du moins au-delà de cette troisième saison transférée vers Hulu/Disney+ et au budget (non pas de tournage mais de postprod) revu à la hausse.
Ce serait donc un euphémisme que de dire que The Orville 03x01 Electric Sheep était très attendu. Mais du coup, il s’expose au possible contrecoup déchanté d’une espérance par trop "messianique"…

Si vous ne souhaitez pas vous plonger dans une analyse exhaustive du contenu (fatalement riche en spoilers), veuillez cliquer ici pour accéder directement à la conclusion.

Avec un titre faisant ouvertement référence à l’œuvre littéraire de Philip K Dick, et précisément à son cultissime Do Androids Dream Of Electric Sheep ? (1966) ayant inspiré Blade Runner de Ridley Scott (1982), The Orville 03x01 Electric Sheep est centré sur le robot kaylon Isaac (ou plus exactement ses relations devenues difficiles avec l’équipage) et il constitue en quelque sorte l’épilogue tardif du diptyque The Orville 02x08+02x09 Identity, comme ST TNG 04x02 Family l’avait été pour le traumatique ST TNG 03x26+04x01 The Best Of Both Worlds ou encore ST ENT 04x03 Home pour l’étouffante troisième saison d’Enterprise.
Par la voie des rémanences et des échos, ce premier épisode de la troisième saison de The Orville replonge indirectement le spectateur dans ce qui fut sans conteste l’un des points culminants de la série, à savoir l’attaque (la Battle Of Earth) des robotiques (et génocidaires) Kaylons contre l’Union assortie du double-jeu d’Isaac… avant que celui-ci ne trahisse ses semblables par attachement affectif (non assumé) pour Ty et la Dr Claire Finn… renversant ainsi le rapport de force jusqu’au ralliement des puissants Krills. Dans la péroraison de The Orville 02x09 Identity Part II, l’amiral Halsey et le Conseil de l’Union recommandaient initialement le désassemblage d’Isaac à des fins de dissection et d’analyse cybernétique, ce à quoi s’était vertement opposé le capitaine Ed Mercer, à la fois par gratitude et pour conjurer les raisons ayant conduit en premier lieu les synthétiques Kaylons à exterminer leur créateurs organiques (puis tenter d’en faire de même envers tous les organiques de la galaxie).
À la suite de quoi, Isaac avait été réactivé par le métamorphe Yaphit puis avait retrouvé sa place sur l’USS Orville. Et dans les cinq épisodes suivants (The Orville 02x10 Blood Of Patriots, 02x11 Lasting Impressions, 02x12 Sanctuary, 02x13 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow, et 02x14 The Road Not Taken), c’est à peine si Isaac était apparu, laissant la désagréable impression qu’il avait comme accompli sa finalité diégétique, alors qu’il demeurait pourtant l’une des plus belles réussites conceptuelles de la série de Seth MacFarlane, pas loin de rivaliser avec Data dans ST TNG, quoique avec une altérité accrue (alien et ambigu), lorgnant donc davantage l’inoubliable ST VOY 02x13 Prototype.
Dès lors, replacer Isaac sur le devant de la scène à l’occasion d’un questionnement collectif quant à sa place au sein de l’Union est une initiative bienvenue, pour ne pas dire rétroactivement essentielle.

Mais si le traitement bénéficie de cette justesse distanciée que The Orville et le Star Trek historique (1964-2005) possèdent toujours eu en partage, le sujet est malgré tout amené de façon un peu outré… tout en révélant un contexte presque dystopique (en creux).
Au regard des passifs de la seconde saison, il était certes compréhensible qu’une partie — mais une partie seulement — de l’équipage de l’USS Orville dévoile une défiance voire une hostilité envers Isaac. Or dans l’épisode, tout le monde réagit de la même manière, sans réel contrepoint ni vis-à-vis ! Pire, tout se passe dans The Orville 03x01 Electric Sheep comme s’il était universellement admis qu’Isaac était l’abject orchestrateur et exécuteur du plan d’extermination de l’humanité ! Alors qu’il était au départ seulement le maillon d’une longue cyber-chaîne collectiviste… et qu’il a ensuite réussi "l’exploit" — au contraire de tous ses semblables — de dépasser sa programmation initiale en faisant le choix des organiques contre les synthétiques. Cet équipage de l’USS Orville, quasi-unanimement haineux envers Isaac oublie-t-il que c’est à lui que l’humanité doit in fine sa survie ?
Les contre-arguments invoqués répétitivement mais trop timidement par quelques membres d’équipage (y compris le capitaine) ne sont pas assez dialectiques (ni même rhétoriques) puisqu’ils se contentent le plus souvent d’entériner un jugement de valeur figé et indifférencié porté sur tous les Kaylons, que rien ne saurait rédimer ou nuancer, en omettant non seulement de considérer les raisons originelles de leur extrémisme (esclaves de leurs créateurs), mais aussi et surtout l’acte de différenciation par lequel Isaac s’est redéfini et finalement sacrifié au bénéfice de l’humanité.
Nouvelle venue dans le main cast, l’enseigne Burke (interprétée par Anne Winters) cristallisera le manque d’équité et de maturité de cette colère aveuglante et amalgamante que l’épisode s’efforcera de "légitimer" subjectivement au moyen d’un flashback un zeste tire-larmes (la mort salvatrice de son amie Amanda durant l’attaque de l’USS Quimby). Charly s’abaissera même à une torture psychologique indigne à l’endroit d’Isaac durant une séquence de fausse compassion manipulatoire au mess...
Alors certes, ce personnage n’a pas forcément le beau rôle dans l’histoire, étant donné l’antipathie que son extrémisme est susceptible de faire naître chez les spectateurs, le capitaine lui assénant même un jouissif « vous n’avez pas le monopole du chagrin » (et non du cœur mais c’est tout comme)...
En réalité, c’est moins le cas d’espèce de Charly qui distille une lourdeur sans nuance que sa prétendue représentativité. Ed Mercer et son pré carré font donc en contraste l’effet d’être des exceptions dans une société finalement bien peu utopique tant elle paraît soudain semblable à la nôtre, écoutant plus volontiers ses émotions que sa raison, quitte à être ingrate, injuste, et dépourvue d’empathie. L’épisode cherche-t-il à distribuer commodément un PTSD collectif qui dispenserait de regarder au-delà de l’identité physique des Kaylons pour ne surtout pas voir l’unicité d’Isaac ? Quoique pas aussi anachroniquement ni systémiquement que chez Kurtzman, c’est tout de même la Planetary Union qui écope ici (et prend assez cher). Un malaise renforcé par l’apagogique The Orville 02x14 The Road No Taken qui avait démontré par l’absurde que dans une timeline où Isaac n’aurait pas rejoint l’USS Orville, l’humanité n’aurait eu aucune chance de survivre à la grande "croisade" des Kaylons...
Fondamentalement, le cas d’Isaac ex-Kaylon après The Orville 02x08+02x09 Identity n’est guère différent de celui de Seven Of Nine après ST VOY 03x26+04x01 Scorpion. Or hormis quelques inquiétudes individuelles envers cette ex-Borg, l’USS Voyageur n’a jamais été le théâtre de mouvements de haine populaire à deux doigts de verser dans le lynchage...
Oui, le harcèlement est un sujet de société grave. Oui, aussi bien à l’ère des coteries d’hier que des réseaux sociaux aujourd’hui, cela peut conduire à des suicides. Mais il n’appartenait pas davantage à l’Union qu’à la Fédération d’allégoriser ce travers de l’ère contemporaine. Pas plus qu’à la (super-)humaine Charly d’être une allégorie de l’humanité et de son évolution. Du moins dans une SF idéaliste, positive et lumineuse.

En fin de compte, il est possible que le "péché originel" résulte d’un traitement trop tardif des conséquences de The Orville 02x08+02x09 Identity sur Isaac au sein de la société orvillienne. En toute logique, The Orville 03x01 Electric Sheep aurait dû prendre place dans la seconde saison, idéalement comme dixième ou onzième épisode. Cela aurait évité ces effets dissociatifs à plusieurs niveaux...
La Planetary Union et l’amiral Halsey avaient cautionné la pleine réintégration d’Isaac sur l’USS Orville. Or dès lors que la société est crédible, cela impliquait off screen diverses démarches rationnelles (investigations de sécurité, éventuelles périodes probatoires, adhésions majoritaires...). Une situation entérinée par les cinq derniers épisodes de la seconde saison, puisque Isaac avait retrouvé sa place, et il s’agissait même tellement d’un non-événement pour l’équipage que c’est à peine si le robot apparaissait à l’écran...
Mais après une telle démonstration implicite de maturité, sortir de derrière les fagots dans la saison suivante (du moins sans événements nouveaux) un état général de haine et même de persécution à l’endroit d’Isaac, constitue une forme de régression collective qui s’accorde mal avec les cinq épisodes précédents... outre d’impliquer que les décisions supposées responsables de l’Union ne sont guère respectée, ni acceptées, ni considérées légitimes par les ressortissants et le personnel militaire. Du coup, l’épisode parvient à renvoyer à la fois un message d’inconséquence institutionnelle envers Isaac (trop dangereux ou trop honni pour avoir sa place dans la flotte) et un message d’immaturité comportementale envers lui (harcèlement et apartheid dans le cadre d’une forme de "justice privée").
Le problématique reste donc en soi pertinente, mais elle arrive comme les carabiniers d’Offenbach et elle se trompe un peu de cible...

Néanmoins, par-delà ce forçage de trait manquant de naturel (ou résultant d’un mauvais timing), il n’en demeure pas moins que l’épisode est un modèle psychologique de pudeur et de retenue.
Le cheminement personnel d’Isaac reste quasiment un sans-faute, du constat rationnel de sa contreproductivité à bord (nuisant à l’efficience de l’équipage) à sa décision non moins logique de se suicider (après avoir upgradé au maximum l’efficience du vaisseau en cadeau d’adieu). Tout au plus, il serait permis de s’étonner que le robot ait eu besoin de contempler l’espace lointain comme un humain avant de prendre sa décision autodestructrice (quoique ces moments soient assurément poétiques). Mais rarement l’implacabilité cybernétique n’aura à ce point rimé avec humilité, et l’égotisme avec l’altruisme... tandis que les tous les chemins (émotion comme raison) peuvent parfois mener à Rome.
De même, l’évolution douloureuse fort complexe — tiraillée et déchirante — de Claire Finn prodiguera de grands moments authentiquement bermaniens que pas un seul épisode produit par Secret Hideout n’aura été capable d’effleurer jusqu’à maintenant. Le pathos est ici contenu et toujours au service de l’histoire, donc ni manipulatoire ni télique (car il ne devient jamais sa propre fin). Même l’instinct premier de Claire de projeter sur Isaac (qu’elle est pourtant supposé connaître pour en avoir été amoureuse) des paramètres humains (avant de découvrir son erreur) est une "contradiction psychologique réaliste". Chapeau bas à l’immense justesse d’interprétation de Penny Johnson Jerald, aussi brillante ici qu’elle l’avait été dans ST DS9.
En sus, sa réaction de mise en garde face du petit Ty face à sa tentation de faire "revivre" l’ombre de feu Isaac en holodeck représente une des plus belles expressions trekkiennes d’un stoïcisme enseigné dès le plus jeune âge.
Au terme d’une séance de copulation quasi-SM pour John LaMarr, la Dakeeli Irillia (toute hérissée de pointes presque comme un Cénobite de Hellraiser) délivrera un point de vue alien fataliste sur le suicide qui — même s’il pourra transgresser le consensus contemporain — rejoint la perspective romaine antique ou nippone médiévale.
In fine, la problématique du suicide aura été remarquablement explorée sous toutes ses facettes, du classique désespoir émotionnel conduisant les survivants à se culpabiliser ou au contraire à se dédouaner (selon les moments ou les individus), à la singularité d’un choix strictement rationnel (mettre fin à ses jours dans l’intérêt du collectif).
Avec un écart-type record, le jeune Marcus passera quant à lui par tous les extremums possibles : des cauchemars spectaculaires et horrifiques (le teaser très buzzé en amont), ses tags vandales pour hurler publiquement sa haine, l’expression de son désir sincère de "tuer le père" (adoptif)... puis finalement sa culpabilité et son examen de conscience, et enfin une épiphanie conduisant à une soif de "renaissance". La reconstruction émotionnelle du fils ainé de Claire Finn aura presque quelque chose de dostoïevskien. Et il faudra bien la puissance tellurique de cette métanoïa pour convaincre Burke d’obéir à l’ordre de Mercer pour utiliser ses "capacités 4D" afin de "ressusciter" Isaac au moyen de la sauvegarde secrète découverte par John LaMarr...
Marcus aura donc porté la plus grande part de responsabilité dans le suicide d’Isaac (car c’est après tout par "amour" pour la famille de Claire que le robot s’était à la base retourné contre ses semblables), et c’est pourtant le même Marcus qui se mouillera ensuite pour réparer cette iniquité, soit le signe d’une vraie métamorphose intérieure.
Il faut parfois mourir pour se découvrir une légitimité d’existence. Ces expériences cumulées de harcèlement, de persécution, d’exclusion, de bouc émissaire girardien, de suicide rationnel (sacrificiel à sa façon au nom de l’intérêt général), d’amendement, de remise en question, d’acceptation de la différence, de sublimation, et finalement de retour à la vie (non dans un "corps glorieux" mais pour un "nouveau baptême") dans un cycle vertueux et édificateur auront eu le mérite notoire de conserver une parfaite sobriété — y compris dans les moments contemplatifs de deuils et d’introspections — permettant ainsi de ne pas saturer le propos tout en laissant aux spectateurs une pleine liberté d’appréciation (et de positionnement).

Les aficionados de The Orville pourront néanmoins être un peu désemparés par la disparition quasi-complète de l’argument humoristique (à l’origine un alibi parodique pour éviter un procès de la part de CBS) et a fortiori de l’humour potache (même chez Gordon Malloy et John LaMarr) ! The Orville 03x01 Electric Sheep ose embrasser une pesante tonalité tragique, non seulement via le thème du suicide (de l’un des personnages du main cast), mais surtout par une culpabilité incriminant la société orvillienne dans son ensemble (ou presque).
Attention cependant à ce que le type d’interprétation de Seth MacFarlane et de plusieurs autres acteurs ne se retrouve pas en déphasage avec cette tonalité nouvelle de la série...
Il reste malgré tout un peu dommage que l’épisode n’ait pas composé un portrait plus nuancé et différencié de l’éventail de réactions possibles de l’équipage envers Isaac, la société supposé idéaliste y aurait gagné un peu de lumière, et la construction dramatique... de vérité. Ainsi, la "résurrection" d’Isaac aurait davantage été la résultante d’un processus rationnel et collectif, plutôt qu’émotionnel et individuel. Il manque aussi une exploration plus approfondie des motivations profondes du choix anthropophile d’Isaac tant il se borne pour le moment à ses non-dits et des angles morts. La profondeur ontologique est donc loin d’atteindre ici des références comme ST TNG 03x16 The Offspring, ST TNG 04x11 Data’s Day et ST TNG 04x25 In Theory... bien qu’il ne soit pas possible de reprocher pour autant à The Orville 03x01 Electric Sheep de rester superficiel ou simpliste. Malgré tout, il aurait été possible de faire bien mieux (au sens trekkien) avec un pareil sujet.

Par ailleurs, l’épisode aura mis à l’honneur les scènes d’action (qu’elles soient virtuelles ou réelles), histoire d’étaler avec une certaine ostentation la hausse budgétaire de la postproduction...
Au royaume du spectacle, la supériorité de The Orville sur les #FakeTrek est de bien mieux découper les roller coasters qui — s’ils ne sont pas forcément beaucoup plus réalistes dans les courses d’obstacles — ne diluent toutefois en rien le traitement des sujets de fond. En contrepartie, ils peuvent faire l’effet d’être des surcouches sans grand rapport avec la narration, à la façon de pauses — non de pub — mais d’action pour donner quelques gages aux effets de mode.
Les effets spéciaux présentent également l’avantage d’être techniquement bluffants, esthétiquement beaux, d’un dynamisme si vivant, outre d’être scientifiquement et colorimétriquement plus crédibles que chez Secret Hideout. Revers de la médaille : ils témoignent parfois d’une perfection presque irréelle, peut-être un peu trop CGI (du moins sur des écrans de vidéoprojection de plus de 3 m de base).
Mais dans le registre de la forme, ce qui creuse peut-être le plus l’écart avec le #FakeTrek et la plupart des productions actuelles (qui s’effondrent sous le poids de leurs BO envahissantes), c’est la discrétion de l’accompagnement musical (sauf durant les quelques séquences de spectacle spatial pour showroom). The Orville 03x01 Electric Sheep laisse ainsi respirer la plupart des scènes, les dialogues reprennent leur droit, les silences aussi. Et ça fait un bien fou ! Rétrospectivement, ô combien Rick Berman avait raison de "neutraliser" (dans tous les sens du terme) la musique pour limiter la manipulation émotionnelle. Ce qui donne en contraste bien davantage de valeur et de force aux quelques partitions inspirées...

Au nombre de ces "interludes" de pur gaming, il faut évoquer la plongée de l’USS Orville dans une planète géante gazeuse pour échapper à un vaisseau kaylon qui n’est pas sans évoquer la plongée de l’USS Enterprise re-rebootée dans une étoile naine brune pour échapper à quatre vaisseaux gorns (cf. Strange New Worlds 01x04 Memento Mori). Cette concomitance du calendrier de diffusion pourrait certes suggérer une porosité entre les équipes scénaristiques, néanmoins la récurrence de ce ressort dans le Trekverse pourrait suffire à expliquer cette occurrence. Mais s’il fallait absolument désigner un copié et un copieur, le développement de la troisième saison de The Orville avait démarré bien avant celui de la première saison de SNW).
La comparaison directe entre les deux épisodes révèle en outre l’écart de poids dans le commerce tragique des WTF, c’est-à-dire à quel point The Orville parvient à être relativement cohérente là où Strange New Worlds en est pathologiquement incapable.
Dans SNW 01x04 Memento Mori, le jeu de cache-cache dans la naine brune sombrait dans une masse critique de nawaks (contresens dans la méthode de détection de l’ennemi, incompréhension crasse de la force de Coriolis et du "gravitational redshift" par les scénaristes, méthodes nonsensiques pour détruire les vaisseaux ennemis, invraisemblable code morse crypto-terrien des Gorns, incompréhensible incapacité à détecter des vaisseaux portant à portée visuelle, adversaire totalement idiocratique...).
Tandis qu’ici, tout au plus, l’asymétrie entre la capacité de l’USS Orville (depuis la géante gazeuse) à détecter le vaisseau Kaylon pourtant supposé plus avancé (en orbite) et sa réciproque (qui n’est pas vraie) peut laisser perplexe. Mais à supposer que cet écart contextuel s’explique par le technobabble (plutôt convaincant) du script, cohérente est la stratégie de faire exploser tout son stock de torpilles (26) pour convaincre les Kaylons poursuivants de la destruction de l’USS Orville...

En outre, pour être exhaustif :
- Le pilotage d’essai par Gordon Malloy (contre quatre drones téléguidés) du nouvel astronef ("one-person Fighter-class") Pterodon PT-197 (disposant probablement d’un quantum drive) est calibré à la façon des dogfights de Star Wars, et souffre à ce titre d’un manque de crédibilité dans le cadre d’un pilotage manuel (quand bien même non analogique). Il est en outre inutilement dangereux que cette séance se soit déroulée en rase-motte de l’Union Dockyard (en orbite de la Terre), car le principe même d’un essai aéronautique ou astronautique est de n’exposer personne en dehors du pilote. Visiblement l’objectif de cette séance était d’en mettre plein les mirettes du spectateur, moyennant des perspectives en gros plan de toute la technostructure de la station spatiale et de très hautes vitesses magnifiées par la proximité du référentiel. C’est impressionnant, mais assez prétexte comme tout show off, et franchement irresponsable sans un contexte réaliste (les personnages se comportant en la circonstance comme dans une réalité virtuelle où rien n’a de conséquence).
- Le concept pour partie cybernétique pour partie transhumaniste de "backup consciousness" et de redondances évolutives se traduit ici par une forme de nanotechnologie tellement subatomique qu’elle n’est pas à la portée des équipements de l’USS Orville ! Soit. Mais alors dans ce cas, comment John LaMarr peut-il savoir et affirmer qu’il a récupéré sur la dépouille d’Isaac une telle sauvegarde ?
- De plus, si cette dernière est trop infinitésimale pour être traitée par un niveau de technologie pourtant de classe FTL, comment l’esprit de l’humaine Charly peut-il y parvenir sans aucune assistance ? L’argument de l’intuition du cerveau biologique ne peut s’appliquer à des process nécessitant des décryptages et des calculs de haute précision. Quant au travail sur de multiples dimensions (> à 3), il s’agit forcément d’une topologie non intuitive bien mieux gérée par des ordinateurs (grâce à leur capacité de calcul). Bref, "l’électivité" de l’enseigne Charly Burke dissimule en réalité un super-pouvoir qui ne dit pas son nom. Sa plongée dans les arcanes électroniques aura d’ailleurs de faux airs de Tron : Legacy (2010) de Joseph Kosinski. Mais ironiquement, le recours à ce TGCM souffre moins du syndrome de "facilité tricheuse" que chez les nombreux dei ex machina de Secret Hideout car The Orville 03x01 Electric Sheep s’est imposé ici une contrainte diégétique qui n’était pas intrinsèquement nécessaire à une résolution crédible. L’objectif est en réalité d’introduire et de "pousser" ainsi la nouvelle venue Burke, une enseigne à la base assez "bimbo". Du coup, il est surtout dommage que la tragédie ayant touché Isaac puisse rétrospectivement apparaître comme un prétexte narratif pour sceller les super-pouvoirs un poil fantasy d’un nouveau personnage humain. Lorsqu’Ed parle d’un talent unique par génération à l’endroit de Charly, c’est presque comme s’il parlait de l’élue Buffy Summers dans Buffy The Vampire Slayer.
- Même si le droit (encadré) voire le devoir de désobéissance constitue en général le litmus d’une armée civilisée, l’opposition décomplexée de Burke à l’ordre direct de Mercer (i.e. ranimer Isaac) est traité avec une légèreté fort peu martiale (et sans conséquence on screen). Comme si finalement les nombreux scrupules argumentaires du capitaine n’étaient que des opinions parmi d’autres, et ses ordres en aval aussi facultatifs que ses supplications en amont. Alors dans une série qui ne se prend pas trop au sérieux (comme c’était le cas dans les premiers épisodes de The Orville), une telle insubordination peut passer. Mais dans un cadre devenu pleinement sérieux, c’est problématique. Et ce symptôme est d’ailleurs assez représentatif d’une certaine inconséquence transparaissant en ce début de troisième saison : la série semble avoir achevé sa mue vers la pleine crédibilité, mais elle a conservé quelques petits réflexes de "déconne", le plus souvent à un niveau inconscient. Rien de rédhibitoire évidemment, mais c’est une forme d’uncanny valley...

Conclusion

The Orville 03x01 Electric Sheep est un épisode de SF solide, quoique frustrant à l’aune de Star Trek. Il commémore, non pas l’apothéose de ce que ST fut jadis, mais tout simplement sa norme, voire son minimum syndical. Pas d’idée nouvelle ni de "high concept SF" ici, mais une sensation générale d’authenticité, et une capacité à conférer de la force aux sujets les plus simples voire les plus primaux.
Des maladresses assurément, des insuffisances aussi, des inutilités éventuellement, mais le cœur y est vraiment. Tel le rappel discret mais salutaire que, même dans ses épisodes les plus quelconques et les plus imparfaits, feu Star Trek réussissait à être toujours pertinent, cohérent, mature, pudique, et finalement enrichissant par son aptitude à offrir aux spectateurs une perspective d’extranéité par rapport à eux-mêmes.
Une tradition à laquelle The Orville continue à faire honneur... en dépit d’un certain aggiornamento pas forcément nécessaire (mais pas forcément déplaisant non plus).
En somme, une vraie "Star Trek vibe", et pas que sur la forme comme parfois Strange New Worlds, mais sur le fond également. Et ça, c’est tout à fait unique depuis 2005 ! Donc précieux.

Que de chemin parcouru depuis la galéjade vaudevillesque The Orville 01x01 Old Wounds. Ce grand écart est un parcours initiatique vers la maturité... et le maquis. Les masques sont tombés, et la série s’assume enfin pleinement (ou presque).

Et ironiquement, en dépit de son génome décalqué voire indexé, The Orville repose désormais bien moins sur le business model engluant de la nostalgie, du fan-service et du fétichisme que... Strange New Worlds ! Passer de cette dernière à la série de Seth MacFarlane représente une bouffée d’air frais, un affranchissement, l’émancipation de ce carcan qui tue toute créativité véritable.

NOTE ÉPISODE

Il pourrait sembler curieux, impropre, et même un poil provocateur d’attribuer une "note Star Trek" aux épisodes d’une série qui ne fait pas officiellement partie de la franchise. Cependant, il ne faut pas être dupe. Même si elle possède une identité propre incontestable, ce ne serait pas faire insulte à la vocation de The Orville que de reconnaître publiquement son lien génétique avec le real-Star Trek. Derrière un alibi humoristique destiné à se couvrir juridiquement envers CBS/Paramount — mais se réduisant désormais telle une peau de chagrin — la série de Seth Mac Farlane (et de Brannon Braga) représente un courageux acte de résistance contre ce que Star Trek est devenu depuis 2009 et pire encore depuis 2017.
Or comme l’un des jeux favoris dans la communauté des trekkers (et même parfois dans la presse étatsunienne) depuis le lancement de The Orville est de la comparer (consciemment ou inconsciemment) aux productions officielles, autant entériner ici sans complexe ce tropisme et ce réflexe coulant de source.
L’univers de The Orville a beau être parallèle à celui de Star Trek (l’utopique United Federation Of Planets s’y nomme nomme Planetary Union, le warp drive est devenu le quantum drive, la téléportation n’est pas exploitée, et hormis pour les humains, les autres espèces extraterrestres diffèrent…), ledit parallélisme est sur le fond bien moins distant que dans le cas du #FakeTrek, surtout lorsqu’il est question d’idéaux, d’institutions, de futurisme, de worldbuilding, mais aussi de retcons et de révisionnisme.
Entre les uchronies assumées mais ontologiquement fidèles… et les reboots hypocrites mais ontologiquement trompeurs, il est loisible de balancer...
Mais quand l’officiel est devenu fake et l’officieux presque authentique, qu’est-ce que ça dit sur notre époque ?

NOTE STAR TREK

BANDE ANNONCE



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