Star Trek Discovery : Review 1.15 Will You Take My Hand ?

Date : 14 / 02 / 2018 à 14h30
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Unification


Est ce que les cinq dernières bonnes minutes du final d’une saison peut compenser les quarante premières minutes d’un épisode qui est à chier. Pour moi, la réponse est non, non et re-non.

Ces cinq dernières minutes essayent plutôt d’une belle manière à reconnecter (ou connecter tout court) Star Trek Discovery à l’éthique et aux fondamentaux de la Fédération. Michael Burnham retrouve ses galons en ayant foutu littéralement la honte à Starfleet qui, par désespoir, avait mis à la poubelle ses principes fondamentaux. A l’occasion d’une remise d’une breloque à l’équipage du Discovery, un discours plutôt bien écrit et déclamé par notre héroïne est là pour faire vibrer la corde sensible du public et des fans de Star Trek en particulier. Et cerise sur la meringue, ta da da tsouin tsouin, vlà l’Arlésienne de cette première saison. L’Enterprise, vaisseau en détresse, daigne monter le bout de son déflecteur dans les dernières secondes de cette saison. Préparez votre mouchoir, il est l’heure d’éjaculer.

Le tout ne m’aurait pas gêné plus que ça si la résolution de la guerre avec les Klingons n’avait pas été une vraie purge scénaristique. Comment un bon scénariste comme l’oscarisé Akiva Goldsman, aussi réalisateur de l’épisode, a-t-il pu commettre ce non sens. C’est bien simple, rien ne marche.

Alors que la série, au désespoir de certains, avait surtout basé ses fondamentaux sur de l’action rythmée par des retournements de situation incessants, cette semaine est synonyme de freinage maximum. C’est quand même un comble que le final d’une saison, qui aurait dû donner le maximum, accouche d’un épisode asthmatique où il ne se passe simplement rien pendant les trois-quart de l’épisode.

Hop, le Discovery se transporte dans une cavité de Qo’noS et après téléportation, on assiste à une demi-heure de visite tranquille-pépére de l’Impératrice Ming et son away-team dans un petit village Klingon. What the Fuck...

On pensait voir une dantesque bataille spatiale, on se retrouve à admirer Georgiou faire un plan à trois dans un bordel Orion. WTF...

On est sur Qo’noS, planète non cartographiée et donc non visitée par les humains, et quatre Terriens peuvent se balader pépouzes, visages découverts, à bouffer du Gormagander sans à aucun moment éveiller un simple soupçon. WTF...

Lors de la confrontation finale entre Georgiou et Burnham, on se pince tant la situation et les dialogues donnent envie de rigoler alors qu’on est à un moment crucial qui peut conduire au génocide de la race Klingonne. WTF...

Que dire de la décision de Tyler de partir avec L’Rell après une scène de séparation dégoulinante de pathos avec Burnham. WTF...

Et le pompon des Jeux olympiques du n’importe-quoi, La pauvre L’Rell, les yeux exorbités, brandissant la petite télécommande de la bombinette devant un conseil Klingon hilare, geste sensé réunifier les 24 maisons, lui offrir le pouvoir et stopper la guerre avec la Fédération. Mais mille millions de What The Fuck !!!

Bref, je pourrais continuer longtemps. Pour résumer, ce final est pour moi le pire épisode de cette première saison controversée.

Pour faire un peu de prospectives, si la Fédération et Starfleet semblent à la fin plus proches de ce qu’on connaît dans les autres séries Trek, il reste que les distorsions scénaristiques commises par la série restent bien présentes : Quid de la propulsion sporique, qui est toujours possible, ce qui invalide encore nombres de problématiques d’épisodes de TOS, TNG, DS9 et VOY. Quid du look des Klingons, toujours incompatible avec TOS... Je laisse Yves compléter cette liste.

Si on peut penser que le premier épisode de la seconde saison sera la suite directe de la rencontre avec l’Enterprise, cela veut dire qu’on va avoir droit à deux nouveaux acteurs pour Pike et Spock. Ai-je vraiment envie de voir ça ? Vont ils oser moderniser la passerelle de l’Enterprise ? J’espérais, la semaine dernière, que la saison 2 serait l’occasion de revoir plus d’intrigues unitaires, ce qui donnerait l’occasion à DIS de développer plus de thématiques trekkiennes. Avec l’Enterprise qui demande l’aide du Discovery, j’ai un peu peur d’une nouvelle menace à la mords-moi-le-nœud qui nous occuperait une saison entière. Cela ne me réjouit nullement...

Si je fais la moyenne de mes notes sur cette première saison, j’arrive à 3.45/5, soit quasiment 14/20. Si j’ai eu un peu de mal au démarrage de la série et nonobstant ma pire note décernée à ce dernier épisode, j’ai donc plutôt aimé la proposition.

Si on refait le match, DIS a dû se remettre du départ de son principal promoteur, Bryan Fuller, pour les célèbres différences créatives. Si on peut donc penser que tout a dû être réécrit dans la foulée, ce n’est pas étonnant de voir à chaque épisode un ou des scénaristes différents, ce qui n’a pas dû améliorer la cohérence de la saison. Quasiment tous les épisodes étaient dans la boite avant la diffusion de la série, donc impossible de modifier la trajectoire de la saison pour tenir compte du retour critique. J’aurais donc tendance à trouver des circonstances atténuantes aux manquements de cette première saison. Je risque, par contre, d’être moins conciliant si la saison 2 ne montre pas une amélioration certaine.

Avec un peu de chance, le reboot de Lost in Space, qui devrait arriver incessamment sous peu sur Netflix (la rumeur dit avril), sera plus Trek que Discovery. Ce serait quand même un comble...

FM

Voici donc le plus attendu des épisodes de la saison. L’épisode qui autorise enfin le spectateur à porter un jugement sur une série qui brandissait jusque-là "l’immunité de la sérialisation", l’épisode qui est supposé décider à lui tout seul (serial oblige) de la réussite ou de l’échec de la première saison de Discovery.
Formulé autrement, tous les WTF enchaînés comme autant de perles depuis le début la saison, toutes les disparités internalistes envers le Trekverse (et surtout envers TOS), tous les dénis de philosophie trekkienne, toutes les marques de suivisme envers la bienpensance… deviennent-ils soudains légitimes à la lumière de l’éclairage rétrospectif apporté par ce quinzième épisode conclusif ?
Bien entendu, chaque spectateur – trekker ou non – apportera sa propre réponse à cette question… en grande partie selon qu’il aura décidé - depuis l’origine - de soutenir ou de rejeter cette nouvelle incarnation de Star Trek

À un niveau de lecture (très) superficiel, Discovery 01x15 Will You Take My Hand ? semble pleinement remplir son contrat à la fois hollywoodien et trekkien… En effet, la Fédération et la Terre échappent à l’anéantissement sans pour autant faire couler le sang klingon, le personnel de l’USS Discovery s’unit pour défendre les valeurs de Starfleet, la guerre prend fin car L’Rell emmène l’Empire klingon sur le chemin de la paix, Burnham est graciée par le président de l’UFP et réhabilitée dans ses fonctions d‘officier de Starfleet, l’équipage du Discovery (Saru, Stamets, et Tilly) est décoré, Starfleet réaffirme son ideal humaniste, la série promet de l’exploration pour la seconde saison, et… cerise sur la gâteau, l’épisode s’achève par une rencontre fantasmatique avec l’USS Enterprise de Pike.
C’est tellement "beau" que le trekker devrait théoriquement être reconnaissant à CBS de lui offrir enfin sa récompense trekkienne après quatorze épisodes de noirceur dark’n’gritty.

Malheureusement, ce synopsis au parfum de vœu pieux (ou d’image d’Epinal) ne convaincra que ceux… qui l’étaient déjà depuis le début la série.
Car pour qui ne saurait se satisfaire du seul spectacle avec le cerveau switché en "mode off", une observation plus attentive et/ou exigeante dévoile une accumulation record d’absurdités et même de manipulations au cœur même de la structure narrative et des ressorts scénaristiques de cet épisode supposé pourtant résolutif.

Le twist par lequel s’achevait Discovery 01x14 The War Without, The War Within ne pouvait se justifier tactiquement que si l’épisode suivant apportait une raison absolument vitale pour que Starfleet confie officiellement le commandement du plus puissant vaisseau de la flotte (dans la période la plus critique de la guerre) à une Hitler de dimension galactique.
Hélas Discovery 01x15 Will You Take My Hand ? ne caresse pas même l’ombre d’une justification pour confier à une psychopathe génocidaire une telle fonction. Dans la mesure où l’objectif était de matérialiser l’USS Discovery en spore drive dans une grotte klingonne (en réalité la caldeira volcanique de Molor), puis glaner des informations au sol (dans le campement orion), avant de lancer une hydro bombe dans la lithosphère de la planète Qo’noS… eh bien n’importe quel véritable capitaine de Starfleet était techniquement qualifié pour accomplir cette opération militaire, pourvu que celle-ci soit rigoureusement planifiée au préalable. Même en admettant que les génocides perpétrés par l’impératrice Georgiou dans le Mirror Universe lui conféraient une expertise criminelle et une connaissance accrue de Qo’noS (à supposer que les planètes soient identiques dans les deux univers), ce sont bien les informations dont elle disposait et les stratégies qu’elle proposait qui suffisaient à Starfleet, et non son commandement opérationnel direct… qui plus est hors de tout contrôle direct et sans contre-pouvoir à bord… avec en sus dans ses bagages une arme de destruction massive qu’elle aurait pu retourner contre ses commanditaires (en l’utilisant contre n’importe quel monde de l’UFP, y compris la Terre elle-même).
De surcroît, aucun cover up à des fins de déni plausible (plausible deniability) ne pourrait s’appliquer ici, puisque l’opération est commanditée par Starfleet Command, exécutée par son vaisseau vedette, et n’a de sens que si l’UFP la revendique ensuite dans le cadre de la guerre l’opposant à l’Empire Klingon.
Si encore les scénaristes avaient justifié cette attribution de commandement à une exigence de négociation de Mirror-Georgiou en contrepartie de son assistance… mais cela n’est même pas le cas puisque l’objet de la négociation se limitera "seulement" à sa liberté au sein de l’UFP…
Le twist de l’impératrice Mirror-Georgiou intronisée capitaine de l’USS Discovery par Starfleet Command n’avait donc aucune autre finalité que l’effet de twist en lui-même. Mais ce faisant, il transforme toute l’élite de la Fédération entre une bande d’irresponsables que nulle appréhension de défaite militaire ne saurait excuser. Accessoirement, il pourrait également les transformer en hypocrites doublés de lâches, si l’intention des auteurs était en fait de suggérer que pas un seul de ces amiraux ultra-décorés ayant autorisé une opération de génocide de masse n’avait le courage de la diriger lui-même.

Ainsi donc, la "géniale" stratégie de rupture fournie "providentiellement" par Mirror-Georgiou à une UFP à genoux consiste à faire détoner une hydro bombe dans le cœur volcanique de Qo’noS, qui se révèle une planète-gruyère (quel curieux retcon !), provoquant alors une "éruption phréatique" qui vaporiserait la lithosphère puis saturerait l’atmosphère de cendres, rendant alors la planète mère klingonne totalement inhabitable.
Difficile de savoir ce qui est le plus insultant pour l’utopie trekkienne dans cette proposition : qu’après neuf mois de guerre apocalyptique, absolument personne – parmi les nombreuses sociétés extraterrestres participant à l’effort de guerre (et de survie) – n’ait virtuellement songé à cette option, pas même la Section 31 qui pourtant existe depuis ENT ; ou qu’une telle option ait été aussi spontanément acceptée par tous les pontes de l’UFP, de l’amirale Cornwell à Sarek. Mais en combinant les deux facteurs, cela fait des TPTB discoveriens une combinaison improbable de Télétubbies et de criminels de guerre (voire de criminels contre l’humanité selon l’acception de Nuremberg).
Au 24ème siècle, si l’on admet l’hypothèse difficile d’une timeline commune, durant une Guerre du Dominion pire encore que celle-ci (puisque décrite par DS9 comme la plus meurtrière de toute l’histoire de l’UFP), la faction secrète surnommée Section 31 avait lancé contre les ennemis métamorphes (Founders) une arme biologique, mais ce génocide ne fut jamais cautionné par Starfleet qui s’est d’ailleurs employé à inverser le processus…
Mais dans Discovery, c’est la caste dirigeante de l’UFP et de Starfleet elle-même, c’est-à-dire le Système lui-même qui se rend coupable de crime contre l’humanité, à croire que rien ne le distingue en puissance des Xindis manipulés par les Sphere-Builders dans ENT 03x08 Twilight, du Terran Empire du Mirror Universe, ou du Romulien Nero dans la Kelvin timeline de ST 2009.

Et ce n’est qu’à l’héroïne Michael Burnham, et à elle seule, que l’UFP discoverienne devra de s’épargner le plus irréparable des opprobres criminels. En effet, selon un schéma narratif constant depuis le début de la série, épisode après épisode, la miss Michael-je-sais-mieux-que tout-le-monde-et-toujours-seule-contre-tous réussira à convaincre l’amirauté qu’anéantir Qo’noS n’est "pas bien" et surtout pas conforme aux idéaux de Starfleet. Et comme à chaque fois, il lui suffira de deux ou trois lignes de dialogue pour retourner l’opinion de son ou de sa supérieur(e), la série prenant manifestement place dans une société remplie d’incompétents dont la seule fonction est de faire briller l’héroïne ou le héros providentiel(le). Confirmant que Discovery est un micro-univers Burnham-centré, calqué sur la façon dont Kelvin était lui-même Kirk-centré. Soit l’inverse de la dialectique trekkienne où la véritable héroïne a toujours été la société, les structures, la collectivité, la Fédération elle-même, et dont les protagonistes du main cast étaient certes les meilleurs représentants, mais en aucun cas les exceptions.
Dans Discovery, oubliez tout ça : l’intégralité de la responsabilité (et de la culotte) trekkienne est portée par Michael Burnham qui, après avoir progressivement acquis à sa cause une poignée de fidèles durant la traversée du Miroir (Saru, Culber, et Tilly), convertit finalement à l’idéal trekkien l’amirauté de Starfleet et la société elle-même ! Dynamique anti-trekkienne du monomythe campbellien de Star Wars, de la Kelvin timeline depuis 2009, et maintenant de Discovery : la glorification de l’individu contre la société, soit l’expression même de la pensée dominante contemporaine. Mais que reste-t-il de ce Star Trek qui pourfendait les idées reçues de son temps, qui transgressait le confort intellectuel, qui philosophait et pensait un monde meilleur (et non des héros meilleurs) ?

Ironiquement, la séance de mini-mutinerie – par communication holographique interposée – infligée par Burnham et son "carré de rebelles" à l’amirale Cornwell est supposée être symétrique à la mutinerie de l’épisode pilote (ayant valu à l’héroïne d’être scandaleusement condamnée à l’emprisonnement à perpétuité). Ce sera donc l’occasion une nouvelle fois pour Michael – comme dans chaque épisode depuis – de clamer sa culpabilité, mais cette fois pour exhorter Starfleet à ne pas commettre la même erreur qu’elle.
Ce psychodrame s’apparente ni plus ni moins à une dînette. Car en dépit d’une décision prise par tout l’état-major, l’amirale n’a strictement aucun argument rationnel – fors le désespoir des temps – à faire valoir pour justifier stratégiquement son plan génocidaire. Comment alors de ne pas pouffer de rire lorsque Cornwell se fait moucher par Burnham en vingt secondes chrono avant de lui avouer finalement sa complète indécision ? Et comment prendre au sérieux cette institution qui n’a pas même envisagé la solution coercitive proposée par Michael en préalable de tout crime de masse, pas plus qu’elle n’a envisagé la possibilité que la destruction de Qo’noS provoque à l’inverse une escalade des hostilités venant d’un Empire klingon dont les survivants seraient alors ivres de vengeance et n’auraient plus rien à perdre (le Prime Universe n’étant pas le Mirror Universe et/ou l’impératrice terran n’étant pas forcément de bonne foi) ?

Forte de l’appui de l’amirale Cornwell, Burnham est donc autorisée à suspendre l’exécution du plan génocidaire qui enthousiasme tant l’impératrice. Mais plutôt que de choisir la voie professionnelle de l’efficacité et de la sécurité en ordonnant au personnel de l’USS Discovery de neutraliser/assommer sans discussion la fausse capitaine (ou simplement de la téléporter à bord de l’USS Discovery), Michael préfère confronter psychologiquement Mirror-Georgiou devant le puits du temple où celle-ci a lancé l’hydro bombe
Une confrontation rituelle de blockbuster, où certes la joute verbale se substitue ici à l’habituel combat au-dessus du vide, mais sans être moins inconséquente pour autant, puisque finalement l’héroïne joue gratuitement avec le destin de milliards de Klingons en laissant à l’impératrice terran le libre arbitre d’appuyer ou non sur le détonateur de la bombe (ce dont elle meurt d’envie), allant même jusqu’à la défier de la tuer (alors que Mirror-Georgiou avait déjà tenté d’assassiner Burnham)…
Et pourquoi un pareil risque ? Pour que Michael satisfasse son orgueil personnel (ou son complexe messianique) consistant à métamorphoser également l’impératrice à son contact, en l’amenant à renoncer à ses pulsions exterminatrices et à repartir libre (l’engagement de l’UFP envers elle étant maintenu dans le cas où elle ne ferait pas détoner la bombe). Pour suggérer que Mirror-Georgiou rachèterait des rivières de sang... simplement en épargnant la vie de l’image miroir de sa pupille ?
C’est tout à l’honneur de l’UFP d’honorer ses engagements contractuels, mais laisser librement partir l’impératrice du plus criminel des empires des univers connus sur un simple « sois sage, Philippa » renverrait plutôt à un épisode de Futurama ! En attentant son probable come back dans la saison 2...

Après avoir matérialisé l’USS Discovery dans la cheminée volcanique de Qo’noS, Mirror-Georgiou, Burnham, Tyler, et Tilly se téléporteront dans le campement orion, une zone marchande interlope déployée autour de l’ambassade orionne, et fréquentée par les délinquants, les pirates, et les marchands d’esclaves.
Une véritable cour des miracles, où les quatre protagonistes partiront à la recherche de l’ancien temple de Molor (culte païen klingon pratiquant des sacrifices humains et défait par Kahless, soit une pesante référence au Moloch terrien) pour y lancer le drone – téléguidé depuis l’USS Discovery en spore drive par Stamets – et supposé cartographier Qo’noS de l’intérieur. Une justification particulièrement capillotractée dans la mesure où Stamets est supposé piloter à distance dans les entrailles de Qo’noS le drone avec le même degré de précision que dans le mycelial network, mais il est pourtant incapable de déterminer le point d’entrée des galeries souterraines sans aller questionner l’habitant… Faut-il en rire ?
Parmi des péripéties boutiquières et érotiques dénuées d’intérêt, on notera l’ironie de Mirror-Georgiou qui "get laid" (baisera) et Tilly qui "get high" (se shootera), on s’amusera de ces Orions au vert de peau bien pâle (les maquilleurs manquait-ils de peinture ?), on jouira également d’un sympathique fan-service avec l’apparition dans le rôle d’un Orion de Clint Howard (qui dans son enfance avait joué l’inquiétant Balok dans TOS 01x02 The Corbomite Maneuver). C’est d’ailleurs à cette occasion que Tilly découvrira que la fausse capitaine de l’USS Discovery ne transportait en fait pas dans sa valise blindée le drone prévu mais une hydro bombe aux effets cataclysmiques…
Cet environnement alien - au demeurant particulièrement cheap pour une série au budget aussi pharaonique (les Star Trek bermaniens auront réussi à être visuellement bien plus convaincants sur ce terrain pour un budget pourtant nettement inférieur) - accueillera les scènes les plus laborieuses et poussives de l’épisode, véritable ventre mou de Discovery 01x15 Will You Take My Hand ?.
Par bien des côtés, tout cette séquence orionne s’apparente à un gigantesque gag, car elle occupe une bonne partie d’un épisode qui est pourtant supposé conclure un serial articulé autour d’une guerre apocalyptique ravageant la Fédération, avec une tension narrative qui n’a cessé de croître d’épisode en épisode… à tel point que les spectateurs imaginaient difficilement qu’un pareil climax cumulatif puisse même être résolu en un seul épisode, qui plus est de seulement 45 minutes (les épisodes n’ayant pas de durée pré-calibrée). Pourtant loin de manquer de temps, le final s’attarde dans des peep shows, des bars à putes, et des lupanars - le remplissage confinant ici à la caricature.
Ledit gag n’en est que plus grossier lorsqu’on sait que tout cela est supposé se passer sur la planète mère de l’Empire klingon en pleine guerre totale avec l’UFP... et pourtant les protagonistes humains - sans même chercher à se déguiser en Orions - se baladent en toute tranquillité parmi les Klingons, fraternisant et copulant tant qu’à faire, puis balançant leur bombe dans les entrailles de la planète… et tout ça sans être inquiétés le moins du monde à un quelconque moment !
Quant à l’USS Discovery, il communique librement avec Starfleet Command - et par voie holographique s’il vous plait - depuis le cœur de Qo’noS !
Sérieux ?
Dans le Star Trek historique, ce comportement "d’indifférence par arrogance" était vraiment l’exclusivité des Borgs. Même si les Klingons n’ont jamais été aussi paranos que les Romuliens, des opus comme ST VI The Undiscovered Country ont bien montré qu’il est très difficile de pénétrer dans leurs installations et sur leurs territoires.
Cela dit, si les Klingons 2.0 de Discovery sont ivres de prétention au point de laisser les humains faire librement du tourisme (limite de la villégiature) sur leur planète-mère, c’est vraiment à se demander pourquoi Starfleet n’a jamais tenté d’en tirer un profit stratégique durant cette année de guerre...

Mais le clou de l’absurdité tient probablement à la façon éhontée dont Discovery 01x15 Will You Take My Hand ? ose se débarrasser en deux coups de cuillère à pot de l’épais fil rouge sous le poids duquel la première saison ultra-sérialisée avait pourtant croulé.
L’Rell, détenue sur l’USS Discovery depuis six épisodes, toujours supportrice inconditionnelle de la victoire klingonne (à peine ébranlée par la désunion des 24 Maisons sur le dos des rêves messianiques de T’Kuvma), et encore passée à tabac en début d’épisode par l’impératrice Mirror-Georgiou… se voit soudain libérée par Burnham… avec pour mission d’unir elle-même toutes les Maisons klingonnes… au moyen du détonateur de l’hydro bombe ! Elle obtempère immédiatement, ou presque (elle avait juste besoin de reprendre un peu confiance en elle). Puis s’ensuit un petit discours vite fait dans une gigantesque grotte (plus vaste que le Sénat Galactique de Coruscant) pour relancer la réunification voulue par T’Kuvma… mais cette fois autour de la paix ("sinon j’fais péter ma bombe dans Qo’noS") ! Les Klingons qui, d’abord goguenards, se riaient d’elle... s’écrasent et obtempèrent pieusement aussitôt qu’elle brandit son padd (enfin sa télécommande-détonateur) ! Hilarant. Et hop, aussi sec, toute la flotte klingonne se replie partout dans l’univers, y compris les vaisseaux qui s’apprêtaient à ravager la Terre !
Futurama ? Non ! Tripping The Rift ? Non ! Red Dwarf ? Non ! The Orville ? Non !
Le Star Trek 2.0 de Discovery !

En somme, le seul levier (i.e le détonateur) dont disposait Starfleet pour faire plier la détermination de l’Empire klingon à anéantir l’UFP est confié par Burnham à la plus loyale disciple de celui-là même (T’Kuvma) qui avait en premier lieu lancé cette "guerre sainte" il y a plus d’un an !
Mais il n’a traversé l’esprit d’aucun officier de Starfleet que L’Rell n’était en aucun cas digne de confiance, qu’elle pourrait vouloir poursuivre l’œuvre guerrière de son défunt gourou (s’il le faut dans un second temps après la phase d’unification), et que les héros ont donc livré sur un plateau d’argent aux Klingons une arme de destruction massive (qui pourrait possiblement un jour être extraite et/ou récupérée par voie de téléportation) ?
En aval, maintenant que Starfleet est virtuellement capable tirer un tel profit stratégique de la fragilité de Qo’noS, comment est-il possible d’expliquer le parfait équilibre des forces entre UFP et Empire Klingon dans TOS 01x27 Errand Of Mercy ? Les Klingons vont-ils boucher un à un les trous de leur planète (et du scénario) pour cesser d’être en sursis ?
Et il n’a traversé l’esprit d’aucun showrunner qu’un petit discours de paix n’a jamais été capable d’arrêter une authentique guerre de course voire d’une guerre terroriste (la rivalité des 24 Maisons pour trucider un maximum de ressortissants de l’UFP), a fortiori une fois le sang versé au sein d’une culture aussi belliqueuse ? Les auteurs connaissent-ils seulement des épisodes comme ST DS9 05x05 Nor The Battle To The Strong qui avaient montré que même lorsqu’une guerre est officiellement stoppée par le chancelier de l’empire klingon en personne, elle continue longtemps encore sur bien des fronts ?
Mais il est vrai qu’il s’agissait d’un autre Star Trek, d’une autre vie... où l’idéalisme ne se construisait jamais au détriment d’une once de réalisme.
Désormais, la magie d’un tour de passe-passe de foire devrait suffire à faire le bonheur des spectateurs. Mais à condition de ne surtout pas s’attarder, de ne même pas penser.

Toujours est-il que l’équilibre narratif postule que la puissance de résolution d’une intrigue soit à l’avenant de l’importance du développement.
Or Discovery aura pris un élan durant quatorze épisodes... pour finalement couler directement à pic dans son final ! Nous frisons là le record Guinness de la courteur de saut en longueur avec élan.

Au passage, rien de plus normal bien sûr qu’Ash Tyler, pourtant totalement affranchi de la personnalité klingonne de Voq (il n’en conservera que les souvenirs factuels dépersonnalisés), renonce à rester parmi les humains, et décide de suivre L’Rell en dépit du poids de ses traumatismes ! Belle contradiction... ou beau syndrome de Stockholm masochiste.
Mais probablement est-ce la façon dont les showrunners Kurtzman et Goldsman entendent figurer le rapprochement entre Terriens et Klingons, par la voie du bistouri et du scalpel... Une curieuse façon de rendre hommage à Dave Bailey à la fin de TOS 01x02 The Corbomite Maneuver.
Bah ! Qui bouderait un rab de soap mielleux et un patin mièvre d’adieu entre Michael & Ash ?

Mais par-delà ces incohérences factuelles (dont on ne peut que se gausser) et un timing express (impossible à prendre au sérieux), ce retournement de situation militaire sonne tragiquement faux parce qu’il fait soudain mine d’ignorer que le paradigme klingon respecte seulement la force, plus encore dans le cas des Klingons 2.0 inventés par Discovery.
C’est par une démonstration de force de T’Kuvma que la guerre avait débuté, c’est donc logiquement par une démonstration de force de Starfleet qu’elle aurait dû s’achever. Burnham l’avait d’emblée compris - seule contre tous - dans le pilote de la série... mais elle n’a visiblement plus besoin de le comprendre dans le final de série puisque l’univers a désormais courbé ses propres lois et rétrospectivement truqué les postulats initiaux ! Et ce, par pure démagogie, pour complaire à la culpabilité de l’héroïne et la gratifier d’un onanisme de rédemption réputé communicatif.
Et décomposant la structure narrative en algorithme simple (donc un peu simplificateur pour les besoins de cette mise en évidence) :
- Discovery a tenté de faire croire dans le pilote que Burnham avait tort de vouloir attaquer la première le Sarcophagus pour forcer les Klingons (selon leur propre entendement) à respecter la suprématie de Starfleet (une position pourtant réaliste et qui était celle de Starfleet dans le Star Trek historique).
- Mais feue la capitaine Philippa Georgiou est supposée avoir eu raison de rester laxiste face aux bravades des Klingons (sauf que c’est justement cette posture anthropocentriste, apathique, ou niaise qui a engendré la guerre puisque ce fut interprété par les Klingons comme un signe de faiblesse). Et pour enfoncer le clou, la série a tenté ensuite de légitimer la condamnation à perpétuité de Burnham (dans le cadre d’une fausse justice digne d’un pays totalitaire) pour conférer une pseudo-profondeur dostoïevskyenne à l’héroïne principale.
- Puis, dans son final, Discovery tente de faire croire (au nom d’idéaux trekkiens mal compris) que Starfleet aurait en soi tort d’attaquer Qo’noS pour renverser les rapports de force et imposer sa suprématie aux Klingons (alors que c’est pourtant la leçon qui aurait dû être tirée des erreurs commises dans le pilote) ;
- Tandis que Burnham (via L’Rell et un détonateur télécommandé) aurait soudain raison de proposer la paix aux Klingons. Et "la preuve" en serait que ça a marché, puisque ceux-ci acceptent cette paix sans discuter (alors qu’ils avaient tous les atouts pour anéantir l’UFP). Mais euh... les auteurs oublient-ils que c’est précisément cette posture anthropocentriste, apathique, ou niaise qui avait conduit à la guerre dans le pilote de la série ?
Alors que constate-t-on ? Eh bien, que cette construction n’est pas du tout homogène ! Car les règles du jeu (et donc les lois naturelles) ont subrepticement changé en cours de route : sans pour autant assumer une quelconque variation de contexte ou de définition, ce qui conduisait à la guerre au début de la série conduit à la paix à la fin, et ce qui conduisait à la paix au début de la série conduit à la guerre à la fin. Dans Discovery, les mêmes causes dans les mêmes conditions ne produisent donc pas les mêmes effets ! Les showrunners tentent-ils de dissimuler derrière un maximum de pathos cette "triche épistémologique"... ou n’en ont-ils même pas conscience ?
Il s’agit donc là au mieux d’une incohérence globale rédhibitoire dans la construction même de la première saison de Discovery, au pire d’une impudente manipulation de la part des auteurs.
L’épilogue donne tort à son prologue, car la résolution ne respecte pas les hypothèses de départ. Et c’est bien là l’origine de la très pénible sensation d’escroquerie narrative (et intellectuelle) qui transparaît dans cette fin de saison.
Incompétence crasse ou arnaque décomplexée des showrunners ? Aucune des deux réponses n’est rassurante.

La fin de l’épisode consiste en un simple mix de celles de Star Trek 2009 et de Star Trek Into Darkness. Ce qui est finalement plutôt de circonstances vu que la résolution parvient à être encore plus superficielle et bâclée que la victoire sur Nero… alors que l’histoire aura tout de même duré 13 heures (et non 2).
Comme au terme du premier Kelvin, quoique cette fois non plus à San Francisco mais à Paris (au passage un Paris dystopique à la Blade Runner !), Michael Burnham est réintégrée dans Starfleet à son grade initial de Commander, tandis que les principales figures de proue de l’USS Discovery (Saru, Stamets, Tilly) sont décorées de la Medal of Honor… devant un parterre d’officiels de l’UFP et d’officiers de Starfleet, sous un tonnerre d’applaudissement bien entendu.
Et comme au terme du second Kelvin, un "beau" discours ultra-ricain très connoté Democratic Party (qui aurait pu être signé Hillary Clinton) est prononcé par Michael Burnham - à la fois publiquement avec componction et intérieurement tel un mantra - quant au droit à la seconde chance, quand à la nécessité de se remettre en question, quand au bénéfice de la reconnaissance de ses erreurs (Burnham continuant à s’accuser avec un invariable dolorisme d’un crime imaginaire), quant à la réaffirmation de la prétendue identité de l’UFP et du Starfleet discoverien (qui pourtant est précisément ce qui a conduit à cette guerre absurde), et quant à sa vocation exploratoire (une promesse électorale).
Telle une réponse antisymétrique au pilote Discovery 01x01 The Vulcan Hello, il s’agit bien là du point d’orgue de la saison, supposé expliquer les agissements de tous les protagonistes, et en particulier de l’héroïne en titre qui y gagne sa rédemption pour la prétendue "faute morale" qu’elle traînait tel un boulet de forçat depuis le début de la série. Malheureusement, comme montré ci-avant, une démonstration est invalide dès lors que l’axiome fondateur est erroné (Burnham n’a commis initialement aucune faute morale, mais c’est en revanche Starfleet qui en a commise une envers elle, outre de commettre une faute stratégique envers l’Empire klingon).
Toutefois, une pareille aporie est révélatrice d’une pathologie sociale, en l’occurrence une industrie hollywoodienne tellement formatée par la dynamique tire-larme de l’auto-culpabilisation, de la confession publique, et de la rédemption... que même les lois naturelles des univers imaginaires doivent dorénavant s’y plier. Du coup, la perception subjective et autocentrée des torts éventuels du (ou de la) protagoniste se substituent à la réalité objective de ceux-ci, ce qui favorise les cérémonies rituelles cathartiques dont le public contemporain est tant accro - la jouissance narcissique d’une rédemption étant émotionnellement plus gratifiante qu’une critique sociale ou une introspection constructive.
Telle une apothéose de l’Ouroboros, cette scène proclamatrice, délivrée à la façon d’un credo religieux, donnera une nouvelle fois l’occasion à Michael Burnham de faire doctement la leçon, mais cette fois carrément à Starfleet et à la Fédération (au mépris de tout ce que la série avait mis en scène dans son pilote). Procédant d’un seul individu qui constitue à la fois le point de mire et le point de fuite de Discovery, l’utopie trekkienne se voit ainsi symboliquement recrée - voire baptisée - par l’héroïne en titre. Et comme pour suggérer sans finesse une nouvelle nativité voire une résurrection dans un corps de gloire, la péroraison moralisante (et tellement neuneu) de l’épisode est emphatisée par une BO (piano) à la grandiloquence sirupeuse.
Alléluia.

Face à ce festival de facilités (dans les meilleurs cas), de non-sens (dans les principaux cas), et d’intox (dans les pires cas), que reste-t-il finalement de la suspension d’incrédulité ?
Doit-on – et peut-on – vraiment fermer les yeux sur tous ces "détails" (qui n’en sont pas vraiment) pour préserver à n’importe quel prix son bon plaisir de spectateur ? Et même en réussissant tant bien que mal à suspendre son temps de cerveau disponible pour jouir dans l’instant de l’expérience de visionnage, celle-ci peut-elle vraiment survivre intacte à un coup d’œil dans le rétroviseur, lorsque les événements sont mentalement remis en perspective ? Doit-on s’imposer un constant déni de réalité pour tenir la position socialement correcte de groupie de toutes les nouveautés ?
Doit-on aussi se féliciter que Discovery résolve (en quelque sorte) dans les deux derniers épisodes de la saison 10% des disparités chronologiques qu’elle aura elle-même créées dans les premiers épisodes ? La mission première d’un authentique prequel n’est-elle pas de crédibiliser et renforcer la cohérence de ce qui existait auparavant (comme avait si magnifiquement su le faire Enterprise), plutôt que de se contenter de résoudre bien maladroitement (comme Discovery) une faible partie des innombrables incohérences nouvelles créées par le prequel lui-même, tel un pompier pyromane ?
Contrairement à ce que semblent penser certains promoteurs actifs de Discovery, être perpétuellement expulsé de toute suspension d’incrédulité en cours de visionnage n’est pas un choix volontaire, et en être réduit à comptabiliser les WTF n’est ni un plaisir de gourmet ni un divertissement enrichissant. La prétendue "suranalyse" de Discovery n’est en réalité qu’un exercice diagnostique pour tenter d’expliquer cet inconfort ou cette insatisfaction, et non un acte prémédité et préétabli d’instruction (de procureur) exclusivement à charge.

Alors maintenant que cette première saison est un chapitre clos, suivie en temps réel ou en binge watching, faisons le bilan.
Outre d’avoir accumulé toutes incohérences envers elle-même (en tant que série TV) et les sophismes idéologiques à la remorque de la Doxa (en tant que moteur de bonne conscience), Discovery aura finalement réussi le tour de force de réunir le pire des deux mondes : un viol totalement vain de la chronologie internaliste (alors qu’il aurait été tellement plus naturel de prendre place dans un futur post-VOY et/ou dans un autre univers)… mais en même temps un perpétuel fan service fétichiste très symptomatique des micro-univers de bac à sable (et d’une frilosité ou d’une paresse créative).
Somme toute, outre de ne pas respecter les quarante ans de Star Trek historique (1964-2005) et la timeline originelle dans laquelle elle prétend prendre place (d’après ce que clament ses producteurs et showrunners), Discovery ne se respecte pas non plus elle-même (si on la considère comme une série TV ou un serial de SF autonome et hors de tout univers préexistant).
Bryan Fuller a quitté la radeau de la méduse, et on devine de mieux en mieux pourquoi... Quant aux vétérans Nicholas Meyer, Joe Menosky, et Eugène Roddenberry dont les noms prestigieux furent invoqués durant la campagne promotionnelle, ils n’étaient de tout évidence que des alibis commerciaux de placement.

Cette première saison de Discovery a été ni plus ni moins la version longue des films Kelvin : des affrontements blockbusteriens contre des vilains sortis de nulle part, des intrigues amenées à la truelle de façon extrêmement artificielles puis évacuées à la va-vite de manière totalement téléphonée, entrecoupées de péripéties tape à l’œil et de dialogues dark-soapy conformistes, le tout saupoudré d’alibis trekkiens réduits à des punchlines et à des gimmicks de pub. Et pour tout message (de pochette surprise), une belle promesse d’exploration trekkienne dans les dernières minutes du show, sonnant à la façon d’une promesse de politicien. On nous à fait le coup à la fin de ST 2009, puis de nouveau à la fin de ST Into Darkness, puis encore à la fin de ST Beyond, et tant qu’à faire à la fin de la première saison de Discovery. Mais c’est bien connu, « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent »…
Quinze épisodes sur presque six mois entre 2017 et 2018 pour susciter au bout du compte chez le spectateur exactement le même ressenti que celui laissé en 2009 puis de nouveau en 2013 par le reboot de Bad Robot... autant dire la désagréable impression de faire du surplace depuis maintenant presque dix ans dans une boucle temporelle.
À une différence près toutefois : Kelvin n’ambitionnait rien d’autre que d’être un roller coaster estival, et à ce titre, son spectacle décérébré était rarement ennuyeux. Tandis que, si l’on en croit les interviews des showrunners et l’auto-promotionnel After Trek disponible du Netflix, Discovery possède une vraie prétention intellectuelle… Le produit final n’en est que plus risible, d’autant plus qu’il est justement dénué de tout humour et de toute autodérision. Il lui arrive en outre d’être périodiquement ennuyeux (comme pendant les soporifiques scènes soapy ou durant l’interminable balade dans le "souk" orion), et sa forme est trop rarement à l’aune de son colossal budget (mais où passent les prétendus 8 millions de dollars par épisode ?).
Alors à nombre d’incohérences et vide sémantique équivalents, avantage tout de même au Star Trek 2.0 le moins prétentieux, mais aussi le moins long (en nombre d’heures de programme), et ayant finalement le "respect" d’assumer sa timeline séparée. Au moins, les films Kelvin pourront peut-être un jour passer pour des nanars, alors que la série Discovery n’aura même pas cet "honneur".

À propos d’assomption, ce qui ressort surtout de cette première saison, c’est que Discovery n’assume aucun de ses choix et de ses partis pris, probablement moins encore que le reboot de 2009 :
- Discovery n’assume pas vraiment les implications (contextuelles, politiques, technologiques, et esthétiques) d’un placement dans la timeline d’origine entre TOS 00x01 The Cage et TOS 01x01 Where No Man Has Gone Before (l’objectif était de capitaliser sur la branchouille vintage de TOS mais sans pour autant la respecter).
- Discovery n’a jamais assumé le caractère kafkaïen de la condamnation inique infligée à Burnham dans le pilote (en se gardant bien de questionner les fondements de cette décision et de la société elle-même) afin d’en faire un perpétuel levier de culpabilisation du personnage principal durant toute la saison, avant de réécrire (et donc falsifier rétroactivement) dans le final toute les propositions initiales (pour sacrifier la crédibilité de la société à la seule rédemption de l’héroïne).
- Discovery n’a pas assumé sa découverte prématurée du Mirror Universe (croyant pouvoir refermer cette boîte de Pandore par un simple gag order - alias classification - mais en laissant dans le même temps l’impératrice du Terran Empire se balader librement dans l’UFP et en se gardant bien de considérer le sort de l’USS Defiant dix ans après).
- Discovery n’a pas assumé les conséquences épistémologiques d’une technologie de Starfleet permettant des voyages instantanés n’importe où dans l’univers (or il s’agit là d’une telle révolution copernicienne que même si elle devait être finalement assortie d’un classement secret, d’une perte de viabilité, ou d’une interdiction légale, bien des événements et des états d’esprit auraient dû s’avérer radicalement différents dans TNG, DS9, et VOY). Même mention pour le générateur de boucles temporelles de Harry Mudd.
- Discovery n’a pas assumé le reboot physique (gothique voire xénomorphe) et mental des Klingons qui s’insèrent très difficilement au sein d’une chronologie déjà largement connue contrairement à l’époque de The Motion Picture (l’objectif était visiblement de créer une nouvelle espèce ennemie mais en capitalisant tout de même sur la notoriété établie des Klingons, en somme comme pour le bad guy de Into Darkness qui n’avait rien à voir avec Khan tout en portant son nom).
- Finalement, Discovery n’assume pas dans final les implications du fil rouge de la saison, à savoir la guerre avec l’Empire Klingon mettant littéralement à genou la Fédération, puisque ce ressort se volatilise soudain comme dans une séance de prestidigitation de music-hall (il y a une guerre apocalyptique, et hop en deux gestes et trois phrases, hocus-pocus et abracadabra, il n’y a plus de guerre !).
- Et bien sûr, aucun des quinze épisodes n’est crédible, accumulant les nawaks comportementaux, les contresens idéologiques, et les fautes logiques, avec pour point culminant DIS 01x07 Magic To Make The Sanest Man Go Mad (la boucle temporelle la plus absurde de l’histoire audiovisuelle)… et le final DIS 01x15 Will You Take My Hand ? qui réussit le tour de force de ne posséder strictement aucune scène tenant debout - soit littéralement Plan 9 From Outer Space mais avec un budget de blockbuster !

C’est bien cet anti-palmarès là qui posera le plus de problèmes aux trekkers. Car contrairement à l’idée reçue, l’amour de Star Trek – cette science-fiction pas comme les autres – n’a jamais consisté en une fétichisation adulescente d’uniformes-pyjamas dans des décors kitsch avec des VFX fauchés. L’amour de Star Trek n’a jamais impliqué non plus de fuir le réel dans un conte de fées sis dans un univers idéalisé de Bisounours avec des personnages aussi vertueux qu’aseptisés.
Non, l’amour de Star Trek, c’est avant tout l’amour de vrais sujets de fond éclairant de façon pertinente voire inédite nos vies, nos sociétés, et notre condition humaine. L’amour de Star Trek, c’est aussi l’amour d’un univers aussi cohérent que celui du monde réel, ayant une vraie pesanteur, c’est-à-dire où chaque acte possède de véritables conséquences, où les lois naturelles et les lois causales sont omniprésentes, et où aucun visionnage ne laisse la désagréable impression de n’être – in fine – qu’une simulation, un illusionnisme, un enfumage, une fumisterie ayant fait perdre un temps précieux à des vies déjà si courtes.

À l’instar des trois Kelvin, rien de tout cela ne sera rédimé par la multiplication de clins d’œil aux clichés sur-digérés par la culture populaire. Et recaster sans conviction des personnages iconiques comme Sarek, Amanda, ou Mudd n’aura pas suffi à faire passer la pilule.
Et maintenant, faire surgir l’USS Enterprise de Pike (inexplicablement modernisé d’ailleurs car ressemblant davantage à l’USS Enterprise refité de The Motion Picture quinze ans après) dans les dernières secondes de la saison n’est pas un gage de trekkisme ni un signe de ralliement. C’est tout au mieux une juteuse sucette à l’anis destinée à émouvoir à peu de frais les incurables trekkies. Et plus qu’un twist, c’est surtout un hook commercial destiné à favoriser le renouvellement des abonnements à CBS All Access pour la seconde saison… tout en alimentant un gros buzz cyber-communautaire durant sept mois avec les inévitables questions-refrains :
- Est-ce que la seconde saison de Discovery aura le courage de la série Enterprise en reproduisant l’intérieur de l’USS Enterprise à l’identique de TOS (comme l’exigerait la prétendue unicité de timeline) ?
- Est-ce que Pike sera recasté une seconde fois ou sera-t-il interprété de nouveau par Bruce Greenwood ?
- Est-ce que Spock apparaîtra (sachant que TOS 02x15 Journey To Babel avait établi que Spock et Sarek ne s’étaient pas vu depuis 18 ans) ? Et si oui (et tant pis pour la continuité), sera-t-il lui aussi recasté une seconde fois ou sera-t-il incarné par Zachary Quinto ? [À noter que sur cette question, les showrunners auraient déjà répondu par la négative.]
- Est-ce que finalement l’apparition de l’USS Enterprise restera aussi fantomatique qu’à la fin de DIS 01x15 Will You Take My Hand ?, c’est-à-dire réduite à un caméo externe (pour ne pas faire apparaître l’intérieur du vaisseau histoire d’avoir une nouvelle fois le beurre et l’argent du beurre sans assumer), tandis que le signal de détresse entre la Terre et Vulcain ne serait qu’une fausse alerte (à la façon des bons vieux cliffhangers page-turner de fins de planches dans les BD franco-belges) ?
Nous sommes manifestement là dans les plus hautes sphères intellectuelles du trekkisme, rien de moins que le to be or not to be de Star Trek… du moins selon les préjugés méprisants d’Alex Kurtzman, d’Akiva Goldsman, et de Leslie Moonves… qui – par un savant mélange sadomasochiste de profanation, de frustration, et de fan-service – tentent de faire de la relation d’appartenance ou non à la timeline de TOS… le nouvel os à ronger des trekkers !

Ce type de procédé suggère que les producteurs et showrunners prennent vraiment les trekkers pour des imbéciles immatures, pour des geeks, des nerds, des freaks… voire pour des singes dans un zoo, à qui il suffirait périodiquement de lancer quelques cacahuètes parfumées au goût (artificiel) et aux couleurs (kitsch) de Star Trek pour en faire des consommateurs contents, polarisés, et même reconnaissants.

Mais le twist upgradé i.e. le hook synesthésique final empruntant la forme de l’USS Enterprise de Christopher Pike, c’est aussi là le signe éloquent d’un flagrant manque de confiance en soi, d’une incapacité à voler de ses propres ailes !
Visiblement, les showrunners de Discovery ont conscience de ne pas proposer de contenu suffisamment intéressant par lui-même (quelle litote d’ailleurs !) pour garantir un retour massif de spectateurs en seconde saison. Du coup, leur seule parade est de convoquer pesamment le Star Trek passé, bien plus fidélisant que le pseudo Star Trek actuel. Une tactique révélatrice d’une démission créative, car s’est-il trouvé un seul épisode de fin de saison de TNG-DS9-VOY-ENT qui ait exploité la mémoire ou l’image des icônes de TOS pour lancer la saison suivante ?

Star Trek 2.0 capitalise encore et toujours sur son label trendy (à grand renfort de support médiatique). Mais il serait grand temps que la franchise nouvelle sorte de l’auto-complaisance et de l’arnaque intellectuelle érigée en système... pour aborder des problématiques ambitieuses et intelligentes comme l’avait si bien fait la franchise historique jusqu’en 2005 non stop. Et tant pis s’il faut désormais en passer par une rupture définitive - mais si possible franche et assumée - avec quarante années de parfaite unité & continuité trekkiennes (si l’internalisme est bel et bien appelé à être une cause perdue, autant que son spectre ne soit pas prétexte à un rideau de fumée au service d’une pollution mentale voire d’une perpétuelle diversion à l’absence de fond).
Parce que la concurrence est loin de se reposer sur ses lauriers, et la plupart des séries de SF produites aujourd’hui se révèlent autrement plus ambitieuses et crédibles que le spectacle stérile et inutile infligé par Discovery depuis six mois...
Souvenons-nous qu’il fut un temps où Star Trek était à la fois pionnier et leader en SF télévisuelle...

YR

EPISODE

- Episode : 1.15
- Titre  : Will You Take My Hand ?
- Date de première diffusion : 11/02/2018 (CBS All Access) - 12/02/2018 (Netflix)
- Réalisateur : Akiva Goldsman
- Scénaristes : Akiva Goldsman, Gretchen J. Berg et Aaron Harberts

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