Star Trek Discovery : Review 1.14 The War Without, The War Within
Après deux semaines d’absence, difficile de commencer la critique de cet épisode sans commenter les deux précédents.
Personnellement, je déteste littéralement le binge watching. Avaler une saison d’une série en un clin d’œil est pour moi synonyme de gavage d’oies. Rien que d’y penser, j’ai des convulsions d’estomacs... Pour autant, si j’en crois mon plaisir décuplé à avoir vu le 1.12 et 1.13 de Discovery à la suite, j’ai le sentiment que la série aurait gagné à être montrée de cette façon. Quand je lis les critiques d’Eric et Yves, je comprends les arguments qu’ils avancent pour noter aussi mal ces épisodes. Mais, pourquoi éliminer totalement de l’équation le simple plaisir à suivre les aventures de cet équipage.
Si je reconnais que DIS montre un net recul dans la réflexion sur l’avenir de l’humanité qui faisait l’ADN des cinq séries précédentes, ce n’est pas (plus) pour moi une raison suffisante pour bouder mon plaisir. OUI, je le clame haut et fort. J’AI PRIS MON PIED avec ces deux épisodes. Les rebondissements incessants, certains bien vu, d’autres, je l’admets, complètement capillotractés, peuvent procurer beaucoup de plaisirs pour ceux qui veulent bien s’y abandonner. Encore faut-il arriver à se libérer du poids du passé sans pour autant le renier, accueillir avec plus de bienveillance ces nouveaux personnages et se laisser porter.
Si le nombre de séries intelligentes étaient proches du zéro absolu du temps de TNG, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les héritiers de Gene Roddenberry sont nombreux, l’ADN de Star Trek se retrouve dans The Orville, Black Mirror, Westworld et bien d’autres. Franchement, le fan de Star Trek, que je suis, ne se sent absolument pas orphelin. Je suis même plutôt optimiste pour la prochaine saison de Discovery. Sans penser que la production va abandonner le coté feuilletonnant de la série, je suis persuadé qu’il y a aura plus d’épisodes unitaires qui remettront en lumière les thématiques trekiennes.
Bref, revenons à l’épisode de cette semaine. Celui-ci marque la transition entre l’univers miroir et le final de cette saison qui verra sans aucun doute la victoire de la Fédération. L’épisode dit au revoir aux rebondissements tous les 5 minutes pour s’intéresser à la situation psychologique des personnages après les difficiles événements qui ont bouleversés leurs vies.
Bien évidemment, c’est l’occasion de voir s’il y a un avenir à la relation entre Burnham et Tyler. Si Voq a été éliminé de la psyché de Tyler, celui-ci garde tous les souvenirs du Klingon et des actes qu’il a commis. C’est donc un Tyler bouleversé qui essaye de se reconnecter à ses camarades du Discovery. Il n’y aura sans doute pas, et c’est tant mieux, de happy end à l’histoire d’amour avec Michael. Leur grande scène, sur ce sujet, est, je trouve, très bien vue.
J’ai retrouvé avec beaucoup de plaisir Jayne Brook (l’amirale Cornwell) qui a des choses intéressantes à jouer cette semaine. C’est une amirale au bord du burn-out qu’on retrouve. Les défaites successives de la Fédération et la litanie des morts la laisse sans voix. On assiste aussi aux retrouvailles avec L’Rell, la Klingonne qui l’avait torturé. Là aussi, je trouve que cette semaine marque une hausse de qualité dans les dialogues.
L’épisode est donc traversé par ces petits moments qui ne peuvent avoir de sens que si, en tant que spectateur, vous avez commencé à tisser des liens empathiques avec ces personnages.
Reste le statut de l’Impératrice Ming, euh..., Georgiou. Si j’ai adoré la proposition surjouée de Michelle Yeoh, je reste très dubitatif sur la révélation finale de cet épisode. Et ce, dans le sens où je ne comprends pas ce que cela peut apporter au final d’avoir une fausse Capitaine à la barre du Discovery. Soit les scénaristes ont une idée géniale pour le final, et à ce moment-là, je serais le premier à applaudir. Soit il n’y a pas de raison impérieuse et je risque de gueuler fort la semaine prochaine.
Yves a depuis longtemps fait le recueil des petites et grandes divergences de DIS avec la franchise. Je suis d’accord avec lui, la production et les scénaristes ont souvent fait de graves erreurs. Mais si le but est bien, en définitive, de coller (plus ou moins) avec la Série Originale, je considère que le dernier épisode de cette saison ne peut que répondre à une question : pourquoi les Klingons ont une apparence humaine dans TOS. Est ce que l’impératrice aurait développé dans le Miroir une arme génétique pour transformer les Klingons ? Est ce que la Fédération est capable pour gagner à aller vers cette infamie ? J’attends avec impatience des réponses et pas seulement un cliffhanger de plus vers une saison 2 qui serait dans la continuité avec ces quinze épisodes.
FM
Au terme de l’arc de quatre épisodes dans l’univers miroir, Discovery 01x14 The War Without The War Within prétend s’ériger en épilogue introspectif, à la façon de TNG 04x02 Family envers le célèbre diptyque borg ou ENT 04x03 Home pour les 28 opus du Delphic Expanse.
Ainsi, l’attention de l’épisode est en priorité portée sur les personnages, allant du bilan psychologique des traumatismes infligés par le cauchemar du Miroir à la résolution de leurs conflits interpersonnels, en passant par la confrontation à la nouvelle donne d’une Fédération en voie d’anéantissement sous les assauts klingons.
Par ordre décroissant de temps de présence à l’écran, il y aura :
le chemin de rédemption d’Ash Tyler auprès de l’équipage puis auprès de Michael ;
l’épuisement moral (confinant au désespoir) de l’amiral Cornwell ayant abordé l’USS Discovery l’arme au poing à la façon d’une maquisarde en territoire occupé (il faut dire aussi que l’épave de l’ISS Discovery - détruit par les Klingons dès son arrivée dans le Prime Universe - fut en fait prise pour celle de l’USS Discovery) ;
la frustration et finalement l’opportunisme de l’impératrice Mirror-Georgiou qui négociera sa liberté (voire une place dans le Prime Universe) en contrepartie d’une stratégie victorieuse contre l’Empire klingon ;
le malaise de L’Rell qui découvrira son peuple en passe de vaincre la Fédération mais en suivant la voie opposée à celle prônée par son gourou religieux T’Kuvma ;
Sarek qui affrontera Mirror-Georgiou dans un duel symbolique de paternité/maternité à l’endroit de leur pupille respective ;
Tilly qui prodiguera des leçons comportementales du haut de sa vieille expérience de cadette ;
Stamets qui demandera dignement des comptes à Ash Tyler pour l’assassinat de son amant Hugh Culber ;
et bien entendu Saru et Michael Burnham qui interagiront successivement avec tous ces protagonistes.
Autant dire que fort d’un titre VO supposé renvoyer les guerres extérieures endeuillant l’univers aux guerres intérieures mettant à l’épreuve les personnages, Discovery 01x14 The War Without The War Within est un épisode qui ambitionne d’octroyer une place centrale aux émotions, aux échanges, aux recueillements, aux péroraisons, et à une sérénité de rythme que n’aurait pas boudé la très contemplative TNG.
Magnifique, n’est-ce pas ?
Probablement à l’aimable attention des fondus de character driven pour qui les personnages de Discovery seraient devenus en une petite quinzaine d’épisodes les amis virtuels de Friends.
Malheureusement, à quelques trop rares exceptions près, ces lignes de dialogue n’ont de qualité que l’apparence et de profondeur que le contresens.
La discussion entre L’Rell en détention et l’amirale Cornwell – ex compagnes d’infortune en quelque sorte lorsque le bourreau avait fini par rejoindre la victime – est construite telle une redite de la manipulation d’Hannibal Lecter derrière les barreaux de sa prison. Mais finalement, seule Cornwell infligera un malaise à L’Rell en lui révélant que les Klingons sont en train d’obtenir (i.e. la destruction de l’UFP) par la division (i.e. l’émulation mortifère entre les 24 Maisons) ce que le prétendu messie T’Kuvma cherchait par l’unité. En retour, en dépit d’une piqûre de rappel (à caractère transpositionnel pour cibler une nouvelle fois l’administration Trump) sur les convictions erronées de T’Kuvma selon lesquelles l’UFP viserait "l’homogénéisation universelle par l’assimilation" (quitte à déposséder au passage avec plus d’un siècle d’avance Michael Eddington de la primeur de son discours dans DS9 04x22 For the Cause), Cornwell n’apprendra rien de L’Rell qu’elle ne savait déjà sur la politique de terre brûlée, pour ne pas dire "d’extermination concurrentielle" de la Fédération par les 24 Maisons klingonnes. Pourtant, cet échange sera construit de façon à suggérer un grand bénéfice mutuel...
Sarek confond la philosophie vulcaine et trekkienne avec la philosophie chrétienne lorsqu’il vante auprès de sa pupille Michael "l’amour de ses ennemis" comme vecteur inégalé de paix. Puis, contredisant le kolinahr vulcain au cœur de la vie du personnage homonyme de TOS, Sarek valorise le bénéfice des élans amoureux comme le ferait n’importe quel père de famille étatsunien contemporain ("Do not regret loving someone, Michael").
Comme dans Kelvin, la "vulcanité" se limite dans Discovery à quelques slogans, parfois pétris de contresens, et utilisés au bon vouloir des showrunners. Mais ladite "vulcanité" hérite en revanche d’un "super-pouvoir", une fusion mentale largement upgradée et étendue… que Sarek utilise d’ailleurs intensivement dans la série, contre le gré des sujets si nécessaire… tandis qu’il en faisait un usage aussi discret que parcimonieux dans le ST historique (au point de ne l’avoir jamais pratiqué avec son fils de sang, Spock).
L’épisode entretient intentionnellement une ambivalence au sujet d’Ash Tyler comme si la sentience humaine du personnage n’était qu’un construct klingon.
Mais alors soit l’on estime que l’exérèse de la personnalité de Voq par L’Rell (dans l’épisode 12) n’est pas complète et/ou demeure vaine et/ou ne saurait exonérer Ash Tyler des actes commis par le propriétaire initial du corps chirurgicalement modifié, auquel cas Saru ne devrait pas prendre le risque – a fortiori en temps de guerre avec les Klingons – de laisser un ex-agent double en liberté sur l’USS Discovery (quand bien même avec des privilèges limités et un bracelet de surveillance au poignet). Après tout, Ash avoue lui-même que Voq était le prototype d’une opération d’envergure, portant même un nom (le choH’a’ selon les Mo’Kai), à savoir la "réassignation interespèces".
Soit l’on estime à l’inverse que la personnalité de l’officier de Starfleet capturée durant la Battle At The Binary Stars a bien été restaurée (ou est du moins appelée à l’être), et dans ce cas on ne tient pas implicitement Ash pour responsable des actes de Voq (au point d’annoncer qu’il ne retrouvera jamais sa place dans Starfleet avec la même forme d’iniquité structurelle que celle qui a frappé Burnham)… et cela rien que pour pouvoir contempler ensuite la "générosité" prétendument trekkienne d’un équipage prêt à lui pardonner... au prix d’une séquence convoquant la sémiotique des séries pour ados à la cafétéria/cantine de l’école où la gentille Tilly ouvre le bal de la re-sociabilisation (mais sans omettre de checker autour d’elle - telle une Alexis de Dynasty - pour s’assurer que tout le monde voie bien son geste, provoquant alors la transhumance d’un équipage suivant "courageusement" son exemple).
Mais là où Discovery 01x14 The War Without The War Within bat un record de sophistique, c’est durant la scène finale où Michael décide d’affronter Ash dans ses quartiers (après avoir évité de le croiser durant tout l’épisode). Tyler tente alors de renverser les rôles en accusant Burnham de ne pas reprendre sa relation avec lui au motif qu’elle n’assumerait pas d’être tombée amoureuse d’un Klingon ! Faut-il que la prétention SJW (social justice warrior) de la série confine à l’hystérie pour tenter de dénaturer implicitement les faits ! Pour mémoire, jamais Burnham n’est tombée amoureuse d’un Klingon ! Elle est tombée amoureuse d’un humain, c’est-à-dire d’une personnalité humaine (réelle ou simulée) dans un corps dont elle ne pouvait supposer qu’il n’était pas humain d’origine. Et lorsque à sa plus grande surprise, la personnalité klingonne s’est révélée derrière la personnalité humaine, c’était uniquement pour tenter de l’assassiner avec une extrême violence. Dès lors, tout l’échange mélodramatique avec Tyler sonne faux, car sa quête de rédemption exhale un parfum manipulatoire, mais davantage chez le scénariste que chez le personnage, impression désagréable renforcée par le fait que Sarek avait lui-même déjà tenté de déplacer le malaise psychologique de sa pupille sur le terrain d’une relation mixte inter-espèces.
De son côté, les griefs de Burnham ne sont pas mieux écrits tant ils sont frappés au coin du soap très bas du front : ainsi donc Michael n’en veut pas à son ex-boyfriend parce que ce qu’il n’existait tout simplement pas (cas de dol) ou qu’il était un agent ennemi (cas de trahison)... non, elle lui en veut parce qu’il aurait surestimé sa capacité à gérer ses crises de schizophrénie ! Si, si ! Un casus Watergate de mensonge inexcusable-plus-affreux-que-tout ! Nous touchons même là les tréfonds de la gravitude... dans la dictature de la transparence typiquement étatsunienne.
Et finalement, si Michael invoque avec une certaine pertinence – mais surtout un égoïsme certain – la noblesse du stoïcisme (souffrir en solitaire) pour prendre ses distances, sa tentative d’analogie entre la reconstruction d’Ash Tyler aujourd’hui et celle par laquelle elle était elle-même passée après la Bataille des Étoiles binaires est relativement impropre, tant les écarts de traitements auront été grands (le Starfleet dystopique de Discovery ayant indûment infligé à Burnham prison et opprobre général, lorsque le meurtre de Culber valut d’emblée aux suspects successifs Stamets puis Tyler la plus grande bienveillance empathique).
De toutes les scènes de dialogues introspectifs que compte l’épisode, les seules à témoigner d’une authenticité véritable sont :
celle qui oppose Stamets et Tyler, d’une belle maturité car Tyler ne cherchera pas à se dédouaner et tandis que Stamets restera mesuré en dépit de l’indicible préjudice personnel que représente le meurtre de Hugh Culber (une scène qui restera malgré tout très brève, au détour d’une coursive),
et surtout celle qui réunit Burnham et Tilly, lorsque cette dernière souligne que l’environnement façonne les individus, et qu’il est donc nécessaire de ne pas se comporter en Miroir avec Tyler. Mais finalement, cette considération restera lettre morte à l’échelle de l’épisode, même s’il est possible d’y voir la seule trace de "fond" que la série aura tiré de ses quatre épisodes précédents.
(D’ailleurs, c’est seulement grâce à ces deux séquences-là que l’épisode échappe à la note la plus basse.)
Malheureusement, aucune scène ne propose une quelconque remise en question de qui que ce soit. Et pourtant, c’est précisément ce qui manque psychologiquement le plus à l’épisode.
Par exemple, en découvrant l’origine miroir de Lorca, l’amirale Cornwell se garde bien de tout examen de conscience personnel alors qu’elle l’a mis dans son lit sans vraiment soupçonner d’imposture. Sa colère est aussi grosse qu’elle est brève, soit une façon un peu téléphonée de s’affranchir de toute responsabilité.
Par ailleurs, les événements tragiques donnent une fois de plus raison à Michael Burnham : si on l’avait laissée détruire le Sarcophagus dès l’origine, il n’y aurait aucune guerre avec les Klingons. Mais personne ne le remarque... pas même l’héroïne elle-même qui préfère la posture flagellante à longueur d’épisodes, quitte à promouvoir l’impératrice génocidaire en guise de rédemption narcissique.
Venons-en au clou de ce jeu interactif, avec des dialogues formant cette fois la base de la trame narrative du serial, que le retour dans le Prime Universe aura quelque peu ralenti en attendant le prévisible "bouquet final" de la saison. À savoir la présence à bord de Mirror-Georgiou, l’impératrice déchue.
Reconnaissons à Burnham d’avoir su d’emblée analyser et assumer les véritables raisons de ce sauvetage à l’arrache (ni déstabiliser le Terran Empire ni faire découvrir à Starfleet un spécimen vivant le l’univers miroir… mais simplement ne pas endurer une seconde fois la mort de sa "maman de substitution").
En externaliste, les raisons des auteurs ne sont pas moins transparentes : poursuivre les jeux stériles de permutation/substitution, faire porter la résolution du fil rouge klingon sur un personnage emblématique de l’univers miroir, et finalement placer les relations de familles au centre de la narration comme dans tout soap digne de ce nom.
Et c’est bien cette logique de soap qui fournira d’ailleurs à l’épisode sa scène psychologiquement la plus surréaliste lorsque Sarek et Mirror-Georgiou se retrouveront à rivaliser d’orgueil sur leur légitimité respective de parents adoptifs envers leur propre version de pupille, respectivement Burnham et Mirror-Burnham. Dans un épisode de Futurama ou de Red Dwarf, ce bras de fer aurait pu être comique, ici il est plutôt inconsidéré voire déplacé tant les référents ne sont pas supposés être substituables (sauf à suggérer un absolu relativisme civilisationnel entre evil-twins).
Mais le plus critiquable est ailleurs. Comme le twist final de DIS 01x13 What’s Past is Prologue le laissait craindre, l’impératrice terran prétend fournir à Starfleet les clefs de la victoire contre les Klingons. Et poussé par l’angoisse d’une défaite – voire d’une extermination – notamment après la prise de la possession de la Starbase One (moyennant le massacre de 80 000 personnes) et précédemment d’une multitude d’attaques aux connotations (transposition oblige) terroristes (11 000 morts à Kelfour VI par l’embrasement de leur atmosphère au moyen de charges hypothermiques, explosion des spatiodocks des Starbase 22, 19, 12 via un des chasseurs invisibles dans les sillages des vaisseaux…), l’amirauté de Starfleet ne met pas longtemps à se ranger derrière les propositions – mais visiblement aussi les exigences personnelles – de Mirror-Georgiou, quitte à s’accommoder de l’absolue criminalité de cette tactique, ainsi que du langage réificateur de l’impératrice à l’endroit des Klingons (qu’elle compare à des métastases).
La première phase de l’approche se fait par l’entremise de Burnham qui, suite à un échange avec Mirror-Georgiou, propose à l’amirale Cornwell d’organiser une attaque surprise de Qo’noS.
La seconde phase se négocie directement entre Sarek et l’impératrice, qui n’hésite pas à lui proposer une stratégie (voire une technologie ?) qui mettrait à genoux les Klingons, en transformant leur planète mère en roche calcinée. Option reniant les principes de l’UFP et de Starfleet, mais que Sarek acceptera et il se rendra même à cet effet sur Vulcain. L’occasion d’une scène curieuse : lorsque Sarek prendra congé de Michael (avec pour tout dialogue un truisme sur les au revoir qui peuvent être les derniers en temps de guerre), il se dirigera vers la salle de téléportation alors que l’USS Discovery sera en plein espace (à moins de disposer du transwarp beam de ma Kelvin timeline et hérité du futur, il ne pouvait pas directement se téléporter sur Vulcain (s’est-il alors téléporté sur une navette pour s’y rendre par ce moyen fragile en pleine guerre ?).
La troisième phase représente ni plus ni moins le twist final de l’épisode (il y en toujours un), mais probablement le plus absurde depuis le début de la série : la capitaine Phillipa Georgiou est introduite en grande pompe sur la passerelle par l’amirale Cornwell, prétendument rescapée de Battle At The Binary Stars ! Rideau.
Par-delà l’effet désormais vaudevillesque qui pourrait prêter à rire, et sans même gloser sur la crédibilité de l’explication de Cornwell à l’attention d’un équipage qui revient de l’univers miroir (et qui ne peut donc ignorer l’identité de l’impératrice terran), c’est surtout le degré d’irresponsabilité de ce Starfleet discoverien qui a de quoi indigner. En somme, on confie à une Hitler à la puissance galactique le commandement du vaisseau le plus puissant de la flotte de l’utopique UFP dans le cadre de la bataille de survie la plus décisive face à l’Empire klingon ! Et on pousse le vice jusqu’à lui conférer le pouvoir d’obéissance qui résulte de la persuasion de son équipage qu’il s’agit bien de l’authentique capitaine Philippa Georgiou.
Par-delà le mépris des implications protocolaires (a-t-elle suivi les cours de Starfleet Academy avant d’être officiellement promue capitaine ?) et bien sûr morales (les torrents de sangs versés sont-ils compatibles avec les idéaux de l’UFP ?), nous retrouverons en tout point dans ce Starfleet de Discovery les tropismes dystopiques du Starfleet d’Into Darkness sous la férule de l’amiral Marcus. C’est-à-dire l’une des pires insultes adressées à la philosophie trekkienne : à savoir que l’utopie et l’humanisme sont des faiblesses et des naïvetés face à un univers cruel. Et que dans les périodes critiques, il est indispensable de faire appel, non pas seulement à un "despote" au sens hellénique antique, mais à un barbare, à un criminel de masse dont l’immoralité et l’absence de scrupule seraient supposées être une force et une prophylaxie manquant à la société civilisée, dont l’immunité naturelle serait trop faible pour survivre par elle-même. Pour avoir une chance face à l’Empire klingon, l’UFP de la Kelvin timeline faisait appel à l’Augment Khan 2.0 exhumé des Guerres eugéniques, tandis que l’UFP de la Discovery timeline fait appel à l’impératrice du Terran Empire arrachée au Mirror Universe ! Une répétition qui ne doit rien au hasard.
Quelle belle idéologie que voilà ! Et cela prétend faire de la transposition d’opérette pour dénoncer le populisme décomplexé du 45ème président des USA ?! Mais la triste ironie est que les showrunners de Discovery s’imaginent dénoncer l’administration Trump... alors qu’ils adhèrent intrinsèquement à son paradigme (sous l’influence probable de Game of Thrones devenu aujourd’hui le référent ultime de l’industrie télévisuelle).
Pour mémoire, la proposition trekkienne jusqu’en 2005 avait démontré exactement l’inverse durant quarante ans. Il s’agissait d’une utopie crédible, qui ne sombrait pas dans sa propre caricature, car le réalisme n’y avait jamais été sacrifié sur l’autel de l’idéalisme. Ainsi, dans DS9 (série pourtant réputée être la plus sombre), la Fédération n’a pas eu besoin des méthodes criminelles de la Section 31 pour vaincre le Dominion.
Au chapitre, désormais hebdomadaire, du WTF technobabble-nawak, Discovery 01x14 The War Without The War Within pousse le bouchon très loin. Qo’noS étant très mal connue (l’épisode assumera d’ailleurs explicitement le fait qu’aucune officier de Starfleet n’y a mis les pieds depuis Jonathan Archer dans ENT 01x01+01x02 Broken Bow), l’attaque de la planète mère klingonne nécessitera une cartographie 3D détaillée. Mais faute de la pouvoir la réaliser de l’extérieur depuis l’orbite… l’idée est de la réaliser depuis l’intérieur. Car oui, surprise, donnant raison à toutes les théories complotistes de la Terre creuse (on aura au moins échappé à celles de la Terre plate), la volcanique Qo’noS est en fait une gigantesque caverne… dans laquelle peut s’introduire un vaisseau de classe Crossfield… mu bien sûr par le spore drive afin d’en réaliser une imagerie géophysique (comme pour les boucliers occulteurs klingons dans Discovery 01x09 Into The Forest I Go). Stamets confirmant d’ailleurs que naviguer dans le mycelial network revient au même que de circuler dans un réseau de grottes (c’est beau le simplisme des analogies dans le monde des "sciences pour rire"). La bande-annonce de l’épisode suivant Discovery 01x15 Will You Take My Hand ? confirme d’ailleurs déjà que la série va bien suivre ce MacGuffin sorti d’Innerspace...
Mais ce n’est pas tout. L’USS Discovery ayant épuisé toutes ses spores mycéliennes pour détruire l’orbe de l’ISS Charon et revenir du Miroir, il faut en refaire pousser. Ça tombe bien, il restait à bord une souche de Prototaxites stellaviatori. Et ce matériau si rare, si fragile, et si exotique… peut en fait se multiplier instantanément comme par magie à l’échelle d’une surface planétaire. Et hop : une lune inhabitée du classe 4 du système Veda, un peu de Prototaxites stellaviatori, de l’énergie mycélienne… et en quelques minutes, les rhizomes envahissent le globe ! C’est encore plus performant que le Genesis Device dans Star Trek II The Wrath Of Khan. Et tant pis si le Dr. Carol Marcus (pourtant à la pointe de la technologie trente ans après) puis les terraformeurs à la dure de TNG 01x17 Home Soil (au siècle suivant) passent rétrospectivement pour des has been (ou des imbéciles).
Visiblement, tout est scénaristiquement fait pour entériner l’ineptie d’une guerre totale... qui se gagnerait au moyen d’un seul vaisseau (l’USS Discovery), exclusif bénéficiaire d’un MacGuffin technologique (le spore drive et ses sauts enchaînés) aussi improbable que peu compatible avec la chronologie trekkienne historique (et même avec la Kelvin timeline ce qui est un comble). Le véritable objectif est probablement d’éviter ainsi l’apparition à l’écran d’un seul des douze Constitution Class de Starfleet, pourtant supposées être les heavy cruisers les plus puissants de cette période-là. L’USS Enterprise et ses homologues sont probablement allés à la pêche pendant que les Klingons ravageaient la Fédération...
Un détail de forme pourrait faire sourire : on a dû voir en tout trois vaisseaux de Starfleet. Quand l’amirale revient ou quand Sarek part, on ne voit rien à l’écran ! C’est à croire que les producteurs n’ont pas les moyens financiers de construire en CGI d’autres modèles numériques. Pour une série au budget exorbitant et prétendant en mettre plein la vue, ça fait un peu pauvre.
Accessoirement, on pourra noter un inexplicable bon en avant des stardates. La série les plaçait jusqu’alors au voisinage de 1 000, Discovery 01x14 The War Without The War Within les place maintenant au-delà de 4 700, ce qui en dépit de leur manque de linéarité temporelle à l’ère de TOS devrait situer les événements non pas en 2256 ou 2257 mais durant la saison 3 de TOS, c’est-à-dire 2269.
En tout état de cause, gageons que le final de la saison ne manquera pas de composer une symétrie par rapport à son pilote. Burnham trahira une nouvelle fois Georgiou (à la façon d’un running gag), du moins son antithèse miroir, lorsque cette dernière sera fatalement tôt ou tard emportée par sa mégalomanie et/ou ses habitudes exterminatrices. Au pire, Michael sauvera l’âme de la Fédération malgré elle, célébrant alors de façon anti-trekkienne la gloire des individus contre la société. Au mieux, sa mutinerie recevra cette fois la bénédiction de l’UFP, ce qui rachètera la disgrâce inique ayant frappé l’héroïne au début de la série.
Pour autant, ce subterfuge ne rédimera pas l’ineptie d’une Fédération convaincue d’avoir besoin de la plus criminelle des barbaries pour survivre. Pas plus qu’il ne rédimera une saison entière où Starfleet se sera – consciemment ou non – appuyée sur le ressources de l’univers miroir pour vaincre les Klingons (ou au minimum faire la paix avec eux). Qu’il se soit agi de Mirror-Lorca dans le rôle d’un authentique capitaine de Starfleet sans les méthodes duquel il n’aurait pas été possible de percer à jour les boucliers occulteurs klingons et développer un cloak-breaking algorithm. Et maintenant de Mirror-Georgiou dont l’expertise en génocides devrait pouvoir "matcher" les Klingons...
Pauvre Fédération estampillée Discovery ! Déjà si peu utopique au départ... elle se révèle en outre bien faible et bien niaise... pour devoir systémiquement dépendre des pires psychopathes de tous les multivers.
Le classement secret (aka classification ou gag order en VO) de l’existence même du Mirror Universe par l’amirauté de Starfleet est une décision assez inconséquente. Car le risque d’invasion du très impérialiste et belliqueux Terran Empire demeure plus grand que les tentations individuelles d’exil dans un pareil enfer des ressortissants de l’UFP... Et comment justifier moralement que Starfleet laisse mourir tout l’équipage de l’USS Defiant dans l’interphasic rift (en 2268 dans TOS 03x09 Tholian Web) ?
Toujours est-il que ce parti pris fournit déjà une piste sérieuse quant à la façon dont les showrunners comptent raccrocher les wagons d’une chronologie largement brisée par Discovery. Si ce joker venait à s’étendre à toutes les autres disparités (en particulier technologiques comme le spore drive), il s’agirait alors de l’option la plus artificielle et la moins convaincante de toutes, car les secrets ne survivent jamais longtemps lorsqu’ils impliquent autant de monde, et ils ne pèsent pas lourd devant les nécessités impérieuses (comme il en existera tant dans le futur connu du Trekverse).
YR
EPISODE
Episode : 1.14
Titre : The War Without, The War Within
Date de première diffusion : 4/02/2018 (CBS All Access) - 5/02/2018 (Netflix)
Réalisateur : David Solomon
Scénaristes : Lisa Randolph
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