Star Trek Discovery : Review 1.07 Magic to Make the Sanest Man Go Mad
Passage obligé de toute série de science-fiction qui se respecte, la fameuse boucle temporelle débarque dans Star Trek Discovery. Souvent synonyme d’épisode réussi, on se rappellera bien entendu de l’excellent Cause and Effect qui a fait le bonheur de la cinquième saison de La nouvelle Génération. C’est aussi le sujet d’un des épisodes les plus marquants de la quatrième saison de Stargate SG-1, Window of Opportunity. Bien évidemment, on pensera au film Un jour sans fin avec Bill Murray et Andie MacDowell. Une petite recherche sur internet et on découvre qu’une multitude de séries ont utilisé ce procédé : X-Files, Fringe, Supernatural, 12 Monkeys, et même Xena s’en sont servi avec bonheur.
Réussi, c’est bien le qualificatif que j’ose employer pour le septième épisode de STD. Bien enlevé et rythmé, on ne s’ennuie pas une seule seconde. Harry Mudd est de retour et son interprète, Rainn Wilson, s’en donne à cœur joie. Si je n’avais pas été totalement convaincu par sa première apparition (1.05 Choose Your Pain), je préfère franchement la gouaille et l’entrain que l’acteur insuffle à son personnage cette semaine, beaucoup plus en phase avec le souvenir que j’ai du plus célèbre escroc du Trek Universe.
Ce genre d’épisode est aussi un bon moyen pour insuffler un peu de vie et de relations entre les personnages. Voir une fête à bord du Discovery est bizarre en temps de guerre et en même temps sympathique. En tout cas, elle est plus crédible que les fiesta tellement "coincés du cul" des Star Trek de l’ère Berman-Braga. J’étais peu réceptif jusqu’ici à la cadette Tilly. Avec cet épisode, je commence à l’apprécier. La relation Burnham / Tyler prend également son envol. La Terrienne vulcanisée va-t-elle enfin faire exploser sa froideur sibérienne et embrasser ses désirs ? Anthony Rapp a également beaucoup plus à jouer que dans les premiers épisodes. Réellement modifié psychologiquement depuis l’injection de l’ADN du Tardigrade, on a la confirmation qu’il continue à servir de navigateur de la guilde dans son nuage d’épice... euh... Enfin, vous voyez ce que je veux dire...
Sur la résolution proprement dit de cette boucle temporelle, je suis sûr qu’il y a beaucoup à dire sur le simple plan de la logique, mais réellement, dans le cadre strict de cet épisode, je m’en b— les c-------. Le plaisir simple que j’ai eu à regarder cet épisode suffit grandement à mon bonheur. Pour moi, c’est simplement à date l’épisode que j’ai le plus aimé.
FM
Après avoir criminellement abandonné Harry Mudd dans les geôles pseudo-klingonnes à la fin de DIS 01x05 Choose Your Pain, il était écrit que Lorca – qui s’était érigé en juge, juré, et bourreau – subirait en retour la "colère de Mudd" dans les épisodes suivants.
Mudd revient, et il n’est pas content. Afin de perpétrer sa vengeance, il s’est emparé d’un bracelet alimenté par un "cristal temporel" lui permettant de créer à volonté des boucles temporelles pour réitérer une opération difficile jusqu’à la réussir (selon une tactique de gaming), et il s’est caché lui et son vaisseau (selon le principe du cheval de Troie) dans un Gormagander malade (une forme de baleine spatiale en voie de disparition) tablant sur la réglementation de Starfleet obligeant les vaisseaux de la flotte à recueillir à leur bord et à faire soigner dans un centre xénologique les espèces en danger. Et c’est ainsi que Harry Mudd pénètre clandestinement sur l’USS Discovery avant de s’attaquer à l’équipage, enchaînant les boucles temporelles, avec l’ambition de découvrir le secret de ce vaisseau (qui a renversé à lui tout seul le cours de la guerre en faveur de la Fédération), puis s’en emparer et le vendre aux Klingons... non sans assouvir au passage - dans chaque time loop - son désir de vengeance en assassinant de toutes les façons possibles le capitaine Lorca.
Même s’il existe quelques précurseurs littéraires (comme toujours au sein du Golden Age de la SF), le concept de boucle temporelle (ou time loop) en tant que tel a pour la toute première fois vu le jour dans la SF audiovisuelle au début de l’année 1992, grâce au plus prolifique et créatif des auteurs de Star Trek, Brannon Braga. Mais le cultissime ST TNG 05x18 Cause And Effect fut si révolutionnaire qu’il a durablement frappé les esprits et fait école. Son impact sur la culture populaire fut tel… que tous les autres univers imaginaires se le sont appropriés (Stargate avec SG-1 04x06 Window Of Opportunity pour l’une des meilleures variantes, puis The X Files, Farscape, Charmed, Buffy, Xena, Andromeda, Fringe, Day Break, 12 Monkeys, etc.), et bien sûr au cinéma avec le célèbre Groundhog Day (Un jour sans fin) de Harold Ramis (1993) jusqu’à Source Code de Duncan Jones (2011), Edge Of Tomorrow de Doug Liman (2014) dans sa version la plus sophistiquée à ce jour, et enfin ARQ de Tony Elliott (2016). Le photocopiage est en fait devenu tellement industriel depuis le milieu des années 90… que désormais, sans innovation majeure, cette thématique est le pire des marronniers possible, une espèce de tarte à la crème temporelle que l’on ressort lorsque la créativité est en faillite.
Pour ne rien arranger, DIS 01x07 Magic To Make The Sanest Man Go Mad prétend tout de même porter le label de l’univers où cette idée fondatrice est née. Or le ST historique ne s’est jamais autocannibalisé ainsi, la concurrence s’en étant de toute façon chargée depuis longtemps. Dès lors, voir Discovery "plagier" le concept de Cause And Effect (jusqu’au reset de la boucle temporelle au moment où le vaisseau explose), sans rendre justice ni créditer Brannon Braga au générique, après que ce ressort a été recyclé ad nauseam par tout le monde durant 25 ans... cela évoque le pathétique "Khaaaaaaan" hurlé par Spock-Quinto dans Star Trek Into Darkness après que des générations de caricaturistes l’ont fait durant 30 ans. Faut-il que le "Star Trek in name only" soit désormais totalement dépourvu d’idées novatrices pour se raccrocher ainsi à la remorque des adaptations et des parodies par la culture populaire des épisodes et des films trekkiens passés. La parodie de la parodie en somme.
Mais si l’épisode se pense en "hommage", alors icelui rime avec insulte.
Car lorsque Brannon Braga avait d’emblée composé un petit joyau de parfaite horlogerie spatio-temporelle dans ST TNG 05x18 Cause And Effect qu’il était impossible de prendre en défaut (comme tous les autres épisodes temporels écrits par ce même auteur), et lorsque Edge Of Tomorrow en a proposé en 2014 une version également ultra-cohérente mais à haute valeur ajoutée (issue de le culture du jeu vidéo), quelle excuse a DIS 01x07 Magic to Make The Sanest Man Go Mad pour cumuler en 2017 tous les contre-sens possibles, se prendre grossièrement les pieds dans le tapis, et foncer droit dans le mur. Si encore cela avait été volontaire, cela aurait pu être drôle. Mais l’épisode se prend tellement au sérieux que le résultat est juste pathétique.
Afin de donner aux protagonistes de la série une chance de vaincre un antagoniste prédateur (Mudd) disposant de la possibilité d’appliquer au réel la combinaison de touches "Control + Z", il fallait obligatoirement équilibrer un peu les forces en offrant à l’un des équipiers de l’USS Discovery la mémoire des boucles temporelles précédentes. Cette fonction aura pu être attribuée à Saru, mais elle reviendra plus logiquement à Paul Stamets étant donné ses transformations mentales et physiologiques suite à sa greffe de l’ADN du Tardigrade géant, lui permettant d’exister hors du flux temporel normal et de donner l’impression d’être constamment sous l’effet de champignons hallucinogènes (le Dr. Hugh Culber lui a d’ailleurs désormais installé au bras un implant cybernétique pour faciliter la connexion au spore drive).
Dès lors, tout l’enjeu va consister pour Paul Stamets à revêtir le costume de David Vincent pour tenter de convaincre à chaque fois un équipage "incrédule que le cauchemar a déjà commencé", c’est à dire que le vaisseau est prisonnier d’une boucle temporelle artificielle contrôlée, et que lorsque tout le monde est mentalement et physiquement "reseté" à chaque boucle, Harry Mudd progresse inéluctablement dans sa connaissance et sa maitrise du vaisseau, cumulant un jeu de massacre de plus en plus pervers. Le paroxysme horrifique sera d’ailleurs atteint par l’utilisation de capsules de "matière noire militarisée", substance illégale mais néanmoins sortie des réserves personnelles de Gabriel Lorca, et constituant la plus douloureuse des 823 façons différentes de mourir dans l’espace (sic), car déchirant toute structure biologique jusqu’à un niveau moléculaire.
Le gros hic narratif toutefois, c’est que DIS 01x07 Magic To Make The Sanest Man Go Mad n’est pas du tout centré sur Paul Stamets, mais sur Michael Burnham qui n’est pourtant pas mieux lotie que n’importe quel autre membre d’équipage pour lutter à armes égales contre l’engin temporel de Mudd. L’épisode se complait d’ailleurs dans une voix off à la première personne de Michael Burnham qui, loin de convoquer des chefs d’œuvre trekkiens comme ENT 01x13 Dear Doctor et TNG 04x11 Data’s Day, évoquerait plutôt les émois adolescents des séries Dawson ou Felicity face au premier flirt ou au premier bal.
En cours de processus, lorsque l’identité de l’envahisseur Mudd est découverte, Stamets convainc Burnham de soutirer des informations à son compagnon de captivité chez les Klingons, à savoir Ash Tyler. Seulement au lieu de choisir la méthodologie les plus efficace, Michael doit pour cela aller flirter avec Ash durant la party organisée sur l’USS Discovery, au motif de leur prétendue attirance mutuelle (que Stamets perçoit du haut de sa multidimensionnalité nouvelle). Le vaisseau et par extension l’UFP sont en péril, mais plutôt que d’utiliser des méthodologies rationnelles inhérentes aux devoirs des officiers, il faut avouer avec émoi et pudeur ses sentiments intimes, il faut danser et rouler des pelles... pour obtenir du nouveau chef de la sécurité des infos stratégiques vitales. Mais sommes-nous en guerre ou dans des soirées de drague pour ados ?
Progressivement, les auteurs semblent oublier que Michael Burnham n’est pas Cage, le héros de Edge Of Tomorrow, et qu’elle ne "progresse" pas tactiquement à chaque boucle temporelle. Hormis l’antagoniste Mudd bien sûr, seul Paul Stamets se souvient des acquis des loops précédentes (et encore pas toujours très distinctement), et il lui faut à chaque fois repartir à zéro pour convaincre l’équipage… tandis que Mudd devient de plus en plus efficient...
Malgré tout, Mudd ne parvient pas à comprendre de lui-même comment est contrôlé le spore drive (en l’occurrence le rôle du tardigrade puis de Stamets), ce qui constitue l’ultime "pare-feu" contre son objectif final. Or sa prise de possession définitive du vaisseau priverait les héros de tout recours au "Ctrl+Z" - seule chance de vaincre Mudd et de défaire le dégats infligés à la timeline. (Très curieux d’ailleurs que Mudd, ayant progressivement piraté tous les systèmes opérationnels du vaisseau - au point de téléporter directement Lorca dans l’espace par exemple - n’ait pas pour autant eu accès aux journaux de bord du capitaine et aux comptes-rendus de recherche de Stamets, seules des bases de données et/ou de niveaux de classifications différenciés pourraient éviter une incohérence de plus...).
Contre tout attente, c’est Paul Stamets qui brise lui-même ledit pare-feu en livrant la "clef" du spore drive - i.e. sa propre personne - à Harry Mudd suite à l’assassinat d’Ash Tyler au moyen d’une capsule de matière noire, rendant du coup la mort de ce dernier irréversible et offrant littéralement en pâture l’USS Discovery et toute sa technologie aux Klingons, leur garantissant dès lors la victoire sur la Fédération.
Face à cette irresponsabilité (ou absurdité) de Paul Stamets qui le dispute à l’inconséquence (ou à la lâcheté), Michael Burnham n’aura alors d’autre choix que de révéler à Mudd que sa tête est mise à prix par les Klingons (pour avoir tué le leader messianique T’Kuvma) afin de flatter sa vénalité et lui faire miroiter de plus grands bénéfices encore auprès des Klingons. Puis, en se suicidant devant lui (à l’aide d’une capsule de matière noire), elle poussera Mudd à "reseter" une ultime fois le cours des événements. Malheureusement désormais, Mudd sait tout et possède toutes les cartes en mains, tandis que du côté de l’USS Discovery, les contre-mesures sont toujours aussi laborieuses (seul Paul Stamets possède une mémoire cumulative mais il doit de nouveau réussir à convaincre tout le personnel opérationnel, de Lorca à Burnham).
Sauf que l’épisode triche sans la moindre vergogne (espérant probablement que les spectateurs captifs ne s’en apercevront pas). Cette fois, l’équipage entier de l’USS Discovery attend Mudd sereinement, le manipule confortablement (lui faisait croire qu’il contrôle le vaisseau alors que c’est l’inverse), possède une avance en tout point sur lui (y compris sur la connaissance de sa vie privée), et finalement le livre à son épouse Stella et à son beau-père, Barron Grimes, marchand d’armes de son état. Une chute qui se veut aussi inattendue qu’humoristique, littéralement digne d’un de ces dei ex machina omniscients (tel Hercule Poirot) comme les affectionnait Agatha Christie. Passé la surprise et peut-être l’esquisse d’un sourire, ce retournement de situation est un portnawak comme Discovery n’en avait encore jamais pondu ! Car il était littéralement impossible pour l’équipage de l’USS Discovery de réussir soudain - avec une aisance et une avance aussi impudentes - ce qu’il fut si loin de réussir dans les boucles précédentes. Sachant que lorsque Michael Burnham s’est suicidée, Mudd avait gagné un considérable avantage tactique sur Paul Stamets… qui en était resté quant à lui exactement au même point que durant les boucles précédentes, à savoir devoir suivre à chaque fois le chemin le plus long pour pouvoir agir. Seulement voilà : la conclusion s’est construite comme si tout l’équipage – à commencer par Burnham et Lorca – s’étaient d’emblée souvenus des boucles temporelles précédentes et avaient pu contrer Mudd à armes égales !!! Les auteurs ont-ils eux-mêmes oublié les "règles du jeu" qu’ils avaient fixé au début de l’épisode, ou ont-ils sciemment cherché à se moquer des spectateurs ?
Toujours est-il que si Aron Eli Coleite et Jesse Alexander avaient eu une once du réalisme de Brannon Braga ou de Doug Liman, ils se seraient attelés à optimiser la stratégie de l’astromycologue pour réussir à convaincre un maximum de ses collègues en un minimum de temps, et en particulier le capitaine Gabriel Lorca, pour le conduire à altérer les événements au seul moment du timeframe circulaire où la probabilité de victoire était la plus élevée voire certaine, à savoir avant que ne soit embarqué le Gormagander malade à bord. Sans forcément devoir tuer qui que ce soit, il aurait suffi de persuader Lorca de faire une analyse plus approfondie de la créature (ce qui n’aurait guère été difficile étant donné son peu de motivation à la secourir) pour que soit repéré dans ses entrailles le vaisseau de Mudd avant de procéder à une quelconque téléportation. Dans la mesure où cette détection fut possible (par Michael et Sylvia) depuis le hangar de l’USS Discovery, elle aurait dû être possible depuis l’espace. (À dire vrai, le vaisseau de Mudd et Mudd lui-même auraient même dû être détecté en premier lieu au moment de la téléportation du Gormagander, car une téléportation est par définition un hyper-scan actif et intrusif de l’intégralité des atomes, mais passons…).
Seulement voilà, l’objectif des scénaristes de Discovery n’était pas d’être réaliste et crédible sur le terrain de la SF, pas même à la façon de la parodie The Orville. Non, l’objectif des scénaristes était de trouver un prétexte totalement artificiel pour faire naître une romance facile entre Michael Burnham et Ash Tyler, comme par hasard les deux "belles gueules" du show. Cela s’inscrit visiblement dans les objectifs de trivialisation et de "contemporainisation" de Star Trek.
Michael Burnham est supposée être une héroïne d’un lointain futur au parcours atypique, humaine génétiquement mais de culture vulcaine. Une hypothèse théoriquement ambitieuse… mais qui ne sert finalement qu’à la faire passer à la même casserole que n’importe quelle "héroïne" de Beverly Hills, 90210 !
Dans le Star Trek historique, les protagonistes non humains (ou non intégralement humains) comme Spock, Data, Odo, l’EMH, Seven Of Nine, et T’Pol connaissaient des évolutions (vers l’humanité ou pas), mais il s’agissait toujours d’un long parcours initiatique, souvent douloureux et paradoxal, jamais linéaire ou prévisible.
Dans Discovery, il suffit de sept épisodes pour que Michael Burnham… devienne quelconque.
L’autre objectif de cette boucle temporelle perverse… mais finalement risible… vise à pasticher avec beaucoup de maladresse l’humour de la fin de l’un des moins bons épisodes de la série originale, à savoir TOS 02x12 I, Mudd, où Mudd se retrouvait enchaîné par Kirk & co à un "harem" d’androïdes répliquant le physique de sa chère et tendre épouse Stella qu’il cherchait à fuir par n’importe quel moyen dans la galaxie. Les héros de DIS 01x07 Magic To Make The Sanest Man Go Mad prétendent donc jouer le même "mauvais tour" à Mudd, mais en l’enchaînant cette fois à son épouse Stella elle-même et à sa puissante belle-famille.
Mais ce trait d’humour et à contre-emploi – témoignant au passage d’une cacophonie tonale de l’épisode – se construit une nouvelle fois sur le dos du plus élémentaire réalisme, à fortiori en temps de guerre. En effet, via Paul Stamets, l’équipage de l’USS Discovery ne peut ignorer que Harry Mudd a assassiné plus de 53 fois de sang-froid – et parfois de façon sadique (par exemple en l’expulsant dans l’espace) – le capitaine Gabriel Lorca, ainsi que de nombreux autres officiers (et même tout le personnel durant plusieurs explosions du vaisseau). De l’aveu même de Lorca, une seule fois suffirait à envoyer Mudd en prison à vie.
Qu’à cela ne tienne, plutôt que de le livrer aux autorités pénales de Starfleet ou de la Fédération, Lorca livre Mudd… à sa femme (qui, loin d’être le dragon dépeint dans TOS 02x12 I, Mudd, est charmante et l’aime d’un amour inconditionnel) !
Mais bon sang, de qui se moque-t-on ? À fortiori dans la société dystopique qui a condamné à perpétuité Burnham pour avoir eu raison ?!
Les protagonistes et donc les auteurs ont-ils en outre oublié que Mudd sait désormais tout des secrets militaires vitaux de l’USS Discovery et que celui-ci est en contact avec l’Empire Klingon ?
Les protagonistes et les auteurs ont-ils oublié que Mudd fut longtemps captif et complice des Klingons, et qu’il possède donc probablement des informations stratégiques essentielles ?
Les protagonistes et les auteurs ont-ils oublié que Mudd possède une technologie (le générateur de boucles temporelle) qui offre un avantage tactique et stratégique sans précédent, supérieur même au spore drive de l’USS Discovery dans la guerre qui contre les Klingons ?
Et que font les héros ? Eh bien, ils livrent Harry Mudd… à un trafiquant d’armes notoire qui commerce aussi bien avec la Fédération... qu’avec les Klingons !!!
Un Harry Mudd dont la typo a été en sus profondément violée par Discovery, lui qui était un sympathique escroc dans TOS se transforme dans ce pseudo-prequel post-abramsien en traître et en psychopathe sanguinaire.
À propos de viols... DIS 01x07 Magic To Make The Sanest Man Go Mad profane une nouvelle fois grossièrement la chronologie trekkienne. L’escroc Mudd possède en 2257 un outil temporel bien plus élaboré encore que tout ce dont disposait la Fédération au 24ème siècle de Picard et de Janeway. Pour mémoire, même si Jonathan Archer fut malgré lui exposé au 22ème siècle à la Temporal Cold War du lointain futur mais sans pour autant comprendre/utiliser/maîtriser la technologie temporelle ni même pouvoir apporter la preuve de son existence aux commandements terriens et vulcains, le voyage dans le temps sera découvert – par pure sérendipité et sous une forme approximative – seulement une décennie après la première saison de DIS, à savoir en 2266 dans l’épisode TOS 01x06 The Naked Time. Et Scotty déclarera alors qu’il ne croyait pas auparavant le voyage temporel possible, confirmant l’acquis inchangé de le position officielle d’incrédulité des autorités vulcaines depuis ENT.
Mais neuf ans plus tôt dans Discovery, les Vulcains semblent en savoir long sur le voyage temporel... puisqu’ils étudient et connaissent bien les propriétés des time crystals dont se sert Mudd. Michael Burnham ne met d’ailleurs pas plus de quelques secondes pour comprendre les fonctionnalités de l’engin de Harry, puis en déduire aussitôt avec le plus grand naturel qu’il a été mis au point par une forme de vie quadridimensionnelle (sic) !!! Cette entorse à la chronologie est peut-être encore plus violente et irréconciliable que celle introduite par le mycelial network et le spore drive, parce que la technologie employée par Mudd fonctionne redoutablement bien, elle est chirurgicale, elle est visiblement sans contrepartie, et elle aurait dû tout changer dans le futur trekkien des 23ème et 24ème siècles ! Pensez donc : une fonction "Control + Z" dans la vie réelle, capable de corriger les erreurs, de ressusciter les morts, de remporter les batailles perdues, d’offrir une infinité de "secondes chances"…
L’ambiance de night-club et de discothèque à bord de l’USS Discovery, avec ses concours de bière-pong sur fond de Fugees remixant les Bee Gees, semble enthousiasmer les spectateurs... Mais comment expliquer que les styles musicaux, les modes, et les goûts en 2257 soient à ce point identiques à ceux de la Côte ouest contemporaines. Lorsqu’on sait qu’en seulement soixante ans, tout, absolument tout a changé en socio-musicologie. Avec un budget de huit millions de dollars par épisodes, les showrunners auraient pu faire l’effort d’engager quelques compositeurs et DJ pour créer ne fut-ce qu’un semblant de futurisme. Hélas, absolument rien de tel, tant l’objectif depuis 2009 est de transformer l’humanité trekkienne en humanité contemporaine avec simplement davantage de technologie (mais pour le coup, pas forcément de "techno").
Ironiquement, avec ses faibles moyens, les compositions musicales entendues à bord de l’USS Enterprise de Kirk dans TOS 01x07 Charlie X et dans TOS 03x20 Way To Eden réussissaient à être bien plus convaincantes en matière d’anticipation, car incomparablement plus originales et dépaysantes.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que le producteur de Discovery, Leslie Moonves, avait fait pression entre 2001 et 2005 sur Rick Berman pour qu’il introduise dans la série Enterprise des tubes en vogue, et sur le NX-01 une ambiance teuf & hangover, avec même un boys band à bord !!!
Rick Berman n’avait fort heureusement rien cédé à ce qui aurait tué la proposition futuriste trekkienne.
Désormais, Leslie Moonves, a obtenu ce qu’il voulait. Le résultat est peut-être trendy... mais en même temps affligeant de banalité. Prétendre se projeter si loin... pour finalement se contempler le nombril...
Avant de conclure, voici la désormais traditionnelle rubrique des discrepancies Easter eggs :
Prétendre téléporter une créature spatiale sans remarquer à l’intérieur la présence d’un vaisseau spatiale et de Mudd, cela suppose une vision aussi naïve de la téléportation que dans La Mouche de George Langelaan. En fait, la prémisse même de l’épisode est un non-sens, en amont de la boucle temporelle qui ne vaut pas mieux.
Faire de l’USS Discovery le seul vaisseau qui renverse à lui tout seul le cours de la guerre est à la fois d’un relatif irréalisme en art du combat et d’une immaturité fétichiste. C’est en outre lourd de conséquence pour la chronologie trekkienne, car cela devrait logiquement impliquer un enracinement d’autant plus indélébile du spore drive dans le futur trekkien (une technologie visiblement capable de faire gagner une guerre perdue, outre ses applications en terme d’exploration galactique...).
Quoique très mal mis à profit par Paul Stamets pour briser les boucles temporelles de Mudd, l’indifférence appuyée de Gabriel Lorca envers le sort du Gormagander pourrait sonner assez anti-trekkien. Sauf que paradoxalement, il est permis de se demander si la soudaine politique écologiste de la Fédération à l’endroit de créatures naturellement en voie de disparition n’est pas une atteinte à la Directive Première... qui curieusement n’a pas été évoquée une seule fois dans Discovery...
Par ailleurs, l’élaboration de la taxonomie de Starfleet envers les créatures spatiales non humanoïdes (comme ce fut déjà le cas dans DIS 01x03 Context Is For Kings) semble contredire le peu d’expérience en la matière une décennie après dans TOS et même un siècle après au début de TNG.
Jamais l’USS Discovery n’aura été à ce point confronté à la mort, telle une fatalité courbée sur elle-même. Comment se fait-il alors que Saru ne "sente" pas (par precognition) cette proximité omni-létale, sachant que DIS 01x01 The Vulcan Hello a présenté son espèce Kelpien comme : "biologically determined for one purpose, and one purpose alone – to sense the coming of death.".
Une fois de plus, les protagonistes utilisent sans cesse le vocable "soldier" comme terme générique pour s’adresser au personnel sans grade voire à n’importe quel subordonné. Une terminologie militaire - connotée biffin - totalement absente du vocabulaire (astronautique et maritime) de Starfleet dans le Star Trek historique et même dans le reboot Kelvin, ce qui plaiderait discrètement en faveur d’une troisième timeline distincte.
Comme évoqué dans ma critique précédente, le visuel de la série n’est toujours pas à la hauteur de son budget pharamineux. Pourquoi autant de plans rapprochés... comme si le tournage était destiné à un format 4/3 ?
Alors certes, DIS 01x07 Magic To Make The Sanest Man Go Mad est davantage character driven et soapy que les opus précédents. Il réussit même à paraître introspectif grâce au journal personnel de Burnham qui commente ses ressentis (mais du coup tout gravite autour d’elle au point de réduire les autres protagonistes à des ectoplasmes, Lorca en particulier). Et puis, les personnages semblent moins antipathiques que dans les six épisodes précédents (parce qu’ils se retrouvent à devoir collaborer artificiellement ensemble contre un ennemi que Lorca a absurdement fabriqué de toute pièce dans DIS 01x05 Choose Your Pain). Finalement, les interactions pourraient presque convoquer l’ombre du souvenir de ce que Star Trek fut dans une autre vie...
Malheureusement, tout le concept de l’épisode repose sur la digestion et la redigestion par la doxa durant 25 ans d’un épisode culte de ST TNG, au point d’être devenu aujourd’hui le plus resucé et éculé des clichés. Les idiosyncrasies sont outrageusement contemporaines (prétendre aller sur un vaisseau de guerre en 2257 pour assister à une vulgaire teuf d’ados de la côte ouest en 2017). Le personnage décalé (escroc mais sans mauvais fond) de Harry Mudd est odieusement trahi (transformé en tueur en série et en sadique dépourvu de toute conscience). La chronologie est une nouvelle fois grossièrement violée (cela devient visiblement la norme). Et rien, absolument rien ne tient debout dans le traitement et la résolution de la boucle temporelle... au point de battre un record d’incohérences depuis le début de la série, non seulement sur le terrain ST mais également sur le terrain SF (et des incohérences, il y en a pourtant eu en flux tendu dans les épisodes précédents) !
DIS 01x07 Magic To Make The Sanest Man Go Mad est davantage une authentique arnaque qu’un vrai raté, qui réussira donc à faire mieux illusion auprès du public… se contentant trop souvent - depuis que Star Trek n’existe plus - de miettes parfumées à un trekkisme synthétique. Mais le procédé n’en est que plus inélégant, la créativité que plus tarie, et l’irrespect des auteurs que plus décomplexé. Pour aimer, il faudra juste jouir de l’instant… mais ne surtout pas se retourner, ne surtout pas comparer, ne surtout pas penser.
Ainsi commence à se définir vraiment Discovery. Si la série est à l’image fractale de son premier loner, nous aurons bientôt un système.
- You are mad ?
No, I’m Mudd.
À moins que ce ne soit l’inverse.
YR
EPISODE
Episode : 1.07
Titre : Magic to Make the Sanest Man Go Mad
Date de première diffusion : 29/10/2017 (CBS All Access) - 30/10/2017 (Netflix)
Réalisateur : David M. Barrett
Scénaristes : Aron Eli Coleite et Jesse Alexander
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