Star Trek Discovery : Review 1.06 Lethe
Ah la la la la... Encore une fois, j’ai l’impression d’être écartelé dans des sentiments opposés. Star Trek Discovery est vraiment la série que j’adore détester et en même temps que je déteste adorer... À moins que je déteste la détester même si j’adore l’adorer. Bref, je suis un peu dans la situation psychologique de Michael Burnham à la fin de l’épisode, totalement tourneboulé par les événements de ce sixième épisode.
L’intrigue principale concerne Michael et sa famille adoptive vulcaine et plus particulièrement un secret caché de Sarek qui a eu de graves conséquences sur la vie de Burnham. Si le père de Spock se trouve à la base dans une situation d’urgence absolue, c’est le fait d’un terroriste Vulcain. Le moins qu’on puisse dire, c’est que mon sourcil a été victime d’un claquage tant il s’est redressé violemment. Ok, certains vulcains sont sans doute un peu coupable de condescendance envers une humanité que leur logique, ne prenant pas en compte les émotions humaines, ne leur permet pas de comprendre. On pourrait à la rigueur les accuser d’une forme de racisme envers un peuple qu’ils considèrent inférieur. Mais un terroriste kamikaze... WTF ! Ça, c’est de l’inédit dans un Star Trek. Est-il logique de mourir comme un soldat de Daesh ? That is the question...
Si on continue sur la thématique vulcaine, il est flagrant de voir à quel point les influences asiatiques sont prégnantes dans les scènes de souvenirs de Sarek. Si cette apparentée m’avait déjà effleurée autrefois, là, on a vraiment l’impression d’être dans des bâtiments et jardins japonais. La thématique asiatique se poursuit avec les arts martiaux utilisés par Michael et Sarek. J’avoue avoir éclaté de rire quand j’ai constaté que la musique qui accompagnait les combats étaient plus qu’inspirés de la musique de Matrix. Il ne manquait plus que des effets spéciaux type Bullet-Time ! Pour autant, j’ai beaucoup apprécié ces scènes et la révélation du secret de Sarek qui fait sens.
L’intrigue secondaire concerne Lorca et la relation plus qu’intime qu’il entretient avec l’amiral Cornwell. Notre capitaine est décidément un personnage trouble qui trouve vraiment en Jason Isaacs l’interprète idéal. Si l’amiral représente malgré tout le Starfleet qu’on connaît, il a été noté à de nombreuses reprises que Lorca est l’antithèse de ce que devrait être un capitaine de la flotte. C’est encore plus vrai après les événements de cet épisode qui le place définitivement dans la position du méchant. Complexe, humain écorché, mais manipulateur, j’ai adoré ses scènes et suis curieux de voir sa destinée dans cette première saison.
J’ai explosé mon second sourcil avec la confirmation que les Holodecks n’ont pas été créés avec les vaisseaux de la génération de l’Enterprise D mais étaient déjà diablement efficaces 10 ans avant La série originale. En même temps, si pour les communications, Starfleet utilise des hologrammes, il n’y a pas de raison que le Holodeck n’existe pas. < mode ironique on > Vraiment, l’Enterprise était juste un vaisseau de merde. Pas de propulsion aux champignons, pas de holodeck, pas de communications subspatiales holographiques, des boutons poussoirs sur les consoles et une téléportation sous forme de bulles de dissolution d’un cachet d’aspirine effervescente. On se demande bien pourquoi Kirk s’est battu pour avoir le commandement d’un vaisseau aussi pourri < mode ironique off > .
Reste le cas du nouveau venu Ash Tyler. J’aime bien l’alchimie qui se crée entre lui et Michael. Je ne sais pas si la théorie de fans sur son personnage va se révéler juste ou pas, mais si c’est vrai, ça risque d’être drôle quand sa vraie nature va se révéler. Pour l’instant, à part une façon assez bizarre de taper sur la table lors de la première rencontre avec Michael et Tilly, il me semble plutôt bien humain. À suivre.
En définitive, à part mes accidents de sourcils, j’ai plutôt bien-aimé la dynamique de cet épisode ainsi que les approfondissements des caractères des personnages. Et j’ai encore plus l’impression cette semaine que la production sait où elle va. A confirmer une nouvelle fois la semaine prochaine.
FM
DIS 01x06 Lethe n’est pas déplaisant à suivre, mais il est désagréable à penser...
Le Sarek recasté (le très inexpressif James Frain qui n’arrive hélas pas à la cheville de l’impérial Mark Lenard), accompagné de son fidèle V’Latak, quittent Vulcain à destination du système Cancri pour une rencontre diplomatique secrète avec deux maisons klingonnes dissidentes qui pourraient renverser le cours de la guerre menée par le général Kol. Mais surprise, V’Latak est en fait un terroriste de Daesh… dans sa version vulcaine ! Avant de se faire sauter au moyen d’un réactif injecté dans son sang (référence au Kazon Tierna dans VOY 02x26+03x01 Basics), le suicide bomber proclame qu’une mission de paix avec les Klingons ne serait pas conforme à l’idéologie vulcaine (!!!), qu’il est intolérable que des Vulcains ne considèrent pas les humains comme inférieurs (!!!), que son "sacrifice" (sic) sera le cri de ralliement des vrais chantres de la logique et que tout Vulcain se retirera alors de l’expérience ratée nommée "Fédération".
Alors si la revendication finale (quitter la Fédération) de ce logic extremist V’Latak peut vaguement évoquer celle de T’Paal et du Vulcan Isolationist Movement rencontrés au 24ème siècle dans ST TNG 07x04+07x05 Gambit, les autres composantes du discours et la violence des méthodes ne sonnent absolument pas Vulcains, pas même à l’ère d’ENT lorsque l’espèce de T’Pol fut sous influence romulienne et coupée des enseignements originaux de Surak. Dommage que la culture extraterrestre vulcaine, parfaitement définie dans TOS et remarquablement enrichie dans ENT, se retrouve désormais galvaudée et normalisée par l’actualité anthropique de l’islamisme le plus radical ou du nationalisme le plus rétrograde.
Sarek survit tant bien que mal à l’explosion, mais son vaisseau se retrouve encalminé dans une nébuleuse près d’Yridia.
Et dès lors, le "téléphone katrique" avec Michael s’active de nouveau, comme dans les premiers épisodes de Discovery. Cela donnera l’occasion cette fois à Burnham, alitée à l’infirmerie, d’expliquer au capitaine Gabriel Lorca et au Dr. Hugh Culber comment fonctionne ce MacGuffin. Il paraît donc que le katra, l’âme (ou eternal lifeforce) vulcaine (déjà rencontrée sous une forme plus vraisemblable dans la quatrième saison de la série ENT), peut être divisée (!!!) et partagée avec un tiers. Il s’agirait d’une "greffe d’âme" (!!!), une procédure rare et réprouvée. Non seulement, cela permettrait de communiquer à grande distance, mais également de soigner les blessures et ressusciter les morts (!!!). Discovery fait donc de la surenchère par rapport au mystérieux fal-tor-pan qui sera mis en scène 29 ans après dans Star Trek III The Search For Spock.
Quoi qu’il en soit, cette "greffe d’âme" aura permis à Sarek de sauver Michael après trois minutes de mort clinique durant ses études sur Vulcain, suite à une explosion terroriste provoquée par un autre logic extremist, opposé à l’intégration des humains dans la culture vulcaine. Il est toute de même curieux que des Vulcains versent dans le terrorisme de masse pour s’opposer à une seule humaine tentant de s’intégrer à la culture vulcaine.
Seule solution pour sauver Sarek, agonisant dans la nébuleuse, entrer en "contact katrique" avec lui pour qu’il diffuse sa position. Seulement celui-ci est tombé dans une espèce de coma, et son subconscient s’est verrouillé en boucle sur un traumatisme passé… qui bien sûr implique Burnham. L’enjeu devient clair, il va falloir que Michael pénétre le subconscient de Sarek dans le cadre d’un très classique "redemption episode" (rituel de toute série américaine actuelle au moins une fois pas saison).
Visiblement, Paul Stamets a pris goût à la greffe du mycélium (il trouve même cela great au-delà du désagrément des aiguilles), ce qui lui permettra de faire accomplir à l’USS Discovery un saut direct jusqu’à la nébuleuse où Sarek agonise ! À noter que l’amirale Cornwell reproche à Gabriel Lorca l’exposition consentante de Paul Stamets au mycelium au motif que ce serait de l’eugénisme illégal… alors qu’apparemment il n’y aurait rien d’illégal à kidnapper, torturer, et asservir des extraterrestres sentients non consentants.
Michael réussit à faire fabriquer à Paul Stamets un synthetic mind meld augment (amplificateur externe de fusion mentale). En d’autres termes, alors que dans ENT la fusion mentale était une pratique proscrite, et que dans TOS, les humains de l’USS Enterprise commenceront à peine à découvrir cette pratique auréolée de mystère… dix ans avant, Discovery aura déjà mécanisé la fusion mentale, et cette opération aura demandé seulement quelques minutes sans même l’assistance d’une quelconque Vulcain ! WTF ?!
Nous retrouvons bien là une des caractéristiques du reboot de 2009 : un 23ème siècle qui a déjà tout inventé, y compris ce qui n’existe pas encore au 24ème siècle.
Le moment rock’n’roll, c’est lorsque Stamets se lance dans le plus improbable des technobabbles pour expliquer le fonctionnement de l’engin qui permettra de se "connecter" au katra de Sarek. L’engin est baptisé "SarekVision" (cool !) et il nécessite de s’injecter de l’adrénaline ou du Speed (sympa que cette amphétamine fasse partie des référents culturels de la nouvelle société trekkienne de DIS). La science est vraiment reléguée à la rubrique "humour" dans Discovery.
Mais n’oublions pas le logo "Star Trek" sur la jaquette. Donc Stamets livre vite fait un petit commentaire pseudo-métaphysique histoire de sonner trekkien : "une superautoroute inexplorée reliant toutes les consciences et les vie" ! C’est beau et c’est si vrai. TNG peut vraiment aller se rhabiller.
Les premier "contacts katriques" entre Burnham et le subconscient de Sarek sont bien sûr conflictuels, celui-ci fait barrage, il a visiblement un lourd secret à préserver. S’enchainent alors des affrontements physiques très chorégraphiés (et en bullet time s’il vous plait) directement sortis de Matrix (normal, "l’environnement katrique" est lui aussi virtuel), jusqu’à la B.O. qui est aussi celle du film des Wachowski (au cas où certains spectateurs n’auraient pas bien compris la référence).
Ce sera aussi l’occasion pour Michael de revisiter des fragments douloureux de son passé, façon "jugement dernier". On rencontrera même la version racastée d’Amanda Graysson, joliment interprétée par Mia Kirshner.
C’est finalement Ash Tyler qui va livrer la "clef de déverrouillage" de Sarek à Burnham : au seuil de la mort, durant les dying thoughts, on pense à ceux qu’on aime et ce que l’on aurait voulu changer, non à ses échecs. Ce qui va permettre à Michael de briser la résistance du subconscient de Sarek et le sortir de son enfermement mental, afin qu’il active le transpondeur de son vaisseau. On se demande d’ailleurs pourquoi celui-ci ne s’est pas activé automatiquement suite à l’explosion. Au passage, comment les autorités vulcaines pouvaient-elles être au courant de l’attentat sans savoir où se trouvait exactement le vaisseau endommagé (ni même cherché à le retrouver) ?
Toujours est-il que si le nouveau chef de la sécurité est un pseudo-Klingon chirurgicalement modifié (comme envisagé sarcastiquement dans ma critique précédente puis plus sérieusement dans cet article de Christophe), et s’il a improbablement réussi à tromper tous les tricorders, scans, et autres Tribbles de l’USS Discovery... Tyler se révèle étonnamment fin, sensible, psychologue, et éveillé... en somme loin, très loin de la version au naturel pour le moins "attardée" que tente de nous vendre la série depuis le début. À se demander si ces pseudos-Klingons ne gagneraient pas tous à se métamorphoser en humains d’apparence (comme dans TOS)... soit une pensée bien trop anthropocentriste pour être vraiment trekkienne mais que suscite hélas Discovery.
Et voilà donc cette turpitude si infamante que révèle le subconscient de Sarek : il y avait des quotas d’entrée au Vulcan Expeditionary Group ! Pas plus d’un seul humain (ou demi-humain) ne pouvait être accepté. Malgré les performances de Michael qui égalaient en tout point celles des Vulcains, Sarek dut choisir entre son fils (Spock) et sa pupille (Michael). Un choix qu’il n’a pas été capable d’assumer devant Michael, et d’autant plus douloureux pour lui que Spock a décidé par la suite de ne pas intégrer le Vulcan Expeditionary Group, mais Starfleet à la place.
Ce psychodrame aurait pu être touchant, et même - pourquoi pas - apporter un subtext supplémentaire aux relations contrariées entre Spock et Sarek dans TOS. Malheureusement, il s’agit là d’une peinture outrageusement anthropomorphe de la psyché vulcaine. Si Sarek s’était vraiment comporté en Vulcain, il n’aurait eu aucune raison de dissimuler à Michael un choix légitime de sa part quand bien même frustrant pour elle (il ne s’est jamais gêné pour dire la vérité à Spock). Mais au lieu de ça, Sarek a choisi la voie du mensonge délibéré, option la plus blessante pour sa fille adoptive, consistant à la convaincre d’avoir échoué et déçu sa famille adoptive, soit un manque flagrant de psychologie (les Vulcains n’en manquent pourtant pas) et l’ajout d’une injustice familiale à une injustice sociale. Si Sarek avait été logique, il n’aurait de toute façon jamais considéré son "expérience" avec Michael comme un échec, puisque ses résultats à la Vulcan Science Academy et son admissibilité au Vulcan Expeditionary Group avaient prouvé sans la moindre ambiguïté qu’un humain pouvait égaler en logique et en compétence un Vulcain – la non-intégration finale de Michael n’étant qu’une affaire discriminatoire incombant à l’administration vulcaine et en aucun cas au talent de Michael ni à la "démonstration" de Sarek.
Mais qu’importe, cette composition bancale n’a qu’une fonction, conduire à l’une de ces scènes de rédemption conventionnellement émouvante que les productions étatsuniennes actuelles produisent à la chaîne : Sarek devant assumer ses actes devant Michael qui en retour lui sauve la vie (et le rapatrie blessé sur l’USS Discovery).
Le contexte laisse lui aussi à désirer ou du moins fait naître de vives interrogations :
Les Vulcains du 23ème siècle, quoique arrogants, n’ont jamais témoigné d’un racisme à caractère socialement discriminatoire. Que reste-t-il de la quatrième saison d’ENT, où Archer avait permis aux Vulcains du 22ème siècle de renouer avec l’enseignement de Surak ?
Par ailleurs, il n’y a jamais eu de référence dans TOS ni TNG à une sœur adoptive de Spock, qui plus est ayant à ce point compté pour Sarek (même lorsque celui-ci souffrait de l’incontinence émotionnelle du Bendii Syndrome).
En outre, dans TOS 02x15 Journey To Babel, il fut précisé que Spock a refusé d’intégrer la Vulcan Science Academy… et non le Vulcan Expeditionary Group dont il n’a jamais été question. D’ailleurs d’où sort cette organisation inconnue de la franchise ? Un concurrent vulcain de Starfleet (force pourtant commune à tous les peuples de l’UFP et où servent d’autres Vulcains) ?
Comme pour ajouter une fausse note de plus à cette peinture vulcaine pour le moins apocryphe, le cadre et les décors vulcains manquent d’exotisme (le comble pour une série à 8 millions de dollars par épisode). Ils étaient plus dépaysants et extraterrestres dans la série ENT et même dans la version remasterisée de TOS…
Il est évident que toute la trame de l’attentat Vulcain-Daesh puis de la recherche de Sarek agonisant n’était que le prétexte – bien artificiellement amené – de révéler le passé vulcain de Michael Burnham. Dès le second épisode de la série, il était écrit que les flash-backs seraient de la partie, mais la "katra-cyber-communication" n’est pas l’alibi le plus heureux. Par ailleurs, il est permis de supposer que ce script avait été écrit à l’origine pour un jeune Spock tiraillé entre ses deux natures, mais qu’il a été ensuite "tweaké" pour être appliqué à une sœur adoptive humaines (quand bien même le ST chronologiquement ultérieure n’en ait conservé aucune trace).
En parallèle, l’amirale Kat Cornwell, chose plutôt étrange, vient en personne sur l’USS Discovery… juste pour réprimander Lorca d’avoir lancé quelques minutes avant la mission de sauvetage de Sarek avec Burnham (rebelle condamnée) et Tyler (prisonnier des Klingon et à peine remis de sa détention).
Outre la chronologie des événements particulièrement téléphonée, pourquoi se déplacer en personne pour adresser une réprimande à Lorca suite à son rejet des ordres de l’amiral Terral (vulcain de son état) ? Et pourquoi reprocher à Lorca de vouloir sauver ce grand dignitaire de l’UFP qu’est Sarek, alors que sa vie est en péril immédiat ? Et pourquoi admonester Lorca pour avoir confié une mission à Burnham alors qu’il a été pourtant autorisé à librement employer les compétences de celle-ci ?
En réalité, Kat était venue évaluer l’état de santé mentale de son ami Gabriel, et par une "voie" plutôt originale mais guère professionnelle, celle de la copulation ! Mais il aura suffi que Lorca – portant encore sur sa peau les stigmates des tortures endurées durant sa captivité chez les Klingons (ou ailleurs) – soit un peu trop trigger-happy durant son sommeil (c’est-à-dire instinctivement sur le qui-vive prêt à dégainer son phaser)… pour que cela disqualifie ses compétences de commandant aux yeux de Cornwell ! Surréaliste ! Un tel instinct de survie est pourtant appréciable en temps de guerre, et en outre compréhensible après un séjour dans les geôles klingonnes.
Ainsi donc, la décision de laisser ou non le commandement de l’USS Discovery au capitaine Gabriel Lorca ne résulte pas du massacre particulièrement ambigu de son équipage précédent sur l’USS Buran, ni de ses évaluations psychologiques auprès des médecins de Starfleet, ni de sa désobéissance à l’amiral Terral, ni de ses nombreuses réussites (quoique moralement douteuses) en tant que capitaine de l’USS Discovery… non, la décision de laisser ou non le commandement de l’USS Discovery au capitaine Gabriel Lorca résulte uniquement de son comportement au pieu avec l’amirale Katrina Cornwell !
Nous sommes décidément dans un Starfleet de haute tenue.
Dans une société aussi peu trekkienne, en bon survivant qu’il est (façon capitaine Nemo), avec déjà à son actif la mort d’un équipage entier, et désormais en passe de perdre le commandement du vaisseau le plus avancé de Starfleet (et pierre angulaire de la guerre contre les Klingons)... il n’y a rien d’étonnant que Gabriel Lorca n’ait aucune hésitation à exploiter l’hospitalisation de Sarek pour inciter l’amirale à prendre la place de l’ambassadeur au rendez-vous interlope avec les Klingons prétendument dissidents… en se gardant ensuite de tout zèle pour la secourir (du moins sans ordre officiel de Starfleet).
La question est alors de savoir si Lorca est davantage blâmable moralement de tirer un profit personnel de la situation (quitte à trahir une amie et une supérieure)... que Cornwell n’est indigne de son rang en ne suspectant pas un piège (et en fonçant même tête baissée dedans) ?
En amont, l’épisode cherche-t-il en réalité à suggérer que le logicien Sarek a été incapable de voir ce que Lorca avait d’emblée deviné... afin d’entériner que seuls le cynisme, le pessimisme, et la paranoïa ont raison dans ce Star Trek re-rebooté ?
Quelques Easter eggs en bonus :
Michael Burnham s’érige en coach (sportif et mental) de Sylvia Tilly, en lui prodiguant une argumentation directement héritée du reboot Kelvin : le mode d’emploi pour passer direct de cadet à capitaine de vaisseau façon Baby-Kirk dans Star Trek 2009. L’occasion d’évoquer au détour d’une réplique le Constitution Class USS Enterprise… qui à ce moment-là devait être commandé par le capitaine Pike, mais que l’on a bien du mal à imaginer appartenir à la même époque et au même univers.
Gabriel Lorca et Ash Tyler font de la simulation de combat façon first-person shooter dans… un holodeck ! Oui, on se demandait combien de temps les showrunners allaient résister avant d’introduire dans une série du 23ème siècle (pré-TOS qui plus est) la technologie la plus emblématique du 24ème siècle de TNG. Et ici, ce ne sont pas des extraterrestres sans rapport avec l’humanité comme les Xyrillians d’ENT, c’est bien un vaisseau de Starfleet qui dispose apparemment de cette technologie sans que nul ne soit étonné. Alors certes, il est toujours possible d’invoquer le cas de la série animée semi-canon mettant en scène en 2269 dans l’épisode TAS 01x20 The Practical Joker une REC Room à bord de l’USS Enterprise, préfigurant les holodecks du siècle suivant mais possiblement limitée à des simulations de paysages et de climats. En outre, il n’est pas encore établi que l’environnement holographique de l’USS Discovery porte le nom de holodeck et qu’il puisse matérialiser des objets physiques (il s’agissait dans l’épisode de cible mobiles de tirs et non de partenaires de combat physiques).
La balade en navette dans la nébuleuse est une symphonie de couleurs, mais c’est aussi une illustration de la tendance outrancière et incontinente de Discovery en termes d’effets spéciaux (le mieux étant souvent l’ennemi du bien). Car l’esthétique sacrifie ici totalement la crédibilité visuelle, notamment dans les reflets, tant les lois thermodynamiques mais aussi optiques sont violées. À réserver plutôt à une séquence de psychédélisme.
Plus généralement, le visuel de Discovery laisse toujours autant à désirer. Certes les VFX sont très définis et la colorimétrie est opulente, mais la photographie est médiocre (quasiment que des plans rapprochés), la justesse chromatique est aléatoire, les textures sont artificielles, le mouvement des vaisseaux manque de naturel, certaines perspectives (et certains effets) sont absurdes, le cosmos est peu réaliste, les masques en latex des aliens sont grossiers et voyants... La forme de Discovery est loin d’être à la mesure de son pactole de 8 millions de dollars par épisode ! Il y a seize ans, en dépit d’un budget moindre et d’une définition inférieure, la série Enterprise possédait une forme beaucoup plus belle et convaincante.
L’échange final entre Michael et Ash est le moment le mieux écrit de l’épisode, exposant avec une relative justesse la douche écossaise des sentiments les plus contradictoires. Mais paradoxalement, cette scène souligne à la façon d’une tautologie ce que l’épisode a tenté de mettre en scène, comme si les auteurs manquaient d’assurance en termes de scénarisation et/ou de réalisation, ou alors comme s’ils essayaient sur le tard de transformer les faiblesses en partis pris. Malgré tout, il n’est pas impossible que cette conclusion révèle une intentionnalité mieux définie que dans les épisodes précédents, suggérant que les showrunners commencent à donner à la série sa forme définitive. Pour le meilleur ou pour le pire (selon les sensibilités de chacun).
Sous la houlette d’Alex Kurtzman et d’Aaron Harberts, Star Trek consiste simplement à mettre en scène l’humanité d’aujourd’hui avec davantage de technologie. Même les Vulcains du 23ème siècle sont désormais des humains de 2017 comme les autres : certains manipulateurs et névrosés, d’autres pratiquant des quotas racistes, et d’aucuns terroristes-kamizakes ! Dommage d’aller si loin dans le temps et dans l’espace pour faire un pareil surplace... L’actualité qui inonde ad nauseam la presse, la TV, et les réseaux sociaux ne suffit-elle pas ?
Et du coup, ce sont aussi les pires idiosyncrasies des séries contemporaines qui sont convoquées et méthodiquement colligées. Chaque personnage a des agendas secrets, et les coups bas pleuvent : des Vulcains assassinent à la façon de Daesh, les Klingons sont juste des ordures monodimensionnelles sans honneur, Sarek ment et humilie sans raison logique sa fille adoptive Michael, Cornwell baise avec son ami Lorca puis décide de le destituer, Lorca envoie son amie Cornwell dans un piège létal (ou du moins ne l’en avertit pas et se garde bien d’aller la secourir ensuite), Ash Tyler est possiblement un Klingon infiltré… Bienvenue dans Star Trek version Lost mâtinée de Dynasty (série d’ailleurs rebootée il y a peu) avec un touche de Mirror Universe.
C’est trivial, c’est laid, c’est sordide, c’est démotivant, et il devient de plus en plus difficile de prendre cette exhibition au sérieux. Car pour une société où les coups de pute, les trahisons, les doubles-jeux, et les félonies sont la norme, la plupart des personnages sont finalement bien naïfs durant les périodes où ils ne s’emploient pas à faire des crasses à leur entourage, tel un Game Of Thrones largement inconséquent : Sarek et Cornwell bien sûr qui se précipitent l’un comme l’autre dans un piège grossier tendu par une espèce qui usurpe le nom de "Klingon" mais qui n’en partage aucune des valeurs ; également Lorca qui, contre toute attente, confie le poste critique de responsable de la sécurité à Ash Tyler alors que celui-ci est resté captif des Klingons durant sept mois et que son intégrité physique et mentale est hautement suspecte (n’y avait-il personne de compétent à bord depuis la mort stupide de Landry ?) ; et même Burnham qui, en dépit de sa lucidité sans faille jusque-là, se met soudain à idéaliser Lorca (au seul motif que celui-ci officialise son affectation sur l’USS Discovery au titre de spécialiste scientifique sur la passerelle)…
Difficile de croire que Joe Menosky ait vraiment co-signé un épisode si peu trekkien, aussi peu consistant, et aussi dark-soapy, aux antipodes des chefs d’œuvre qu’il écrivait avec ou sans Brannon Braga pour TNG et VOY. Il devient de plus en plus probable que CBS ait embauché quelques vétérans du Star Trek historiques juste pour fournir des gages et des cautions à l’attention des trekkers : Joe Menosky car il était associé aux scenarii à high concept SF, Nicholas Meyer parce qu’il avait réalisé La colère de Khan, et Eugene Roddenberry pour son patronyme vendeur (et surexploité). Hélas, Discovery n’en est pas meilleure pour autant.
Le "mode ironique" de l’ami Frank dans sa critique ci-dessus est tristement révélateur des dégâts collatéraux que Discovery commence déjà à infliger au Star Trek historique dans l’esprit des trekkers, ne fut-ce qu’à un niveau inconscient. Car lorsque chacune des séries ST précédentes – et tout particulièrement la prequelle Enterprise – grandissait et consolidait rétroactivement l’ensemble de l’édifice trekkien… Discovery rabaisse et brise cet édifice, tout en lui donnant un coup de vieux. Se servir plutôt que servir, tel est bien le mode opératoire de la nouvelle série Star Trek in name only, comme du reboot avant elle.
YR
EPISODE
Episode : 1.06
Titre : Lethe
Date de première diffusion : 22/10/2017 (CBS All Access) - 23/10/2017 (Netflix)
Réalisateur : Douglas Aarniokoski
Scénaristes : Joe Menosky et Ted Sullivan
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