Star Trek Discovery : Review 1.01-02 The Vulcan Hello et Battle at the Binary Stars
Diffusé dimanche dernier sur CBS avant d’être transféré sur le service de streaming de la chaîne, le lancement de la nouvelle série Star Trek s’est soldé par une confortable audience de 9,6 millions de téléspectateurs et une estimation de 15 à 17 millions avec les replay. Star Trek Discovery, disponible en France sur Netflix, arrive après 12 ans de disette télévisuelle et 3 films diversement appréciés. La série débarque surtout dans un univers télévisuel complètement bouleversé où les standards de qualité ont grandement évolués, où l’aspect visuel d’une série premium ne diffère quasiment plus d’un film. Les Lost et autres Game of Thrones ont redéfini ce que devait être une série et la subsistance de ce qui fait une série Trek est la question qui taraude le Trekkie que je suis.
J’ai beaucoup observé les commentaires divers et variés qui ont été exprimés ici et ailleurs depuis la genèse de Discovery. Oui, je trouve énervant, pour ne pas dire débile, d’avoir proposé à nouveau un préquel. Je trouve insensé que dans un univers aussi large que le territoire de la Fédération, on soit obligé de justifier la série par une proximité avec un personnage connu comme Sarek, le père de Spock, ou Mudd. C’est également ce que je déplore avec les nouveaux Star Wars qui ne cessent d’être aimanté par les personnages de la première trilogie. Je trouve également dommage avec le concept de préquel de proposer un univers visuel tellement plus moderne que l’ensemble des autres séries Trek. Pour autant, ce n’est pas ça qui va dicter ma façon de juger Star Trek Discovery.
Pour ma part, ce qui fait l’essence de Star Trek, ce n’est ni le design des Klingons ou de la passerelle, ni le respect absolu quasi intégriste de la continuité de la saga. Pour moi un Star Trek, c’est une série qui mixe intelligemment l’action à la réflexion. La fin d’un bon épisode doit me conduire à me poser des questions sur la problématique que le scénario a fait émerger. Au travers du prisme de la science-fiction, de personnages qui ne sont pas toujours humain et donc qui n’agissent pas comme des humains, cela doit interroger sur ce qu’est notre vie, nos problèmes, nos tares de Terriens du 21ème siècle. Chaque série Trek a d’ailleurs toujours été un prisme fantastique de son époque.
Et ce qui me frappe avec la diffusion des deux premiers épisodes, c’est l’utilisation intelligente qui est faite des différences psychologiques entre l’équipage de l’USS Shenzhou et les Klingons. Les membres de la Fédération sont le reflet de notre société multiculturaliste, la différence dans l’harmonie, incapable de sortir de leur schéma de pensée pour percevoir la vraie nature de leur ennemi. Les Klingons, dans leur recherche de pureté raciale, leur idéal d’unité dans le refus de toute différence sont également incapables de dévier de leur ligne. C’est une magnifique représentation dans ce monde futuriste des deux courants de pensée antagonistes qui fracturent actuellement nos sociétés. Pour faire dans la caricature, c’est Mondialistes politiquement correct contre Suprémacistes blancs ou Intégristes Daeshiens.
Et au milieu de cet affrontement où personne ne peut comprendre l’autre, Michael Burnham (Sonequa Martin-Green) est la seule à pouvoir appréhender les tenants et aboutissants de cette situation inextricable. De par son passé tragique, seule survivante d’une attaque klingonne, elle seule peut comprendre ce qui les motive. Mais son discours logique, issu de son éducation vulcaine et de son passé, est impossible à entendre pour les oreilles formatées de la Fédération. Ces deux épisodes sont donc l’histoire d’un échec terrible pour le personnage principal de la série.
Au-delà du fond, beaucoup de choses m’ont plu sur la forme. Les effets spéciaux sont excellents, bien plus convainquant pour moi que certains SFX des 3 derniers films au cinéma. Concernant les maquillages, je suis aux anges de voir enfin des extraterrestres qui ont autre chose qu’un petit bout de plastique rayé sur le nez pour justifier de leur non-humanité, la plus grosse tare de Star Trek pour ma part.
J’ai aimé au départ voir les Klingons parler quasiment intégralement dans leur langue, mais cela m’a vite fatigué. Vivement l’utilisation d’un traducteur universel. L’exagération du caractère des Klingons dans la série est à mon avis à mettre en corrélation avec leur aspect physique. Tout est surdimensionné. Etant donné les déclarations claires concernant le fait que Discovery se déroule dans le prime univers, je parie sur un final de saison traitant sur la transformation génétique de la race afin de les faire correspondre à leur apparence dans La série Originale.
J’ai apprécié la prestation de Sonequa Martin-Green qui traduit bien la nature humaine de son personnage modifié par son éducation vulcaine. Quant au reste du casting, Michele Yeoh a délivré exactement ce que j’espérais d’elle, un capitaine aux qualités humaines. Le must reste l’excellent Doug Jones, son Saru est hypnotique.
Après ces 2 épisodes d’introduction épiques et dramatiques, j’espère que le reste de la saison ne va pas uniquement tourner autour de la guerre avec les Klingons. La semaine prochaine sera à mon avis encore un épisode de transition qui traitera des conséquences pour l’héroïne de ses actes. Par contre j’attends vraiment à partir du quatrième épisode l’installation de problématiques plus décorrélées de l’affrontement avec les Klingons pour dire réellement si Star Trek Discovery marche dans les pas de ses dignes prédécesseurs.
FM
Les trois films du reboot abramsien (2009, 2013, et 2016) cumulaient un nombre record de travers, de défauts, et d’absurdités (inventoriés notamment dans mes trois critiques-fleuves publiées dans les colonnes d’Unif), mais ils possédaient malgré tout une qualité unique, véritable, presque rédimante : ils prenaient officiellement place dans une réalité alternative, voire un autre univers, considéré comme tel en interne (c’est-à-dire dans l’histoire même) ! Un alibi qui avait le mérite de préserver intacte l’unité trekkienne de la franchise historique (1964-2005).
Eh bien voilà un état, non de grâce, mais de suspension qui a pris fin ! Dorénavant, le "sandbox" n’existe plus, le "bouclier" a été brisé. La nouvelle série Discovery n’a plus d’alibi à faire valoir… puisque ses auteurs cherchent absolument à convaincre le public qu’elle prend place dans la chronologie originelle de l’univers historique, et précisément en 2256, c’est-à-dire exactement deux ans après (et non avant) l’épisode pilote de La série originale, à savoir TOS 00x01 The Cage (tourné en 1964).
Malheureusement, absolument rien de ce que mettent en scène les épisodes DIS 01x01 The Vulcan Hello et DIS 01x02 Battle At The Binary Stars ne pourrait réussir à convaincre qui que ce soit de la communauté d’époque, de ligne temporelle, et d’univers entre Discovery et La série originale.
Est-ce à dire que lorsque les producteurs contemporains de Star Wars ne cessent de démontrer (notamment avec Rogue One) qu’il est parfaitement possible de produire des œuvres au goût du jour respectant pourtant – à la virgule près – la continuité et le visuel de celles qui furent produites il y a déjà quarante ans... la nouvelle direction en charge de Star Trek depuis 2007 aurait totalement et définitivement jeté l’éponge ?!
Plutôt que de continuer à se creuser les méninges (comme avant 2006) pour trouver des biais créatifs afin de respecter l’intégrité visuelle, narrative, scientifique, et philosophique d’un univers préexistant (avant d’en reculer toujours davantage la "date de péremption"), les nouveaux auteurs-producteurs préfèrent utiliser leurs vastes ressources en communication pour convaincre le public (et ses influenceurs) que rien n’est plus has been que le respect de la continuité, réputée étouffer la créativité des scénaristes, et ne préoccuper que quelques "no life" méprisables !
Cette posture laisse tout de même un amer sentiment de gâchis lorsque l’on comprend que la caractéristique première de Star Trek jusqu’en 2005 – la caractéristique qui le définissait et le distinguait fondamentalement de tous les univers audiovisuels concurrents – était son degré inouï et inégalé de cohérence interne sur une période de production aussi longue (quarante ans).
Triste ironie que cette prérogative si trekkienne soit dorénavant devenue l’apanage des autres...
Tout au mieux, serait-il possible – sans trop d’effort ni d’autosuggestion – de se convaincre que Discovery prend en fait place dans l’univers parallèle (ou Kelvin timeline) du reboot de 2009, tant les similitudes contextuelles et stylistiques sont nombreuses (hormis le système de stardates) : une Fédération inquiétante et dystopique (je vais y revenir), les "alvéoles éducatives" vulcaines, le recast très abramsien de Sarek, l’absence de traducteurs universels (du moins pour le klingon), la calvitie klingonne, les sorties de distorsion explosives, le design et le gigantisme de tous les vaisseaux, la mise en scène tournoyante, les lens flares à foison, la signature visuelle proto-abramsienne...
Fi ! Puisque le viol est désormais le sort réservé à Star Trek, celui-ci a vraiment intérêt à être exquis.
Alors en lieu et place de la cohérence internaliste trekkienne, il serait maintenant question de vendre au spectateur une science-fiction formatée par la nouvelle référence intergalactique que serait Battlestar Galactica 2003, véhiculant parait-il une pleine "conscience" sociale et politique. Car oui, c’est à la mesure de son utilitarisme que la SF deviendrait intellectuellement estimable : elle doit absolument transposer dans son univers (ou du moins dans ce qu’il en reste vu que la cohérence interne est un truc complètement "dépassé") l’actualité du moment, pour mirrorer toutes les obsessions et les angoisses de son époque de production.
Très réducteur pour la SF - exploration de tous les possibles. Mais admettons.
Faut-il encore que ladite transposition commente intelligemment et éclaire pertinemment les actus dont le public est aujourd’hui sursaturé ; faut-il que par le prisme de la SF, les études de sociétés et de cas offrent une vraie plus-value aux problèmes humains contemporains, en apportant du sens, des nuances, de la complexité, un enrichissement… et non en simplifiant, en caricaturant, et en dénaturant grossièrement le réel.
Hélas, rien, mais alors absolument rien de tel ne transparait dans le show convenu, plat, et hautement ennuyeux que propose pour le moment Discovery...
À l’exception notoire de la seconde moitié du teaser lorsque Michael Burnham et Philippa Georgiou descendent incognito sur la planète de sable des Crepusculan pour éviter à leur civilisation de s’éteindre. Quoique empruntant le concept au teaser de ST Into Darkness (i.e. violer discrètement la Prime Directive pour sauver des peuples), DIS 01x01 The Vulcan Hello en propose un version incomparablement plus fine et crédible, avec une grande hauteur de vue dans les dialogues et un visuel envoûtant. Ce passage-là (d’environ trois minutes) aurait eu toute sa place dans le Star Trek bermanien, et il n’en jure que davantage par rapport au reste de l’épisode et au suivant. C’est probablement l’ultime vestige de la contribution de Bryan Fuller à Discovery (avant d’avoir été viré par Alex Kurtzman).
Les deux premiers opus de la série s’articulent autour d’un antagonisme manichéen et sans finesse entre Starfleet et… les Klingons ! Une configuration à peu près aussi originale que Kirk contre Khan dans Star Trek Into Darkness.
Sauf que cette espèce extraterrestre construite progressivement durant quarante années de créativité trekkienne, forte d’une authentique culture extraterrestre bien à elle, et culminant par ses problématiques méta-shakespeariennes… se voit réduite dans Discovery à une pantomime risible directement sortie d’une série Z produite par The Asylum. Désormais métamorphosés en Uruk-hai tolkieniens difformes (avec des masques en latex particulièrement voyants que jamais un Michael Westmore n’aurait laissé passer !), rigides et sinistres comme des morts-vivants ou des momies, chauves comme dans la Kelvin timeline, récitant à grand-peine (et de façon ultra-saccadée) un Klingon laborieux (et pourtant les traducteurs universels existaient déjà un siècle avant dans la série Enterprise !)… le spectacle imposé est plus que pathétique, il fait juste pitié ! Que reste-t-il donc de ces Klingons flamboyants, épiques, mythologiques mêmes, donnant corps et vie à l’über-mensch nietzschéen, dionysiaques dans leurs tripes à chaque instant de leur existence et jusqu’à leur dernier souffle ? Que reste-t-il également du Klingon Augment Virus révélé par la saison 4 d’Enterprise et expliquant avec génie (en internaliste) le changement d’aspect physique et de comportement (très humanisé mais toujours brillant) des Klingons dans TOS ? Et puis, qui a eu cette exécrable idée de faire jouer toutes les scènes klingonnes de Discovery en VO (proprement irregardables tellement elles sont laborieuses et mal interprétées) ?
Et la métamorphose klingonne – presque gore – que nous inflige Discovery ne frappe pas seulement une obscure "ethnie préhistorique" jamais mise en scène auparavant dans la franchise, mais visiblement l’intégralité les 24 Maisons composant l’intégralité du Klingon High Council, c’est-à-dire en gros l’ensemble de la civilisation klingonne !
Le pire est pourtant ailleurs. Il tient à ce discours affligeant que les auteurs prétendent faire tenir aux Klingons… avec l’attention avouée (dixit Aaron Haberts) de renvoyer au populisme de Donald Trump (bien qu’il soit plus tentant encore d’y voir un écho de Daesh) ! Mais loin de transposer équitablement deux visions du monde (pas forcément incompatibles d’ailleurs) qui s’affrontent aujourd’hui (le mondialisme vs. l’identité), d’en pointer les limites dialectiques et les contradictions, d’en révéler avec empathie et humanisme les causalités et les facettes (aussi nombreuses que complexes) pour déconstruire et faire réfléchir les spectateurs... les auteurs optent pour la facilité du simplisme et du manichéisme. Par exemple, en cherchant à faire passer les idéalistes - comme la capitaine Georgiou - pour des naïfs (ou des auto-référents), cela témoigne d’un mépris (ou d’une ignorance) envers l’audace du Star Trek historique qui combinait harmonieusement réalisme et idéalisme.
De même, le crédo trekkien "we comme in peace" - que les pseudo-Klingons perçoivent comme le glas de leur identité - suggère un parallèle outrageusement idéologique (et donc sophistique) entre le mondialisme contemporain et la Fédération trekkienne. Or le mondialisme contemporain n’a rien d’une utopie in situ, il ne fait pas que des heureux et il possède ses authentiques perdants, auxquels Donald Trump réussit justement à "parler" (avec beaucoup de démagogie certes). C’est justement par la capacité à mettre en évidence de tels paradoxes que se mesure la qualité d’une transposition en SF...
Malheureusement, ces "Klingons new-look" se contentent d’être la caisse de résonance vulgaire des pires trolls qui hantent les égouts des réseaux sociaux et du web, la somme de tous les clichés et de toutes les idées reçues actuelles... faisant ainsi d’eux des "bad guys" encore plus prétextes et plus creux que Nero (Star Trek 2009) et Krall (Star Trek Beyond) réunis, mais cette fois durant une saison entière (au minimum) !
Et même si l’intention dénonciatrice – et donc possiblement militante – des scénaristes est peut-être (?) louable, l’expérience a montré que des procédés aussi primaires sont en général très contreproductifs au sein des œuvres réputées "sérieuses". Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’une des critiques de presse états-unienne les plus virulentes contre la série Discovery provient justement de CNN, le média qui s’oppose pourtant le plus frontalement à Donald Trump (et réciproquement).
Sur le terrain souvent casse-gueule de la transposition, Discovery est à des années-lumière de Battlestar Galactica 2003. N’est pas Ronald D. Moore qui veut.
Non contente de multiplier les incompatibilités flagrantes avec la Prime timeline :
par exemple les uniformes radicalement différents de ceux que partageaient TOS 00x01 The Cage en 2254 et TOS 01x01 Where No Man Has Gone Before en 2264,
ou encore la passerelle de l’USS Shenzhou – avec ses interfaces tactiles, ses afficheurs tête haute, ses écrans transparents (au passage le truisme le plus absurde des SF suivistes), ses hologrammes, et ses robots – qui est encore plus futuriste et désincarné que dans le reboot abramsien (les producteurs s’imaginant probablement qu’il suffit d’ajouter quelques bruitages sonores tirés de la série originale pour contenter le geek nostalgique)...
... Discovery multiplie également les incohérences envers elle-même :
Les capteurs high tech de l’USS Shenzhou ne réussissent pas à repérer Burnham et Georgiou à la surface de la planète à travers une tempête, mais il suffit que la capitaine trace de ses pas dans le sable un gigantesque emblème de Starfleet pour que le vaisseau les localise visuellement et les téléporte (scientifiquement léger... mais qu’importe n’est-ce pas, puisque la scène est stylée...).
L’opération de reconnaissance en "thruster pack" à 2 000 km en moins de 20 minutes... impliquerait de dépasser largement le nombre de g qu’un corps humain est capable d’encaisser.
Les dialogues laissent entendre que c’est la Fédération des planètes Unie qui aurait réussi à diviser l’Empire klingon (que T’Kuvma tente maintenant de réunifier) ; mais en même temps, l’épisode pilote affirme qu’il n’y a eu aucun contact avec l’Empire, pas même de nouvelles depuis un siècle, c’est-à-dire depuis l’époque de Jonathan Archer ! Or aux environs de 2161, les membres fondateurs de la jeune et utopique Fédération n’auraient eu ni les moyens ni la malveillance de diviser l’Empire. Bref, un imbroglio de contradictions…
Une jeunesse entière passée sur Vulcain sans même savoir comment les Vulcains avaient réussi à se faire respecter des Klingons au cours de leur longue Histoire.
Non seulement les vaisseaux klingons sont encore plus gigantesques que les vaisseaux de Starfleet (eux-mêmes anachroniquement gigantesques), mais que penser d’un vaisseau antédiluvien klingon de la House of T’Kuvma, le Sarcophagus (ou "Ship of the Dead"), qui a le dessus sur une flotte dernier cri de Starfleet et qui dispose de boucliers occulteurs que nul n’est capable de percer ? Le syndrome Milo Giacomo Rambaldi d’Alias (du même auteur) ?
La stratégie d’occultation-collision de T’Kuvma pour détruire en traitre l’USS Europa juste après avoir donné à l’amiral Brett Anderson sa parole de cesser le combat, cela aurait peut-être (?) été conforme aux valeurs romuliennes, mais cela aurait en revanche représenté un très grave manquement à l’honneur klingon dans le Trekverse originel.
Le concept du preemptive strike sonne bien peu vulcain... à moins de suggérer que les Romuliens (tel V’Las dans ST ENT) aient toujours été à la tête de la société vulcaine.
Michael Burnham devient officier de Starfleet sans même être passée par l’Académie, soit un "exploit" à peu près aussi crédible que Baby-Kirk qui passe directement de cadet à capitaine de vaisseau dans Star Trek 2009.
Le "fanal" klingon est certes assorti d’une émission subspatiale (FTL), ce qui expliquerait plus ou moins que la flotte des 24 Maisons klingonnes rapplique en distorsion aussitôt (c’est-à-dire en seulement quelques minutes chrono). Néanmoins, difficile à expliquer que Sarek (qui lui n’est pas situé à 15 minutes-lumière) connaisse l’existence de ce fanal et le perçoive symboliquement comme une "nouvelle étoile"... alors que la lumière émise (limitée à c) ne pouvait pas atteindre les systèmes solaires voisins avant plusieurs années.
C’est Michael Burnham qui est l’instigatrice de toute la "psycho-stratégie" consistant à emprisonner T’Kuvma (pour ne pas que le messie klingon se transforme en martyr aux yeux des siens), mais c’est pourtant elle qui le tue en réflexe à son tir létal sur Phillipa Georgiou ! Plus généralement, il est inconséquent que les phaseurs n’aient pas été réglés en "mode paralysie" (comme à la fin de Star Trek 2009) durant toute l’opération commando à bord du vaisseau klingon, alors que l’objectif - cautionné par la capitaine Georgiou - était bien de capturer T’Kuvma vivant.
Comment se fait-il que le lieutenant Saru ne puisse téléporter Phillipa Georgiou après sa mort (ce qui aurait peut-être permis une réanimation) ? Jamais dans le Trekverse originel, la téléportation ne fut limitée aux êtres vivants. Serait-ce un indicateur de plus que Discovery prend place dans la Kelvin timeline (ou Amanda Grayson ne put être téléportée dans Star Trek 2009).
Sarek est soudain érigé en mentor et en guide spirituel. Visiblement, il fallait absolument que le monomythe campbellien s’invitât via un Obi-Wan Kenobi de service, pour une franchise Star Trek qui se "starwarise" davantage à chaque opus depuis 2009.
La "communication par katra" (sérieusement ?) sur une portée de plusieurs années-lumière entre Sarek et Michael Burnham, outre d’être une invraisemblance extrapolation de lien télépathique vulcain révélé par ST Enterprise 04x19 Bound, impliquerait un degré d’intimité (sexuel ?) qui contredit le fait que jamais dans TOS ni dans TNG - même à l’article de la mort et en pleine incontinence émotionnelle - Sarek n’a entériné l’existence de sa fille adoptive Michael durant son vécu passé. Ce qui plaide une nouvelle fois pour une autre timeline ou pour un univers parallèle.
Mais le summum de nawak - et de la turpitude - est atteint sans conteste dans l’obstination de l’épisode pilote/prequel (et probablement de la saison entière) à vouloir faire de Michael Burnham la responsable – à la fois stratégique, morale, et légale – de la guerre entre les Klingons et la Fédération. Or sa prétendue "mutinerie" n’est qu’une désobéissance ponctuelle comme il y en a eu tant dans les séries Star Trek historiques en situations opérationnelles, qui plus au sein d’une même famille de corps et de cœur (la capitaine Georgiou était une mère de substitution pour Michael Burnham). La preuve : Phillipa Georgiou n’a pas hésité à réintégrer fort vite Michael dans ses fonctions et même à suivre ses recommandations pour toute l’opération commando ! Ainsi, non seulement cette désobéissance de Michael n’est pas à l’origine du décès de Phillipa, mais elle n’est en rien à l’origine du combat spatial dramatique pour Starfleet. Au contraire, l’analyse rétrospective aurait logiquement dû conduire l’amirauté de Starfleet à conclure que les intentions de Michael étaient sociologiquement fondées au regard de la culture klingone (du moins si l’on admet les hypothèses de départ contestables de Discovery), et seuls à même d’éviter la catastrophe qui s’est finalement produite. Le véritable Starfleet historique - plus encore celui de la TOS-era qui accordait bien moins de sacralité à la chaîne de commandement que celui de la TNG-era - aurait logiquement dû féliciter et promouvoir Michael Burnham, au pire lui donner un blâme mais seulement pour la forme. D’autant plus que le "devoir de désobéissance" s’inscrit dans la charte de Starfleet.
Or que voit-on à la fin du second épisode de Discovery ? Eh bien un tribunal de Starfleet – nimbé de ténèbres – dégradant Michael Burnham et... la condamnant à un emprisonnement à perpétuité !!! Oui, il faut l’entendre pour ne pas le croire : à perpétuité ! Une cour d’injustice omnipotente, une prévenue seule et sans le moindre avocat pour la défendre ni faire valoir ses droits, pas même les circonstances atténuantes du fait d’un Sarek venant décharger Michael pour avoir suivi en temps réel ses prescriptions de "sage vulcain"… nous sommes littéralement plongés ici dans un procès klingon ou cardassien, c’est-à-dire une parodie de justice kafkaïenne ou stalinienne ! Que reste-t-il des lumières trekkiennes, de l’utopique fédération, et de l’esprit optimiste et coloré de La série originale ? Absolument rien ! Juste l’obscurité d’une société concentrationnaire et totalitaire, dont les Javert institutionnels se révèlent encore plus inquiétants que le faucon désespéré Marcus de Star Trek Into Darkness.
Cette entreprise de "négation trekkienne" n’a qu’un seul but, un but évident : servir de prétexte artificiel pour offrir au personnage principal une quête de repentance et de surrérogation à peu de frais tout au long de la saison. Voilà donc de quelle manière on fabrique désormais de la profondeur-en-kit dans Discovery : en sacrifiant la cohérence internaliste (l’univers, les valeurs, et les institutions) aux seuls personnages... en somme exactement comme dans le reboot de 2009.
À l’exception de la belle Sonequa Martin-Green qui compose un personnage presque aussi sensible que dans The Walking Dead (à voir néanmoins sur la durée...), l’interprétation demeure fade dans son ensemble, au point de laisser les spectateurs assez indifférents aux destins parfois funestes des personnages ("syndrome Game Of Thrones") dans un pilote qui se présente comme le prequel du prequel (l’USS Discovery et le capitaine Gabriel Lorca n’y apparaissant pas encore).
Comment se fait-il que jamais je n’ai vibré lorsque Michael Burnham a (souvent) frôlé la mort ? Comment se fait-il que le trépas violent de la capitaine Georgiou (interprétée pourtant par Michelle Yeoh) m’ait laissé totalement de marbre ?
Peut-être parce que finalement, comme dans le reboot abramsien, l’enchaînement des événements (conduisant à la guerre avec les pseudo-Klingons et à la condamnation de Michael Burnham) révèle des ficelles instrumentales bien trop voyantes. Tout y est scénaristiquement trop rapide, trop téléphoné, et trop prétexte. Et c’est ainsi que meurt... la si fragile suspension d’incrédulité... avant même d’avoir pu naître.
Le générique – sémiologie s’il en est de Star Trek – s’avère lui aussi particulièrement décevant. Curieux générique d’ailleurs, plus externaliste qu’internaliste, ayant à peine dépassé le stade du mock-up (entre maquette et épure), totalement "orienté objet", fétichisant les goodies les plus kitsch, singeant maladroitement celui de Westworld... le tout sur une musique d’ascenseur empruntant un début d’emphase (mais un début seulement) au score de Game Of Thrones.
En vérité, Discovery est une série qui préfère tricher plutôt que d’assumer, pour tenter d’avoir à la fois le beurre, l’argent du beurre, et le cul de la crémière... quitte à s’aliéner une partie des spectateurs (et notamment des trekkers de longue date) qui ont bien des raisons de se sentir floués voire manipulés.
Discovery prétend prendre place dans une timeline et dans un timeframe déjà largement explorés auparavant et donc parfaitement balisés… mais sans en respecter la chronologie, les structures, les technologies, les designs, les espèces... et l’ambiance.
Discovery prétend célébrer les intemporels idéaux trekkiens, mais elle offre pour tout horizon un "Grimdark Trek" à l’image de la sinistrose contemporaine.
Discovery prétend vouloir réactualiser tous les marqueurs trekkiens, s’émanciper d’une continuité réputée être un frein à la créativité, se démarquer des séries précédentes en introduisant de nouvelles espèces, de nouveaux personnages, et de nouvelles problématiques… mais plutôt que de se projeter avec logique et naturel dans un lointain futur (des siècles après ST Nemesis) ou dans une autre trame temporelle (comme le reboot de 2009), elle s’inféode toute seule aux contraintes inextricables de la période la plus typée, inimitable, et rétrofuturiste de la chronologie trekkienne, afin de profiter de la "branchouillardise vintage" – et donc vendeuse – de La série originale... tout en s’abîmant dans le fan-service le plus grossier (en recastant inutilement de nombreux personnages secondaires de TOS).
Discovery prétend innover avec une espèce extraterrestre radicalement nouvelle, tant par l’aspect physique que par le comportement, plongée en sus dans la sémiotique de la fantasy… mais la série n’est pas pour autant prête à renoncer commercialement à l’icônisme (désormais ultra-galvaudé) des Klingons, au risque d’une disparité inconciliable entre la dénomination et la matérialisation.
Discovery prétend (via ses bandes-annonces et les interviews des auteurs) offrir un commentaire social et politique sur notre temps… sauf qu’elle propose pour seul "fond" les clichés les plus réducteurs et les idées reçues les plus simplificatrices (donc trompeuses) sur les antagonismes et les enjeux contemporains.
Discovery prétend enfin aller là où aucune série Star Trek n’est allée avant elle, mais hormis son budget pharaonique (de 8 millions de dollars par épisode) et ses effets spéciaux de blockbusters ciné, elle se contente d’aligner des "déjà vus" plus prévisibles et soporifiques les uns que les autres. Ainsi :
Un piège tortueux qui se transforme en casus belli : déjà vu avec les Xindis (Enterprise) et les Romuliens (The Next Generation).
Une bataille spatiale qui se termine mal pour Starfleet : déjà vu avec Wolf 359 (The Next Generation / Deep Space Nine) et avec la bataille de Vulcain (Star Trek 2009).
Une guerre contre les Klingons : déjà vu dans Enterprise et surtout dans Deep Space Nine.
Un cuirassé ennemi qui éperonne le façon létale un vaisseau de Starfleet, déjà vu dans Star Trek Nemesis.
Un personnage (Michael Burnham) recueilli dans sa jeunesse par une autre espèce après l’assassinat de sa famille : déjà vu avec le Klingon Worf et le couple humain Sergey et Helena Rozhenko (The Next Generation).
Un personnage tiraillé entre plusieurs cultures et réussissant en faire finalement la synthèse : déjà vu avec Spock (La série originale) et avec B’Elanna Torres (Voyager).
Un personnage déshumanisé (Michael) qui renoue au bout de sept avec sa nature humaine : déjà vu avec Seven Of Nine dans ST Voyager.
Un personnage qui désobéit à son supérieur direct au nom de ses intimes convictions et/ou de l’intérêt général : déjà vu dans chaque série Star Trek précédente.
Une stratégie d’attaque préventive pour éviter une guerre : déjà vu contre les Romuliens (La série originale) et contre le Dominion (Deep Space Nine).
Un personnage (toujours Michael) condamné sévèrement par la justice de Starfleet et plus ou moins réhabilité ensuite : déjà vu avec James T. Kirk (The Voyage Home) et avec Tom Paris (Voyager).
Une séance spectaculaire de "space diving" : déjà vu dans Voyager, Star Trek 2009, et Star Trek Into Darkness.
Une "opération commando" très improbable à deux sur un vaisseau ennemi : déjà vu dans Star Trek 2009.
Des discours identitaires et belliqueux (le pseudo-Klingon T’Kuvma) face à la "trop séduisante" Fédération : déjà vu et entendu un nombre incalculable de fois dans La série originale, La nouvelle génération, et Deep Space Nine mais sous des formes incomparablement plus subtiles et signifiantes qu’ici.
Une narration autocentrée (à distinguer des captain’s logs trekkiens traditionnels), émaillée de flashbacks traumatiques (et qui vont probablement s’étendre tout au long de la saison) : déjà vu, non pas dans Star Trek cette fois (et heureusement), mais ad nauseam dans toutes les séries en vogue depuis Lost et BSG 2003.
(…)
Il serait en fait possible de poursuivre ainsi l’énumération longtemps, car il n’existe pas une scène, pas un ressort des deux premiers épisodes de Discovery qui ne plagie ce qui a déjà été fait (et fort bien fait) auparavant dans la franchise, mais en troquant la complexité et la crédibilité contre le superficiel et le spectaculaire.
In fine, la série Discovery prétend faire du Star Trek pour profiter de toute la dynamique d’appel commerciale que véhicule ce nom (devenu marque et label)... mais elle se garde bien d’en respecter les véritables préalables, corollaires, et implications. Du coup, si cette série ne se réclamait pas ostentatoirement de "Star Trek", elle ne bénéficierait probablement d’aucun soutien critique ni d’aucun succès d’audience. De quoi questionner la sincérité de toute cette opération...
Une situation à opposer au grand mérite de The Orville (de Seth MacFarlane et Brannon Braga), qui réussit à magistralement faire honneur à l’esprit trekkien sans pour autant être autorisé à en porter les couleurs officielles. Après quarante ans "d’hellénisme trekkien", serions-nous finalement entrés dans la "période hellénistique" de Star Trek ?
Alors, certes, le premier épisode Discovery 01x01 The Vulcan Hello (diffusé gratuitement sur CBS à la façon d’un "appât" pour pousser à souscrire à la nouvelle plateforme CBS All Access) a engrangé, au terme d’une campagne de pub quasi-orwellienne, 9,6 millions de téléspectateurs aux USA (le pilote de la série Enterprise en avait toutefois recueilli pas moins 12,54 millions en 2001 sur UPN – hors différé !).
Et, certes, les critiques de presse sont très majoritairement dithyrambiques (respectivement 86% et 74 sur les agrégateurs RottenTomatoes/Tomatometer et Metacritic/Metascore).
Pourtant, il est symptomatique de constater que le bilan critique est bien moins positif du côté des téléspectateurs eux-mêmes ! Énormément d’avis négatifs s’expriment sur les réseaux sociaux, sur les charts en ligne, et sur les forums ; les souscriptions à CBS Access sont décevantes (raison pour laquelle aucun chiffre concret n’est annoncé) ; la série est loin de faire un tabac sur Netflix ; enfin, Discovery ne reçoit qu’un modeste 7.2 sur IMDb (la note la plus faible jamais reçue par une série Star Trek), un médiocre 61% sur RottenTomatoes/AudienceScore (15% de moins que n’importe quel autre série de la franchise), et carrément un 4.7 sur Metacritic/UserScore (une note exécrable selon les normes de ce site)… Ce décalage frappant (et inédit) entre les réactions du public réel et les "avis autorisés" de la presse conduit plus que jamais à questionner la représentativité et surtout l’indépendance des grands médias (et des "faiseurs d’opinion" en général).
Plus gênant encore : se dessine une inquiétante cyber-tendance aux USA à vouloir culpabiliser voire diaboliser la large composante du public qui ose critiquer Discovery et/ou ne pas y reconnaître l’esprit, la forme et le fond du Star Trek qui l’a rendu trekker. Oui, diaboliser pour marginaliser ou bâillonner, en convoquant tout le ban et l’arrière-ban de la dialectique "social justice warrior", et en suggérant que le manque de popularité de Discovery serait imputable à ses seules prétendues "audaces" tokénistes autoproclamées... par CBS au titre d’arguments promotionnels (une femme de couleur en tête d’affiche, une capitaine asiatique, des personnages humains gays, etc.).
Seulement, lorsqu’une audace devient un argument de vente, il ne s’agit plus d’une audace mais juste d’un conformisme parmi d’autres. Et en 2017, il n’y a rien de plus banal et anodin à l’écran que des héroïnes féminines et des personnages gays. Quant à la franchise Star Trek historique de Gene Roddenberry et de Rick Berman, elle n’a pas attendu Discovery pour être socialement audacieuse et en avance sur son temps. Cela fait même un demi-siècle qu’elle précède et influence les normes sociales et les vogues. Et aucun univers d’anticipation audiovisuel ne fut plus fluide et plus unificateur que Star Trek en termes d’espèces, de races, et de genres… en évitant toute forme d’indexation, d’exhibition, de revendication, de ségrégation, et de communautarisme identitaire… comme il se doit dans une société futuriste foncièrement inclusive, donc par définition post-tokenist (à l’inverse de notre humanité contemporaine).
Alors n’en déplaise à tous les hystériques de la Doxa, il demeure encore permis de pas apprécier Discovery pour une infinité de raisons différentes, y compris et surtout au nom des valeurs, des idéaux, et des spécificités trekkiennes, sans pour autant se voir affublé des qualificatifs infamants (et godwiniens) de "sexiste", "raciste" ou "homophobe".
Reste que Discovery réussit à diviser le public, mais cette fois non d’une façon constructive telle une célébration de la diversité et de la pluralité, mais d’une façon déstructurante et désunificatrice, donc assez anti-trekkienne.
Et dans le cadre ce que ses deux premiers épisodes laissent à voir (et entrevoir de la suite), Discovery ambitionne de se servir de l’Héritage (Legacy) plutôt que de le servir. Ce qui n’est guère bon signe pour un prequel digne de ce nom, et assez loin de l’esprit trekkien.
Puissent les épisodes suivants me donner tort, c’est bien le vœu pieux que je formule présentement.
Hélas, l’évolution – ou plus exactement l’involution – prise par Star Trek depuis l’éviction de Rick Berman en 2006 autorise le plus grand pessimisme.
Et chose impensable il y a encore un an, le reboot de JJ Abrams n’est pas forcément ce qui pouvait arriver de pire à Star Trek…
La "mésaventure continue", et peut-être même en version 2.0.
YR
EPISODE
Episode : 1.01
Titre : The Vulcan Hello
Date de première diffusion : 24/09/2017 (CBS) - 25/09/2017 (Netflix)
Réalisateur : David Semel
Scénaristes : Bryan Fuller, Alex Kurtzman / Akiva Goldsman
Episode : 1.02
Titre : Battle at the Binary Stars
Date de première diffusion : 24/09/2017 (CBS) - 25/09/2017 (Netflix)
Réalisateur : Adam Kane
Scénaristes : Bryan Fuller / Gretchen J. Berg & Aaron Harberts
VIDEOS