In Memoriam : Hommage à James Horner
Veuillez me pardonner, Seigneur, car je ne suis pas croyant.
Ô non pas que cela soit bien grave, je ne dérange personne, l’église est vide en ce mardi 23 juin, mais je n’avais pas envie de trouver les mots justes chez moi ou même sous ce soleil accablant de ce début d’été. Alors si vous n’y voyez pas d’inconvénient j’aimerai vous parler, à l’abri de la chaleur et du tumulte de la vie quotidienne de tout un chacun, de quelqu’un que je ne connais pas personnellement, mais qui m’a, depuis des années, touché au plus profond de mon âme.
Cet homme a perdu la vie trop tôt, s’il croyait en vous il serait heureux qu’il vous ait rejoint, aux côtés d’autres grandes figures du cinéma. Un accident d’avion, qu’il pilotait seul, du côté de Santa Barbara, et voilà que tout s’éteint. Tout ? Non, car si les tabloïds ne retiennent de cet homme que les oscars qu’il a obtenu pour Titanic (meilleure musique, meilleure chanson), il a au contraire donné des couleurs et des émotions à de nombreux films depuis les années 80, pour certains extrêmement connus. La composition musicale pour film est souvent méprisée, mais beaucoup l’apprécie, et j’en fais partie. C’est même une passion chez moi, j’ai les bandes originales de la majorité des films que j’ai vu, leurs compositeurs font partie de ce que j’ai aimé, bien souvent, dedans.
Mais comment vous exprimer à quel point ce compositeur, ce bien aimé disparu, me manque déjà, et à quel point je regrette ce départ si tôt dans sa vie ? Pour cela il me faut parler de lui à travers moi, ce ne sera donc pas une liste à la wikipédia mais bel et bien, et de manière subjective, de vous indiquer ce qu’il m’a apporté, depuis que j’étais tout jeune, en terme d’expérience cinématographique.
Dans les années 80 j’ai été marqué par un film, signé Douglas Trumbull : Brainstorm. Une machine est inventée qui permet d’enregistrer tout ce que ressent un être, et l’une des conceptrices a la bonne idée de se brancher dessus alors qu’elle subit une crise cardiaque. Comment vous décrire à quel point les musiques, accompagnées des images sublimes du film, ont pu rendre tout cela encore plus mystique, étonnant, émouvant ? Des voix, du piano, des cordes pincées, frottées… Ces voix, on les retrouvera bien souvent dans les films sur lesquels il travaille, de même que des instruments exotiques, asiatiques, japonais, du synthé aussi, mais ce n’est pas mon propos. Ce que je veux dire c’est que dans Brainstorm, comme dans d’autres de ses compositions, on trouve des signatures, des manies, des reprises, souvent, qui participent à l’émotion visuelle et sonore déjà présente dans les films. Mais l’expérience reste intense. Et le voyage vers l’au-delà mis en image dans Brainstorm est parfaitement retranscrit. J’étais conquis, bien que n’ayant vu le film pour la première fois en VHS, j’ai rapidement compris qu’il me fallait un souvenir enregistré et n’ayant pas de magnétoscope, j’ai utilisé un radio cassette et un cordon bricolé à relier à la TV pour enregistrer les crédits de fin. Ce ne sera pas le seul film dont je capterais un morceau pour me le passer en boucle, mais Brainstorm a toujours fait partie de mes préférés.
Il y a également d’autres grands classiques, comme Star Trek II et III, alors qu’il remplaçait un autre grand qui nous quitté il y a quelques années, Jerry Goldsmith, qui m’ont marqué à jamais. Ce thème principal, cette poursuite dans la nébuleuse Mutara, ce thème Klingon, quelles merveilles.On retrouve d’ailleurs des morceaux quasi identiques dans Cocoon, dans Miracles sur la 8e rue, mais je pardonne, parce que c’est lui, parce que c’est beau. Il y a Aliens, avec James Cameron, un réalisateur avec lequel il va collaborer très souvent. Des thèmes qui étaient pressentis comme risqué à mettre en œuvre à l’époque, déjà proches de ce qu’on entendait dans Krull, par exemple, mais qui marquent de sa patte ce film d’horreur et de SF. Le thème de la fuite sera d’ailleurs repris un nombre incalculable nombre de fois dans des bande-annonces. Et puis il y a Willow, une expérience à elle toute seule que cette B.O. pour un film d’heroic fantasy très inspiré de l’univers de Tolkien, mais qui est sans doute aussi le film d’aventure de toute une génération.
N’oublions pas le cinéma d’animation qu’il marquera à jamais avec Fievel et le nouveau monde mais surtout le Petit dinosaure et la vallée des merveilles. On ne le dira jamais assez, il faut tout inventer et tout créer dans un film d’animation, et malgré le talent des comédiens de doublage, des animateurs, des bruiteurs, ce qui lui donne vraiment une couleur, une vibration, et soutient son rythme, c’est la musique. Voire ses chansons. Un bon thème musical et vous avez une emprunte pour la vie, image et son, dans votre cœur ! Le générique de fin chanté par Diana Ross est tout simplement magique.
Ce compositeur a signé de nombreuses B.O. dans ces années-là et s’est même souvent répété. Etrangement, il sera même plagié par les japonais sur Gundam 0083, mais je ne suis pas là, entouré des statuts des saints, pour vous parler de ça. Mais d’autres grands titres, d’autres grandes expériences m’attendaient dans les années 90. Même si j’ai beaucoup aimé la grande fresque qu’était Légendes d’Automne, j’ai surtout été marqué par Braveheart, avec un Mel Gibson au sommet de son art. On retrouvera certaines sonorités identiques dans Titanic, mais vu les origines du Paquebot il n’aurait pu en être autrement. Titanic, un grand film, quoi qu’en disent certains, où l’émotion a une place de choix et où la musique et - et oui - le générique et la chanson de fin participent pleinement à faire couler cette larmichette que vous retenez depuis plus de deux heures… Et après un Masque de Zorro sympathique mais anecdotique au niveau de la musique, ou encore Deep Impact, film catastrophe qui se devait de sortir en 1999, arrive un autre film qui m’a fait faire les montagnes russes avec mes états d’âme : L’Homme Bicentenaire. Cette adaptation d’une nouvelle d’Isaac Asimov, le père des lois de la robotique, avec Robin Williams dans le rôle-titre, fait tout simplement partie de mes préférés de la fin du Xxe siècle. Les thèmes illustrent à la perfection la quête initiatique d’humanité d’Andrew, un robot pas comme les autres, avec ce qu’il faut de joie, de tristesse, de nostalgie. Là encore beaucoup pourraient reprocher au compositeur d’avoir fait chanter la chanson de fin par Céline Dion, qui nous cassait les oreilles dans Titanic, mais je pardonne, parce que ce que cet homme nous offre c’est de l’or en barre, c’est le scintillement des étoiles dans le kaléidoscope de nos émotions.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur les années 2000 et 2010 mais je retiens surtout le retour de ce grand duo, Cameron et lui, avec Avatar. La composition n’a rien d’exceptionnel, elle est même trop proche de Braveheart, mais on a quand même encore là une B.O. qu’on reconnaît, et une expérience cinématrographique, 3D, IMAX, qu’il est difficile de critiquer : c’est juste du grand art, et au service de la SF. Ce qui ne peut que me plaire.
Alors voilà, je ne peux pas prétendre avoir été marqué par son Amazing Spider-Man, ni même avoir vu les films de Jean-Jacques Annaud avec qui il avait collaboré pour les films Or Noir et Le dernier loup (et bien avant cela, sur Stalingrad)… Mais ce que je tente d’exprimer, Seigneur, c’est que cette grande carrière, ces pierres dans l’édifice du 7e art, a marqué à jamais le petit garçon que j’étais, l’homme que je suis devenu par la suite, et que ces musiques m’accompagneront toujours.
Aussi, si ce n’est pas trop déranger, peut être m’est il possible d’envoyer ce simple message :
James Horner, merci à vous pour tous ces moments incroyables, colorés, chaleureux, bourrés d’émotions qu’étaient bien souvent vos compositions. Je ne suis pas près de vous oublier et je gage ne pas être le seul à vous envoyer ma prière.
« Words are swaying
Someone is praying
Please let us come home to stay »
Le petit Dinosaure et la vallée des merveilles
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