The Time Machine : Pulp Fiction (1994)
23 Mai 1994, un coup de tonnerre résonne au dessus du Palais des Festivals de Cannes. Le jury présidé par Clint Eastwood vient de décerner la Palme d’Or à un outsider. Au milieu d’un palmarès majoritairement composé de films européens, la consécration d’un film américain au titre improbable avec des acteurs de renom comme John Travolta et Bruce Willis fait grincer quelques dents. Le public découvre le nom étrange de Pulp Fiction et apprend à connaître le nom de Quentin Tarantino, déjà réalisateur de Reservoir Dogs, petit polar fauché et violent qui avait plu aux amateurs du genre. Le film sort dans les salles françaises et emballe la critique et le public.
SYNOPSIS
Los Angeles, le temps de quelques jours nous suivons les tribulations (entre autres) de deux tueurs aux ordres d’un caïd local, de sa femme accro à la coke, d’un couple de braqueurs amateurs, d’un boxeur corrompu, d’un dandy qui résout des problèmes et d’un bon copain en robe de chambre. Ajoutez à cela une monte en or, une mystérieuse mallette, une voiture pleine de sang, des références à la culture ciné et télé, de l’hémoglobine, du Rock n’ Roll et des dialogues aux petits oignons. Agitez le tout, découpez le films en plusieurs segments qui ne se suivent pas chronologiquement et vous obtenez Pulp Fiction. Film culte des années 90.
COMMENTAIRE
Cet article n’a pas pour but d’être exhaustif mais simplement de partager le ressenti que l’on peut avoir sur ce film, tant il y aurais de choses à dire. Pour comprendre ce film à 100% il faudrait avoir une culture ciné/télé/underground similaire à celle de Tarantino, voire même être Tarantino. Pulp Fiction, c’est un hommage au genre Pulp, ces magazines populaires imprimés sur du papier de mauvaise qualité qui comportaient des histoires de SF, de Fantastique ou de Policier (dont l’un des plus célèbres représentants est le Captain Future). Quentin Tarantino met en scène un film dont la trame de base s’inspire du roman noir mais place son récit dans une ambiance colorée et parodique où les situations grand guignolesques côtoient les dialogues triviaux frôlant le surréalisme et faisant allègrement référence à la culture pop. L’environnement le plus représentatif de cette ambiance est le JackRabbit Slim’s, restaurant à thématique fifties qui tient presque du parc d’attraction où le personnel est grimé en icône du cinéma ou de la télé, où les murs sont couverts d’affiches de classiques du cinéma de divertissement que Tarantino a très certainement visionné au moins cinq fois chacun, où le Milk Shake est à 5 dollars et où Vincent et Mia entament un twist endiablé.
Pulp Fiction n’est pas non plus avare en plans séquence, soit pour accompagner les personnages en plein dialogues (comme lorsque Jules et Vincent discutent de massage de pieds en évoluant dans les couloirs d’un immeuble, soit au cours de séquences muettes (Vincent qui découvre le JackRabbit Slim’s, Butch qui se faufile discrètement jusque chez lui). Pas mal d’éléments du film sont également laissés à l’imagination du spectateur et suscitent encore des théories et des débats 20 ans après. Que contient exactement la mallette que Vincent et Jules récupèrent ? Dans quelles circonstances cette mallette s’est retrouvée en possession de Brett et de sa bande ? Qu’a fait exactement Tony Rocky Horror pour se faire jeter par la fenêtre ? Pour quelle raison Vincent s’est-il retiré à Amsterdam pendant trois ans ? Qui est exactement Jimmy ?
Enfin, Pulp Fiction marquera par son montage anachronique des événements. Les différents segments du film ne se suivent pas dans le temps et se focalisent sur des personnages différents à chaque fois. Le film se conclue d’ailleurs au même endroit quasiment au même moment que l’introduction, le restaurant où les deux braqueurs joués par Tim Roth et Amanda Plummer tentent un hold-up sans se douter que deux tueurs de la pègre locale y sont en train d’y déjeuner. Entre temps, on aura eu le temps d’assister à des scènes qui sont autant de tableaux où certains comédiens brillent particulièrement le temps d’une courte apparition : Harvey Keitel dans le rôle de Winston Wolf, l’as des as envoyé par Marsellus pour nettoyer les bévues de Vincent ou Christopher Walken dans le rôle du Capitaine Koons qui raconte l’incroyable histoire de la montre en or sans se dépareiller une seconde de son sérieux.
Pulp Fiction est un film d’une grande richesse visuelle. Même au quinzième visionnage, on peut encore remarquer des détails qui auraient pu échapper les fois précédentes. Ses dialogues mémorables et son humour noir en ont fait une référence absolue du cinéma des années 90. Sa bande son rétro est devenu tout aussi culte (on ne peut plus écouter Misirlou ou You never can’t tell sans repenser au film)
Au centre de ces histoires on trouve donc Vincent et Jules, deux tueurs tout en contrastes. L’un est blanc, l’autre est noir. L’un a les cheveux lisses, l’autre est frisé. L’un est sceptique et gaffeur, l’autre est spirituel et professionnel.
Vincent est le blanc. Son attitude de bad boy colle tout à fait à l’image que l’on peut se faire d’un héros de film de gangster. Cependant, au fil du film, cette image craque petit à petit et on se rend compte que Vincent est un véritable loser. C’est un accro à l’héroïne et son séjour à Amsterdam, n’a rien arrangé (il est sous-entendu qu’il y a goûté les produits locaux). Il est irresponsable, n’a aucun sens commun et ses interventions ont tendance à faire empirer des situations qui étaient parties pour se dérouler pour le mieux. Dans l’appartement de Brett, il ne vérifie pas s’il n’y a pas un quatrième homme. Il s’adresse à Marvin avec un pistolet chargé dans sa direction et le doigt sur la gâchette. Il tente de minimiser ses fautes et se permet de pinailler voire d’insulter les personnes qui viennent les aider à se sortir du pétrin dont il est responsable. Il part aux toilettes aux pires moments et finit par se faire descendre de manière pathétique en sortant du petit coin. Pour John Travolta, Vincent est une nouvelle chance de relancer sa carrière en dents de scie.
Jules est le noir. En dehors du fait que c’est un tueur, Jules est une personne plutôt sympathique. Il peut paraître effrayant quand il terrorise et abat Brett, mais cela ressemble plus à un numéro bien huilé dont les spectateurs seraient Vincent et Marvin, numéro qui s’achève par une citation pseudo biblique "parce que ça en jette". Jules échappe miraculeusement à la mort, choisit de remettre en question sa manière de vivre et se met à réfléchir sur le sens de cette citation. Il voudrait être le berger qui protège les faibles, mais pour l’heure, il est juste le bras armé de personnes mal intentionnées. Jules choisit un nouveau chemin où il aura la possibilité de racheter sa conduite passée. Avec ce rôle, Samuel L Jackson, dont la carrière pouvait se résumer à quelques petits rôles (notamment dans Do the Right Thing ou Les Affranchis), voit sa carrière exploser et devient une icône populaire (une grande majorité de ses répliques ponctuées de "Motherfucker" deviendront des memes quasiment indissociables de l’acteur).
Uma Thuman est Mia, une ancienne actrice dont la carrière n’a pas décollé et qui est la femme-trophée de Marsellus Wallace. Mia a des allures de femme fatale et est filmée comme un objet de désir qui tente Vincent. Mia est un personnage assez sarcastique, elle peut se permettre d’utiliser l’ironie et de faire des caprices face à des tueurs. Vu son statut, personne ne la contredira. Tarantino projette ses fétiches personnels autour de Mia, filmant de près ses pieds, ses lèvres.
Ving Rhames joue Marsellus Wallace, le caïd que personne ne souhaite se mettre à dos, qui ne ressemble pas à une fiotte et qui est marié à une actrice ratée. Malgré la terreur que Marsellus Wallace peut inspirer il semble être un boss assez ouvert d’esprit. Son gang est assez représentatif d’une certaine diversité raciale et le speech qu’il adresse à Butch laisse à dénoter un sens de la subtilité assez prononcé. Marsellus est même suffisamment proche de ses employés pour aller acheter des donuts et des cafés pour lui et Vincent alors qu’ils sont en embuscade chez Butch ou même laisser Jules lui parler sur un ton familier. Évidemment, il ne faut surtout pas essayer de le rouler car "Personne ne baise Mr Wallace, à part Mme Wallace", que se soit au sens figuré (Brett) ou au sens propre (Zed). À l’instar de Samuel L. Jackson, Pulp Fiction fut pour Ving Rhames un grand rôle notable qui le fit remarquer durablement du grand public et lui ouvrit la porte vers des rôles plus importants.
Enfin, Butch est le seul personnage du film qui pourrait passer pour une figure héroïque. Même si son attitude le rapproche plus d’un anti-héros dans la mesure où son histoire tourne autour de sa tentative de fuite après avoir escroqué Marsellus Wallace. Boxeur raté, il était sensé se coucher mais dans un sursaut d’amour-propre il a remporté le combat et tué son adversaire (tout à fait accidentellement, celui ci ayant fait une crise cardiaque). Avant de fuir la ville, il lui faut auparavant retrouver la montre en or que lui a légué son père mort au Vietnam, le seul objet auquel il tient vraiment. Cette montre représente l’honneur et la fierté des hommes de sa famille. Et même s’il y a des chances que Marsellus Wallace ne lui pardonne pas, il ne peut se résoudre à laisser son ennemi à la merci d’immondes pervers. L’arme que Butch choisit, le katana, est riche en signification. D’une part, de tous les objets qui lui passent entre les mains, c’est la seule qui soit une vraie arme, alors que le marteau, la batte de base-ball et la tronçonneuse sont des instruments plus bruts. Le katana est une arme de samouraï, guerriers nobles avec un code d’honneur. Et puis, on suppose que n’importe qui à la place de Butch choisirait le katana pour le coté cool qui s’en dégage. Tout comme Jules, Butch recherche une forme de rédemption pour avoir volé Wallace et tué son adversaire sur le ring.
Car Pulp Fiction peut être vu comme une histoire sur le pardon et la rédemption. Jules choisit de se repentir et de quitter le gang (et on suppose que Marsellus Wallace accepte son départ). Butch, sauve son ennemi, et celui-ci le laisse partir à condition de ne jamais revenir. Wallace échappe au sort que lui réservait Maynard et Zed et accorde son pardon à Butch avant de reprendre (on le suppose) le cours de sa vie. Selon l’interprétation que l’on peut se faire du personnage, il semblerait que Jimmy ait également emprunté cette voie par le passé. En revanche, Vincent qui ne se remet pas en cause et qui reste sceptique sur la rédemption de Jules finit par se faire tuer.
Avec son pitch délirant, ses dialogues aux petits oignons et ses situations grand guignolesques. Pulp Fiction a apporté la gloire et la reconnaissance à Tarantino et à ses comédiens et 20 ans après, il reste encore indémodable.
FICHE TECHNIQUE
Durée du film : 2 h 29
Titre original : Pulp Fiction
Date de sortie : 26 octobre 1994 (France)
Réalisateur : Quentin Tarantino
Scénariste : Quentin Tarantino, Roger Avary
Interprètes : John Travolta, Samuel L Jackson, Uma Thurman
Image : Andrzej Sekuła
Montage : Sally Menke
Distribution : Miramax (U.S.A), BAC (France)
BANDE ANNONCE
Et maintenant ?
Maintenant quoi ? Je m’en vais te le dire, moi, quoi ! J’appelle deux experts complètement défoncés au crack qui vont travailler nos deux copains avec une paire de pinces, un chalumeau et un fer à souder. Est-ce que tu m’as entendu ESPÈCE DE PORC ? Je suis très loin d’en avoir fini avec toi, je vais te la jouer à la flamme bien moyenâgeuse.
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