Japan Expo 2012 : Masao Maruyama, ce géant méconnu

Date : 16 / 07 / 2012 à 20h05
Sources :

Source : Unification France


Cofondateur du Studio Madhouse avec Osamu Dezaki, Masao Maruyama a depuis fondé seul le tout jeune Studio MAPPA cette année. Présent à Japan Expo à la rencontre de ses fans, le producteur de Kids on the Slope est revenu sur sa carrière et ses attentes au cours d’une conférence le Jeudi 5 Juillet.
On doit à Madhouse quelques grands classiques de la série d’animation depuis les années 70. Rémi sans famille, Beck, Monster, L’Île au Trésor, Death Note, la liste est très longue. Très chaleureux, M. Maruyama souhaite prendre une photo de l’assistance en souvenir de sa venue et souhaite par avance s’excuser s’il ne connaît pas toutes les réponses. La première production de MAPPA, la série Kids on the Slope, dont la diffusion s’est achevée il y a quelques semaines, a récolté un gros succès critique. « J’espère que les futures sorties du studio plairont autant. » souhaite M. Maruyama.

Un spectateur souhaite que l’on revienne sur la première saison de Gunslinger Girls qui avait été produite par Madhouse :
« Les deux saisons de Gunslinger Girls ont été produite à plusieurs années d’intervalles et c’est Madhouse qui a produit la première saison (ndr : la seconde a été produite par le Studio Artland). C’est une œuvre assez difficile à appréhender. Comme c’est l’histoire de petites filles qui doivent tuer des gens, il était très difficile de cibler un public précis. Comme j’aime bien les histoires de petites filles et les histoires de tueurs, j’ai souhaité monter moi même le projet pour en faire une histoire assez triste. Pour cette série, je me suis beaucoup inspiré du film Léon, que j’adore. L’auteur original était très impliqué dans le processus de création. Lui et le réalisateur ont beaucoup discutés pour que la version animée ne dérive pas de l’esprit du manga. Madhouse a réalisé beaucoup d’adaptation de mangas comme Cardcaptor Sakura ou Monster mais mon rôle consiste surtout à démarcher les maisons de production. Les remarques des auteurs sont donc importantes pour ne pas dire essentielles pour le bon déroulement d’une adaptation. La création d’un dessin animé est le fruit du travail entre le réalisateur, le directeur artistique et les animateurs. Un épisode dans un dessin animé doit durer entre 20 et 30 minutes (génériques et coupures pub compris) alors qu’un chapitre de manga peut se lire en dix minutes. Il faut souvent broder autant que possible et c’est souvent la raison pour laquelle on peut se retrouver avec des différences avec l’original, ce qui peut provoquer des mésententes avec les auteurs. Même si le dessin animé n’est pas pareil que le manga, ce qui compte, c’est que le public apprécie »

C’est le Studio Madhouse qui a réalisé les versions animées de deux œuvres de Naoki Urasawa : Monster et Master Keaton. Comment s’est déroulé la collaboration avec le mangaka ? Verra t on le studio MAPPA adapter d’autres de ses mangas ?
« Je suis fan du travail de M. Urasawa. C’est même sa présence à ce Japan Expo qui m’a motivé à me déplacer. J’aimerais adapter tous ces mangas mais il y a un petit souci ; ses œuvres sont plutôt longues et il est difficile de les compiler pour une adaptation télévisée. Même pour un film, ça poserait problème. Du coup, les sponsors ne sont pas spécialement d’accord pour financer. Il y un manga de Urasawa que je souhaite particulièrement adapter. J’ai 70 ans, je ne pourrai plus travailler que trois ans, grand maximum. Je souhaiterais que pendant ce peu de temps, je puisse adapter Pluto. Lorsque j’ai débuté dans le métier il y a 50 ans, le premier dessin animé sur lequel j’ai travaillé, c’était Astro, le petit robot (la version de 1962). Yawara, Master Keaton, Monster... c’est moi qui les ai tous produits. Je me dis que les cieux veulent que je finisse ma carrière comme je l’ai commencée : avec Astro. Le problème, c’est que si je veux adapter Pluto en animé, il faudrait que ce soit en huit épisodes d’une heure. Ce qui ne motive pas les sponsors. Si les fans du monde entier pouvaient envoyer des fonds, je pourrais lancer le projet immédiatement. Merci de participer au financement. »

Le premier succès de Madhouse a été Ace wo Nerae (Jeu, Set et Match). Quel impact a-t-il eu sur le studio ?
« J’ai longtemps travaillé dans le milieu de l’animation. Il y a peu de réalisateurs qui m’ont particulièrement marqué. Tetsurô Araki (High School of the Dead), Satoshi Kon (Perfect Blue, Tôkyô Godfathers) et surtout Osamu Dezaki (Cobra, Lady Oscar, Ace wo nerae) qui nous a quitté l’année dernière. Nous nous sommes rencontrés à l’époque chez Mushi Pro et nous avons commencé à travailler ensemble sur Ashita no Joe. Mushi Pro a eu des ennuis financiers et a du fermer ses portes. C’est à ce moment-là que Dezaki et moi avons fondé Madhouse. Quand il est décédé l’année dernière des suites d’un cancer, pour moi, Madhouse sans lui, n’était plus vraiment Madhouse. C’est ce qui m’a motivé à créer une nouvelle maison de production, MAPPA. Dans mes meilleurs souvenirs de collaboration avec Dezaki, on trouve Ashita no Joe et Ace wo nerae. »

Qu’avez vous pensé du travail de Satoshi Kon ?
« J’ai travaillé sur de nombreuses animation avec M. Kon. C’est un réalisateur qui restera a tout jamais gravé dans mon cœur, une personne très importante. Je l’avais accompagné à Paris lors de la promotion de Tôkyô Godfathers et Paprika. S’il était encore vivant, je pense qu’il aurait insisté pour venir avec moi à Japan Expo. Pour pallier à son absence, je suis venu avec un T-shirt de Paranoïa Agent que j’avais réalisé avec lui. » M. Maruyama offre le T-shirt en question à la personne qui avait posé la question. « Il y a un peu de microbes, alors pensez à bien le laver avant de le mettre. (rires) »

La méthode de travail a beaucoup évolué depuis les années 80/90. Aujourd’hui, le dessin animé est réalisé sur ordinateur. Les feutres ont été remplacés par des tablettes graphiques. Je trouve que ça donne un résultat que je trouve moins vivant au niveau des couleurs. Comment ressentez vous ce changement ?
« Je trouve qu’aujourd’hui, la différence dans l’utilisation des couleurs est minime. On retrouve la même qualité et les dégradés qu’à l’époque. Il y a pu y avoir une gêne lorsque la technique a été standardisée. La transition a été difficile pour certains mais aujourd’hui les techniques évoluent et on peut faire des dessins très précis. Que ce soit hier ou aujourd’hui, le résultat visuel est à mettre sur le dos du directeur artistique. »

Qu’adviendra t il de Yume miru kikai le projet inachevé de Satoshi Kon ? MAPPA va-t-il finir le projet ?
« C’est une question que je craignais. J’estime cependant avoir l’obligation morale de répondre à cette question. Par rapport au film, les storyboards, designs et le scénario sont prêts. Les derniers mots de Satoshi Kon ont été « Je te laisse faire ce que tu veux avec ça, c’est terminé. » Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, j’ai 70 ans, bientôt 71, même avec beaucoup d’efforts je ne pourrai plus travailler bien longtemps, je ne sais pas si j’arriverai à le finir. Mais si je ne parvenais pas à le concrétiser, je crois que si le croisais dans l’autre monde il me dirait « Va en enfer ! ». Même si tous les animateurs du monde entier qui aimaient le travail de Satoshi Kon étaient partant pour travailler dessus, le principal problème reste l’argent. »

Kids on the Slope a été diffusé par TMS au Japon. En France, c’est Dybex qui a commencé à proposer la série gratuitement sur Dailymotion. La série a également été diffusée sur la chaîne Nolife. M. Maruyama est impressionné par le nombre de personnes dans la salle qui déclarent avoir vu la série. La réalisation impeccable de Kids on the Slope, particulièrement dans le cadre des scènes de musique a nécessité un important budget.
« Pour Kids on the Slope, nous avons fait appel au réalisateur de Cowboy Bebop et Samurai Champloo, Shinichiro Watanabe. Comme c’est la première œuvre de MAPPA et qu’elle devait refléter l’image du studio, je n’ai pas trop réfléchi au budget. Le but était avant tout de réaliser une belle œuvre. Comme la diffusion n’a pris fin que la semaine dernière, je n’ai pas encore fait le calcul des compte mais à vue de nez, nous serons dans le rouge. Si MAPPA doit mettre la clé sous la porte dans quelques mois, le montant alloué à ces scènes en sera la cause. (rires) »

On espère qu’il n’en arrivera pas là. Il serait dommage qu’un homme qui aime autant son métier ne puisse mettre en œuvre ces derniers projets qui lui tiennent à cœur.


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