Cheval de Guerre : Spielberg enfourche son dada
Conférence de presse Cheval de Guerre au Bristol le 10 janvier 2012
En promotion pour son film Cheval de Guerre,War Horse, Steven Spielberg s’est arrêté à l’Hôtel Bristol à Paris le temps de répondre aux questions d’un panel de journalistes, dont nous étions.
L’homme est affable et charmant et s’excuse tout d’abord de son retard, en parfait gentleman. L’élégance qui caractérise Spielberg, est tout aussi présente dans ce film de guerre, « qui n’en n’est pas un ! » se défend-il.
« C’est plutôt une espèce de conte sur la paix et l’espoir à travers l’enfer, une sorte d’interlude dans une sombre époque. Ici la guerre est la toile de fond, le décor. »
Devant l’insistance de ceux qui ont vu le film, à parler de dommages collatéraux, Spielberg avoue « ce qui me fait pleurer, moi c’est le gâchis. »
Gâchis d’êtres humains mais aussi d’animaux, de ressources et d’énergie vitale. Le film est en effet moins une révérence au sacrifice qu’une dénonciation pure et simple de la connerie humaine et des exactions qu’elle engendre.
Cheval de Guerre n’est pas le premier film à parler des horreurs vécues par les uns et les autres en période de conflit armé, mais un des rares qui donne une place prépondérante à l’animal.
« C’est la première fois moi-même que j’utilise le cheval plus que comme un simple moyen de locomotion. Si vous vous en souvenez, Indiana Jones monte pas mal, mais son destrier ne reste qu’une manière de se déplacer parmi d’autres. Ici il était question d’en faire un personnage à part entière. (…) Le challenge pour moi était ‘est-ce qu’un cheval peut porter lui-même le film ?’ »
Les questions pleuvent sur la technique, comme le choix du rythme, « à contre courant des films à grand spectacle actuels au montage nerveux, aux plans serrés et à la cadence soutenue (… ) vous utilisez volontiers une manière de raconter les histoires plus personnelle, n’hésitez pas à utiliser des plans séquences… Est-ce important du point de vue narratif, est-ce émotionnel ? » lui demande-t-on.
« Le montage en effet donne parfois des palpitations, plus que de l’émotion. Cela vient du fait que l’énergie est placée non pas dans ce qui se passe dans l’image, mais dans le montage de ces images, frénétique parfois, avec des images qui changent rapidement… » souligne Spielberg.
Et sans opter pour un choix narratif à part entière, il doit sa manière de travailler à son amour de l’image et au respect du public. « Je pense que les images peuvent parler par elles-mêmes… Elles ont le droit d’exister si elles sont assez belles. Donc on peut les regarder longtemps. C’est le public qui décidera. »
« Pour Cheval de Guerre c’est encore plus vrai. Joey se suffit à lui-même et le regarder courir est un délice. Pas besoin d’aller en salle de montage trafiquer sa course pour lui donner plus de rythme. Il suffit de le regarder courir. C’est magnifique. »
Sur la question de la difficulté de faire jouer un tel animal…
Joey est fougueux, volontaire et charismatique … Pour autant, avec humour ou sérieusement, qu’on ne vienne pas dire à Steven qu’un cheval peut être meilleur acteur que quiconque. « Un cheval est un cheval. » répond-il, laconique, en matière de mise au point… « Il improvise. Celui qui est très fort, c’est son entraîneur. Et si magnifique, plein de caractère puisse-t-il être, Joey, qui a donné beaucoup de lui-même, c’est vrai, l’a fait sous la houlette de celui qui murmurait à son oreille… j’ai dirigé les chevaux à travers leur dresseur. »
Spielberg tient à saluer le travail de l’équipe de Bobby Lovgren qui a fait un travail fantastique et martèle à qui veut l’entendre que la performance des chevaux a été scrupuleusement encadrée, supervisée et qu’en dépit des images fortes, aucun animal n’a évidemment été maltraité.
« Les animaux et particulièrement Joey ont fait des miracles pour nous, et pour faire plaisir à leur dresseur. Il sait leur chuchoter ce qu’il faut. Bien entendu, ils devaient se sentir en sécurité et tout ce qu’ils ont fait, ils l’ont fait avec plaisir… »
Il nous a fallu, à deux ou trois reprises, recourir à la ‘magie numérique’, c’est vrai, pour des scènes trop dangereuses ou qui auraient pu les faire souffrir. »
Quand on l’interroge sur Tintin et qu’on lui demande si au regard de son succès, il n’a pas été tenté de tourner Cheval de Guerre en 3D, Spielberg botte en touche. « On s’est mis d’accord avec Peter (Jackson), on parlera de tout ça prochainement, mais pas là… » (bien qu’avec courtoisie, il lâche à nouveau sans surprise les quelques infos déjà commentées depuis quelques mois dans les médias à ce sujet).
« La 3D c’est pas tellement mon truc » avoue le cinéaste, attaché à des méthodes plus classiques. « Bien sûr, j’aurais pu faire ce film en 3D. Mais la 3D c’est un outil, pas une obligation. Je ne dis pas que je ne bosserai jamais dans ce format, mais c’est un choix graphique. Pour Cheval de Guerre je n’ai pas fait ce choix. »
De forme traditionnelle, le film est apparenté au travail de grands metteurs en scène comme John Ford, par exemple son « Homme Tranquille », et la fin suggère fortement « Autant en Emporte le Vent ». Avec sa lumière, ses couleurs, son traitement qui rappelle les grands classiques des années trente on demande à Spielberg s’il s’agit d’une forme d’hommage à ce cinéma.
« C’est un peu la force des choses qui conduit à cette impression … En effet travailler dans de tels paysages oblige un peu à faire des plans larges, à travailler de manière plus classique pour en extraire tout le potentiel. Évidemment, j’ai pensé à tous ces grands hommes qui m’ont précédés dans cette facture, Ford, Flemming, Curtis et tant d’autres. Et si je les admire et les révère, je n’ai pas pour autant cherché à les imiter. Jamais. »
« Croire en l’impossible c’est un peu la devise de Cheval de Guerre. Est-ce la vôtre au plan personnel et dans votre carrière ? »
« Non, ça ne l’est pas. Ça devrait, parce que c’est bien, mais ce serait mentir… Non, Cheval de Guerre, c’est l’Espoir c’est vrai, c’est un film résolument optimiste. C’est le côté positif de voir cet animal qui rassemble des êtres humains. C’est ce qui est intéressant dans cette histoire. C’est pour ça que je voulais faire ce film. »
Spielberg est amusé par la question qu’on lui pose sur son statut de « Légende ». L’un des plus grands cinéastes de ces trente dernières années. Au Top niveau.
« Comment vit-il toute cette pression de numéro 1, à Hollywood ? »
« Oh vous savez… » répond-il avec ironie, « Hollywood, c’est juste un mot sur une colline… » même s’il explique qu’il a beaucoup de respect pour ces belles lettres qui ont plus au moins cent ans, il considère l’endroit comme "là où il vit" et "là où il travaille" et ne s’en fait pas « une montagne »…
Il se dit plus impressionné par des moments comme celui-ci, (il s’est prêté avec gentillesse à une séance d’autographes impromptue à la fin de l’exercice) ou quand il enfile son smoking pour aller aux avant-premières, aux galas, quand il y a des tapis rouges, des récompenses… Là, il a l’impression d’être important, mais ne s’en enorgueillit pas tant que ça, au fond. Car au quotidien, il ne se rend pas bien compte de « Où » il se trouve et à quel niveau de Hollywood, il se situe, en terme d’importance. « Je dirige une société, je dirige des films, et c’est du boulot. Beaucoup de travail. »
NDR C’est vrai, que tout le monde est plus ou moins célèbre dans « l’usine à rêves »… et pour ma part j’irais bien pointer avec ces « ouvriers-là ».
C’est un peu comme cela qu’il se considère, Steven, comme un travailleur et il ne se donne pas le temps de penser à autre chose, et encore moins à se glorifier. « Non, je ne sens pas de pression. Peut-être, si j’y réfléchissais, que je prenais une pause pour y penser… Mais c’est une chose que je n’ai pas faite depuis longtemps. »
Trop occupé pour se prendre la tête, on dirait, monsieur Spielberg préfère rester « Steve » pour ses comparses avec qui il partage le plus beau métier du monde. Il en a conscience et souhaite que ça dure le plus longtemps possible.
Tant qu’il continuera à ravir ainsi son public … y’a pas d’raison …
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Photos Dominique Bleuet et Production
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