Cheval de guerre : Partez à la rencontre de Jeremy Irvine

Date : 19 / 02 / 2012 à 00h05
Sources :

Source : WayToBlue


Rencontre avec Jeremy Irvine, l’interprète d’Albert dans Cheval de guerre, le nouveau film de Steven Spielberg, sur les écrans le 22 février 2012.

Jeremy Irvine fait ses premiers pas au cinéma dans Cheval de guerre. Il tourne actuellement l’adaptation du classique de Charles Dickens réalisée par Mike Newell, Great Expectations, pour BBC Films, dans lequel il interprète Pip, aux côtés de l’acteur oscarisé Ralph Fiennes et d’Helena Bonham Carter. Il a récemment terminé le tournage du film indépendant Now is Good d’Ol Parker, avec Dakota Fanning, adapté du roman de Jenny Downham, « Je veux vivre ».
Jeremy Irvine va tourner prochainement The railway man avec Colin Firth. Ce film est basé sur les mémoires d’un soldat de la Seconde Guerre mondiale, Eric Lomax, qui a été capturé et torturé par les Japonais, puis forcé à travailler sur la tristement célèbre ligne de chemin de fer Siam-Birmanie, surnommée « voie ferrée de la mort ». Jeremy Irvine et Colin Firth joueront Eric Lomax à différents âges de sa vie.
Jeremy Irvine a étudié l’art dramatique à la London Academy of Music and Dramatic Art et a joué dans plusieurs pièces de théâtre, notamment « Dunsinane » avec la Royal Shakespeare Company. Il vit en Angleterre.

Connaissiez-vous le livre avant de tourner le film ?

Ma mère me l’avait lu quand je devais avoir 10 ou 11 ans. J’avais cette vieille édition toute écornée, que je garde encore aujourd’hui sur ma table de nuit. Je n’avais pas lu le livre depuis au moins cinq ans, mais lorsque j’ai passé l’audition, il y avait des passages qui me revenaient clairement. Je me souvenais surtout d’un fabuleux passage de la première page, un souvenir de Joey dans une écurie sombre où couraient des rats le long des poutres du toit. Pour une raison inconnue, il est resté gravé dans ma mémoire et a eu beaucoup d’effet sur l’enfant que j’étais. C’est un grand bonheur de jouer Albert aujourd’hui.

L’histoire est racontée du point de vue du cheval. Cela a-t-il eu des effets sur votre manière de jouer Albert ?

Le film ne se contente pas de raconter la vie des personnages : il montre l’effet qu’a le cheval sur eux. Joey est l’ami d’Albert, presque un frère. Mon personnage peut livrer ses sentiments et ses émotions à son ami, ce qu’il ne ferait probablement pas avec son père. Il peut aussi parler avec son cheval et tout donner dans cette amitié. C’est la façon dont j’ai approché le film.

Qui est Albert, votre personnage ?

Albert est un garçon d’une grande innocence, à la limite de la naïveté. Il n’a jamais quitté son village perdu du Dartmoor. Son monde se réduit à peu de chose car il a passé sa vie à travailler à la ferme. Son futur est tout tracé : il héritera de la ferme de son père et y travaillera jusqu’à sa mort. Je pense que cette innocence et cette naïveté sont prédominantes chez lui, tout comme le fait qu’il a une notion très aiguë, naïve et entière, du bien et du mal. C’est dans les tranchées qu’il va perdre cette notion parce que soudain, il ne sait plus où est le bien et où est le mal.

Comment avez-vous obtenu une audition pour le film ?

C’est drôle parce que je venais juste de signer avec un nouvel agent et que CHEVAL DE GUERRE a été la première audition qu’il m’a obtenue. Steven Spielberg a vu ma première vidéo et l’a appréciée, puis le processus s’est mis en marche quelques semaines plus tard. Je pensais que je devais d’abord apprendre à monter à cheval, alors j’ai pris quelques leçons avant d’essayer d’apprendre seul par la suite. Et ça a payé.

Que deviez-vous faire pendant les auditions ?

J’ai joué quelques scènes de dialogue avec Joey, dont la première était un monologue face à lui. Puis on a fait quelques prises avec les chevaux. L’une d’elles s’est déroulée à la ferme – pour voir si j’étais à l’aise, je pense. J’ai eu de la chance parce que j’ai grandi avec les chevaux qui vivaient derrière chez moi quand j’étais jeune. Je ne les ai jamais montés, mais je n’en avais pas peur.

Parlez-nous de votre travail avec Steven Spielberg.

Ce qui est fantastique avec Steven, c’est qu’il vous laisse assez d’espace pour travailler et mener vos propres expériences. Chaque chose que fait Steven Spielberg est réaliste. Travailler avec lui, c’est travailler avec des professionnels du monde entier. Il est hors de question de faire les choses à moitié. Tout est fait de la meilleure des façons possibles.
Janusz Kaminski, le directeur de la photographie, est un génie. On est sur le plateau et on se dit que ce sera beau à l’image. Et puis vous regardez l’écran, et vous vous demandez comment diable ils ont fait pour obtenir ça ! C’est grâce à cette équipe très qualifiée et très soudée, qui avait déjà travaillé avant sur d’autres projets. C’est comme une très grande famille.

À votre avis, d’où vient ce lien très fort qui unit Albert et son cheval ?

Je pense qu’Albert se lie à Joey pour fuir ses problèmes familiaux. Son père est un gros buveur et Albert est à un âge où il prend conscience que celui-ci n’est pas tout à fait l’homme que lui décrivait sa mère. Enfant, je pense que l’on idéalise ses parents et quand on grandit, on réalise qu’ils sont humains, avec des problèmes bien humains.
Certains enfants de cet âge trouvent quelque chose et se focalisent dessus pour oublier leurs parents. Pour Albert, c’est son cheval Joey. Il est enfant unique, alors Joey devient son frère et son meilleur ami.

Dans Cheval de guerre, votre personnage et votre cheval sont séparés, puis réunis…

Autrefois, les chevaux servaient à transporter hommes et matériel au front, alors il en fallait des milliers et des milliers. Joey est acheté par l’armée et emmené au front. Albert tente de le rejoindre, mais il est trop jeune. Le film raconte ensuite l’histoire des soldats anglais et allemands qui sont au contact de Joey. Avec les Allemands, il transporte d’énormes canons et l’on suit les lignes allemandes en prenant conscience de l’horreur dans les deux camps. Puis la guerre finit par réunir Albert et Joey.

Parlez-nous de votre entraînement pour le film.

On a passé deux mois à s’entraîner durement à monter à cheval, avec des cavaliers espagnols. C’est incroyable de les voir… Ils ne font vraiment qu’un avec leur monture. J’avais pris des leçons, mais j’ai dû tout réapprendre. C’était comme de passer du scooter à une Formule 1. Ces chevaux sont très sensibles. On n’a qu’à penser à ce que l’on veut leur faire faire pour qu’ils le fassent. Ils sont magnifiques. On a quand même monté le vrai Black Beauty et Seabiscuit ! Ce cheval joue Joey dans plusieurs scènes du film.
En plus de cela, j’ai fait énormément de recherches. J’ai toujours été fasciné par la Première Guerre mondiale, au point d’avoir une collection d’objets militaires à la maison. C’est quelque chose qui m’a toujours fasciné. On peut lire les carnets de route de soldats ou écouter leurs récits enregistrés. C’est passionnant d’entendre de vraies personnes parler de leurs propres expériences.
Pour finir, dire en tant qu’acteur que l’on comprend ce qu’ont traversé ces hommes et ces garçons serait presque insultant. C’est tout simplement impossible. Notre génération n’a jamais rien vécu de semblable. Mais si j’arrive à éprouver et rendre à travers mon interprétation ne serait-ce que 1 % de ce qu’ils ont enduré, alors je suis plus qu’heureux.

Avec quels chevaux vous êtes-vous entraîné ?

J’ai appris à monter six ou sept chevaux différents. Ils ne voulaient pas me faire monter directement sur les Joey. J’ai d’abord appris et lorsqu’ils ont senti que j’étais prêt, j’ai monté les Joey.

Étiez-vous à l’aise avec les armes ?

J’adore tout ce qui a trait aux armes. C’est un truc de garçon et, comme je l’ai dit, j’ai une collection à la maison. Les armes me fascinent. Quand je savais qu’ils allaient faire tirer des mitrailleuses sur le tournage, même si ma présence n’était pas nécessaire, j’y assistais. Il y avait aussi un excellent historien militaire avec nous, qui expliquait comment manier les armes et donnait des conseils.

Parlez-nous de vos partenaires de jeu…

Tous étaient tellement formidables ! On a passé deux mois à travailler et monter ensemble. Il faisait très beau où l’on tournait : de grandes prairies sous un soleil radieux. Ce fut une expérience parfaite et merveilleuse, et nous avons tous tissé des liens très rapidement.

À quoi vous êtes-vous référé dans ce rôle sur le plan émotionnel ?

À plusieurs choses. Comme Albert, j’ai grandi dans un petit village. Je pense que tout le monde peut se reconnaître dans la naïveté d’Albert – on a tous été innocents à un moment ou un autre. On a tous voulu échapper à quelque chose, en se trouvant une passion ailleurs. Pour Albert, c’est le cheval. Pour moi, c’était devenir acteur. Je voulais juste sécher les cours pour répéter mes auditions de l’école de théâtre, des trucs de ce genre. Et même si on n’a pas de connexion émotionnelle avec un animal domestique ou autre, on en trouve toujours une avec une personne, un ami ou un membre de sa famille. C’est pareil. Et on sait tous ce que l’on ressent quand on vous en sépare.

Un membre de votre famille aurait-il participé à la Grande Guerre ?

Deux de mes arrière-grands-parents ont connu la Première Guerre mondiale. L’un d’eux avait une jument à laquelle il tenait beaucoup, appelée Elizabeth. Ma tante a retrouvé un récépissé qui montrait que mon arrière-grand-père avait acheté Elizabeth à l’armée à la fin de la guerre pour la somme de 28 livres. C’est exactement le montant qu’Albert dépense aux enchères quand il essaie de récupérer Joey. C’était juste hallucinant. Chaque personne de cette génération a été touchée d’une manière ou d’une autre par la guerre. Tous ces gens ont connu quelqu’un qui a vécu la guerre, quand ils n’y ont pas été impliqués eux-mêmes.

Par sa dimension humaine, ce film plaira à un large public…

On comprend tout de suite qu’il ne s’agit pas d’un film de guerre comme les autres. Ce ne sont pas des soldats qui courent avec une mitraillette dans chaque main, en décimant les ennemis ! L’histoire est menée par les personnages et toutes les personnes qui sont touchées par les chevaux, et qui ont cette connexion émotionnelle avec eux et les uns avec les autres.
Je pense que si le film fonctionne si bien avec des personnes de tous âges, c’est grâce à cette relation entre un garçon et son cheval. Notre relation avec les chevaux date de plusieurs milliers d’années et semble inscrite profondément dans nos gènes. En tant qu’humains, nous avons des relations très proches avec les chiens ou les chats, mais celle que nous partageons avec les chevaux est sur un autre plan encore. C’est probablement la raison pour laquelle le film plaît à autant de gens.

Avez-vous des lieux favoris ?

Le Dartmoor est l’un de mes endroits préférés dans le monde. J’y vais deux fois par an, pour les vacances. C’est paisible, aride et sauvage et ça peut être somptueux un jour d’été. C’est beau, et la lumière là-bas est fantastique.

Avez-vous noué des liens étroits avec les animaux sur le film ?

C’est drôle parce que je ne suis pas du tout captivé par les animaux, et je n’étais pas spécialement attiré par les chevaux. Et puis j’ai commencé à travailler avec eux, et réalisé combien ils sont humains. Ils ne sont pas comme les autres animaux. Ils ont des qualités humaines et quelque chose nous relie. Après un peu de temps passé avec eux, on commence à s’en sentir très proche. Je crois que ça a pris une semaine pour moi.
Les chevaux ont leur caractère, ils sont tous complètement différents. Ce n’est pas parce qu’on monte un cheval que l’on peut en monter un autre. Il faut deux ou trois jours d’apprivoisement pour gagner leur confiance. C’est la partie la plus dure. Le cheval sait qui le monte. Si on n’est jamais monté à cheval, il le sent. Il faut instaurer une relation humaine avec lui, pour qu’il fasse ce qu’on lui demande. Et si le cheval a décidé de ne rien faire, il ne fera rien.


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