Le Vocabulaire Audiovisuel : L’Effet Vertigo

Date : 30 / 04 / 2023 à 08h00
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Unification


L’EFFET VERTIGO

En 1958, Alfred Hitchcock invente un plan historique pour son film Sueurs Froides (Vertigo).
John Ferguson (interprété par James Stewart) est un ancien flic qui a perdu un collègue suite à une course-poursuite sur un toit. Il est alors atteint de vertiges qui le handicapent terriblement lorsqu’il gravit ne serait-ce que des escaliers.
Pour rendre l’effet du vertige, le spectateur a une vision par les yeux du personnage principal, d’escaliers qui semblent se distordre.

Pour réussir ce plan, le réalisateur Hitchcock a employé un procédé qu’il a conçu, du nom de travelling contrarié ou compensé, et fut surnommé par les profanes Effet Vertigo, ou Dolly zoom (du nom du chariot de travelling).

Révolutionnaire à l’époque, la théorie est pourtant simple, et consiste à réaliser un travelling mécanique (on rapproche ou on éloigne la caméra) tout en faisant un travelling optique inverse (on zoome ou on dézoome).

Il réutilisera cette technique dans Psychose (Psycho – 1960) alors que le détective Arbogast tombe dans les escaliers.

Steven Spielberg s’en empare en 1975 dans Les Dents de la Mer (Jaws) quand le chef Brody (Roy Scheider) voit ce qu’il redoute tant se produire, une attaque du requin au bord de la plage.

C’est très certainement la meilleure utilisation de l’effet Vertigo de l’histoire du cinéma.

Tout aussi bon, Raging Bull (Martin Scorsese – 1980) comporte un autre plan légendaire, s’accompagnant de la baisse de luminosité du public environnant (la désorientation d’un boxeur doit forcément beaucoup ressembler à cet effet).

Spielberg l’utilisera à nouveau dans E.T. L’extra-terrestre (1982), et l’imposa à Tobe Hooper dans Poltergeist la même année (il en était le producteur) quand la porte de la chambre où se passe les pires phénomènes paranormaux semble s’éloigner et devenir inaccessible.

Brian de Palma s’y essaya dans une scène de Scarface (1983), mais sans illustrer de propos. Il l’utilisa à nouveau en 1996, dans Mission : Impossible, quand Ethan Hunt se penche dans les escaliers sur le palier de l’appartement de l’équipe fraîchement éliminée, marquant sa situation psychologique fragile du moment.

Dans le clip Thriller (John Landis - 1983), la jeune compagne apeurée découvre que Mickael Jackson est devenu un zombie.

Dans Indiana Jones et la Dernière Croisade (1989), Le Pr. Henry Jones Senior, blessé et allongé, soutient par la pensée son fils qui est sur le point de traverser une corniche invisible (le saut de la foi sur le chemin de Dieu). Son vertige est représenté non pas dans le vide devant Indy, mais lors des plans montrant son père, nouvelle preuve que Steven Spielberg est l’un des seuls réalisateur à avoir parfaitement compris le détour que l’on peut faire de la technique.

Mia Wallace (Uma Thurman) prend un énième rail de coke et tombe en overdose, dans Pulp Fiction (Quentin Tarantino - 1994).

Dans Mort ou Vif (The Quick and the Dead - 1995) Sam Raimi l’utilise plusieurs fois à la suite, pour illustrer la tension du duel entre John Herod (Gene Hackman) et son fils (Leonardo DiCaprio).

Un plan de Paris rend l’effet de désorientation des personnages principaux dans La Haine (Mathieu Kassovitz - 1995). En plus, de façon très ingénieuse, le son passe alors en mono pour accentuer l’effet.

Le personnage principal de Cours, Lola, cours (Tom Tykwer - 1998) hurle pour accompagner le mouvement de la boule à la roulette d’un casino, faisant exploser tous les verres alentours. Sa vie dépend du résultat.

Dans La Compagnie de l’Anneau (Peter Jackson - 2001) le chemin de la forêt subit l’effet Vertigo quand Bilbon sent arriver les Nazgûls.

Dans le monde des séries, Severance utilise souvent cette technique pour souligner la pensée des personnages.

Dans Squid Game, quand Seong Gi-Hun découvre que son biscuit Dalgona est complexe (un parapluie), il comprend que sa situation est plus que difficile.

De façon plus général, l’effet Vertigo est employé pour illustrer un moment clef de basculement (Jaws), de révélation (Thriller), de tension (Mort ou Vif), d’effet psychologique (Pulp Fiction) ou de déficience (Vertigo). Il est l’illustration visuelle de ce qui se passe dans la tête des personnages.

En psychologie, il peut être comparé à l’effet tunnel, qui lors d’une agression surprise, physique ou mentale, provoque une montée d’adrénaline et engendre des troubles divers (comme une vision rétrécie, ou une paralysie temporaire).

Le procédé cinématographique est souvent usité depuis les années 90, mais a véritablement été utilisé à bon escient dans les années 60 à 80, et avec plus de parcimonie.
Aujourd’hui, n’importe quelle application vidéo d’un smartphone ou logiciel de montage PC, propose une option pour donner un rendu similaire, sans effort.

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