Japan Expo Sud 2019 : Terumi Nishii

Date : 29 / 03 / 2019 à 09h00
Sources :

Unification


La dessinatrice Terumi Nishii était l’une des invitées d’honneur de la dixième édition de Japan Expo Sud. Cette jeune femme, à la carrière déjà bien remplie, a donné une master class passionnante et a répondu aux nombreuses questions du public tout en réalisant son très beau dessin de Jôsuke Higashikata en direct.

Vous pouvez découvrir la traduction de la master class de Terumi Nishii ci-dessous. N’hésitez pas non plus à voir son live-drawing résumé dans la partie qui lui est réservé. Vous pouvez aussi découvrir sa biographie en fin d’article et aller la découvrir sur son site internet qu’elle met à jour très régulièrement en japonais et en anglais.

Après avoir fait ses débuts comme intervalliste assistante sur le film Utena, la fillette révolutionnaire, Terumi Nishii a gravi les échelons et figure aujourd’hui au générique des séries les plus populaires en tant que directrice de l’animation et chara-designer. Parmi les titres les plus en vue sur lesquels elle a travaillé, citons Death Note ou Jojo’s Bizarre Adventure : Diamond is Unbreakable.

MASTER CLASS

Terumi Nishii est présente en compagnie de sa très bonne amie styliste et créatrice d’accessoires, dont des peluches, Naska. Terumi Nishii aime beaucoup voyager, et est ravie de se trouver ici.

Est-ce que votre passion pour le dessin a commencé lorsque vous étiez enfant ?

Lorsque j’étais enfant, je dessinais beaucoup. Y compris sur les murs de mon école. Cela n’était pas très bien vu par les professeurs et par les élèves.

Comment êtes-vous devenu animatrice ?

J’étais une grande fan de Saint Seiya. Quand le dessin animé s’est fini, je me suis un peu éloignée de l’animation. Puis il y a eu la découverte d’Evangelion. Et j’ai décidé d’en faire mon métier.

Vous avez intégré le studio Cockpit. Parlez-nous un peu de ce studio ?

J’ai trouvé un studio et je l’ai intégré pour voir si je pouvais devenir animatrice. À l’intérieur il y avait Takahiro Kagami qui travaillait sur My Hero Academia. Il y avait aussi le chara-designer de Sailor Moon. Ce sont des gens très doués qui m’ont beaucoup appris au niveau de l’animation.

Pouvez-vous nous parler des débuts que vous avez fait dans l’animation ?

J’ai commencé par travailler sur des petites œuvres pour le pachinko (sorte de jeu de hasard avec des billes permettant de gagner des lots, nda) qui ne sont pas connus.

Mon premier vrai crédit était sur le film Utena, la fillette révolutionnaire. J’ai fait quelques scènes d’intervalle.

Vous êtes rapidement devenu free-lance. Pourquoi ?

Dans le milieu de l’animation, on n’est pas forcément employé par le studio. Être réellement payé par un studio d’animation, comme pour le studio Gibli, c’est très rare. On a plutôt un contrat.

Avec le studio Cockpit, j’étais déjà quelque part free-lance. Mais quand on travaille pour un studio, on doit reverser 10 % de ses gains à ce dernier.

Je me suis alors posée la question de pourquoi ne pas être complètement free-lance et mener ma propre carrière, ce que j’ai finalement fait.

Les femmes sont peu nombreuses dans l’animation. Comment avez-vous réussi à vous imposer ?

Je suis d’une génération qui apporte en masse des animateurs qui sont des femmes. Il y a une évolution du style dans l’animation. Il y a beaucoup d’animateurs qui n’arrivent pas à évoluer.

Du coup, on a l’apparition de beaucoup de femmes qui peuvent aller jusqu’à des postes élevés dans le milieu comme directrice générale de l’animation.

Quelles ont été l’influence d’autres œuvres sur votre travail ?

En fait j’ai eu pas mal d’influences qui provenaient des mangas et des animés. Il y avait d’abord Saint Seiya et Evangelion. Puis beaucoup d’œuvres de Mamoru Nagano. J’ai aussi aimé le dessin animé dUtena, mais pas ce qui était mainstream. Je préfère le style originel proche de celui du dessinateur. Quand je travaillais au studio Cockpit, je travaillais avec un animateur vétéran qui avait été formé sur Ken le survivant. Il m’a appris à dessiner des personnages musclés, ce qui m’a permis d’apporter plus d’épaisseur à mon style.

Je suis fan de Saint Seiya. J’ai travaillé sur plusieurs séries. Je sais qu’il y a beaucoup d’échanges autour de Saint Seiya Omega. Quand le projet oméga a été mis en route, les fans m’ont demandé de travailler sur la série. Par contre j’ai demandé à ne travailler que sur les épisodes de Shun, car je suis une grande fan du personnage. On accepté ma demande. Je suis très contente d’avoir travaillé sur une de mes séries préférées.

Pouvez-vous nous parler de cette production, et de l’impact de votre chara-design dessus ?

En effet, c’est un projet Netflix. J’ai dû passer une audition pour travailler dessus. Et maintenant je peux mourir tranquille.

La série fait beaucoup de buzz. Il y a beaucoup de ressentiment sur le fait que le personnage de Shun soit maintenant une fille. Et il y a eu des reproches sur le design…

En fait, quand j’ai désigné ce personnage, je savais déjà depuis 2 ans que ce serait une femme. C’était difficile pour moi de travailler dessus. Je me demandais comment faire un personnage féminin sans trancher avec le personnage original. Je ne voulais pas faire une femme pulpeuse. Dans la série, le personnage est efféminé. J’ai décidé de proposer un personnage féminin avec des tendances masculines. Un personnage androgyne. Shun est une femme. Mais je me disais qu’on pouvait, plus tard dans la série, découvrir que c’était un camouflage, et que c’était vraiment un homme. Je ne voulais donc pas que le personnage soit trop marqué du point de vue féminin. C’est pour ça aussi qu’il est filiforme.

Je suis très heureuse d’avoir eu la chance d’être le chara-designer du personnage. J’espère que le public appréciera le personnage de Shun et le succès de la série serait ma plus grande récompense.

Jojo’s Bizarre Adventure est votre œuvre principale. Pouvez-vous nous parler de vos débuts dessus et de votre appréhension de l’univers de Hirohiko Araki, l’auteur du manga ?

Je me suis basée sur les personnages originels. Chaque arc est désigné par le principal. À l’origine, il était musclé et massif. Puis l’auteur l’a fait évoluer graphiquement jusque au style qu’il a actuellement. J’ai lu la quatrième saison. J’ai pris les personnages du début et de la fin pour obtenir un design mixte. Le début de la quatrième saison est très violent, comme la troisième, puis elle devient plus légère et vire à la comédie. Les personnages ont évolué dans le même temps. C’était un travail compliqué à faire. Je suis contente, car c’est aussi un succès à l’étranger.

Qu’est-ce que vous avez eu le plus de difficultés à maîtriser au niveau du graphisme ?

Ma plus grosse difficulté, c’était d’avoir un staff capable de dessiner des personnages musclés. Le Japon aime regarder, et pas dessiner. Les artistes préfèrent dessiner des filles qui ressemblent à des idoles, plutôt que des personnages musclés. Il me fallait trouver des animateurs capables de dessiner des personnages tels que je les avais désignés.

Est-ce qu’il y a des problèmes de sexisme et avez-vous noté l’amélioration des conditions de travail des femmes dans le milieu de l’animation ?

Chez nous, les gens sont jugés sur leurs aptitudes.

Tout le monde gagne le même salaire pour la même tâche. Ce qui est important, c’est le résultat obtenu. C’est cela qui permet de monter les échelons. Pour les dessins animés de style moe, on trouve beaucoup d’hommes. Il y a peut-être aussi des blagues sous la ceinture qui fusent plus souvent dans un environnement plus masculin.

Les gens se soucient de dessiner vite pour pouvoir aller manger. Dans certains groupes, beaucoup d’animateurs discutent sur la taille des vêtements, celui des bonnets des soutiens-gorge. Et beaucoup de femmes font pareil. Je pense que c’est le milieu où il y a le plus d’égalité entre les hommes et les femmes.

Quelle est l’influence qu’un chara-designer peut avoir sur le scénario ?

Je pense que quand il s’agit d’une œuvre qui n’est pas originale, il peut y en avoir un peu. Mais quand il s’agit de l’adaptation d’une œuvre originale, ce n’est pas possible. Cette dernière nous sert de guide. Il n’y a pas d’influence possible sur les personnages.

Pourquoi avez-vous dessiné Jôsuke Higashikata dans votre live drawing ?

C’est le personnage que je trouve le plus intéressant graphiquement dans la saison quatre. Et mon personnage préféré, c’est Okuyasu Nijimura.

Est-ce que vous avez une préférence parmi les animés récents ?

En fait, je n’en regarde pas beaucoup, car je suis très occupé. J’ai beaucoup aimé le film animé de City Hunter.

Est-ce que vous avez vu le film adapté de la saison quatre de Jojo’s Bizarre Adventure et participé à la création des personnages ?

Non, je n’y ai pas participé, et je n’ai pas eu l’occasion de le voir, même s’il est passé à la télévision.

Pouvez-vous nous parler de votre travail sur Casshern Sins ?

En fait, c’est une œuvre assez importante. Je l’ai faite au début de ma carrière. J’ai travaillé dessus avec un de mes professeurs. C’était la première fois que je travaillais sur un projet en entier. J’ai beaucoup appris du réalisateur et des membres de l’animation.

Comment cette idée du ciel jaune dans la partie quatre vous est venu ?

En fait, il est né d’une illustration d’un recueil de l’auteur original.

C’est le réalisateur qui a eu envie d’utiliser cette image. Mais cela était compliqué à gérer, car lorsque le ciel est jaune, on ne voit plus la ligne qui permet de délimiter les personnages, car elle est très fine. Il a donc fallu faire des dessins des personnages avec des traits beaucoup plus forcés. Cela nous a posé pas mal de problème. Mais je suis très fière d’avoir fait partie de cette aventure.

Si on avait eu le temps d’utiliser des techniques plus élaborées, le rendu aurait été meilleur que ce que l’on a obtenu. Le résultat escompté n’était pas tout à fait celui que l’on avait en tête après l’illustration originale.

Pouvez-vous notre parler de votre travail sur l’œuvre de Shingo Araki ?

En fait, c’est une demande du réalisateur de la série. Il voulait viser un film public plus féminin. Il estimait que j’étais capable de dessiner des personnages machos et musclés, mais aussi très féminins.

C’était vraiment une requête du réalisateur.

Quel était votre poste sur la série ?

J’étais la directrice de direction de l’animation. Je devais aussi surveiller ce que faisaient les réalisateurs sur tous les épisodes.

Pouvez-vous nous parler du chara-design de Kira Yoshikage ?

C’était une grande difficulté, car le personnage a 2 chara-designs différents dans l’adaptation. En fait, c’était assez difficile. Le défi était très compliqué. Au début, je devais garder son aspect malade, et montrer que c’était un personnage psychopathe. Son visage, et sa coiffure, surtout, étaient assez compliqués à dessiner. C’était le personnage le moins apprécié, car il y avait beaucoup de travail à faire dessus.

Parler-nous de l’apport de votre travail sur Jojo’s Bizarre Adventure : Diamond is Unbreakable ?

Jusqu’à présent, je n’avais pas travaillé sur des séries qui faisaient plus de 2 saisons. La troisième saison a enchaîné sans repos. C’était assez difficile physiquement. Nous avions de grandes limites en termes de plan. Il fallait sans arrêt trouver des plans B et C pour rester dans les délais. C’était vraiment difficile mentalement et physiquement de travailler sur neuf mois sans arrêt. C’était très enrichissant, mais cela était aussi très fatiguant.

Est-ce qu’en tant que chara-designer, est-ce que vous avez laissé beaucoup de liberté aux animateurs pour faire des plans ?

Je laissais un peu de liberté si la personne était très douée. Sinon, il fallait que je retravaille derrière et je n’étais pas contente. Je privilégiais l’animation.

Sur quoi travaillez-vous maintenant ?

Dans mon avenir proche, je travaille avec mon ami Naska sur une petite application sur téléphone. Dès qu’elle sera mise en route, je l’indiquerai sur mon site. Elle sortira en version japonaise, et en version anglaise dès novembre 2019.

En ce qui concerne l’animation, j’ai un projet déjà acté, mais il n’y a pas encore de diffusion. Je vais sans doute faire dessus le design, et être chara-designer. Mais je ne peux pas vous en dire plus.

Vous êtes très active sur les réseaux sociaux en japonais et en anglais. Ce n’est pas très courant. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Je fais ça pour plusieurs raisons. Au Japon, il n’y a pas d’événement dans lequel les auteurs peuvent communiquer avec les fans. Je suis une otaku, et je le revendique. Mon site me permet de discuter avec le fandom, et les gens qui aiment l’animation. Mais je ne dis rien de secret sur les projets sur lesquels je travaille.

C’est mon premier voyage à Marseille. J’adore la France. Tout y est bon. Je mange beaucoup de poissons et de viande. Je vous remercie d’être venu assister à cette session. Je sais qu’il y a beaucoup de fans de Saint Seiya. Donnez sa chance à la série de Netflix.

Je vous remercie beaucoup d’être venus me rencontrer.

LIVE DRAWING

Vous pouvez découvrir, résumé en 5 minutes, le magnifique live drawing de Terumi Nishii qui représente le personnage de Jôsuke Higashikata issu de la série Jojo’s Bizarre Adventure : Diamond is Unbreakable. C’est un vrai moment de magie à visionner.


BIOGRAPHIE

Née en 1978 dans la province d’Osaka, c’est là que Terumi Nishii suit des cours de design. Elle se lance rapidement dans le milieu de l’animation et intègre le studio Cockpit. Elle travaille quelque temps en freelance avant de rejoindre le studio Shiokaze. Aujourd’hui redevenue freelance à plein temps, elle travaille sur des projets aussi nombreux que variés.

Terumi Nishii a complété sa formation auprès de grands noms de l’animation comme Jun’Ichi Hayama, Masaaki Iwane, Takahiro Kagami ou encore son professeur Yoshihiko Umakoshi.

Fan de la série Utena, la fillette révolutionnaire du réalisateur Kunihiko Ikuhara, elle en dessine à l’époque des fanzines et officiera en tant qu’intervalliste assistante sur le long métrage sorti en 1999. Quelques années plus tard, elle travaillera à ses côtés sur le film Mawaru Penguindrum.

En 2005, on la retrouve en tant que directrice de l’animation sur Mushi-Shi, puis sur Death Note ou encore sur la série Casshern Sins en 2008. Elle devient aussi chara-designer sur de nombreuses séries à succès comme Jojo’s Bizarre Adventure : Diamond is Unbreakable ou Saint Seiya - Knights of the Zodiac.

Terumi Nishii est aussi mangaka et dessine depuis 2016 un manga original, Ourobouros, sous le nom de Studio Meiris, sur son site internet.

GALERIE PHOTOS

Japan Expo Sud 2019 : Terumi Nishii


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