VHS, Netflix, projection numérique : Tarantino, O. Russell et Aronofsky parlent de leur rapport au streaming et à la pellicule
Vous aurez du mal à trouver un défenseur plus passionné de l’époque de la cassette vidéo que Quentin Tarantino. Le célèbre cinéaste a travaillé 5 ans dans une célèbre boutique de location de vidéo, le Video Archives, où il a découvert le cinéma français mais aussi les films de John Woo, avant de vendre les scénarios de True Romance et Tueurs nés, puis de marquer le cinéma de son empreinte avec Reservoir Dogs et Pulp Fiction. Donc, il n’y a rien de surprenant à ce que Tarantino ait toujours un faible pour les VHS et ne soit pas prêt de rentrer dans l’ère du dématérialisé avec Netflix entre autres.
Dans un extrait du nouveau livre de Tom Roston, I Lost it at The Video Store : A Filmmakers’ Oral History of a Vanished Era, Tarantino et un certain nombre d’autres réalisateurs influents racontent comment regarder un film a changé de façon significative, depuis l’apogée de la VHS jusqu’à l’arrivée du numérique et des plateformes de streaming. Tarantino révèle ainsi qu’il est encore accro à la bande vidéo :
"Je ne suis pas du tout excité par le streaming. Je veux quelque chose de dur et de tangible dans ma main. Et je ne peux pas regarder un film sur un ordinateur portable. Je n’utilise pas du tout Netflix. Je n’ai pas de système de livraison. J’ai mes vidéos en provenance de Video Archives. Ils ont arrêté leur business et j’ai acheté leur inventaire. Probablement près de huit mille cassettes et DVD... J’ai un tas de DVD et un tas de VHS et je continue d’enregistrer des films qui passent à la télé avec un magnétoscope, ce qui me permet de continuer ma collection."
Aussi, ce n’est pas pas une énorme surprise de savoir que David O. Russell (Les Rois du désert, Fighter, Happiness Therapy) n’est pas un grand fan de Netflix :
"Il y a beaucoup de choses qui se passent sur l’obtention des licences et les offres ne durent pas sur certains films. Avant Amazon avait tout, mais ils ont changé leurs accords. Et je dirai ceci aux personnes que je connais et qui possèdent Netflix : c’est un tas de merde "
Il n’a pas tort. L’octroi de licences pour Netflix et Amazon est devenu plus complexe que celui des boutiques de location, d’où un amincissement du volume de titres disponibles. Ainsi, l’interface de Netflix est spécifiquement conçue pour que vous ne puissiez remarquer qu’il y a peu de films de qualité réellement disponibles. De plus, certains de nos lecteurs auront peut être remarqué que les séries Chuck et Fringe ont été récemment retirées du catalogue français de Netflix sans aucune explication ni avertissement de l’opérateur.
Darren Aronofsky fait écho à ce sentiment, même s’il est quand même optimiste à propos du futur du streaming :
« Je suis un nouveau venu sur Netflix. J’ai hâte d’avoir une expérience phare de streaming permettant d’obtenir tous les titres que l’on veut. Ce serait bien que quelqu’un le fasse. Il y a tellement de bons films. Et il y en a trop qui sont difficiles à obtenir. Netflix est limitée à cause de cela. J’aime leur programmation originale, mais je ne peux pas dire que je l’utilise pour autre chose. Bien que, j’avais entendu parler d’un film avec Gael García Bernal intitulé Même la pluie sorti en 2010. C’est un film réalisé en Bolivie. Il est fantastique et vous pouvez le regarder sur Netflix. L’expérience a été très similaire au fait de tomber sur un film en cassette vidéo. C’est un beau petit film étranger. Et je l’ai regardé en streaming".
Et quand on demande aux cinéastes quelle est l’influence des nouveaux modes de consommation des films lorsqu’ils les ’élaborent, Aronofsky admet qu’au cours de la post-production de son film Noé, il pensait à ceux qui allaient le regarder sur un iPhone :
"La plupart des gens vont regarder mes films sur un iPhone. Nous en parlons. Quand nous avons fait le mixage sonore de Noé, nous avons fait un mix pour iPad ou iPhone, afin qu’il puisse être en stéréo. « Regardez », leur ai-je dit, « Il y a un vrai public pour cela, et vous devez en être conscient. Vous ne pouvez pas le contrôler. »"
Face à cette anecdote, voilà comment Quentin Tarantino a exprimé sa tristesse : "C’est la chose la plus déprimante que j’ai jamais entendu dans ma vie."
Aronofsky a poursuivi en disant que cela a influencé sa décision de revenir à un cadrage de 1,85:1, car c’est de cette façon que la plupart des gens vont finir par voir ses films. Tarantino, quant à lui, espère amener les gens à regarder dans les salles de cinémas son prochain film, Les 8 Salopards, dans toute la splendeur du 70 mm [le format de pellicule cinématographique de 70 mm de largeur en projection et de 65 mm en prise de vues, permet de par sa plus grande surface de film, d’obtenir plus de détails et une meilleure qualité par rapport à une copie 35 mm NDLR]. Le seul problème est que peu de salles seront en mesure de réellement projeter le film en 70mm, ce qui signifie que la plupart des téléspectateurs ne verront sans doute pas le film dans ce format et qu’il sera plutôt projeté en numérique.
En tout cas, on ne peut être qu’admiratif de la volonté de certains cinéastes comme Tarantino ou Christopher Nolan d’essayer de garder en vie la projection de films, mais la triste réalité est que les exploitants de salles de cinéma n’ont tout simplement pas la volonté, ou ne sont pas en mesure de revenir à la projection des films. Le numérique est la réalité d’aujourd’hui, que cela plaise ou non, et des cinéastes comme David Fincher arrivent toutefois à faire des choses incroyables avec ce format.
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