Star Trek Picard : Critique 3.05 Imposter

Date : 19 / 03 / 2023 à 14h30
Sources :

Unification


STAR TREK PICARD

- Date de diffusion : 17/03/202
- Plateforme de diffusion : Paramount+ / Prime Video
- Épisode : 3.05 Imposter
- Réalisateur : Dan Liu
- Scénaristes : Cindy Appel
- Interprètes : Patrick Stewart, Jonathan Frakes, Jeri Ryan, Amanda Plummer, Gates McFadden, Michael Dorn, LeVar Burton, Marina Sirtis, Brent Spiner, Michelle Hurd, Orla Brady, Ed Speleers et Todd Stashwick

LA CRITIQUE FM

Comment est ce possible dans le même épisode d’avoir à ce point le bon et le plus merdique. Ce cinquième épisode est donc pour moi un cas d’école.

D’abord le "meilleur", si on passe vite sur la justification du retour à l’écran de ce personnage adoré des fans de La nouvelle génération. Ro Laren avait marqué les esprits avec son charisme et son caractère bien trempée. Le tout à mettre en parallèle avec son interprète Michelle Forbes qui avait refusé le transfert sur la série Deep Space Nine.

Quasi 30 années après son départ de la franchise, l’alchimie avec Patrick Stewart reste totalement intact et c’est un régal à admirer. Michelle Forbes est une actrice qui a décidément une présence incroyable à l’écran. Donc, si on peut légitimement se demander ce qui passe par la tête de starfleet de réintégrer à un haut poste de commandement une personne qui a basiquement déserté pour rejoindre le maquis, pourquoi Ro Laren est-elle devant Picard ?

Bien entendu pour révéler à notre bon amiral l’étendu du grand complot, la tarte à la crème de toute série télévisée depuis bientôt une vingtaine d’année. Du réchauffé donc, mais plutôt bien exécuté dans cet épisode

Alors que l’autopsie montre que les changeling ne sont plus vraiment ce qu’ils étaient, le mystère s’épaissit encore plus sur la nature de Jack. Question bête, est il encore humain, est il vraiment Jack ? Réponse plus tard dans la saison.

Maintenant ce qui ne marche vraiment, mais vraiment pas et qui provoque un déplaisir rude pour ma part : les mésaventures de Worf et Raffi. Parmi tous les anciens personnages qui se retrouvent modifiés dans cette série, le cas Worf est un extrême tant son coté zen décalé ne fonctionne pas. Si vous ajoutez à cela le coté énervant de Raffi, la coupe peut être vite pleine.

Mais cerise andorienne sur le gâteau, que s’est-il passé dans la caboche des scénaristes pour créer un vulcain caillera typé rappeur des années 90. Je n’ose imaginer le brainstorming sous pétard qui a abouti à cette aberration...

Et enrobage de chantilly borg en plus, entre la réutilisation du décors de la siréna et les rues à la Blade Runner d’opérette réutilisées ad’nauseam, cette partie de l’épisode fait ultra-cheap et ne cadre pas du tout avec le reste de la série

Fidèle au poste de l’analyse exhaustive des œuvres et des productions sur Unif depuis 14 ans, Yves Raducka est malheureusement amené à se retirer, mais il a veillé à se faire remplacer par son ami Thomas Baudier qui s’efforcera de proposer des critiques dans la même veine et avec une semblable exigence. Nous espérons cependant tous retrouver la plume inimitable d’Yves dans un avenir plus faste. Merci pour toutes ces années.

Note Titan

Note Tati Raffi et Papy Worf


LA CRITIQUE TB

Il est de ces défis qui vous tombent dessus sans que l’on s’y attende ou qu’on les ait choisis. Prendre la relève d’Yves en fait assurément partie.
Je n’aurai pas la prétention d’égaler son extraordinaire exhaustivité ou sa connaissance formelle de la franchise, car je doute qu’il y ai dix personnes sur Terre pour y prétendre, je vais tout simplement faire de mon mieux pour rester dans l’analyse de ce qui nous est proposé cette semaine, et, qui sait, amener une perspective différente quoique très convergente avec la sienne.
N’étant nullement un fan du Star Trek de Kurtzman — ou Fake Trek, comme on dit dans le Bouchonnois — et considérant Picard comme la série la plus dispensable de celui-ci — j’admets volontiers que Discovery n’est pas loin derrière — j’étais parti pour ignorer assez tranquillement cette saison 3. Alors il est vrai qu’après le hoquet qualitatif pour le moins surprenant de la semaine passée, j’aurais pu éprouver une légère satisfaction à devoir me replonger dans la série. Hélas, l’épisode de cette semaine fut, comme nous allons le voir, tel un retour du refoulé des tropismes et atavismes dont la franchise nous abreuve depuis 2009, quoiqu’agrémenté d’un vernis d’apparat lui permettant, sur un malentendu, de faire illusion.

Si vous ne souhaitez pas vous plonger dans une analyse détaillée du contenu (fatalement riche en spoilers), veuillez cliquer ici pour accéder directement à la conclusion.

Tout commence cette fois-ci par un cauchemar. Non, il ne s’agit pas de l’épisode — encore que — mais plus prosaïquement de Jack qui rêve éveillé de débarquer sur la passerelle et d’abattre tout le monde avec autant d’efficacité et d’émotions qu’un T-800. On poursuit donc sans grande surprise le teasing aucunement original de la semaine passée qui devient l’authentique fil rouge de la saison, encore que veine rouge serait sûrement un terme plus idoine, puisque les hallucinations de Jack en sont remplies.
En plus d’être un classique réchauffé de Secret Hideout — la saison 1 de Discovery et les deux premières de Picard — même la forme est sans grâce ou fulgurance, puisque la vision d’horreur se termine par un cliché qui n’est pas sans rappeler le début du très critiqué épisode 7 de Star Wars, vu que l’une des victimes, seulement blessée, regarde Jack en lui disant : « You. I know what you really are. » Sauf que nous, non. Nous sommes donc une fois encore devant du teasing de remplissage qui ne nous apprend rien, et qui utilise des procédés vus et revus.
Jack reprend ses esprits, un phaseur dans la main et des voix dans la tête, ses yeux virent au rouge et le générique interrompt cette séquence clichée de A à Z, ce dont on le remercie.

S’ensuit un debriefing avec Riker, Picard, Shaw et Seven. Riker commence par rendre son commandement et les codes assortis à Shaw, lequel les informe qu’il a déjà prévenu Starfleet et qu’ils sont en chemin. Comment diable les a-t-il prévenu alors que toutes ses autorisations de communication étaient suspendues ? Il a fait coucou par le hublot ? Nous n’en saurons rien car tout le monde semble trouver cela normal, en dépit de l’incohérence manifeste.
Toujours aussi inutilement désagréable, le capitaine restauré réintègre Seven dans ses fonctions avant de dire au trio de : « get your bullshit story straight. ». Fantastique, cet homme trouve le moyen de faire encore moins trekkien à chaque fois qu’il ouvre la bouche, et toujours plus grossier et contemporain.
Picard dit alors — comme si c’était un sacrifice — qu’il endossera la responsabilité des événements, sauf qu’il est amiral et légitimement responsable, donc l’emphatisation pourra faire un peu forcée. Il va ensuite voir son fils et Beverly, et c’est d’ailleurs à elle de lui rappeler qu’il reste de nombreuses zones d’ombres dans cette affaire — notamment l’infiltration du métamorphe — et qu’elle voudrait faire une autopsie. On pourra se réjouir qu’elle s’en préoccupe attendu que Jean-Luc était plus soucieux de ses prochaines vacances avec Jack, et surtout de le convaincre de rejoindre Starfleet, ce que ce dernier déclinera sans ambages. Voyons, Jean-Luc qui veut convaincre quelqu’un avec qui il tisse un lien filial de rejoindre Starfleet... pourquoi ce sentiment de déjà vu ?

Changeant de décor — même si ce dernier est trop souvent le même — nous retrouvons Raffi et Worf qui font un combat d’entraînement. Fidèle à elle-même, Raffi est dénuée de la moindre discipline, ce qui lui vaut de se faire sermonner et battre à plates coutures par Worf, et à juste titre. En trois saisons, on ne sait toujours pas comment cette femme alcoolique, insubordonnée, sans discipline martiale et d’une incontinence émotionnelle récurrente a pu un jour devenir officier de Starfleet. Le mystère demeure, mais un message de Starfleet Intelligence pour le moins cryptique interrompt cette interrogation.
En effet, ils sont encouragés à poursuivre leur enquête tout en étant officiellement écartés de Daystrom. Évidemment, cela nous vaut d’avoir Musiker qui étale sa frustration, tant il est rare qu’elle tienne plus de deux minutes avec un minimum de self-control. S’ensuit un échange à base de confrontation, de concours de sacrifices personnels et d’un couteau planté dans le sol. Encore un fantastique moment trekkien, tout en finesse et en retenue.
Une fois établi que seul le défunt Ferengi Sneed pourrait les aider à pénétrer Daystrom (dommage, Worf l’a décapité), ils finissent par se rabattre sur un certain Krinn, un nouveau mafieux — what else ? — associé de Sneed et spécialiste en infiltration. Ils choisissent donc de lui rendre visite, ce qui permet à la production de réutiliser le décor cyberpunk de M’Talas Prime déjà vu dans les trois premiers épisodes de la saison. Visiblement, entre les costumes d’assez bonne qualité, les acteurs hors de prix et les SFX vitrines, tout le budget avait été englouti, d’où un recyclage des décors assez constant. L’ennui c’est que ça se voit, surtout dans une super-production à 100 millions de budget, à tel point qu’un nouveau protocole pourrait voir le jour : les métamorphes sont toujours dans une coursive lorsqu’ils attaquent.
Mais j’anticipe, revenons donc à nos deux compères qui nous jouent leur arrivée dans le District 6 comme dans un western, soit en tirant en l’air et en sommant les résidents de leur amener Krinn. Ah, Starfleet Intelligence les a bien choisis, un tel niveau de discrétion et de subtilité étant sans aucun doute de mise dans le recrutement clandestin d’un criminel pour tenter d’infiltrer un des endroits les mieux gardé de la galaxie ! Un communiqué dans la presse pour être sûr que tout le monde soit au courant, peut-être ? Pas d’erreur possible, entre la dose de j’me-la-donne et la stupidité du mode opératoire, on est bien revenu aux standards kurtzmanien.
Maintenant que tout le district est averti, Worf décide de jouer au moine en méditant pour attendre que Krinn vienne à eux. C’est son nouveau truc, la méditation. Oui, le même truc qui était jusqu’ici une spécialité vulcaine totalement méprisée dans la culture Klingonne, mais c’était tellement plus cool de ramener Worf en maître Jedi plutôt que de respecter son histoire et le personnage… que la production l’a désormais transformé en Qui-Gon Jin. Et puis, on appréciera cette nouvelle posture de sagesse lorsque dans le même temps, Worf massacre aussi gratuitement et industriellement…

De retour sur l’USS Titan, celui-ci est arraisonné par l’USS Intrepid, et alors que Riker et Picard éprouvent une certaine appréhension, Shaw se surpassera dans son fameux « being an asshole becomes a subsitute for charm » de l’épisode précédent, toujours aussi peu digne des standards humains du 24ème siècle :
« Riker : You know, we have saved the galaxy more than a few times.
Picard : And hopefully they’ll remember.
Shaw : Or they might remember that time that someone hot-dropped the saucer section of the Enterprise D on a planet.
Or that time that someone threw the Prime Directive out the window so they could snog a villager on Ba’Ku.
Or the time you boys nearly wiped out all of humanity by creating a time paradox in the Devron system.
Basically, when it comes to rescues from danger, you two have a real "chicken and egg" thing happening.
 »

Cette sortie mérite un focus plus important car c’est toute l’imposture kurtzmaniene qui est contenue dans cette scène. Prenons ces attaques dans l’ordre et un peu de recul, si vous le voulez bien.
La première n’est pas loin d’être la plus ridicule, puisque l’incident de Generations a eu lieu alors que le Big D était attaqué et en train de sauver 300 millions de personnes, mais il faudrait en plus avoir honte de s’être crashé. Vraiment n’importe quoi.
Ce n’est guère plus inspiré de parler de violation de la Prime Directive dans Insurrection, vu que c’est Starfleet qui décida que celle-ci était hors-sujet et Picard, aidé de l’intervention de Data, qui leur mit le nez dedans. La poule et l’œuf, hein ? Plutôt un mélange de pure mauvaise foi et d’incompréhension du film, oui...
Et on finit sur le double épisode (TNG 07x25+07x26 All Good Things) de conclusion de TNG. Celui qui portait sur une réalité alternative créé par Q, donc. Et il en entendu parler par quel miracle, le capitaine Shaw ? Il a lu le script dans un coin ?
Et quand bien même, peut-être pourrait-il nous éclairer sur ce qu’un être humain est censé faire lorsqu’il est testé par Q dans l’un de ses plus grands jeux ? Le refuser et lui dire que c’est pas gentil ? Ridicule.

En réalité, Shaw n’est pas un personnage, il est une rupture fort médiocre du 4ème mur. Son discours n’est pas celui d’un officier supérieur de Starfleet mais celui des auteurs kurtzmaniens, qui tentent plus que maladroitement de répondre aux accusations qui leur sont faites de ne rien comprendre à Star Trek.
Mais comme cette accusation n’a rien de gratuite, ils ne font qu’en confirmer la légitimité avec ce speech sentant le fiel et l’ignorance. Shaw est l’expression contemporaine du mépris envers l’utopie trekkienne et l’humanité bien plus avancée que la nôtre du 24ème siècle, mais à l’image de ceux qui l’écrivent, il n’a pas accompli le dixième de ceux qu’il se permet de juger. C’est toujours plus facile d’avoir les mains propres lorsque l’on n’a pas de mains...

Débarquant de l’USS Intrepid avec un détachement de sécurité, ce n’est ni plus ni moins que le commandeur Ro Laren qui est à sa tête, pour informer Riker et Picard qu’elle mène l’enquête préliminaire pour déterminer s’ils doivent être poursuivi pour trahison, encore !
Pendant ce temps, Seven s’emploie à cacher Jack sur ordre de son père. Pour ce faire, son maximum sera de lui donner un uniforme. Pas de l’emmener à l’infirmerie pour lui faire une prothèse faciale, ni même de lui donner un bouc postiche ou de lui faire une couleur de cheveux, non, juste un uniforme. Et s’il croise un métamorphe qui connaît son visage, Jack fait quoi, Seven ? Il se cache derrière son doigt ? Un plan au moins aussi parfait que son exécution, vraiment.

Beverly procède à l’autopsie du métamorphe, lesquels ont manifestement bien changé en 25 ans. On évitera de poser la grande question de comment ils sont revenus — le quadrant Gamma n’étant plus relié par un wormhole, le voyage seul prendrait bien plus de 25 ans — pour se concentrer sur le fait qu’il soit toujours solide alors qu’il est mort, ce qui est également très surprenant. Pas d’ADN mais le sang reste du sang, et les organes ont même été répliqués, Beverly en déduit donc qu’il passerait le fameux test sanguin de DS9 et que l’espèce a évoluée. Sauf que de sa propre observation, s’il n’y a pas d’ADN — car probablement trop ardu à répliquer — il suffit de faire un test sur cet aspect à la place. Donc passé l’effet d’esbroufe, ils sont toujours identifiables par test, il suffirait d’en changer — et ce ne serait même pas une identification séquentielle de l’ADN, mais bien plus simplement une vérification de sa présence — chose qui ne semble même pas venir à l’esprit du Dr Crusher.

Picard est très mécontent de revoir Ro, et exprime sa frustration à Riker pendant que Laren les a laissés ensemble, seuls, dans une salle de debriefing. Une méthode d’enquête au mieux singulière, mais qui permet de faire du mélodrame sur l’émoi de Picard et du temps de métrage.
Ro finit par rentrer dans la pièce et interroge Picard en premier, mais l’interrogatoire tourne rapidement au déballage de contentieux et à une suspicion mutuelle — changeling or not changeling ? — assez artificielle, car quelques questions test mutuelles sur leur dernière rencontre (dans ST TNG 07x24 Preemptive Strike) aurait réglé le problème en 30 secondes.
Au lieu de cela, la scène qui débutera dans la salle de debriefing se poursuivra dans les couloirs puis au bar holographique — encore un recyclage de décors — et durera plusieurs minutes bien qu’ entrecoupée d’autres scènes, comme d’habitude. Ce qui aurait pu marquer de puissantes retrouvailles se transformera en règlements de comptes entre un octogénaire et une quinquagénaire, sur un ton bien plus proche de deux quadras qui évoquent leur rupture à 20 ans. Aucune véritable confrontation idéologique, pas de considération réelle sur les institutions, et évidemment une inversion complète de la situation, Picard se faisant blâmer pour sa « foi aveugle » envers Starfleet. Venant de celle qui vénérait la "voie bajoranne" sans réserve au point de conserver sa boucle d’oreille traditionnelle sur la passerelle, c’est à éclater de rire. Mais comme d’habitude chez Kurtzman, dans le doute, c’est toujours la faute de Starfleet et de ceux qui lui sont loyaux. C’est tellement plus simple que de devoir admettre que, parfois, plusieurs personnes peuvent avoir raison à un instant t tout en prenant des décisions diamétralement opposées. Soit l’une des définitions de la tragédie, chose manifestement ringarde aux yeux des auteurs.
Sans l’ombre d’une surprise, Ro finira par dire à Jean-Luc que Starfleet est désormais compromis. Encore. Comme en saison 1. On sent bien le recyclage d’idées en plus de celui des décors.

En parallèle de cela, Jack a un nouveau rêve éveillé où il tue froidement un officier de transport, et Worf rencontre le fameux Krinn. Joué par un Kirk Acevedo qui est à la vulcanité ce qu’un Klingon est au véganisme, celui-ci ne manquera pourtant pas de sa réclamer de la logique pour des choses parfaitement illogiques, là encore dans la plus pure tradition kurtzmaniene.
Après avoir déclaré qu’un Ferengi était son frère — illogique et émotionnel — celui-ci affirmera qu’il ne peut y avoir d’utopie sans crime et qu’être criminel est donc logique !!!
Dans "utopie", qu’est-ce qu’ils ne comprennent pas ? Le niveau de criminalité d’une société entre toujours en corrélation avec le niveau de misère et d’inégalités sociales. Dans une utopie qui a éradiqué la pauvreté et ces inégalités, la criminalité connaîtra logiquement un taux extrêmement bas, rendant ses activités bien plus vulnérables aux forces de l’ordre et au système judiciaire, la corruption étant elle aussi à son minimum dans une société où tout le monde vit dignement et sans contraintes financières. Il est donc illogique — risques par trop supérieurs au gain potentiel — de choisir cette voie dans ce contexte, Krinn n’a probablement jamais dépassé le CE1 sur Vulcain pour affirmer crânement une telle absurdité.
Mais histoire de rajouter le sadisme mafieux — illogique car n’accomplissant rien sinon un exutoire émotionnel — à sa panoplie, Krinn oblige Worf et Raffi à se combattre à mort ! Heureusement, Worf utilisera la prétendue ancienne technique de Kahless consistant à feindre la mort — très Klingon, comme technique... — pour duper Krinn qui, en toute illogisme, ne donnera pas un coup de grâce qui confirmerait la mort à 100% mais fera prendre le pouls par un sous-fifre (un truc qu’Houdini aurait masqué sans difficulté). Worf profitera d’être évacué pour reprendre conscience, tuer les gardes et prendre Krinn à revers, lequel se mettra à table, clôturant cet enjeu de remplissage. Donc tout ceci n’était que péripétie sans âme ni logique, seulement pour nous la faire à l’estomac en nous laissant croire à la mort de Worf moins de 5 minutes, montre en main. A chacun d’apprécier ce passage de légende comme il le mérite...

Écourtant les entretiens, maintenant qu’elle a informé sporadiquement Picard, Ro lui donnera sa boucle d’oreille Bajorane et repartira en navette. Son escorte constituée de deux métamorphes placera une bombe dans celle-ci avant de se téléporter sur le Titan afin de finir leur mission : trouver Jack. Mais comme leur évolution physique est inversement proportionnelle à leur évolution mentale, plutôt que d’abattre Ro dans le dos avant de procéder, ils la laisseront en vie afin qu’elle ait bien le temps de prévenir Jean-Luc, et pire encore, de rediriger la navette vers la nacelle de l’USS Intrepid — dans un beau sacrifice de Ro pour faire pleurer Margot —, lequel se laissera d’ailleurs faire sans esquiver ou lever les boucliers. Idiocratie un jour, idiocratie toujours, et décidément, revenir dans Picard pour un ancien personnage non principal est invariablement une sentence de mort. Au final, Ro n’aura été que fonction dans cet épisode, puisqu’elle revient uniquement pour faire écho à Jack auquel Picard veut "imposer" Starfleet — le fameux sentiment de déjà vu —, se réconcilier vite fait avec Jean-Luc, lui donner des infos, et mourir juste après.
Mais comble de la stupidité, l’Intrepid, manifestement contrôlé par les métamorphes depuis le début, armera ses torpilles, alors que les phaseurs ont toujours été plus rapides et que l’USS Titan a alors ses boucliers baissés. Ainsi, Shaw aura le temps de sortir de sa stupeur et d’ordonner in extremis de foutre le camp, alors que les torpilles les manqueront d’un cheveu. Les progrès en mimétisme des changelings ont manifestement lésé le cerveau, c’est une évidence physiologique.
Cela dit, ils ne s’en sortent pas mieux en combat, vu qu’ils tomberont à quatre sur Jack — dans une coursive, toujours dans une coursive, rappelez-vous — lequel passera en mode arme fatale et les tuera en quelques secondes. Au-delà du vernis badass de la scène, on sera au mieux surpris qu’avec une mère médecin — et d’élite, s’il vous plaît — aucun examen en 24 ans n’ai remarqué une particularité chez cet homme qui passe la moitié de son temps à avoir des hallucinations et l’autre à tuer des métamorphes sans difficulté, à 1vs4.
Enfin, Picard montrera à Riker la boucle d’oreille donnée par Ro avant de partir, lequel comprendra instantanément, illuminé par le script, qu’il s’agit d’une puce de données. Bravo, Ro, et dire à Picard ce que c’était plutôt que de la jouer mystérieuse, non, hein ? Encore un cliché navrant et idiot, on les collectionne ! En activant une ligne directe contenu sur la puce, ils entreront en contact avec Worf, et se débrieferont mutuellement.
Enfin, Jack commencera à parler à sa mère, qui trouve malgré tout assez étrange qu’il ait abattu autant de métamorphes sans même une égratignure. Mais ce ne sera que pour nous en faire un cliffhanger de fin, et continuer de nous teaser le grand mystère qu’est Jack sans apporter le moindre élément d’explications. Et si l’on en juge par le schéma des saisons précédentes, ces dernières arriveront très tard et oscilleront entre l’invraisemblable et l’inexistence. Nous aurons donc l’occasion d’y revenir...

Conclusion

Revenant à ses standards habituels, Secret Hideout nous donne cette semaine un épisode qui n’a de Star Trek que le nom.

Sur la forme, l’épisode est rythmé, les chorégraphies ne sont pas mauvaises, Jack devient progressivement le second protagoniste — ce qui soulage Patrick Stewart d’avoir à jouer la partie action — les dialogues ont un vernis qui leur permet de faire illusion tant que l’on ne s’y attarde pas de trop prêt… Bref, tout cela peut permettre de regarder l’épisode à qui n’aura pas envie de réfléchir à ce qu’il visionne, et surtout au fond de ce qu’on lui montre. Et soyons francs, revoir Michelle Forbes et son niveau de jeu proverbial fait toujours autant regretter qu’elle ait refusé de rester dans la franchise à l’époque. D’une façon générale, tout le monde joue juste, même Kirk Acevedo qui souffre davantage d’une mauvaise direction (et distribution) qu’autre chose, tout comme Edward Speleers qui joue impeccablement ce Jack torturé mais qui ne peut accomplir l’impossible et paraître dix ans moins âgé qu’il n’est. Quand à Patrick Stewart, il est tout de même bien plus à l’aise pour jouer ce vieillard évoquant regrets et amertume que pour prétendre être l’éternel et intrépide héros, et le personnage arrive aisément à être touchant.

Mais c’est bien sur le fond que cet épisode est une catastrophe de bout en bout. Worf n’agit pas comme le Klingon qu’il a été toute sa vie, le Vulcain de service a moins de logique que Michael Corleone, les personnages sont plus préoccupées par leur ressenti vieux de 30 ans que par la situation, et Jack est une mystery box ambulante pour faire du suspens artificiel.
Pendant ce temps, aucun enjeu de SF, aucune considération institutionnelle — hormis qu’elle est pourrie et compromise, encore — pas de questionnement moral, de confrontation idéologique ou même de réflexions scientifiques dignes de ce nom. Non, juste de la pose, de l’esbroufe, beaucoup de prétention et du pathos entre Picard et Ro. Rien que d’imaginer tout ce que Picard aurait à répondre sur le Maquis et les représailles Cardassiennes qui furent provoquées par ses membres — Eddington le mégalomane donneur de leçons en tête de liste —, dire que l’on manque ici une opportunité est encore très en dessous de la vérité. Plus grave, le contraste avec la fin de l’épisode précédent, qui réalisait l’exploit d’être enfin trekkien, accentue encore davantage le fossé qualitatif.
S’ajoute à cela un nombre spectaculaire de WTF si tant est que l’on prenne cinq minutes pour y réfléchir. Prenons le cas de Ro, par exemple. On envoie pour une enquête préliminaire une personne de Starfleet Intelligence. Depuis quand ? En pareil cas on n’envoie jamais un service de renseignement seul car il s’agit de deux missions différentes : savoir pourquoi un tel amiral a agi ainsi en dehors des clous et recueillir des informations sur des menaces. En amont, quel était le sens de confier (comme si de rien n’était) une charge aussi sensible à quelqu’un qui fut exclu de Starfleet pour trahison au profit du Maquis (c’est presque digne de l’impératrice génocidaire de l’univers miroir qui devient agente de la Section 31 dans Discovery). Et comme par hasard, le vaisseau de Ro n’était pas loin ! Toujours ce micro-univers avec des VIP tous les 100 mètres... Par ailleurs, pour procéder à une telle enquête, on n’envoie pas une personne ayant des liens personnels aussi forts avec ce sur qui ou sur quoi elle enquête : trop de biais potentiels évidents. Et puis pour enquêter sur un amiral et un capitaine, on diligente un simple commandeur, maintenant ?
Puis viennent les exécuteurs qui placent la bombe sans la tuer avant ou sans en profiter pour ensuite prendre son apparence. Et alors qu’elle est seule à seule avec Picard, elle ne lui donne pas les preuves accumulées, ou plutôt elle le fera sans même le dire et risquer que Worf se retrouve sans soutien. Et derrière l’Intrepid qui voit la navette se diriger vers sa nacelle sans bouger, utiliser le rayon tracteur ou activer ses boucliers pour limiter les dommages. L’Intrepid étant commandé par des métamorphes, ils savent pertinemment ce qu’elle va faire mais attendent bien sagement d’être percuté par une navette avec une bombe armée à son bord !

Tout ça fait partie d’éléments de cohérence institutionnelle, psychologique et tactique dont l’écriture se souciait jusqu’en 2005, ici absents, comme d’habitude, au même titre que la logique qui n’en porte guère que le nom, la scientifique qui identifie une évolution sans penser à une adaptation pourtant triviale ou les antagonistes qui ne sont dangereux qu’en théorie tant ils agissent avec stupidité. Autant d’éléments qui font que le label Star Trek est une nouvelle fois cannibalisé sans en tirer le moindre gain en worldbuilding ou en cohérence d’ensemble. En cinq épisodes, cette saison 3 n’a proposé qu’une seule véritable idée de SF, et toujours pas le moindre enjeu moral. Face aux récentes The Expanse ou Travellers, ou à la toujours en cours For All Mankind, la comparaison est écrasante et sans appel.

Ainsi, après le fol espoir de la semaine passée, nous retombons cette fois-ci dans tous les tropismes de Secret Hideout, son micro-univers, son pathos prenant le pas sur la raison, son idiocratie, son ton prétentieux et ses leçons qui sont autant d’impostures. Il n’y rien de trekkien dans cet épisode, à aucun niveau que ce soit. En revanche, si vous avez une heure à tuer en cuisinant pour regarder ça du coin de l’œil, ça devrait passer, mais ce sera encore une fois sur un malentendu.

NOTE ÉPISODE

NOTE STAR TREK

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