Galactica : Moore sur la production de BSG et ce qui n’a pas marché sur Star Trek Voyager
Passée en fin de soirée (22h) et couronnant la soirée science fiction du vendredi, la re-lecture de Battlestar Galactica est sans aucun doute la série en cours de diffusion la plus audacieuse de la chaine. Malgré un levé de bouclier des fans de la série des années 70, la chaine et son président Bonnie Hammer ont décidé de ré-imaginer la série Battlestar Galactica. Débutant le 14 janvier 2005, elle a rassemblé plus de 3 millions de téléspectateurs et est devenue la série de science-fiction ayant le meilleur score sur une chaine du groupe NBC Universal. Sci Fi a renouvelé la série pour une deuxième saison en étendant sa commande à 20 épisodes (la première saison n’en comprenant que 13). La chaine a aussi programmé le démarrage de cette saison 2 en juillet 2005 soit 10 mois plus tôt que prévu. Depuis la saison 3 a été diffusé et la saison 4 (la dernière) est actuellement en production.
Les producteurs exécutifs, Ron Moore et David Eick dirigent ce vaisseau dans un espace inexploré. Moore est un vétéran de 3 séries Star Trek, de Roswell et de Carnivale. Prudent concernant la sensibilité en perte de vitesse de Star Trek et un formatage éculé datant de 25 ans, il est un producteur qui sait ce qu’il ne veut pas.
Appliquant une stratégie une peu moins « Mooresque », il a débarrassé Battlestar Galactica des conventions admises de ce type de « space opéra ». Moore a adouci le grondement pompeux des Space Fighters (contrairement à ce que l’on entends dans Star Wars, aucun son ne s’entends dans l’espace) et a remanié le pont en un centre de commandement différent des concepts de Star Trek.
Il réponds ici à une interview de MCN et s’explique de cette modernisation du genre.
Qu’est-ce qui ne va pas avec la science-fiction d’aujourd’hui ?
La science fiction est née d’un désir d’explorer des sujets contemporains à travers un prisme différent, à travers un plan plus important que le « Que se passe t-il si ? ». Je pense que la science fiction s’est éloignée de l’exploration de la condition humaine contemporaine. A un certain niveau, elle est devenue juste un régal pour les yeux, misant tout sur l’aspect fantastique et sur l’évasion. Et c’est bien, j’adore cette évasion fantastique aussi, mais on peut faire autre chose avec ce genre.
Il y a quelques années, vous étiez très remontés à propos de votre expérience sur Star Trek Voyager. Quelles leçons en retirez vous ?
Ne jamais déconner avec les téléspectateurs. Ne pas endommager le vaisseau une semaine et le montrer immaculé la semaine suivante. Les spectateurs de science fiction en particuliers n’aiment pas que l’on soit condescendant avec eux, ils sont cultivés. Ils réfléchissent aux problèmes. Ils veulent un univers qui les mettent au défi. Ils veulent des énigmes qui les intriguent.
C’est quoi le « Manifeste Battlestar » ?
Comment avez-vous entendu parler de ça vous ?
C’est arrivé dans une conversation avec la chaîne.
Bien, quand j’ai rendu ma première ébauche sur la minisérie à la chaîne, David Eick, mon producteur et partenaire m’a suggéré d’écrire un « Manifeste » comme un document de vente pour Sci Fi. J’en ai rajouté une copie avec le script et c’est resté, alors quand le script est arrivé dans les mains des acteurs, le manifeste fut la première chose qu’ils ont vus.
Dans celui-ci, Battlestar Galactica est défini comme de la science-fiction réaliste. La première ligne disait que notre but n’était pas moins que de réinventer la série de science-fiction. Et à partir de là, le document explique tout ce que la série devait et ne devait pas être, comment on allait approcher la façon de jouer, d’écrire, de sonoriser (musique et bruitages), de filmer notre vision.
Qu’est-ce qui vous vient immédiatement à l’esprit quand vous pensez à vos personnages ?
En particulier, je pense que la série a de forts personnages féminins. Typiquement dans les space-opéra on a une seule femme forte et les autres sont juste là pour qu’on les regarde. On a fait un effort conscient pour en arriver là. Je pense que c’était intéressant d’avoir un monde où il y a plus d’égalités entre les hommes et les femmes. Dans le Battlestar il y a aussi bien des femmes militaires que des hommes. C’est amusant de jouer une femme pilote sans qu’il y ait de commentaires. On remarque presque pas que Starbuck est une femme. Et elle n’est pas la femme parfaite. Elle est pleine de défauts comme tous les autres.
Ils sont beaux (les acteurs) mais pas super-beaux. Ils sont maigres, le maquillage est sombre. Ils ont l’air stressé.
C’est le but. Le vaisseau a l’air bien dans la minisérie mais tout se dégrade dès le premier épisode. Il y a énormément de dégradation. Ils laissent le bazar dans les couloirs alors qu’ils devraient nettoyer. Leurs uniformes ne sont pas nettoyés aussi souvent qu’ils le devraient. Les hommes se rasent quand ils le peuvent. Tout est fait pour donner cette impression que ça se passe vraiment. Quand les gens sont blessés dans la série, ils portent leurs blessures et le maquillage qui va avec d’un épisode à l’autre. Et ils guérissent naturellement. Starbuck se blessé le genou dans l’épisode 5, elle boite et utilise toujours une canne dans l’épisode 13.
Dans notre dernière conversation, nous avions parlé sur l’obligation ou pas d’avoir à l’écran une passerelle. Conceptuellement, vers quoi vous étiez vous dirigé ?
Chaque passerelle de Star Trek possède une fenêtre géante qui donne une vue sur l’espace et les aliens viennent vous parler sur cet écran géant. Je voulais m’éloigner de ça le plus possible. C’était symbolique. On ne fait pas cette série là. En plus les vaisseaux de guerre ne fonctionnent pas comme ça. Sur un vrai porte-avion, la passerelle est juste un endroit où ils scrutent avec des fenêtre tout autour et ils peuvent regarder en bas vers le pont. Mais le véritable cœur est le CIC (the Combat Infomation Centrer ou Centre d’Information de Combat) et c’est là que reste le Capitaine et où toutes les informations arrivent et c’est où toutes les décisions sont prises. Donc dans Battlestar Galactica, nous avons le CIC enfoui au cœur du vaisseau.
Quel est l’impact du manifeste sur le design en production ?
Pour nous, les éléments du design devait impérativement nous apporter un aspect très pratique, très claustrophobe, comme dans un sous-marin et un véritable porte-avion.
Au début de la production, la chaine était très nerveuse quand à aller aussi loin que dans Das Boot, nous avons donc trouvé un compromis avec une esthétique très Nasa. Nous avons donc un mélange des deux idées. Cela reste très fonctionnel. Il y a des toilettes, qui manquent toujours sur les vaisseaux… je ne sais pas pourquoi. C’est un endroit pour que les gens prennent leur café. C’est un vrai lieu de vie, de travail et de jeu. Tout part d’ici.
Le second grand diktat était de donner un look retro à la série. On s’est éloigné le plus possible des panneaux plats, des touches magiques que l’on peut voir dans Star Trek ou Star Wars. Vous savez le vaisseau qui tourne en appuyant sur un bouton et tout est contrôlé par ordinateur et ultra cool. Ce qu’on voulait faire c’est de le rendre plus interactif, une série humaine, où les gens tournent des boutons et poussent des leviers. C’est tactile. Cela rentre en force le facteur humain dans l’équation. Les gens doivent utiliser du papier et des crayons pour faire des calculs de temps en temps. Ils doivent regarder des cartes papier. Ils doivent penser par eux mêmes, se mettre dans l’histoire plutôt que de laisser la technologie travailler pour eux.
J’ai remarqué que le commandant Adama (Edward James Olmos) décrochait de temps en temps un vieux téléphone, c’est presque anti-futuriste ?
Oui ! La chose la plus étrange qui se passe quand vous écrivez et produisez ce genre de série est cette convention que les téléphones vont disparaître et qu’on va parler dans les airs. Tout le monde doit entendre vos conversations ? Pourquoi voudrait-on cela ? Pourquoi voudriez-vous que tous les gens dans la pièce entende votre conversation ? C’est étrange. Quel est le problème d’avoir un vrai téléphone ? Et il y a une certaine logique. Sur un vrai vaisseau de guerre, tout l’équipement est conçu pour fonctionner dans les pires conditions imaginables. S’il n’y a plus de jus, ou qu’il y a le feu à bord, ils ont besoin de téléphones qu’ils peuvent décrocher pour se parler entre eux contrairement à l’ordinateur magique qui serait déjà éteint et qui ne permettrait plus de communiquer.
Quel est le problème contemporain que vous voulez vraiment mettre en avant grâce à Battlestar Galactica ?
Le grand débat de notre époque est la sécurité opposé à la liberté. C’est le centre de nombreux épisodes de Battlestar Galactica , la lutte pour sauver des gens sans détruire la société dans laquelle ils évoluent, comment garder l’équilibre entre les principes démocratiques et la dure réalité de la bataille contre un ennemi vicieux. Je pense que cette lutte n’a pas de réponse facile. Battlestar Galactica continuera à mettre ça en avant, titiller les limites et examiner cela d’un autre point de vue.
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