Annecy Festival 2024 : Rencontre avec Adam Elliot, Cristal du long-métrage 2024

Date : 16 / 06 / 2024 à 12h30
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Adam Elliot a remporté le Cristal du long-métrage 2024 du Festival international du film d’animation d’Annecy pour son film Memoir of a Snail. Le réalisateur australien est un habitué des prix prestigieux puisqu’il avait reçu l’Oscar du meilleur court-métrage d’animation en 2004 pour Harvie Krumpet et le Cristal du long métrage au Festival international du film d’animation d’Annecy en 2009 pour Mary and Max.

Memoir of a Snail est un film d’animation pour adulte sensible et drôle. Il narre avec humour et affection la vie de Grace Pudel collectionneuse compulsive d’escargots. Il est réalisé entièrement en stop-motion sans effet numérique.

Nous avons pu rencontrer Adam Elliot le lendemain de la première projection en public de Memoir of a Snail où il avait reçu une ovation de plusieurs minutes.

Quel a été le déclencheur qui vous a fait imaginer Memoir of a Snail  ?

Ma mère est une collectionneuse et j’étais fasciné. J’ai toujours été fasciné par la raison pour laquelle les gens collectionnent des choses et le moment où cela devient problématique. Vous savez le stockage de beaucoup de collectionneurs va jusqu’à l’extrême. J’ai alors commencé à lire beaucoup de lire sur la psychologie des stockeurs : pourquoi les gens ne jettent pas les choses. Il s’avère que beaucoup de gens qui accumulent ont eu beaucoup de traumatismes dans leur vie. Beaucoup d’entre eux ont perdu un enfant. C’était donc le début pour raconter l’histoire d’une personne qui a utilisé sa collection comme moyen de faire face à un traumatisme.
Une autre idée vient d’une de mes amis qui est née avec un bec-de-lièvre. Lorsqu’elle était enfant, elle a subi 11 opérations au visage. Elle a été beaucoup ennuyée et intimidée à l’école mais maintenant elle est très extravertie et flamboyante. J’étais intéressé par la façon dont elle s’en est sortie et comment elle s’est transformée au cours de ces années.
Les deux idées se sont réunies pour imaginer le film.

Vous vous inspirez de votre vie et de vos connaissances. Avez-vous développé une façon particulière d’observer la vie autour de vous ?

Je suis toujours à l’affût, j’écoute toujours les choses. Je suis une éponge et j’aime cela. Je collectionne des idées. J’ai plein de carnets. Écrire mes scripts, c’est comme préparer un gâteau, j’ai tous les ingrédients.
J’écris d’une manière peu conventionnelle. Je commence par les détails, la structure vient plus tard. Elle n’apparaît pas avant la quatrième ou cinquième version du script. Je m’intéresse beaucoup plus aux particularités et à ce qui rend une personne unique. Vous savez comment elle marche, comment elle est, ce qu’elle porte. J’essaie aussi de donner une épaisseur aux personnages, une véritable justesse. Je ne veux pas qu’ils soient seulement physiquement intéressants. Je veux qu’ils aient du contraste et des conflits en eux. Mon objectif est de créer des personnages très crédibles et réels auquels tout le monde peut s’identifier même s’ils sont en pâte à modeler. Je veux qu’ils se soient très authentiques lorsque je les imagine et que je détermine leur personnalité, leur histoire et leur conception.

Quand vous imaginez un personnage, à quel moment déterminez vous sa personnalité, son histoire, son allure ?

Il y a beaucoup de moi-même dans mes personnages. Je suis un peu Grace, un peu Gilbert, un peu Pinky. Je fais face à mes personnages dans la vraie vie. Je ne commence pas à dessiner les personnages tant que le script n’a pas été développé. Il y a d’abord le script puis le dessin puis la modélisation. Ensuite, je demande aux artistes de créer les personnages mais j’en fais la conception.

Votre film oscille en permanence entre humour, émotion et cynisme. Comment doser vous tous ces éléments ?

Quand j’écris, j’essaie de trouver un équilibre entre l’humour noir et la légèreté. C’est très difficile de trouver cet équilibre. Je ne veux pas que le film soit trop sombre mais je ne veux pas qu’il soit trop léger. J’écris beaucoup de brouillons jusqu’à ce que je sente que j’ai l’équilibre et le rythme et le ton voulu.
J’aime avoir des sujets stimulants. J’aime repousser les limites et aborder des sujets que vous ne verriez pas normalement dans l’animation tels que la drogue, les tentatives de suicide ou les thérapies de conversion gay. J’aime les sujets risqués.
Dans mes films, je prends beaucoup de risques quand j’écris les scénarios. C’est pourquoi ils sont si difficiles à financer. Quand les producteurs lisent les projets, ils se demandent comment ils vont vendre les films. J’ai eu de la chance en Australie, je reçois un bon soutien du gouvernement.

Combien de temps a-t-il fallu pour que ce film prenne vie ?

Du scénario à l’écran 8 ans mais en fait faire le film en lui-même a pris 600 jours. Hier, c’était le 600ième jour et la première projection publique (lundi 10 juin). Ça a été en fait assez rapide. Certains films de stop-motion prennent 3 ans juste pour l’animation. Bien sûr, celui-là a pris 8 ans mais il y a eu le Covid qui a ralenti un peu les choses. J’aurai préféré cinq ans.

Les couleurs sont dans l’ensemble ternes, sauf le rouge qui est la seule couleur vive et qui est très présente. Comment avez-vous déterminé la palette de couleurs ? Comment avez-vous choisi de l’utiliser ?

Si vous connaissez mes films, j’essaie d’éviter le bleu et le vert . Ne pas utiliser de bleu et de vert est très dur car le ciel est bleu et l’herbe est verte. Pour moi, les années 70 étaient très marron en Australie. Tout le monde peignait sa maison en marron, le tapis était marron, les rideaux étaient marron. La mémoire de mon enfance était très marron. Aussi, les marrons sont très redoutables. J’aime le symbolisme de la couleur. Le rouge est bien sur très vibrant mais le marron signifie la dépression. Je pense que cela renforce l’ambiance, la solitude et la mélancolie.
J’utilise une évolution des couleurs pour que le film devienne plus lumineux vers la fin. Les palettes de couleurs deviennent plus riches et plus vibrantes pour correspondre à l’état d’esprit du personnage.

Beaucoup d’animaux sont présents dans le film, les escargots bien sûr mais aussi les cochons d’Inde, le cacatoès ou les perruches. Est-ce important pour vous ?

Quand j’étais enfant, j’avais des animaux de compagnie et beaucoup d’animaux sont morts dans des accidents. J’ai une fascination pour les animaux de compagnie. Je pense que dans mes films, ils sont un ressort comique. Quand quelque chose devient un peu sombre, je fais intervenir un animal. Il y a par exemple un plan dans ce film avec un koala dans un arbre, il n’est pas vraiment là pour une autre raison que pour égayer le moment.
Dans mes films, il y a toujours des animaux mais mes animaux ne parlent jamais. C’est une de mes règles, il ne parleront jamais mais ils peuvent faire du bruit.

Votre film a une bande originale composée par Elena Kats-Chernin. Comment s’est passé votre collaboration, lui avez vous donné des indications ?

Elena est une bonne amie. C’est le premier film que je fais où toute la musique est composée pour le film. La raison pour laquelle je l’aime comme compositrice est que je sens qu’il y a une sympathie entre elle et moi. Sa musique est très expressive ça peut être très clair mais ça peut être aussi très sombre. Elle a beaucoup de variation possible dans sa musique et sa composition. Je voulais vraiment travailler avec elle mais elle est très célèbre en Australie et très chère. Quand je l’ai approchée pour lui demander de faire la musique de mon film, elle a tout de suite dit oui. Pendant qu’elle travaillait, elle s’est rendu au studio où tous les artistes sculptaient et peignaient. C’était bruyant et chaotique. Elle voulait composer dans ce chaos. Elle a apporté son piano et elle s’est installée dans le studio. C’était l’incroyable de la voir écrire toute la musique dans ce bruit. C’est un génie.

La technique d’animation en pâte à modeler, stop-motion, vous a-t-elle limité pour certaines de vos idées ?

oui, cela limite un peu mes idées. Les budgets sont très faibles donc marcher, c’est trop difficile, parler, c’est trop cher. J’utilise donc beaucoup la voix off et la narration. Les personnages sont très statiques, certains ne peuvent même pas bouger la tête. Ils sont très rigides.
Il faut vraiment planifier beaucoup de choses. C’est frustrant parfois parce que tu veux vraiment une certaine émotion de la part du personnage mais parfois le personnage ne peux que cligner des yeux.

On me demande souvent pourquoi je ne fais pas des films live-action avec de vrais acteurs. Je pense qu’avec l’animation vous avez plus de liberté créative et plus de contrôle. Vous pouvez jouer à Dieu. Vos personnages peuvent ressembler à ce que vous voulez. J’aime ce contrôle que l’on a dans l’animation.

Quelle a été la partie a plus difficile à faire pour Memoir of a Snail ?

Je pense que la partie la plus difficile est toujours le script. J’ai passé deux ans et demi à écrire le scénario. J’ai donc passé beaucoup de temps seul comme la plupart des scénaristes. C’est vraiment une expérience très solitaire. J’ai écrit de nombreuses ébauches jusqu’au script que vous connaissez. L’animation est la partie la plus facile. Le montage était très dur aussi, il a pris 6 mois.

Pensez-vous déjà à un prochain film ?

Je pense un peu à la suite. J’adorerai faire un film sur un road-trip, sur un personnage qui part faire un très long voyage en voiture pour une raison quelconque. C’est très vague pour le moment.
Nous avons terminé Mémoire of a Snail il y a seulement un mois. Je dois attendre de voir si le film est vendu aux cinémas. Les festivals sont géniaux mais ils ne représentent pas la réalité. Il faut que les gens aillent au cinéma pour que cela soit un succès. Croisons les doigts.



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