Star Trek Picard : Critique 3.04 No Win Scenario
STAR TREK PICARD
Date de diffusion : 10/03/202
Plateforme de diffusion : Paramount+ / Prime Video
Épisode : 3.04 No Win Scenario
Réalisateur : Jonathan Frakes
Scénaristes : Terry Matalas & Sean Tretta
Interprètes : Patrick Stewart, Jonathan Frakes, Jeri Ryan, Amanda Plummer, Gates McFadden, Michael Dorn, LeVar Burton, Marina Sirtis, Brent Spiner, Michelle Hurd, Orla Brady, Ed Speleers et Todd Stashwick
LA CRITIQUE FM
Après un troisième épisode qui débordait d’effet spéciaux, la production de Star Trek Picard décide de faire une petite pause avec des évènements qui se déroulent à 95% à l’intérieur du Titan. Histoire de ne pas bruler tout le budget, mais aussi pour faire le point sur les relations entre les personnages. On va donc se féliciter cette semaine de ne pas voir les aventures de Worf et Raffi.
L’histoire reste bien centré sur Jean Luc Picard qui cherche à trouver une connexion avec son fils Jack en essayant de comprendre pourquoi celui-ci n’a pas essayé de le rencontrer auparavant. La recherche de création de ce lien est un échec. Il faut dire que notre bon amiral a le caractère qu’on lui connait.
L’égo et une certaine forme de vanité de notre vigneron des étoiles n’est pas le moindre de ses défauts. A moins qu’il ne faille parler de qualité car c’est ce qui fait aussi sa force. Toujours croire en soi alors que les autres perdent espoir peut sauver la mise. Pour autant, personne n’aime qu’on lui dise ses 4 vérités et c’est à nouveau le rôle du Capitaine Shaw de dézinguer la légende. En tout cas, l’ensemble de la séquence est brillamment joué par Patrick Stewart.
Le questionnement reste entier sur Jack Crusher. Qui est-il vraiment ? Est ce que ses visions sont la raison pour laquelle Vadic cherche à le capturer ? Mystère...
La menace en provenance du Dominion, quant à elle, se fait plus précise, mais les métamorphes sont-ils vraiment toujours les mêmes ? Le personnage de Vadic commence à évoluer. Amanda Plummer, pour l’instant, n’avait pas grand chose à jouer. D’adversaire implacable à la voix de dessin animé, celle ci montre cette semaine un aspect plus ambivalent de sa personnalité. En tout cas, Plummer a naturellement un visage qui se rapproche d’un Fondateur. On n’a clairement pas encore toutes les ficelles de cette histoire. Bref, à suivre...
Reste la résolution technique qui permet au Titan de se sortir d’affaire. Surfer sur une vague d’énergie... Hum... Pourquoi cela me rappelle quelque chose ?... ... ... Ne serait ce pas une solution déjà utilisée par le Discovery dans une saison précédente ? Bref, on recycle une idée pas terrible, mais qui est mieux rendu ici grâce à un emballage de technoblabla mieux maitrisée.
Un épisode bien sympathique même s’il n’est pas au niveau du précédent
LA CRITIQUE YR
Malgré quatorze ans de purges kurtzmaniennes, un sursaut qualitatif est toujours possible. Au pire sur un malentendu (jurisprudence Jean-Claude Dusse).
Serait-ce, contre toute attente, aujourd’hui le cas ?
Picard 03x04 No Win Scenario oscille ainsi entre le bon — oui vous avez bien lu — quoique fugacement et non sans incohérences internalistes, et les tréfonds kurtzmaniens plus classiques, comme cette critique va le montrer…
Tout commence par un flashback de Picard voulant dîner tranquillement dans un restaurant —épouvantablement sous exposé, comme désormais tout ce qui est filmé en cherchant à se donner un ton "mature" — alors qu’une escouade de cadets viennent le presser pour une histoire avec autant de retenue que les gosses de Papy Grenier.
Se faisant à l’idée que manger froid n’est pas si grave, Picard finit par céder et nous fait une tirade plutôt trekkienne sur le « comment l’espoir n’est jamais mort aussi longtemps que l’équipage reste uni et œuvre de concert ». Prenons donc un instant pour savourer l’arrêt ponctuel du VIPisme érigé en principe théorique et le retour de la préséance du collectif en situation de crise, ça fait tout de même sept saisons cumulées qu’on attend ça…
Le flashback s’interrompt sur cette note et nous assistons au dur retour dans le présent : l’USS Titan sombre dans la nébuleuse, toujours inextricablement attiré par le puits de gravité. Riker récite sa copie des situations de crise mais rien n’y fait : il ne leur reste que quelques heures avant d’être réduits en bouillie, bien que plus vraisemblablement ils suffoqueront avant. La séquence est assez propre et le technoblabble crédible (presque au niveau de Brannon Braga), comme ce sera d’ailleurs le cas dans le reste de l’épisode. Or vu le niveau habituel d’enfumage que le technoblabla constitue en Kurtzmania, c’est à marquer d’une pierre blanche.
S’ensuit une charge bio-électrique colossale émanant de la nébuleuse, laquelle menace de surcharger les boucliers. La réponse de Riker est donc de les baisser, la charge n’étant visiblement pas une menace pour le vaisseau lui-même. C’est assez curieux mais ou pourra toujours l’assimiler à une IEM géante pour justifier cela.
Riker quitte la passerelle pour rejoindre Picard et évacue immédiatement son inexcusable craquage de la fin de Picard 03x03 Seventeen Seconds : Jean-Luc avait raison. On appréciera que ce psychodrame de pacotille amené avec aussi peu de finesse que de crédibilité soit rapidement mis sous le tapis pour que l’épisode puisse se concentrer sur autre chose, tant cette sortie de Riker était lamentable pour un capitaine devant toute sa passerelle.
Éprouvant néanmoins ce besoin maladif des personnages kurtzmaniens de tout ramener à soi, Riker explique comment la mort de son fils, lié à sa certitude d’athée qu’il n’y a rien après, l’a poussé à fuir dans l’espace et laissé Deanna seule. Un laïus pour le moins douteux vu qu’ils sont restés ensemble sur Nepenthe pendant plus de 15 ans suite à ce drame, et que les circonstances de sa reprise de service sont aussi récentes qu’exceptionnelles. Sans doute la culpabilité d’avoir raté sa dernière pizza avant de partir...
Il termine toutefois ce déballage fort peu pudique par un conseil certes évident mais d’actualité : devant la certitude de mourir dans les prochaines heures, Picard devrait en profiter pour parler avec son fils. Il ne faut pas en vouloir à Jean-Luc d’être incapable d’y penser tout seul, car le personnage est désormais à l’image de son interprète : très fatigué.
Ce qui oblige à ouvrir une parenthèse sur Patrick Stewart et la qualité de son jeu. Dire que l’on est loin du grand acteur Shakespearien du temps de sa gloire serait en dessous de la vérité. Le regard vitreux, les traits tirés, il est évident que l’homme n’a plus ni l’âge ni l’énergie nécessaire pour être un premier rôle, surtout dans une série d’action et d’aventure. Michael Douglas y est parvenu mais La Méthode Kominsky est une série autrement plus adapté que Star Trek pour un acteur de 80 ans, a fortiori dans le rôle-titre.
Mais si on se lance dans les problèmes de casting, on sera également incrédule du choix d’Edward Speleers pour interpréter Jack. Non que l’ancien Jimmy de Downton Abbey démérite de quelque façon, mais il est parfaitement ridicule de lui donner 24 ans (21 ans maximum si né après "ST Nemesis") alors qu’il affiche une solide trentaine.
Fermons ici la parenthèse.
Pendant ce temps, Seven traque le métamorphe dans les coursives, l’arme au poing. Elle trouve à la place sa dernière victime et va faire son rapport à Riker, qui lui demande de rester discrète sur le sujet avec l’équipage. Bonne consigne mais assez peu utile vu que Seven est officiellement mise à pied et passe son temps dans les couloirs, on ne voit donc pas très bien à qui elle pourrait parler.
D’ailleurs, Riker décide de ne pas la restaurer dans ses fonctions officiellement pour ne pas alerter le métamorphe. Encore une fois, c’est un peu le minimum syndical du commandement dans ce contexte, mais ce minimum ayant été foulé au pied sans relâche depuis 2017, cela mérite d’être mentionné.
Après un bref interlude où Beverley prouve qu’elle sait compter à rebours depuis 5 et que Picard demande sa permission pour parler à Jack — un instant quelque peu déréel vu l’âge de ce dernier — nous revenons sur Seven (venue de ST VOY et non de ST DS9) qui va demander conseil à Shaw, brusquement devenu spécialiste des métamorphes par les hasards du script. Dans un dialogue hélas toujours dans la tradition kurtzmanienne, c’est-à-dire un échange de fions digne des rois Loth et Léodagan interrompu occasionnellement par une réflexion pertinente, Shaw finira néanmoins — après deux interludes, tout de même — par lui donner le truc : il faut tester la personne par des questions pièges pour être sûr que l’on a affaire, ou pas, à un métamorphe. Il lui suggère également de trouver du résidu de tissu métamorphe dans le pot où il passe en mode liquide et de s’en servir pour scanner le vaisseau à la recherche de celui qui les aura laissé.
Cela aura au moins le mérite d’être utile, même si l’on peut se demander comment de tels conseils tactiques ne figurent pas dans tous les manuels de la Fédération depuis la guerre du Dominion, parce que là, c’est ni plus ni moins le b.a.ba de la chasse au changeling.
Coté interludes, Riker essaie d’enregistrer une lettre d’adieu à sa femme, sans toutefois y parvenir et finalement mettre l’enregistrement sur pause... en appuyant sur l’écran. Donc après 3 décennies de progrès technologique, on a régressé de la commande vocale à la pression tactile. Bravo à Secret Hideout, qui trouve toujours le moyen de se prendre les pieds dans les détails. Dommage, ce Riker qui ne trouve plus ses mots à l’orée d’une mort certaine avait un certain cachet.
Enfin, Jack et Picard se posent dans un holo-bar — toujours aussi mal éclairé que le précédent ou la passerelle — et essaient de rattraper 24 (21) ans de perdus. La séquence est plutôt convenue et sert surtout de soap, mais elle reste regardable, le petit échange sur la calvitie héréditaire ayant même le mérite de faire sourire.
Pendant que Beverley continue de compter de 5 à 0 alors que cela coïncide avec une nouvelle vague de bio-électricité, Seven, à force de recherche, trouve le pot de chambre du métamorphe riche en résidu.
Mais changeons un instant de décors — comme toutes les minutes, le montage alterné permanent étant le parti pris dominant de mise en scène — et retournons sur le Shriek, où Vadic se taille brusquement la main pour parler à un visage métamorphe qui s’en écoule. Il lui demande un rapport car, visiblement, tant qu’il était dans son système sanguin, il avait du mal à suivre les événements, en contradiction totale avec ce qu’Odo avait pu montrer il y a 30 ans.
Vadic n’est pas trop enjouée à l’idée de foncer vers un puits de gravité, mais le métamorphe, en bon Don Corleone, lui dit que c’est la mort ou la mission suicide. Le bougre ne semble pas réaliser que si elle meurt dans l’opération, il perd Jack, l’agent infiltré et Vadic, mais bon, on ne va pas demander à un antagoniste kurtzmanien de réfléchir avant d’aboyer des ordres, ça ferait désordre...
Nous retournons une seconde fois dans le passé et le fameux dîner froid de Picard, qui est toujours dans l’incapacité de prendre sa fourchette, vu que les cadets sont pires que des enfants de huit ans. Après la petite madeleine de Proust où Picard évoque les Tamariens et l’inoubliable Darmok, on lui demande de parler de son plus mémorable "no win scenario" (qui aura donné à l’épisode son titre), qui s’avère une mission avec Jack Crusher 1er du nom. Mais avant que papi-card n’ai le temps de la raconter ou de manger, la scène s’interrompt, encore. Soyons francs, ce teasing coïtus interruptus est très peu inspiré et son découpage par paquet de trente secondes une bien piètre mise en scène. Suite et fin de l’omelette norvégienne de Jean-Luc à la toute fin de l’épisode, histoire de bien étirer cela autant que possible...
On revient sur Jack et Picard avant de bénéficier d’un nouvel interlude où Seven ramène le pot de chambre en vue de le scanner. Mais elle croise évidemment le métamorphe dans les couloirs et il s’en suivra un échange de tirs où, dans la tradition kurtzmanienne, le mode de tir assommant n’existe plus. Alors que le métamorphe ne s’en embarrasse pas, aucun problème, mais que Seven commence par lui désintégrer un bras sans même essayer le "stun", c’est un peu plus gênant. Certes, son personnage dans Picard a toujours été dépeint comme une Sarah Connor tuant sans sommation, mais c’était avant de réintégrer Starfleet.
De toute façon, les métamorphes sont devenus des Terminators, que plusieurs tirs en mode létal ne suffisent pas à abattre. Odo était décidément le canard boiteux de la famille, entre son visage en cire et ses pertes de conscience au moindre tir reçu.
De retour au bar holographique, Shaw décide de se taper l’incruste et de venir vomir sa haine sur Picard qu’il traîne depuis Wolf 351. Pour qui se souvient de la confrontation tout en retenue et en non-dits de Sisko et Picard dans le pilote de ST DS9, la scène sera probablement malaisante de grossièreté. De plus, qu’est-ce que Shaw fout ici ? Il était dans ses quartiers, a entendu l’appel du script, et est venu s’essuyer les crampons sur la dernière chance d’un père de parler à son fils ? Et tout ça pour quoi ? Encore un déballage de trauma, trois décennies après les faits ? Quel fantastique personnage, si trekkien que l’on reste sans voix...
Et c’est là, après une demi-heure de pathos, de soap et de flashbacks de remplissage, tel une équipe de rugby menée au score depuis 60 mn, que l’épisode change de rythme, de ton et surtout, sort enfin de ce repli individuel permanent.
Beverly, qui en avait marre de compter à rebours, explique à Picard qu’il y a une rythmique aux décharges bio électriques, et que la nébuleuse est manifestement un utérus en gestation d’une forme de vie — référence explicite à Farpoint dans le pilote de ST TNG — prête à accoucher. Certes, la thématique n’a rien de nouveau, mais une telle idée de SF dans un épisode qui a passé une demi-heure à se regarder le nombril, cela a de quoi réveiller le plus endormi des spectateurs.
Jack embraye sur le concept en proposant de "chevaucher la vague » pour se sortir de leur destin funeste, vu que l’on peut désormais les prédire à la seconde prêt. Là encore, l’idée n’est pas follement originale, mais ça n’en fait pas moins deux authentiques et belles idées de SF en autant de minutes, qui plus est parfaitement crédibles. Pour les standards kurtzmaniens, c’est la médaille d’or olympique.
Riker, comme pour rappeler que l’officier supérieur doit toujours commencer par être idiot chez Secret Hideout, refusera de prime abord le plan car "trop risqué". C’est sûr que quand l’alternative est la mort par suffocation 2h plus tard, le risque est inacceptable... Fort heureusement, ce passage forcé est rapidement évacué et Riker décide d’oublier d’être peureux. Ouf, on n’est pas passé loin de la rechute, en fait c’était surtout pour que Beverly cite Deanna devant Riker pour le convaincre. Faudrait quand même pas prendre une décision rationnelle quand on peut le faire aux sentiments...
Shaw aura d’ailleurs enfin l’occasion de servir à autre chose qu’être détestable en allant manuellement contrôler l’ouverture des nacelles, avec Seven qui l’assistera. Sur la passerelle, Riker donne ses ordres et tout le monde est mis à contribution. Oui, tout le monde. Cette fois ni Mary, Gary ou un autre membre de la famille Sue pour tout faire pendant que les autres applaudissent, nous assistons ici à une authentique résolution trekkienne, où c’est le collectif qui permet de s’en sortir et non un énième personnage providentiel. Et ça marche. On suit la scène, cramponné à son fauteuil, l’image du vaisseau porté par cette vague d’énergie est superbe, et chacun aura son petit morceau de bravoure. Picard coordonnera l’ensemble, La Forge ajustera en fonction des ordres avec un sang-froid parfait, Jack aura la vista pour la manœuvre la plus périlleuse, Beverly donnera le top départ… et Riker... et bien n’allons pas trop vite.
Car du coté de Shaw et Seven, l’ex Borg aura logiquement anticipé que le métamorphe ne pourrait pas choisir un meilleur moment pour saboter le vaisseau. Faisant mine de laisser Shaw seul pour appâter sa proie, cette dernière tombera dans le piège et viendra sous la forme de Sidney La Forge dans le but de neutraliser une nacelle sur deux — assez d’énergie pour sortir de la nébuleuse mais pas assez pour réactiver le warp core — et se retrouvera avec le phaseur de Seven sur la tempe. Après une question test où le métamorphe échouera immanquablement, Seven tirera à bout portant au niveau maximal. Oui, si l’on peut convenir de certains progrès dans cet épisode, nous demeurons chez Kurtzman, où l’idée même de capturer ou d’éviter de tuer est une hérésie. S’ils ont visiblement enfin compris que Star Trek est basé sur le collectif, l’humanité utopique et bien plus évoluée que la nôtre du 24ème siècle, c’est pas encore ça. Dans 14 ans de plus, peut-être...
De retour sur la passerelle, alors que la sortie de la nébuleuse approche, Vadic embusquera l’USS Titan en lui coupant la route. Donc le coup de la mission suicide, si elle a dit "oui, oui" pour faire plaisir à l’autre parrain de pacotille, elle aura finalement choisi de vivre en se servant de son cerveau. Un authentique désaveu de l’idiocratie pourtant omniprésente dans la série, ça ne se refuse pas.
Mais Riker, en bon joueur de poker, attendait le meilleur moment pour s’illustrer, et, dans une manœuvre sur laquelle on s’interrogera néanmoins, attrapera un astéroïde faisant la taille du Shriek par rayon tracteur et l’enverra sur le vaisseau de Vadic, qui, bien que survivant à l’impact, se retrouvera complètement incapacité. Toutefois, et alors que nous venons d’avoir la démonstration que le rayon tracteur marche — et pas qu’un peu, vu que jamais un rayon tracteur n’avait attraper une telle masse à pareille vitesse dans la franchise historique, d’où certaines interrogations — Riker n’aura pas l’idée pourtant évidente de revenir pour capturer le Shriek et son capitaine. On sort de l’idiocratie mais il y a encore du chemin à faire... et puis, faut bien faire durer cet antagoniste d’exception qu’est Vadic, après tout.
C’est alors que, afin de finir sur un moment de poésie, la nébuleuse "accouchera" d’une ribambelle de calamars de l’espace. Beverley ne manquera pas de dire « to seek out new life forms » d’un air assez justement émerveillé avant d’être reprise par Riker statuant qu’il ferait bon de « bodly go the hell out of there ». Il faut bien admettre que celle-ci fait sourire, voir rire pour ceux qui sont bon public.
Ainsi s’achève ce quart-d’heure trekkien, aussi plaisant qu’inespéré. Désormais, Secret Hideout et la Kurtzmanie n’ont plus d’excuses : on sait qu’ils peuvent le faire ! Charge à Terry Matalas d’en faire une habitude… ou de subir la marque de Caïn pour l’éternité.
Le flashback au restaurant reprend pour enfin se terminer. Nous n’aurons jamais l’histoire concernant Jack Crusher 1er — encore une fois, ce teasing permanent pour rien, c’est vraiment pauvre — mais par contre une assez belle tirade sur l’équipage qui fait partie de vous et vous complète. Assurément trekkien, quoique quelque peu emphatique.
C’est alors qu’un inconnu au bar demandera à Picard s’il voudrait une famille, ce à quoi l’amiral répondra que Starfleet lui suffit. On est bien loin du "Starfleet qui n’est plus Starfleet" de la saison 1, et bien évidemment, l’inconnu se révélera être Jack Crusher 2ème. C’est donc ainsi qu’il a tenté de rencontrer son père et a décidé de ne pas insister après pareille tirade. Plutôt artificiel, mais trois fois hélas, la scène suivante est pire…
En effet, pour clôturer l’épisode, nous verrons Jack dans ses quartiers assaillis par des voix lui intimant de retrouver quelqu’un, entrecoupées par des visions apocalyptiques. Donc encore une fois, on nous sort le coup du personnage principal tiraillé par télépathie/secret/manipulation/possession — rayer les mentions inutiles — pour retrouver le Némésis et se retourner contre les siens. On n’est pas sorti du sable...
Conclusion
Nous avons désormais la preuve qu’une série kurtzmanienne peut comprendre Star Trek et s’en inspirer correctement, du moins si l’on ne rentre pas trop dans les détails. Reste à savoir si nous assistons cette semaine à un feu de paille ou à un virage attendu depuis trop longtemps.
Enfin, le FakeTrek propose une résolution collective et méritante au lieu d’être solitaire et idiocratique.
Enfin, nous avons un thème de SF qui tient la route dans son exposition et son traitement.
Enfin, les personnages pensent et anticipent.
Enfin, un antagoniste est vaincu — bien qu’abattu froidement ensuite — par la connaissance de cet ennemi et donc le piège idoine.
Enfin, tout le monde a son utilité dans une crise au sein du même épisode.
Et enfin, on a eu un authentique quart-d‘heure trekkien.
Pour autant, tout n’est pas rose. Chez Starfleet on tue, on oublie de capturer, on communique comme des protagonistes de GoT, l’humanité du futur ressemble beaucoup trop à la nôtre, les gens ne pensent qu’à parler d’eux et passent leur temps à faire l’exposé de leurs traumas, bref, on est toujours à des années lumières du Star Trek roddenberro-bermanien et de ce futur que nous aimerions tous vivre, avec cette humanité si inspirante et optimiste.
Donc s’il y a objectivement des progrès cette semaine, cela reste ponctuel — un épisode sur sept saisons (live) cumulées, c’est ce qui s’appelle la portion congrue — et le chemin à parcourir avant de renouer véritablement avec le niveau qui fit la réputation de Star Trek est encore long.
De surcroît, ce besoin compulsif de faire du montage alterné permanent — ont-ils peur que le public s’ennuie si l’on suit le même arc pendant plus de trois minutes ? — plaira peut-être à certains mais n’en demeure pas moins critiquable. Filer davantage la mise en scène aiderait à mieux apprécier certains enjeux et les résolutions assorties. Cela était secondaire jusqu’ici car peu d’entre elles survivaient à une analyse sérieuse, mais ça pourrait devenir un frein si le niveau continue de monter. Pour une fois que tout le monde se comporte avec intelligence et professionnalisme, c’est de tout même dommage que la mise en scène l’occulte...
Alors l’un dans l’autre, l’épisode n’a rien d’un chef-d’œuvre. Trop de dilution de la SF par des interludes permanents de soap dont on se passerait sans mal, un montage qui empêche de se concentrer, et toujours des personnages qui ont furieusement besoin d’apprendre à parler d’autre chose que de leur nombril. Et puis si l’on pouvait aussi se défaire de cette manie de tout filmer dans le noir, ce serait pas mal non plus.
Mais il n’en demeure pas moins que cet épisode crée un précédent très très inattendu — ou très très attendu (selon la perspective) — avec ce véritable enjeu de SF et sa résolution collective, le tout parachevé et valorisé par une morale ad hoc. Quant à savoir si cette hausse qualitative se poursuivra — et qu’à Q ne plaise, elle gagne en intensité — cela demandera de regarder la suite pour en avoir le cœur net. Et c’est déjà beaucoup en Kurtzmanie.
Yves Raducka et Thomas Baudier
BANDE ANNONCE