Star Trek Discovery : Critique 4.06 Stormy Weather
STAR TREK DISCOVERY
Date de diffusion : 24/12/2021
Plateforme de diffusion : Pluto TV
Épisode : 4.06 Stormy Weather
Réalisateur : Jonathan Frakes
Scénaristes : Anne Cofell Saunders & Brandon Schultz
Interprètes : Sonequa Martin-Green, Doug Jones, Anthony Rapp, Wilson Cruz, Blu del Barrio et David Ajala
LA CRITIQUE FM
Une météo tempétueuse, c’est ce que va rencontrer le Discovery dans sa recherche d’indices sur l’anomalie. Un épisode superbement réalisé par Jonathan Frakes avec les points forts de l’acteur-réalisateur, de la tension, mais toujours au service du développement des personnages. Alors, oui, j’ai bien aimé cet épisode même si, comme souvent avec Star Trek Discovery, cela commence par une faute originelle.
Question : depuis quand dirige-t-on consciemment son vaisseau vers l’inconnu sans envoyer au préalable une ou deux petites sondes pour vérifier si c’est sans danger ? Burnham a vraiment dû sécher quelques cours à Starfleet Academy pour mettre son équipage en péril à ce point sans réfléchir ! Bref, c’est le genre de pensée qui vous frappe dès le commencement et qui ne vous quitte plus pendant une grande partie de l’épisode.
En même temps sans la connerie de départ, il n’y aurait pas d’épisode. On se console comme on peut... Je ne vais pas radoter une nouvelle fois sur mon sentiment sur les solutions kurtzmaniènes trouvées pour résoudre la situation. Juste une petite réflexion : entre le surf sur les ondes de l’anomalie lors du second épisode et le sonar de celui-ci, c’est à se demander si un membre de l’équipe de scénaristes n’est pas un passionné de la mer...
Que dire de la scène où Michael se dirige au ralenti d’un pas décidé vers son fauteuil de capitaine ? Que cela frôle visuellement le ridicule même si pour une fois, je ne vais pas critiquer sa présence. Le rôle du Capitaine, c’est bien de tenir la barre jusqu’au bout. Donc, pour une fois, elle est bien à sa place.
Alors pourquoi ai-je plutôt bien apprécié ce Stormy Weather ? D’abord pour le sentiment d’urgence très bien traité par la mise en scène de Frakes. De plus, alléluia, notre Riker préféré se souvient qu’un Star Trek, c’est une histoire d’équipage. Il arrive donc à gommer un des plus gros défauts à mes yeux de la série, celui d’oublier qu’il y a d’autres personnes que le cast régulier à bord du Discovery.
Incroyable, on a enfin trouvé un rôle pour Gray en dehors de faire des beaux sourires à Adira. Rien de mieux souvent qu’un regard externe pour débloquer des situations. Et je dois dire que la problématique de développement des émotions de Zora me plaît assez pour avoir envie de savoir où tout cela va nous mener. Reste le cas de Book et ses problèmes psychologiques, tout cela continue à me laisser de marbre.
Point positif également cette semaine, c’est le fait que l’origine de l’anomalie se trouverait au-delà de notre galaxie. Au moins, on ne devrait pas assister à un recyclage d’anciens ennemis, si tant est qu’il y ait un ennemi dans cette affaire...
FM
LA CRITIQUE YR
Il apparaît que partout où elle se matérialise, la DMA laisse dans son sillage une faille subspatiale (ou "subspace rift" en VO). Bien sûr, malgré ses 930 ans de retard, l’USS Discovery est systématiquement le seul vaisseau que Starfleet désigne pour toutes les missions extrêmes. Pas un seul équipage mieux équipé et davantage expérimenté en mille ans ? Après Ducane (29ème siècle de ST VOY) ? Après Daniels (31ème siècle de ST ENT) ? Non mais allo quoi.
Objectif cette fois : plonger dans le dernier "rift" en date afin de recueillir un maximum d’indices techniques laissés par la DMA pour tenter de déterminer sa provenance et d’identifier son ou ses créateur(s).
L’intérieur de l’anomalie spatiale se révèle être un grand vide tout noir, opaque à tous les "sensors" de l’USS Discovery, mais néanmoins "habité" par un néant non identifiable ayant rendu le "subspace" toxique, désintégrant à six kilomètres le Dot 23 puis la fusée éclairante envoyés par Burnham… et se rapprochant inéluctablement de l’USS Discovery tandis que l’énergie de ses boucliers est inéluctablement drainée par le "void".
Of course, quand Mary-Sue comprendra qu’il devient urgent de quitter ce no man’s land, il sera déjà trop tard : en l’absence de point de repère galactique, impossible de retrouver la sortie. La coque de l’USS Discovery commencera progressivement à se désagréger et l’enseigne Cortez sera même expulsé dans le vite en raison d’un champ de confinement activé dans les coursives possiblement trop tôt par l’IA Zora.
Une tentative d’échappement via le "spore drive" piloté cette fois par Booker échouera car le réseau mycélien a lui-même perdu son intégrité à l’intérieur du "rift". Stamets s’en doutait un peu, mais fallait bien obéir à l’ordre de Mary-Sue ; alors sous couvert de recueil de données, il a courageusement laissé Cleveland se faire foudroyer à sa place. Frappé par une surtension électrique durant la black alert, et induisant un état possiblement hallucinatoire, ce dernier sera visité par son père défunt.
Les particules d’énergie ayant traversé Book révèleront que la DMA a traversé la barrière galactique (cf. ST TOS 01x01 Where No Man Has Before). Ses créateurs (l’espèce 10-C) proviennent donc certainement d’une autre galaxie !
Mais la fréquence de 218 kHz desdites particules permettra aussi de retrouver le point d’entrée/sortie de "void" en employant un effet de sonar. En parallèle, au moyen d’un jeu de concentration trill, Gray s’érigera en conseillère de l’IA Zora pour libérer son "esprit" d’émotions envahissantes. Et grâce à la permanente séance de psychanalyse que Burnham prodiguera comme (une béquille) à sa nouvelle grande amie Zora (notamment pour l’aider à surmonter ses peurs et son manque de confiance en soi), cette dernière réussira à contrôler la trajectoire de sortie d’un USS Discovery de plus en plus défaillant. Pour survire à l’interminable traversée de la barrière plasmique sans boucliers (l’intérieur du vaisseau devenant inhabitable sous l’effet de la chaleur), son équipage (hormis Michael en combinaison) sera téléporté dans une mémoire tampon ou en VO "pattern buffer" (cf. ST TNG 06x04 Relics).
L’épisode ne sera jamais économe sur les dialogues saturés de mélo, en particulier :
Cleveland et le spectre de son père qui après avoir rappelé à son fils ses obligations guerrières (venger le génocide de Kwejian), confessera ses propres lâchetés face à la Chaîne d’Emeraude,
Saru et Book partageant et dépassant leurs rages contre leurs bourreaux respectifs (les Ba’uls vs. les créateurs extragalactiques de la DMA),
bien sûr Mary-Sue et Zora durant l’évasion du "void"... puis autour d’une nouvelle passion commune pour les orbes lalogi, quoique détournés de leur fonction généalogique originelle pour devenir des Arbres de Vie mais dédiés aux seuls souvenirs persos.
Les branches n’ont désormais plus aucune signification si ce n’est de permettre d’y accrocher les photos des êtres aimés du présent et du passé (on y entrapercevra notamment Gabrielle Burnham, Mike Burnham, Amanda Grayson, Spock-Peck, et Philippa Georgiou...) comme autant de boules de Noël suspendus à un sapin holographique. Bref, un album de famille people et VIP en 3D qui constitue le symbole même de la série et son horizon indépassable.
De prime abord, la thématique générale de Discovery 04x06 Stormy Weather semble convoquer de nombreuses anomalies spatiales (aux dénominations diverses) des épisodes historiques, en particulier ST TNG 02x02 Where Silence Has Lease, ST VOY 01x03 Parallax, ST VOY 05x01 Night, ST VOY 07x15 The Void…
Mais l’apparence s’arrête à l’idée et éventuellement au décorum, car la finalité narrative de cet épisode est tout autre. Exit toute problématique science-fictionnelle, exit toute vraisemblance tactique et opérationnelle, exit toute crédibilité scientifique (même à la seule échelle des sciences trekkiennes), exit toute diégèse cohérente, exit toute velléité de worldbuilding.
Le seul objectif est – comme dans presque chaque épisode de Discovery – de renforcer les relations entre les personnages selon une grammaire soapesque de telenovela.
Tout en faisant symboliquement avancer le fil rouge d’un saut de puce mais sans se mouiller : les destructeurs de planètes proviennent ainsi d’une autre galaxie.
La belle affaire. Ça ne change pas grand-chose tout en n’étant pas spécialement inédit dans la franchise (cf. ST TOS 02x21 By Any Other Name, ST VOY 03x26 Scorpion...).
Passons au tableau de chasse dans le théâtre de l’absurde des productions Kurtzman :
Cela a beau être le b.a-ba de l’exploration spatiale trekkienne, il faut croire que l’impéritie des "cadors" de l’USS Discovery est telle qu’il n’est venu à l’esprit de personne à bord de respecter un protocole de sécurité élémentaire. Une anomalie spatiale clairement délimitée (c’est-à-dire pas celle qui vous surprend sans s’annoncer) doit impérativement être d’abord explorée à distance au moyen de sondes (qui en la circonstance auraient éventuellement pu suffire à recueillir tous les indices requis sur l’origine de la DMA), en s’assurant que celles-ci sont en mesure d’en ressortir sans difficulté et intactes. Mais rien de tel ici : l’USS Discovery fonce lui-même tête baissée dans le "rift" puis se met à réfléchir après y être entré. Bravo, c’est du #FakeTrek bien gratiné, en mode Jackass.
La fin de l’épisode révèle que le point d’entrée dans la faille subspatiale n’est pas un semi-conducteur (puisque l’USS Discovery parvient à en ressortir). Dans ces conditions, comment se fait-il que Michael n’ait pas immédiatement marqué le point d’entrée/sortie par une balise (comme le faisait par exemple toujours Picard et Janeway en pareil cas), sachant que les anomalies spatiales se caractérisent par des gradients distincts de l’espace normal (donc difficile voire impossible de s’y orienter avec les référents galactiques communs). Faut-il y voir une incompétence des scénaristes ou une volonté de souligner l’incompétence d’une Burnham venue du 23ème et ne disposant absolument pas des connaissances et de l’expérience requise pour de telles missions ? Hélas, l’un des problèmes récurrents des productions Kurtzman est qu’il est très difficile de dissocier les incompétences des auteurs de celles des personnages.
Aussitôt entrée dans le "rift" des ténèbres, l’USS Discovery n’a pas poursuivi son avancée étant donné l’environnement indéchiffrable. Il s’est au contraire immédiatement appuyé sur un Dot 23 et un "photonic flare" pour continuer l’exploration (d’où la détection d’une menace se rapprochant progressivement du vaisseau). Même si cet espace distinct était peut-être transdimensionnel, l’USS Discovery était encore au voisinage immédiat du point d’entrée. La localisation du front de désintégration et la multiplication d’envois de sondes (ou de Dots) dans toutes les autres directions aurait dû permettre par approximations successives de trianguler la zone de sortie. Mais rien de tel n’a même été envisagé.
Dans le même style, la Team Discovery la joue ST Idiocraty en découvrant seulement au moment où la capitaine Burnham sonne prophylactiquement la retraite qu’il n’est pas possible de localiser la sortie faute de repère. Vraiment ballot, et aucun officier de Starfleet ne s’est posé la question avant.
Il aura fallu l’identification (à travers Book) des particules à 218 KHz émises probablement par le générateur de DMA pour que Lieutenant-commander RA Bryce songe au concept de sonar (mais transposé à des ondes EM et non à des ultrasons car sans objet dans un environnement spatial)… mais que nul ne connaissait sur la passerelle ! Il est invraisemblable qu’avec toutes les batteries de détecteurs passifs et actifs dont dispose un vaisseau spatial, le principe d’écholocalisation soit méconnu de ses officiers… alors que c’est la base même de tout système de radar/lidar. Soit des systèmes qui auraient dû être utilisés d’emblée par l’USS Discovery pour cartographier l’intérieur du "rift" sur un maximum de fréquences ondulatoires plutôt que de devoir en passer par un saut avorté en spore drive et le foudroiement de Book. L’écriture émane de scénaristes qui ne captent rien à rien aux questions techniques et scientifiques, qu’ils transforment en chapeau de prestidigitation, espérant probablement enfumer les spectateurs avec "l’emotion business".
Au début, le personnel de la passerelle établit que les "sensors" de l’USS Discovery ne permettent de rien détecter de l’environnement du "rift". Mais il aura suffi d’une part que Zora se fasse désencombrer "l’esprit" par le jeu trill de Gray, d’autre part que Culber et Stamets identifient les particules qui traversaient Cleveland… pour que les "sensors" du Discovery deviennent soudain exploitables à l’intérieur du "rift", du moins suffisamment pour localiser les concentrations de particules à 218 kHz, les points d’entrée/sortie et la barrière plasmique. Autant dire que sans explication aucune, les règles du jeu changent au milieu de l’épisode (une arnaque récurrente dans cette série), selon les besoins des auteurs, et pour accompagner les états émotionnels des personnages (Zora notamment). En somme, Discovery est tellement "émotico-centrée" que les lois physiques et lois naturelles y sont assujetties. Soit la grammaire même de la fantasy (et encore la pire).
Discovery 04x06 Stormy Weather pose que le subspace rift produit par la DMA est d’un genre inédit, et à ce titre aux caractéristiques totalement inconnues de Starfleet. Comment se fait-il alors que l’équipage établisse avec autorité qu’il faille traverser une barrière plasmique (plasma barrier en VO) pour quitter le "rift" ? Et s’il s’agit d’une simple résultante de l’observation, alors cela contredit l’incapacité des sensors de l’USS Discovery à détecter quoi que ce soit dans la faille et déterminer par eux-mêmes le point de sortie.
Comment justifier cette complète asymétrie ? Lorsque l’USS Discovery est entré dans le "rift", il a enduré quelques secondes modérément agitées. En revanche, la sortie sera pire qu’une entrée atmosphérique non contrôlée : plus de sept minutes d’embrasement durant lesquelles le vaisseau se désagrège. Certes, l’absence de boucliers peut expliquer ce dernier point, mais en aucun cas l’invraisemblable durée… dont l’épisode aura même fait un interminable opéra (des adieux larmoyants entre Burnham et Zora... à sa chanson a capella et à contresens – répertoire crooner des fifties – annonçant déjà Short Treks 01x02 Calypso). S’il s’agissait d’une caractéristique physique spécifique de cette faille subspatiale (et absente de tous les autres cas rencontrés dans la franchise), la moindre des choses aurait été de le préciser dans le script… au lieu d’enchaîner des scènes qui ne semblent répondre à aucune logique si ce n’est d’imposer un spectacle clinquant et stérile à la gloire (ou au martyre) de Mary-Sue.
Les ressources énergétiques très limitées et en constante régression ont imposé un minutage très contraignant à l’équipage. Malheureusement le bouclier ne réussira pas à couvrir le délai requis pour s’extraire de la faille spatiale. Or en l’absence de boucliers, la barrière plasmique élèvera la température de l’habitacle le l’USS Discovery au-delà des tolérances humanoïdes. C’est alors que Burnham aura spontanément l’idée d’appliquer à grande échelle la technique inventée par Montgomery Scott dans ST TNG 06x04 Relics, à savoir de téléporter l’ensemble de l’équipage dans la mémoire tampon ! On ne sait pas trop comment Michael connaissait ce procédé, car plus d’un siècle ultérieur à l’époque d’où elle provient. Bah ! il faut juste se dire que son personnage est une trekkie comme les spectateurs…
Quoique confirmé par Zora (qui avait bénéficié d’un update de toutes les données de l’UFP du 32ème siècle lors du refit de l’USS Discovery), le procédé sera néanmoins considéré comme risqué. Or comme Burnham n’a pas hésité à traverser la barrière plasmique dans une combinaison spatiale (protégeant de la chaleur) pour tenir compagnie à Zora (et sortir l’équipage du pattern buffer), pourquoi cette solution a priori moins risquée pour tous n’a pas été envisagée pour tout l’équipage (un vaste vaisseau comme l’USS Discovery disposait forcément d’au moins autant de combinaisons que de passagers) ? Certes, Michael aura eu très chaud lors du "crossing" (sa combinaison faillit lâcher). Mais si l’on prend en compte les gigantesques ressources énergétiques que réclame le maintien actif en "pattern buffer" (ce n’est pas un stockage passif façon disque dur) d’un équipage entier (une petite centaine de personnes pour l’USS Discovery), ne pas y recourir aurait probablement offert au bouclier du vaisseau une longévité nettement plus grande, ce qui aurait du coup facilité la traversée du plasma en combinaisons (qui elles ne consomment presque pas d’énergie) tout en réduisant les dégâts infligés au vaisseau (grâce à une période d’exposition moins longue sans bouclier).
Alors que chaque seconde comptait, le moins que l’on puisse dire est que l’équipage aura pris son temps pour s’auto-téléporter dans la mémoire tampon. En effet, la consigne de Burnham était de se regrouper pour se réconforter mutuellement et livrer tant qu’à faire ses états d’âme (et pourquoi pas boire un coup au mess d’abord pour se donner du courage ?). Fallait-il vraiment se tenir par la main (et faire des rondes) pour entrer le "pattern buffer" ? Quant à Michael, elle a tranquillement attendu que ses subordonnés se téléportent tous pour mettre le cap en impulsion vers la sortie. De toute évidence, le but était de jouer sur les deux tableaux à la fois : d’abord la carte de l’émotivité à donf, puis la dramatisation au max de l’épreuve de survie (de Mary-Sue et de sa nouvelle BFF). Ou comment fabriquer à la fois de la convivialité et du suspens sur du vide (aux sens propre comme figuré).
Lorsque le Dot 23 est envoyé dans le "void" à la façon d’une sonde (ou d’un canari) pour finir progressivement désintégré par un "subpsace" devenu toxique, l’épisode tente de vendre le cri glaçant d’un être à l’agonie. Mais ce procédé est manipulatoire. Car soit les Dot 23 sont des outils inertes en dépit de leur aspect anthropomorphe de gentils-petits-robots-mignons-tout-plein, et dans ce cas ce hurlement est profondément incohérent, outre d’être gratuitement putassier. Soit les Dot 23 sont des êtres sentients ou du moins capables de ressentir la douleur, auquel cas il serait criminel de la part de Starfleet de les envoyer ainsi à la mort tels des esclaves, pour finalement s’accommoder ensuite si bien de leurs cris d’agonie. Et si d’aventure l’épisode suggérait un scénario de dark fantasy où la machine inanimée deviendrait soudain sentient au contact d’un "prédateur" tapi dans le "subspace", alors l’épisode aurait dû l’assumer à travers les réactions des personnages et dans les dialogues... Mais comme d’hab, Discovery préfère l’opportunisme paresseux du beurre et de l’argent du beurre à la fois : on se paie un frisson de film d’épouvante sans rien justifier, puis on s’en fout.
Malgré l’incompétence et l’impréparation crasse de l’équipage de l’USS Discovery pour explorer une faille subspatiale, il appert – aussi étonnant que cela soit – que Saru a préalablement consulté toutes les bases de données de la Fédération sur de semblables missions. Si, si ! Mais le plus incroyable est que les seuls exemples qu’il cite sont les expériences de l’USS Enterprise et de l’USS Voyager. Sérieux ? Faut-il en déduire que sur 930 années d’Histoire, seuls les quinze ans de ST TNG (jusqu’à ST Nemesis) et les sept ans de ST VOY ont laissé une empreinte ? Tout en trahissant de manière industrielle Star Trek, le Kurtztrek pratique un fan service qui réduit de Trekverse à la taille d’une boule à neige.
Une bonne partie de l’épisode est focalisé sur les émois de l’IA de Zora et l’éveil de ses émotions... quitte pour cela à ignorer grossièrement les implications de la seconde saison de Discovery (où un IA parente, Control, faillit exterminer toute vie biologique dans la galaxie au point de pousser les protagonistes à fuir au 32ème siècle).
Par surcroît, jamais dans une œuvre de SF, l’émergence d’une IA n’aura été artificielle et utilitariste, outre d’être traitée à la truelle comme le ferait un très médiocre teen soap de The CW. Ce terrain épistémologique est pourtant celui dans lequel ST TNG a tant marqué la postérité avec Data et plusieurs autres androïdes (comme Lal). Quant aux dialogues entre Burnham et Zora, ils lorgnent ceux de Dave Bowman et de HAL 9000 dans 2001 de Stanley Kubrick. Pourtant in fine, le traitement de Zora réussit juste à insulter ces deux références de la SF cybernétique. Même la découverte de "l’emotion chip" par Data dans ST Generation (avec toutes ses maladresses et son humour décalés) passerait pour un monument de finesse en comparaison. Confirmant que Discovery est encore pire lorsqu’elle tente de parler de quelque chose que lorsqu’elle ne parle de rien.
Et pour "promouvoir" cette IA et la passer à la même casserole d’intégration que les autres personnages, Discovery 04x06 Stormy Weather va surtout s’employer à donner à Zora de but en blanc un rôle indispensable à bord. Elle va ainsi devenir essentielle pour "scanner" l’intérieur des ténèbres du "subspace rift", pour activer les champs de confinement, pour trouver une sortie de la faille subspatiale, pour gérer le pilotage automatique, pour sortir l’équipage de la mémoire tampon de téléportation… Soit autant d’occasion de parler de soi pour faire une perpétuelle psychanalyse… de bistro. Mais sur le terrain opérationnel, cela reste un bel enfumage, car toutes ces opérations restaient au moins autant réalisables (et furent toujours réalisées dans la série) par le personnel humanoïde de bord et au moyen de l’équipement high tech du vaisseau (interfaces, nombreux capteurs, protocoles d’automatisation, ordinateur de bord non sentient...). Pire, confier soudain toutes ces fonctionnalités basiques et ces taches essentielles à un système éprouvant des états d’âme et trahissant un perpétuel manque de confiance, cela revient à introduire d’irresponsables aléas et facteurs d’incertitudes dans des protocoles vitaux. Soit un détournement complet de la place et de la finalité des IA dans les univers de SF...
Même si le script n’exclut pas formellement l’hypothèse d’une création par le subconscient de Booker (comme icelui l’envisagera lui-même), l’épisode penche néanmoins lourdement en faveur d’une visitation du spectre de Tareckx, c’est-à-dire de son âme immortelle revenue des morts pour se réconcilier avec son fils ! Un scénario réconfortant que le dernier Kwejian décidera de croire (de son propre aveu) mais qui, s’il s’avérait, représenterait une des pires trahisons possibles de la philosophie de Star Trek, et plus généralement de la SF en tant que métagenre. Impliquant un basculement immédiat et irrémédiable dans la fantasy (ou la religion), non parce que la SF postule en soi un athéisme militant (la SF serait plutôt d’obédience sceptique et agnostique), mais parce que toute Révélation objective (sur l’existence de Dieu et/ou de l’au-delà) fait perdre à l’univers (des possibles) sa neutralité axiologique et téléologique, avec pour corollaires des portes qui se ferment et un assujettissement doctrinaire. Soit l’écueil bienpensant de Ghost de Jerry Zucker (1990)...
Le commandant en second Saru avait autoritairement recadré la lieutenante-commander Owosekun lorsqu’elle manifesta le "besoin pressant" d’aller secourir l’équipage sur les ponts exposés à la perte d’intégrité du vaisseau. Ah bon ! La passerelle de l’USS Discovery ne serait plus la cour du roi Pétaud ? Par la suite, juste avant d’être transportée dans l’angoissant "pattern buffer", Joann ressentira le besoin de venir se justifier en racontant une anecdote de son enfance : elle s’était sentie impuissante quand une amie à elle était tombée malade. Impossible d’être plus banal, mais qu’importe, Owo sera alors gratifiée de l’habituel pathos dégoulinant de saccharose de Saru. Une nouvelle scène parfaitement emblématique de la série, où le moindre différend professionnel (ou privé) sombre toujours dans l’exhibition d’un "moi-je" lacrymal, supposé tout expliquer, tout justifier, tout exonérer. C’est à contremploi, c’est nombriliste, c’est manipulatoire. Et Starfleet y perd toute crédibilité, que cette dernière soit considérée comme une organisation militaire ou pas.
Lorsque l’enseigne Cortez a été expulsé dans le subpsace à la suite de la perte d’intégrité de la coque du vaisseau, pourquoi n’est-il venu à l’esprit de personne de le téléporter aussitôt à bord (sachant qu’à aucun moment il n’a été suggéré que les téléporteurs ne fonctionnaient pas ou plus) ? Burnham restait passive sur la passerelle, suspendu au témoignage de la Dr Tracy Pollard, faisant certes mine de se préoccuper du sort de la victime (au travers de son surjeu émotionnel habituel) ; seulement pas à un seul instant elle n’a cherché à le sauver ! Et de même, Zora viendra ensuite se lamenter sur sa possible responsabilité dans la mort de Cortez (pour avoir peut-être activé prématurément le champ de confinement), mais la faute en revanche bien réelle de n’avoir pas tenté de le téléporter échappe pourtant à tout le monde (or on survit bien quelques secondes voire quelques minutes sans combinaison dans l’espace). Manifestement, la série reproduit répétitivement l’absurdité de Discovery 02x09 Project Daedalus où Airiam aurait pu être sauvée par une simple téléportation. Dans le #FakeTrek kurtzmanien, les personnages aiment tellement contempler leurs propres émotions qu’ils voient de belles occasions de se masturber encore davantage en laissant crever les autres.
Toute l’opération de recueil d’indices dans la faille subspatiale, c’est-à-dire le pitch et l’argument même de l’épisode, schlinguent la supercherie narrative. Car la DMA est un phénomène tellement écrasant (cinq années-lumière d’envergure, un impact apocalyptique sur toutes les zones du cosmos par lesquels elle passe, données indénombrables recueillies dans les épisodes précédents...) qu’il est particulièrement nonsensique de prétendre trouver ailleurs que dans le phénomène lui-même des informations sur son origine. D’autant plus que ces "subspace rifts" ne sont même pas des "wormholes" par lesquelles la DMA serait passée, mais seulement des effets secondaires de ses matérialisations dans l’espace normal... Un objet astronomique, titanesque et dantesque, étudié sous toutes les coutures, a traversé la "galactic barrier" de ST TOS 01x01 Where No Man Has Before, ST TOS 02x21 By Any Other Name, et ST TOS 03x07 Is There In Truth No Beauty ? ; mais ses particules caractéristiques ne seront repérées que dans le corps de Booker à l’intérieur d’un cul de basse-fosse spatial ! Allons donc...
Les pieux conseils pseudo-trekkiens que Saru délivre à Book sur la nécessité de dépasser sa colère sont particulièrement malavisés et impropres. Parce que les Ba’uls dominaient et asservissaient les Kelpiens (mais l’espèce de ces derniers n’a pas disparue pour autant), ces premiers se sont largement amendés depuis, et c’était il y a presque un millénaire. Alors que les hypothétiques 10-C ont exterminé une planète et une espèce humanoïde entières, beaucoup d’autres pourraient les suivre dans le néant, et cela se passe "maintenant" ! C’est comme si on venait expliquer aux communautés ayant enduré d’authentique génocides durant le 20ème siècle qu’il faut prendre exemple sur l’Italie contemporaine que nul le rend comptable des crimes commis par l’Empire romain ! Après les travaux pratiques en pâte à modeler programmable durant les séances de psychanalyse du Dr Culber, voici les leçons de morale ubuesques d’oncle Saru. Discovery a décidément du mal à prendre la mesure des tragédies collectives et elle retombe sans cesse dans des trivialités si ordinaires qu’elles en deviennent nauséabondes au regard du contexte.
(…)
Serait-il possible d’imaginer un jour un épisode de Discovery qui ne croule pas sous le poids des absurdités et des bullshit, ne fût-ce qu’une fois ?!
Hélas probablement pas, car par-delà l’évidente incompétence des scénaristes, écrire des histoires solides et cohérentes ne fait tout simplement pas partie du cahier des charges de la série. Le tire-larme n’en a nul besoin, la communion dans le réseautage Instagram non plus.
Aucune ossature rationnelle ne préside à la construction du #FakeTrek. Le squelette est en guimauve, ployant sous le brassage du vent et changeant de forme au gré des facilités. Le comble pour une œuvre vendue comme de la vrai SF et portant un label qui fus jadis au pinacle de la crédibilité.
Conclusion
Absolument tout dans Discovery 04x06 Stormy Weather est prétexte au pathos le plus incontinent, aux épanchements les larmes dans les yeux et les trémolos dans les voix, aux introspections narcissiques, aux exhibitions émotionnelles incontinentes, aux grandes déclarations pompeuses d’amour ou d’amitié, aux étreintes mielleuses, aux câlins sirupeux, aux mamours glucosés...
Ainsi, la soudaine mise en vedette de l’omnisciente IA Zora n’a pas pour objectif d’étudier l’émergence de la sentience ou d’une singularité (à la manière de Data dans ST TNG), mais simplement d’ajouter à la série une nouvelle source d’états d’âme adulescents autocentrés, tout en offrant une nouvelle copine moitrinaire à Mary Sue pour parler encore plus de soi (en inclinant la tête of course comme le fond les Teletubbies).
Et lorsque l’épisode met en scène des situations de crise, c’est pour mieux alimenter les moments "feel good" qui suivent, avec ces grands sourires autosatisfaits sortis de spots de pub et dont Discovery fait commerce.
Même dans les moments les plus tragiques et extrêmes de l’épisode (i.e la mort de l’enseigne Cortez et le franchissement de la barrière plasmique), il n’y en a finalement que pour la contemplation infatuée par chaque protagoniste de ses propres impressions et émotions. Et inclusivité oblige, même les ordinateurs ont désormais des états d’âme en pleine crise, car il n’y a pas de raison que les objets inanimés n’émargent pas eux aussi à ce bal des vanités.
Il ne fait plus aucun doute que Discovery possède l’insigne honneur d’être la série la plus égocentrée du paysage audiovisuel, outre d’être également la plus incohérente. Les enjeux, les intrigues, la rationalité, les leçons de morale, les problématiques, l’univers lui-même ne sont que des alibis au seul service des interactions relationnelles, ne sont que des accessoires customisables pour tenir la chandelle au main cast. En définitive, rien ne compte ni n’existe hors du nombril des personnages.
Du coup, la pseudo-histoire relatée ici respire tellement le prétexte et la facticité de A à Z avec des personnages plus baltringues les uns que les autres que cela tient d’une parodie involontaire (quand bien même friquée et mélo) de la propre parodie de Star Trek par les Inconnus.
On peut donc prendre le parti d’en rire.
Ou pas. Car il est tout de même douloureux de retrouver aux commandes le réalisateur du chef d’œuvre ST First Contact (1996), même si la mise en scène de Jonathan Frakes n’est pas en soi fautive ici. Elle combine selon les scènes un classicisme respectable ou des découpages serrés (y compris avec des écrans splittés) pour distiller un sentiment d’urgence. Mais tout ça pour quoi ? Tout ça pour ça ?! Une belle forme ne rédimera jamais un fond foireux, artificiel ou inexistant. Pire, une trop belle mise en scène peut même devenir contreproductive si elle emballe du vide, au risque d’apparaître alors comme mystificatrice, pompeuse ou prétentieuse par effet de contraste.
Alors résumons : Kwejian a été génocidée et les plupart des planètes de la galaxie pourrait connaître le même sort, la DMA est un péril extragalactique qui témoigne d’une puissance et d’une avance technologique sans commune mesure avec l’UFP du 32ème siècle, le Starfleet idiocratique s’appuie uniquement sur un équipage accusant un millénaire de retard pour assurer les opérations les plus pointues et solutionner toutes les crises, et comme toujours on laisse crever des "redshirts" qu’on aurait pu sauver (pour un bonus émotionnel à l’écran).
Mais tout va bien Madame la capitaine, et le "feel good" de la pensée positive est à son acmé. Parce que l’archange Michael batifole sensuellement avec ses gentils potes et son chéri, parce que Mary-Sue s’est trouvée en la gentille IA Zora une nouvelle BFF virtuelle pour composer des albums photos de famille aux formes de Sephiroths (ou Arbres de Vie) en 3D, parce que la gentille Gray s’est trouvé·e un nouveau corps pour mieux s’admirer, parce que plein de gentils couples (Burnham+Booker / Stamets+Culber / Adira+Gray) s’aiment d’un amour tendre, parce que les Kwejians exterminés ont "survécu" dans un gentil au-delà et viennent tailler des bavettes avec Booker, parce que chaque scène (gentille ou méchante) est une occasion de refaire les monologues du nombril façon Eve Ensler.
Après, libre à chacun de s’autosuggestionner pour se convaincre que Discovery 04x06 Stormy Weather est de la bien belle écriture et que son ballet émotionnel est touchant...
Mais n’importe quel épisode de la grande série SF du moment, à savoir The Expanse remettra violemment les pendules à l’heure.
YR
BANDE ANNONCE