Caprica : Critique et analyse du pilote de la série (spoilers)
La fin de la série Battlestar Galactica nous rend triste.
Prévue, point d’orgue savamment réalisé, donnant corps à l’ensemble. Cependant, nous sommes tristes parce que nous savons que c’est à présent terminé. Le chef d’œuvre est achevé.
Parmi cette morosité perce néanmoins une lueur de joie. Caprica, préquelle du monument éponyme, lui succède. Dotée d’une équipe de création très proche de celle de BSG, on s’attend à ce qu’elle bouscule nos conceptions, nous pousse à nous poser des questions, comme a pu le faire avant elle l’épopée dramatique. Programmée pour 2010, le pilote est en vente en DVD aux Etats Unis depuis le 21 avril.
Le monde de Caprica, précédant BSG de 58 ans, est très proche du nôtre. On y brosse le portrait d’une société moderne, perdant le fil de son humanité, se jetant à corps perdus dans le progrès de la science. La jeunesse s’immerge dans une violence virtuelle de plus en plus aboutie. La robotique mécanique est maîtrisée, il ne lui manque que la dépose d’un système expert, autrement appelé Intelligence Artificielle. La religion apporte du réconfort, mais s’accompagne de la folie des plus extrémistes.
Deux destins sont noués. Celui de Joseph Adama, avocat lié malgré lui à la mafia Ha’la’tha et père de William Adama (que l’on voit d’ailleurs âgé de 9 ans dans ce pilote). Celui de Daniel Graystone, brillant ingénieur informatique richissime. Les deux ont perdu leur fille dans une explosion terroriste. Les deux vont tenter de faire revenir leur fille à la vie, par le truchement de l’informatique et de la robotique. Les deux vont séparer leur voie face à la concrétisation de leur espoir.
C’est avec une pointe d’émotion que l’on observe certains plans. William Adama en culotte courte, les premiers Cylons avant même l’intégration de leur intelligence, corps de métal, mécaniques et vides. L’équipe des Buccaneers. Si les images sont intéressantes pour un nouveau spectateur, elles prennent une dimension singulière pour les fans de Battlestar Galactica.
Visuellement, c’est une réussite. L’environnement nous paraît commun malgré quelques différences, les effets visuels liés à la nouvelle technologie sont crédibles, quitte à accélérer certains mouvements pour gommer les rares défauts. On s’immisce aisément dans cet univers, se délectant de ce Caprica dont l’on nous a tant parlé ces 5 dernières années, mais que nous n’avions vu qu’après l’holocauste.
Les thèmes de réflexion sont posés rapidement. L’émergence de la religion d’un dieu unique (ou le retour, eu égard à la palingénésie de la franchise) nous plonge dans le conflit religieux, la défiance de l’Homme face à une croyance différente. Le déclin de la moralité, la perte de repères de la jeunesse et le partage de responsabilités entre les générations. La différence réelle entre vie organique et vie artificielle. Sujets maintes fois traités, reste à voir comment la série va les aborder.
Le pilote s’en sort très bien. Les 92 minutes s’égrènent sans lourdeur. La trame de cette première diffusion n’est pas exempte de défauts. L’un des messages adressé par le personnage de Joseph Adama est un peu maladroit . A la question « que feriez vous si vous pouviez revoir votre fille une nouvelle fois », le dit avocat réponds par une morale convenue. La sœur interprétée par Polly Walker, que l’on retrouve avec plaisir, ne fait pas vraiment illusion, et on devine assez rapidement son appartenance au culte monothéiste. Typer les natifs de Tauron et les flanquer d’une mafia forte et tatouée réalise un parallèle avec les nations sud américaines. Une stigmatisation dont on se passerait volontiers.
Abstraction faite de ces petites erreurs, on perçoit un potentiel vraiment fort. Deux thèmes paraissent se dégager.
La religion. Nous parlons ici de croyances qui ont mené les hommes de tout temps, dans toute culture. Chaque avènement d’une nouvelle forme de pensée pieuse a vu la violence l’accompagner. Le sujet est parfois auréolé d’une forme de tabou, mais Caprica semble l’aborder dès ses premiers pas, sans se parer d’une démagogie pudibonde. Fort en toile de fond dans Battlestar Galactica, on assiste ici à sa floraison dans la société Capricane. L’équivoque est d’autant plus présente que l’affrontement entre les courants de pensées se fait ici entre humains.
La distinction entre les vies. Nous sommes à l’aube d’une évolution majeure dans le domaine de la robotique. Nous, spectateurs, au même titre que le monde dépeint par la série à venir. Alors que s’érigent progressivement les premiers système experts dans cette fiction, la question est posée. Le cerveau humain pouvant parfaitement être assimilé à un disque dur et un processeur pour le lire, quelle sera donc la différence entre une vie artificielle, et une vie créée naturellement ?
C’est ce que qu’apporte Daniel Graystone, campé par Eric Stoltz. Un postulat qu’il pose et qui dérange par ce qu’il suppose : une vie artificielle, une intelligence informatique, serait in fine la même chose que la vie que nous croisons chaque jour au coin des rues, régie par les mêmes contingences.
Cette interrogation va peser lourdement sur les développements à venir en la matière. Quelle attitude devrions nous adopter face à l’émergence d’une nouvelle forme d’intelligence ? Serait-elle considérée comme égale à la nôtre ? Caprica braque directement ses projecteurs (du moins dans ce pilote) sur cette éclosion. Le centre d’intérêt est véritablement l’évolution de cette intellect numérique, non la société qui en découle.
Résolument, cette préquelle apporte à l’univers de Battlestar Galactica, sans commettre l’erreur d’entrer directement dans son giron. Pour ce que ce premier opus laisse voir, la série est à nouveau axée sur de larges thèmes de réflexion, qui inviteront le spectateur à penser plutôt qu’à consommer la succession d’images. Encore faut-il qu’elle ne sombre pas dans une relecture du soulèvement des machines.
L’équipe créative a montré qu’elle avait bien cerné le potentiel de cette nouvelle série. Elle a su donner envie de voir la suite, dévoilant suffisamment pour ériger le désir d’en voir encore, sans tomber dans l’excès.
Caprica est une série que les fans de Battlestar Galactica devraient suivre au moins dans ses débuts. A découvrir dès que possible.
Caprica est Copyright © NBC Universal Television et David Eick Productions Tous droits réservés. Caprica, ses personnages et photos de production sont la propriété de NBC Universal Television et David Eick Productions.