Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 Vaches, du lait, du beurre, des dettes : Review du film Canal+

Un autre drame de la vie paysanne qui vous tord les boyaux et vous arrache le coeur. Je ne comprends pas pourquoi je persiste à vouloir regarder ce genre de documentaire si c’est pour systématiquement m’effondrer en larmes en me demandant pourquoi nous vivons dans un monde aussi pourri. Ça doit être du masochisme. Le plus triste, c’est que les gens qui pourraient peut-être aider à faire changer les choses ne regarderont jamais ce documentaire. Parce que finalement, Cyrille, ils s’en foutent un peu. Ils sont bien trop à l’aise enfoncés dans leur gros fauteuil de banquier ou de commissaire européen, et qu’un agriculteur soit en train de crever, ça leur passe à des lieues au dessus de la tête. D’autant qu’il n’est pas le seul agriculteur dans cette situation, et la banque ou l’UE ne se considèrent pas comme la mère Teresa de l’agriculture. Alors autant bien leur presser le citron aux paysans, ça leur apprendra à vouloir perpétuer la tradition familiale.

Cyrille, tout ce qu’il voulait faire, c’était reprendre l’exploitation de vaches laitières de sa famille. Son frère aîné s’est barré il y a longtemps, le cadet n’a pas inventé l’eau tiède, alors si la famille veut conserver ses quelques vaches, c’est au petit dernier, à Cyrille, qu’il revient de reprendre le flambeau. Son père, sympathique comme la porte d’une étable, sait très bien que Cyrille ne s’en sortira jamais : il n’a pas les reins assez solides. Mais il accepte de le loger et de le nourrir en attendant que les affaires démarrent, c’est déjà ça. Mais avant de commencer, il faut mettre l’exploitation aux normes et ça, c’est un gros investissement : 200.000 Euros. Un prêt que la banque acceptera de faire, car le but, ce n’est pas que l’exploitant s’en sorte, c’est que la banque touche les intérêts, quitte à tout reprendre lorsque le paysan aura le couteau sous la gorge. Ce n’est pas dit comme ça dans le film, mais ce n’est pas la peine de le dire, on sait très bien comment ça fonctionne.

Cyrille ne peut pas vendre son lait à la coopérative agricole car il faudrait qu’il produise plus de 300 litres de lait par jour pour qu’elle accepte de se déplacer. Avec 20 vaches, il ne peut pas atteindre ce quota. Alors après avoir mis son étable aux normes, il s’est acheté une douzaines de vaches et dans l’année, 8 sont mortes. Retour au point de départ, avec une nouvelle dette. De temps en temps, un veau nait, et s’il arrive à vendre la bête 250 Euros, Cyrille est content. Tous les 15 jours, il va vendre son beurre sur le marché. Entre 50 et 70 plaquettes à 3 Euros, faites le calcul. Alors Cyrille fait le service dans un restaurant entre midi et deux, histoire de gagner trois sous supplémentaire. À la fin du mois, il ne lui reste que des dettes et l’argent qu’il met de côté, il l’utilise pour fleurir la tombe de sa mère. Une association l’aide à mettre de l’ordre dans sa trésorerie, mais ce n’est pas en regardant les chiffres de plus près que l’on peut les faire augmenter... Et puis Cyrille aimerait bien trouver l’homme de sa vie, mais dans son bled, ce n’est pas facile, surtout vu le peu de temps libre dont il bénéficie, alors son seul divertissement, c’est d’aller de temps en temps manger chez son meilleur ami.

Si à ce moment de mon récit vous n’avez pas encore commencé à vous demander dans quel monde on vit, alors je n’ai plus d’espoir pour vous... Au début du film, le réalisateur Rodolphe Marconi raconte qu’il a croisé Cyrille sur une plage, un jour que celui-ci prenait ses premières vacances et qu’il voyait la mer pour la première fois. Cyrille a accepté que Marconi vienne passer quelque mois chez lui, mais il ne se doutait peut-être pas que c’est à ce moment là que tout commencerait à partir à vau-l’eau. La caméra de Marconi a su se faire discrète : on ne sait pas que maman est morte jusqu’à ce que l’on voie Cyrille acheter des fleurs pour sa tombe ; on ne dit pas que Cyrille aime les hommes, mais on le comprend en quelques secondes en le voyant regarder un site de rencontres. Lorsque les membres de l’association demandent au jeune homme s’il a songé à se suicider, Cyrille ne répond pas franchement oui, mais il ne répond pas franchement non, non plus, et le désespoir qui se lit dans son regard à de nombreux moments du film en dit long. Les larmes coulent, la caméra est là, pudique mais présente, témoin de ce terrible destin. Et je pleure encore en écrivant ces lignes...

Un beau moment documentaire, mais tellement déchirant.

Cyrille a fait un mauvais choix dans sa vie : il a repris la petite exploitation familiale de vaches laitières. Obligé d’investir 200.000 Euros pour la mise aux normes, il croule sous les dettes, ne peut pas se payer de salaire, travaille jusqu’à 20 heures par jour sans jamais prendre de vacances. Son exploitation n’est même pas assez grande pour intéresser les coopératives laitières, alors ils baratte son beurre qu’il vend sur le marché, ce qui lui permet à peine de payer quelques frais. Une association de soutien aux agriculteurs va lui porter assistance, mais pour Cyrille, la lumière n’est pas au bout du tunnel.

 Durée du film : 1 h 25
 Titre original : Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes
 Date de Diffusion : 9/02/2021 sur Canal +
 Réalisateur, Photographie : Rodolphe Marconi
 Montage : Mathilde Pelletier, Cyril Bommelaer
 Producteurs : Black Dynamite Films, Eric Hannezo, Frederic Beaudis

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