Star Trek Picard : Review 1.06 The Impossible Box
ATTENTION : Deux critiques comme pour chaque review d’un Star Trek. Une première par Frank et une seconde par Yves avec une analyse très fine des événements de l’épisode.
Les semaines se suivent et ne se ressemblent pas. Après un épisode OVNI qui n’a convaincu pas grand monde, voire qui risque d’être un tel repoussoir que de nombreux fans ont annoncé avoir jeté l’éponge, voici venu le temps d’un moment fantasmé par beaucoup : le retour de Jean Luc Picard sur un cube Borg.
La réussite de l’épisode est à mettre au crédit bien entendu de Patrick Stewart qui nous emmène avec maestria dans les arcanes du trauma de son personnage, mais aussi à la mise en scène oppressante de la réalisatrice Maja Vrvilo.
L’épisode fait grandement appel à nos émotions, on peut même dire que l’ensemble est un ascenseur émotionnel et pas seulement pour le personnage de Picard. On ressent tout autant la joie de Hugh à retrouver son ami Jean Luc, la panique de Soji en recherche des causes de sa singularité, le trouble de Narek à l’abandonner à un sort funèbre, la détresse des XB’s, la tendresse de Rios envers la déchéance de son amie Raffi... Bref, cette semaine, les acteurs ont des choses profondes à jouer et ca fait du bien à la série.
L’épisode gagne aussi en cohérence alors que les deux lignes scénaristiques, Picard d’un coté, les occupants du cube de l’autre, se réunissent enfin pour former une histoire commune. il était temps alors que nous sommes déjà en seconde partie de saison.
J’aurais totalement adoré cet épisode s’il n’y avait pas eu deux, trois choses qui m’avait laissé un peu plus dubitatif. Déjà, on se demande pourquoi personne ne se demande comment Bruce Maddox, qui était dans un état stable lors de son échange avec Picard, a pu passer de vie à trépas 5 minutes après. Ensuite, la scène sexy entre Jurati et Rios. Je ne suis pas entièrement négatif à propos de cette scène, je la trouve bien jouée, bien dialoguée, mais un petit peu too much. Et enfin, l’arrivée d’Elnor est totalement téléphonée, totalement invraisemblable et sauf idée géniale lors du prochain épisode, totalement inutile.
Bref des petits bémols qui ne remettent pas pour moi en cause l’excellence de cet épisode. Comme quoi, en deux semaines, on peut passer du pire au meilleur. Pourvu que cela dure...
FM
Totalisant dix minutes de plus que les précédents épisodes, Picard 01x06 The Impossible Box établit la jonction entre l’histoire A et l’histoire B des cinq premiers opus, c’est-à-dire que la quête de Picard le conduit enfin (lui et son équipage de fortune) sur le cube romulano-borg (nommé Artefact).
Le rituel flashback déroulant par morceaux la tragédie de 2285, ses prémisses et ses conséquences, semble désormais abandonné, suggérant que l’exploration des causalités est close. À la place, le teaser sera découpé en deux parties conjuguées au présent : d’une part Soji qui, à l’occasion de confidences au pieu avec Narek, sera saisi de rêves (parfois éveillés) la conduisant dans ce que qu’elle croit être son enfance ; d’autre part, Jean-Luc Picard qui durant la consultation de dossiers sur les Borgs, sera soudain happé par ses traumatismes d’assimilation dans les ténèbres de Locutus.
Dans un couloir obscur sur fond d’orage, Soji, alors enfant et serrant dans ses bras une peluche (en fait un Squoodgy), s’approche avec inquiétude d’une porte laissant filtrer de la lumière. Elle surprend alors son "père" de dos. Puis, comme saisie d’effroi, elle se réveille en sursaut… dans le même lit que Narek.
[Narek] Tout va bien ?
[Soji] Oui. Désolée. Un rêve étrange. Il revient constamment.
Ça m’avait l’air d’un cauchemar.
Tu veux m’en parler ?
Pourquoi ? Car tu tiens à moi ? Ou car tu es toujours fasciné par la façon dont mon esprit fonctionne ?
Je dois choisir ? Je veux connaître chaque... petite... chose... qui te concerne. [Narek l’embrasse]
Même si tu penses que je suis un imposteur ?
Je n’ai jamais dit ça. Mais je pense que tu es pétrie de secrets.
Et les Romuliens adorent les secrets. Tu crois que tout le monde cache quelque chose.
Tout le monde cache quelque chose. Qu’ils le sachent ou pas.
Qu’est-ce que tu caches ? À part la description de ton travail ? Ton véritable nom ?
Mon quoi ?
Les Romuliens ont un nom pour les étrangers, un autre pour la famille. Mais tu gardes ton vrai nom pour l’être à qui tu donnes ton cœur.
Tu sais beaucoup de choses sur nous. Ton rêve... était-ce une création aléatoire du cerveau, ou basé sur un vrai souvenir ?
Je ne sais pas vraiment.
Ta mère pourrait peut-être savoir ce qu’il en est. Ne lui parles-tu pas chaque soir ?
Comment le sais-tu ?
J’entends des choses.
Narek. Narek. [Tandis que Narek quitte les quartiers de Soji avec une certaine indifférence]
Ce n’est pas mon nom. [Soji reste interrogative, en posant son regard sur une photo de famille]
Outre d’être une évidente œillade à Blade Runner (et davantage encore au roman originel Do Androids Dream Of Electric Sheep ? de Philip K Dick), Soji Asha semble donc avoir hérité des aptitudes d’introspection oniriques de Data dans TNG 06x16 Birthright, Part I puis TNG 07x06 Phantasms, et l’épisode les met en scène d’une semblable manière.
La grande différence néanmoins, ce que dans TNG, le déclenchement des "rêves androïdes" résultait toujours d’une cause internaliste crédible (legs évolutionniste de Noonian Soong, détection d’une menace à bord...). Alors que dans Picard 01x06 The Impossible Box, aucune causalité interne ne justifie l’émergence de ces rêves de Soji maintenant et non à un autre moment. La cause est en fait ici exclusivement externaliste (une autre façon de désigner un prétexte grossier) pour provoquer en urgence "l’activation synthétique" de Soji et faire tomber le masque de Narek durant cet épisode, juste avant l’arrivée salvatrice de Jean-Luc Picard. Le timing de la narration ne pourrait donc être plus artificiel.
À bord de La Sirena, autour d’une table, Jurati explique à Picard les raisons de la mort de Maddox :
Le traumatisme subi par Bruce sur Freecloud a été... énorme. D’importantes blessures à la tête et au torse ont causé une hémorragie interne. Les médicaments ont suffi à le stabiliser mais son... son cœur n’a pas supporté le choc. [Jurati fait mine d’être sous le choc]
C’est dur pour vous.
Plus dur que je ne l’aurais imaginé. [On entrevoit alors de brefs flashs de l’assassinat de Maddox par Jurati]
Vous avez dit... Bruce vous a dit que l’autre est sur l’Artefact.
Oui.
Elle l’appelait Soji.
[Elnor s’impose] Quel artefact ? … Ça ne me regarde pas. Je ne devrais pas m’en mêler.
[Picard] Pas du tout, Elnor. L’Artefact est un Cube Borg abandonné.
Borg ? Comme Seven of Nine ?
Non. Pas du tout comme elle.
[Jurati] Bruce a dit qu’il avait créé Dahj et Soji pour découvrir la vérité sur l’interdiction. Pourquoi l’avoir envoyée là-bas ?
[Elnor] Comment savez-vous qu’elle est vivante ?
On n’en sait rien. C’est pourquoi on doit y aller aussi vite que possible.
[Elnor] Mais cette idée est loin de vous réjouir.
"De me réjouir" ? Non. … Non. … Pas du tout. … Ma dernière visite dans un Cube Borg n’était pas volontaire.
[Jurati] Ils vous appelaient Locutus de Borg. Ils vous ont injecté des nanosondes. Greffé des pièces synthétiques. Incorporé votre esprit dans le leur. Pardonnez-moi. S’instruire sur les Borgs est obligatoire dans mon métier. … Ça a dû être horrible. … Mais ce Cube est séparé du reste du Collectif. Ce sont des parias, abandonnés et sous contrôle romulien. Ils ont peut-être changé.
Changé ? Les Borgs ? Ils ont assimilé froidement des civilisations tout entières, des systèmes tout entiers, en quelques heures. Ils ne changent pas. Ils métastasent.
[Jurati] Je suis désolée.
Inutile de vous excuser. Je vous demande pardon. [Picard s’en va sèchement]
[Elnor à Jurati] Il ne peut pas voir que vous êtes aussi... hantée par une chose que vous aimeriez oublier. [Jurati regardé Elnor d’un air choqué, comme percée à jour] Je me mêle de ce qui ne me regarde pas ?
[Jurati en colère] Cette fois, oui.
Dans la critique de Picard 01x05 Stardust City Rag, l’hypothèse de la totale impunité d’Agnes avait été envisagée tel un non-sens absurde, un worst case scenario. Et pourtant, à la façon d’un mauvais gag, c’est exactement ce qui se réalise ici : Jurati se contente de prétendre que Bruce Maddox est mort de ses blessures, et l’équipage la croit sur parole, compatit même à sa douleur. Aucune enquête, aucune consultation des logs, nul n’interroge l’EMH (pourtant mieux placé que Jurati pour délivrer un verdict médical et médico-légal) alors qu’il a pourtant été le témoin du meurtre. À croire qu’après avoir focalisé toute l’attention sur la quête du MacGuffin Maddox durant cinq épisodes, dès lors que celui-ci a révélé le nom et la localisation de la "sœur" de Dahj (ainsi que sa mission d’espionnage), en vertu de la Mystery Box abramsienne, le cybernéticien peut crever dans l’indifférence générale ! Bruce était donc un accessoire jetable. Un parmi d’autres.
Pour qui est captivé par le seul déploiement émotionnel et la seule dynamique (c’est-à-dire la perpétuelle attente de "l’après" au prix d’une amnésie sélective envers le "pendant"), ce sera-là un détail. Mais pour qui prise la vraisemblance des causalités et de l’édifice, c’est là une incohérence et une facilité d’écriture juste rédhibitoires. Car les twists deviennent sans réelle conséquence sur la diégèse au-delà de l’impact émotionnel produit sur le coup. Le définition même de la manipulation.
Alors d’aucuns pourraient toujours convoquer les grandes compétences technologiques de la cybernéticienne pour supposer qu’elle a falsifié les logs de l’EMH (par elle-même ou en circonvenant certains membres d’équipage, comme Rios par exemple, mais qu’elle séduira en fait seulement plus tard). Certes, mais alors il appartenait à l’épisode de le montrer ou du moins de le suggérer, ne fût-ce que pour contrebalancer l’extrême maladresse (et manque de confiance en soi) dont avait témoigné précédemment Jurati pour simplement activer des séquences de téléportation préprogrammées.
Quant à invoquer le statut civil, peu sophistiqué, peu professionnel, voire clandestin de La Sirena pour accepter qu’aucune enquête ne soit menée – voire ne puisse matériellement être menée – sur la mort de Maddox, cela relèverait du sophisme multifactoriel. D’une part Jean-Luc Picard possède une carrière complète d’officier irréprochable de Starfleet derrière lui, et il n’est pas crédible qu’il s’accommode aussi facilement de la mort d’un de ses collègues, qui plus est déterminant pour la mission en cours ; d’autre part le niveau d’élaboration des technologies présidant à l’existence d’hologrammes sentients et spécialisés dans le domaine médical postule bien évidemment tout le nécessaire pour mener une enquête médicolégale (prétendre le contraire reviendrait par exemple à poser qu’une société qui conçoit des phasers ne serait pas capable de maîtriser le feu).
La "dispute" entre Picard et Jurati est doublement une aporie.
D’une part, parce que c’est une redite appauvrie de son affrontement cathartique avec Lily Sloane il y a 26 ans (336 en réalité), lorsque Jean-Luc était aveuglé par la haine et la soif de vengeance, à croire que le bénéfice curatif de ST First Contact a été totalement effacé de la chaîne de causalité.
D’autre part, parce que Picard répond totalement à côté de l’observation de la cybernéticienne. Cela confine même au dialogue de sourd autistique, puisqu’il n’est pas question ici de "changement", mais d’affranchissement ! Jean-Luc jette-t-il dans le même panier les coupables et les victimes ? Oser suggérer qu’il ne serait pas matériellement possible de libérer et réhabiliter individuellement les drones reviendrait à nier son propre parcours depuis Locutus, mais aussi son initiative fondatrice d’émanciper Hugh, et bien entendu le cas de Seven Of Nine (auprès de qui il a justement entériné le retour – quand bien même imparfait – à l’humanité). Picard est en outre le premier à savoir que l’Artefact est un Cube déconnecté du Collectif depuis de nombreuses années, tout comme il ne peut ignorer que Janeway a vaincu l’impérium borg il y a 21 ans. En confondant un Collectif qui n’existe plus et ses victimes (les drones déconnectés), il ne vaudrait pas mieux que les dystopiques UFP et Starfleet qui prennent pour prétexte l’inimitié avec les dirigeants politiques de l’Empire romulien pour abandonner leur population civile à l’extermination d’une supernova.
Peut-être que les auteurs espèrent que c’est au gâtisme de "papy Jean-Luc" que les spectateurs imputeront de pareils illogismes, mais c’est bien la piètre écriture des dialogues qui est en question ici…
Dépité et affecté, Picard se réfugie dans son château holographique… et s’adresse à une console virtuelle dont le design évoque le LCARS de TNG (mais en version translucide of course) :
Ordinateur. Chercher les mots suivants : L’Artefact, le traité, les Borgs.
S’affiche alors : "ACCÈS À L’ORDINATEUR DE LA BIBLIOTHÈQUE SYSTÈME DE RETRAIT", puis Jean-Luc balaye une multitude de clichés douloureux issus de son passé, moyennant des extraits successifs de TNG ST First Contact, de DS9 07x16 Inter Arma Enim Silent Leges, et de TNG 05x23 I Borg... qui fournira une photo de Hugh datant de 2368 faisant contraste avec celle de 2399.
Et s’est alors qu’apparaît soudain sur l’écran translucide son "alter égo" borg : Locutus ! Un choc émotionnel et psychologique pour Picard… que la mise en scène emphatise par une superposition des deux visages – celui de Locutus hier et celui de Picard aujourd’hui. Les deux visages se rejoignent, se superposent, s’interpénètrent, et finalement se confondent… à travers un morphing saisissant accompagné d’une BO aussi belle qu’angoissante. Symbolisation d’un vertige et d’une dualité, dont Jean-Luc ne serait semble-t-il jamais parvenu à totalement se guérir…
Le montage met pour une fois ici à profit ces absurdes écrans translucides qui envahissent – au mépris de toute praticité – le ST kurtzmanien (comme toutes les SF dépersonnalisées actuelles), quoiqu’au prix d’une inversion de la photographie de Locutus (de la perspective de Picard). Ainsi s’achève le teaser avec sans doute la meilleure scène de l’épisode, dont la créativité et l’expressivité rivalise avec le double cauchemar borg imbriqué au début de ST First Contact.
Malheureusement, c’est en terme de continuité psychologique que le parti pris de ce teaser (et en réalité de toute la suite de l’épisode comme nous allons le voir) laisse sérieusement à désirer. Parce que suite à l’assimilation borg de Picard dans TNG 03x26+04x01 The Best Of Both Worlds (en 2366), l’épisode TNG 04x02 Family (en 2367), DS9 01x01+01x02 The Emissary (en 2369), TNG 06x26+07x01 Descent (en 2370), et surtout le film ST First Contact sept ans après (en 2373) lui avaient offert une catharsis, une revanche, une thérapie en forme de reprise de contrôle et de dépassement. Car en replongeant dans la cauchemar d’un environnement borg autrement plus douloureux que celui d’un Cube parmi d’autres (puisque c’est son propre vaisseau Enterprise E qui fut converti en ruche tandis que tout le futur utopique trekkien avait cédé la place à une assimilation de tout l’humanité), confronté à ses propres pulsions vengeresses (révélées par Lily Sloane en invoquant Moby Dick), puis ayant dû affronter (et finalement vaincre) la reine borg (exhumant à cette occasion une partie occultée de ses souvenirs de Locutus)… Picard était ressorti du film le plus populaire de la franchise mentalement guéri.
Même si la vieillesse est réputée être un naufrage et ainsi faire ressortir certains traumas pourtant résolus, l’âge de Jean-Luc dans Picard 01x06 The Impossible Box s’apparente de plus en plus à un alibi dont le seul objectif serait de refaire moins bien ce qui avait été parfaitement fait auparavant. En d’autres termes, utiliser à loisir certains éléments du passé pour en ignorer d’autres à la carte, comme dans un reboot (mais ici hypocrite) ou un dans une autre timeline.
La Sirena est entré dans l’ancienne zone neutre du quadrant bêta… Torse nu, Rios joue seul à un sport de ballon, tandis que Jurati lui rend visite…
Désolé. Je vous ai réveillée ? [Jurati hoche la tête] Vous ne pouvez pas dormir ?
Pourquoi vous plaisez-vous ici ?
Dans l’espace ?
C’est froid et vide... et ça veut vous tuer.
Si vous buviez un peu ? [Rios tend à Jurati son flacon, et avec un sourire de dérision, elle en boit] Maddox et vous, vous étiez proches, n’est-ce pas ? Si vous voulez m’en parler ou me dire quoi que ce soit, je suis là. [Jurati regarde intensément Rio et celui-ci l’embrasse longuement, elle laisse tomber le ballon]
Je n’ai jamais couché avec un capitaine de ma vie.
[Rios rit] Eh bien... Je le recommande. [Jurati devient alors perplexe] Qu’y a-t-il ? [Jurati se met à rire]
J’ai un super pouvoir. Je peux sentir les erreurs tout en les faisant.
Ce n’est pas tellement un super pouvoir.
Non. Ça ne sert à rien.
Désolée.
Ça va. Dites-moi ce que vous ressentez.
Je me sens vide. Sans espoir. Seule. Effrayée. [Et Agnes prend cette fois l’initiative d’embrasser Chris]
Vous pensez que ça va vous aider ou pas ?
Peut-être pendant quelques heures. [Agnes entraine Rios pour baiser à l’abri de la caméra]
Cette séquence a évidemment pour fonction de sortir de nulle part une romance au sein du main cast, tout en prétendant conférer une pseudo-profondeur à Jurati.
Elle a assassiné froidement son mentor et amant, Maddox, parce qu’elle n’aurait prétendument pas eu le choix (si l’on en croit l’épisode précédent). Et maintenant, elle est percluse de remords, de doutes, et de détresse existentielle. Dès lors, elle se réfugie dans les bras (et le lit) du premier venu (ou presque). On copule donc froidement dès le first kiss, et le sexe devient ici un acte anxiolytique voire de désespoir. En somme, comme dans BSG 2003.
La tentative de maturité dark’n’gritty peut en soi être saluée. Malheureusement la trivialité des dialogues, la mise en scène très CW Network, et une intégration contextuelle trop téléphonée (arrivant comme un cheveu sur la soupe)... accouchent in fine d’une séquence soapy aussi prétexte que convenue, relevant quasiment d’un segment marketing.
Et puis, pour une série qui se proclame à l’avant-garde du mouvement #MeToo, est-il bien malin de recycler l’idée reçue de la femme qui s’envoie en l’air car émotionnellement en détresse ?
Bref, une scène inutile, et même préjudiciable à l’épisode.
By the way, d’après l’aspect du ballon et son jeu exclusivement au pied et à la tête, Rios semblait s’entrainer seul au football (soccer), ce qui représente un lamentable cliché sociologique – limite préjugé et amalgame ethnique – en relation évidente avec la nationalité vénézuélienne et chilienne de l’acteur Santiago Cabrera. Ce qui vient s’ajouter au précédent cliché (linguistique quant à lui) de l’hologramme Emmet dans Picard 01x04 Absolute Candor. Le centralisme contemporain est perpétuel, et toujours pour le pire.
Sur le Cube romulano-borg (alias Artefact), Narek entre dans ses quartiers… où l’attend Narissa Rizzo, sa sadique et incestueuse de sœur… qui tripote un Tan Zhekran – puzzle ludique romulien prenant la forme d’un mystérieux cube métamorphe, non sans rappeler celui de la saga Hellraiser.
C’est à moi. Rends-le-moi.
Tu vas le casser.
Je n’ai jamais compris ta fascination pour ce jouet.
Ce n’est pas un jouet. C’est un outil. Ça m’aide à penser.
La seule chose à laquelle ça m’a jamais fait penser c’est de la fracasser avec un marteau pour prendre le prix à l’intérieur.
Oh, sœurette. Je progresse.
Vraiment ? C’est admirablement dissimulé.
Elle rêve. Un rêve récurrent.
"Elle rêve." C’est comme ça que tu progresses ? Pourquoi il l’a programmée pour rêver ? Quelle fonction cela sert-il ?
Et elle rêve de quoi ? À vous deux vieillissant ensemble, avec vos terrifiants petits bébés Androïdes ? Tu rêves d’elle, toi aussi ? [Et Narissa enlace alors avec concupiscence le visage de son frère, mais celui-ci la rejette violemment et s’éloigne d’elle démonstrativement] Tu es bien amoureux d’elle. De ça. [Dit Narissa avec mépris] Un programme. Une machine. Ça suffit, Narek. Je prends le contrôle de cette opération à partir de maintenant. [Et Narissa fait mine de partir]
[Narek avec virulence] Chaque élément de conception synthétique a un but. Pourquoi lui donner des rêves ? Et des cauchemars ?
C’est un dysfonctionnement. Un bug.
C’est exactement le contraire.
J’écoute.
Ses voies neurales sont auto-heuristiques, formant constamment des connexions plus efficaces. Chaque jour, cette capacité doit se heurter à des preuves évidentes qu’elle n’est pas, comme elle le croit, un être humain. Cette dissonance cognitive doit mener quelque part.
Tu veux dire que le robot femelle a un inconscient ?
Oui.
Et quand elle rêve, elle réconcilie ces deux visions d’elle-même, l’humain et le Synthétique. Des parcelles de vérité essaient de se frayer un chemin vers la surface. Ce n’est pas un dysfonctionnement. C’est une vulnérabilité. Si j’arrive à l’inciter à me parler de ses rêves, je pourrai accéder à ses engrammes sous-jacents sans activer ses programmes d’auto-défense. Les informations sont toutes en elle. Elle en sait bien plus qu’elle le croit.
Y compris l’emplacement de leur monde d’origine. Alors, continue à partager son lit... tripote-la inlassablement jusqu’à ce qu’elle s’ouvre comme cette fichue boîte. [Dit Narissa avec une forme de pitié]
La clé pour ouvrir le Tan Zhekran est de prendre le temps de comprendre ce qui le garde fermé. Écouter. Comprendre. [Narek prend alors une voix suave assortie de geste sensuels] Bouger chaque élément si légèrement, et puis... une fois qu’on est sûr... [Narek tend le cube du Tan Zhekran à sa sœur d’un air triomphant]
Je suis censée être impressionnée ?
Patience, sœurette. Une qualité que tu n’as jamais eue. [Et alors, le cube s’ouvre et se déploie comme un origami pour laisser sortir une statuette féminine, devant Narissa, agacée mais silencieuse]
Nous retrouvons hélas intact le porn soap de la relation incestueuse entre les deux adelphes "Nar", c’est-à-dire Narek et Narissa, avec toute la panoplie (check list complète) des échanges et des gestes sexuels involontairement parodiques et clichés, entre les techniques de manipulation d’autrui et le SM comminatoire. C’est en gros exactement la même scène avec les mêmes dialogues que nous inflige chaque épisode de la série, tel un épouvantable refrain dissonant. Après cinq épisodes, la dénonciation de l’impatience de Narissa par la métaphore du casse-tête qui n’en est que davantage Mrs Obvious...
La série ne manque jamais une occasion de souligner pesamment (avec roulements de tambour) que Narissa est LA Méchante du show. À chaque fois elle vient demander avec un maximum de lourdeur des comptes à son frère sur la progression du "dossier Soji", à chaque fois elle l’accuse de développer des sentiments amoureux pour sa cible synthétique, à chaque fois elle lui rappelle ses devoirs de loyauté (idéologique et même implicitement sexuelle) envers elle, et à chaque fois elle le menace du pire. On connaissait en fait cette chanson par cœur... avant même le début de ST Picard !
Malgré tout, avec le surgissement des rêves de Soji comme porte sur le "subconscient synthétique" (il fallait bien un tel biais pour briser cette infinite loop sans condition de sortie), le dénouement de cet ressort laborieux semble désormais proche. Ouf !
Pour autant, toute cette entreprise "d’extraction de données" de "l’inconscient" de l’androïde Soji repose sur un postulat particulièrement douteux. Car si Dahj et Soji Asha étaient le jardin secret cybernétique de Bruce Maddox (impliquant un développement hors des radars de la Fédération), le reste de ses activités (à savoir la conception des Synthétiques officiellement non sentients employés comme main d’œuvre y compris ceux qui ont attaqué Mars en 2385) n’avaient quant à eux rien de secret pour l’UFP. Dès lors, toutes les informations les concernant (et notemment leur site de fabrication) auraient déjà dû être en la possession du Tal Shiar (et a fortiori du Zhat Vash) étant donné leur degré d’infiltration. Cette quête d’un "monde d’origine" dont Soji détiendrait seule le secret (comme si elle et ses semblables étaient des extraterrestres venus d’ailleurs) est un non-sens au regard du contexte planté par la série, et cela témoigne d’une volonté artificielle d’inventer des complots et des secrets à rechercher… là où une diégèse naturelle n’en appelait en fait aucun.
Le parti pris de la série ST Picard à associer la malveillance à l’hypersexualisation (dans le cas de Narissa)... et finalement la pire criminalité (duplicité, double jeu, manipulation des sentiments, viol mental, meurtre, racisme, trahison, dol, complot) à un inceste consenti (celui des Romulan siblings) témoigne d’un esprit plutôt réactionnaire derrière un habillage SJW. Car la vocation de la véritable SF, de l’authentique ST et de ses corollaires d’ouverture d’esprit (à l’exemple d’épisodes comme ENT 02x14 Stigma ou ENT 02x22 Cogenitor), implique d’imaginer et d’accepter des sociétés dont les normes sociales sont très différentes de celles des WASP. L’inceste est un "tabou universel" à l’échelle de la Terre contemporaine, il ne l’a pas toujours été dans son Histoire, et il ne l’est probablement pas à l’échelle de l’univers. À l’instar de l’inceste institutionnalisé au sein de certaines dynasties pharaoniques du monde réel, ou de la maison Targaryen d’A Song Of Ice And Fire… pourquoi l’inceste serait-il proscrit chez les Romuliens, d’autant plus que toutes les espèces ne sont pas génétiquement égales devant la consanguinité ?
La Sirena continue à croiser à distorsion. Pourquoi alors un "pang" se fait-il entendre (cet effet est réservé au passage ou à la sortie de warp) ?
[Rios avec un fond de sarcasme cynique] Dans quelques heures, nous quitterons la Zone neutre, pour entrer dans l’espace romulien, ce qui nous met en violation du traité galactique. Mais ça ne me perturbe pas car je sais que vous avez un plan pour accéder à un centre de recherche romulien réglementé sur un Cube Borg, infesté d’agents du Tal Shiar, sans autorisation. Et aussi, sans mourir.
[Picard] J’y ai réfléchi, et je crois que...
[Jurati] J’ai pensé qu’on pourrait se présenter comme des scientifiques, vu mes qualifications...
Ça ne marchera pas. Si les Romuliens ne me reconnaissent pas dès que je mettrai un pied hors de ce vaisseau, les Borgs s’en chargeront. Le Collectif n’oublie jamais l’un des leurs. La seule façon sûre d’accéder au Cube, c’est à la manière du Qowat Milat, en étant parfaitement ouvert.
[Elnor] C’est bien la manière du Qowat Milat. [Puis s’adressant à Jurati] La tension évidente entre vous me rend mal à l’aise.
[Picard] Il y a une organisation sur l’Artefact nommée le Projet de récupération des Borgs. Il maintient leur indépendance par traité. Si je peux obtenir les références diplomatiques de la Fédération comme un envoyé pour le projet, alors les Romuliens seront forcés de me laisser rencontrer le directeur, pour éviter de risquer un incident avec la Fédération.
[Jurati] Et si le directeur ne veut pas vous rencontrer ?
[Picard] Je le connais, et je pense qu’il le voudra.
[Rios] Rappelez-moi pourquoi la Fédération ferait ça pour vous.
Ils ne le font pas pour moi… [Picard songe alors à Raffi, qui apparait dans la scène suivante sur la passerelle, chancelante et avec une bouteille de whisky à la main]
[Musiker] OK, OK, d’accord, reculez. Poussez-vous. Laissez-moi respirer. Si vous voulez que j’embobine la Fédération...
[Rios] C’est une mauvaise idée.
[Musiker] ...reculez et fermez tous votre clapet. [Raffi inspire alors profondément une bouffée dans sa vapoteuse] Quelle bande de... [Raffi se ressaisit et d’un ai décidé] D’accord. [Puis elle s’adresse à l’ordinateur de bord] Ordinateur, demande de relais sous-spatial à travers Comnet 4 en utilisant mon cryp... cryptonyme, du nom suivant.
[L’ancienne collègue de Musiker, la capitaine Emily "Emmy" Bosch, apparaît sur l’écran principal de la passerelle, superposée en transparence sur la navigation à distorsion] Raffaela Musiker.
[Musiker] Emmy.
[Emmy, plutôt contrariée] Je savais que j’aurais dû filtrer cet appel.
Allons. Tu ne peux pas te débarrasser de moi. Je sais où tous tes cadavres sont enterrés.
C’est de l’histoire ancienne.
De quoi as-tu besoin ?
Aïe. Alors, je ne t’appelle que quand j’ai besoin de quelque chose ?
Ou quand tu es inspirée, que tu te sens sentimentale.
Écoute, chérie, il me faut des références diplomatiques. Pas pour moi, pour Jean-Luc Picard.
Picard ? Tu travailles de nouveau avec lui ? Où va-t-il ?
À l’Artefact.
Ha, ha. Sérieusement, où va-t-il ?
Non, ils ont ce Projet de récupération des Borgs. Je suppose que JL doit rencontrer le directeur. C’est sa petite mission personnelle.
J’aimerais pouvoir t’aider, Raffi, mais c’est précisément une chose que je ne peux pas faire ça. L’accès est réservé à la recherche scientifique. L’angle romulien en fait une proposition très risquée. Les Romuliens sont de mauvaise humeur depuis 250 ans.
[Raffi minaude en entendant le refus catégorique d’Emmy] L’amiral apprécierait infiniment.
Comme je te l’ai dit, j’aimerais pouvoir t’aider.
[Raffi, avec air faussement résigné et subtilement narquois] Non, non, je comprends. Ça risque juste d’être un peu étrange quand on arrivera là-bas dans trois heures.
[Emmy, choquée et indignée] Quoi ?!
J’envoie ma localisation.
Attends, Raffi. Qui vous a autorisés à être là-bas ?
Tu connais Picard. Tout ce qui chez lui n’est pas de l’égo est du super-égo déchaîné. [Très amenuisé dans la traduction française officielle par « Ce gars est un mélange d’ego démesuré et d’idéologie à tout rompre »]
OK, écoute-moi attentivement. Faites immédiatement demi-tour. Ne poursuivez plus votre route.
C’est trop tard.
Si vous y allez sans permission, c’est techniquement un acte de guerre.
[Raffi fait alors semblant d’abonder dans son sens, pour mieux la circonvenir] Je sais. Je sais. Et même si vous niez l’implication, les Romuliens ne vous croiront jamais. Picard représente tellement la Fédération, son visage est probablement encore sur toutes les brochures, c’est pourquoi je te préviens à l’avance. Si nous faisons ça correctement : mission diplomatique, lettre d’accréditation officielle. Je ne veux pas me retrouver en face d’un canon disrupteur. J’ai toujours l’intention de mourir noyée dans la boisson. [Long silence d’Emmy qui n’est absolument pas dupe de la manœuvre pour lui forcer la main]
Vingt-quatre heures. Aller-retour. [Picard témoigne par son visage d’une grande satisfaction] Et, Raffi, je te donne le conseil d’une vieille amie. Ne m’appelle plus jamais.
Applaudissement de Picard pour la performance de Musiker qui assure grave au théâtre de l’improvisation. Raffi quitte alors la scène complètement torchée, en titubant, à la fois de dégoût et de boisson, portant le goulot de la bouteille de whisky à sa bouche et soutenue tant bien que mal par Rios.
Ironiquement, Elnor et même Jurati éprouvent un malaise. Mais Picard aucun : il s’abandonne à la satisfaction, pour ne pas dire à la jubilation. Et alors se fait entendre la plus célèbre mélopée trekkienne, par lequel s’achevaient tous les longs métrages de TNG…
Le trekker doit-il se sentir satisfait, et même tant qu’à faire "touché" par cette démonstration du savoir-faire des héros de ST Picard ?!
Pourtant, rarement une scène n’aura laissé une telle impression d’obscénité, et un motif trekkien autant profané… quoique s’inscrivant en réalité dans la continuité du générique de VOY qui se fait entendre dans Picard 01x05 Stardust City juste avant que Seven n’aille perpétrer son massacre en mode Kill Bill, une pétoire dans chaque main.
Accentuant de plus belle la manipulation décomplexée de Raffi Musiker dans Picard 01x03 The End Is The Beginning, Jean-Luc inflige à son ancienne subordonnée une authentique descente aux enfers de l’indignité. Se gardant bien de faire lui-même appel à d’anciens collègues qui lui voueraient encore de l’amitié ou lui serait redevable de quelque vie sauvée, il délègue méprisamment ses basses-œuvres à Raffi-les-bons-tuyaux qui grille pour l’occasion une vieille relation amicale avec la capitaine Emily Bosch… Musiker exploite alors tout le spectre émotionnel de faux-semblants, de bluffs, et de coercitions malsaines pour arracher à Emmy contre son gré une autorisation diplomatique d’accès à l’Artefact…
Aucun doute, la séance d’impro devant l’équipage silencieux et médusé est de haute volée, mais ce sont là les qualités des con artists ferengis, en aucun façon de vétérans de Starfleet.
Faut-il vraiment croire que l’Amiral Picard n’avait pas davantage de ressources relationnelles au sein de Starfleet que la Lieutenante-commander Musiker ? Car si tel est le cas, la série y perd toute vraisemblance au regard de la carrière exceptionnelle de son héros-en-titre. Mais dans le cas contraire, c’est le personnage de Jean-Luc qui y perd toute décence, par son absence de scrupules à siphonner (et sacrifier) le réseautage des autres lorsqu’il pourrait le faire lui-même.
Et faut-il que Raffi Musiker devienne à ce point synonyme de magouilles et de dark web dans l’écosystème de Starfleet, pour dévoiler en son sein une vulnérabilité à la corruption digne de l’armée mexicaine de Santa Anna ?
Que l’ovation et le thème trekkien – tous deux incongrus – portent sur l’obtention illégale d’un passe-droit diplomatique, sur la capacité d’acting de Raffi, sur ses méthodes de chantage et de coercition psychologique, sur la brouille avec une vieille amie pour la seule "cause" personnelle de Picard, sur la détresse alcoolique d’une femme au bout du rouleau, ou sur le pauvre cliché de la bouteille... cette scène n’est est pas moins très au-delà de l’ironie, elle sombre dans l’indécence décomplexée, telle une "épitaphe urinaire" à Star Trek.
Oui, Jean-Luc, sacrifier autant (son honneur et une amie) pour toi, et réussir un tel exploit (forcer la main de Starfleet) avec plus de 2 g d’éthanol par litre de sang, cela méritait bien un applaudissement. C’était même le minimum.
Sauf que l’immense décalage entre l’intéressement autocentré de Picard, son insensibilité envers le mal-être de Raffi, et le malaise général sur la passerelle accentue une nouvelle fois la profanation de ce Jean-Luc Picard 2.0... entre l’égoïsme pathologique et l’égocentrisme monstrueux, possiblement augmenté désormais d’une déconnexion sénile.
Avec la réplique « Every part of that guy that’s not ego is rampaging id » paroxystiquement outrancière à l’endroit de Jean-Luc, et faisant mine d’entériner une réalité qui serait universellement admise au sein de Starfleet, l’épisode enfonce un nouveau pieu dans le cercueil du capitaine de TNG… qui n’avait décidément pas grand-chose de commun avec le personnage vedette de Picard. Pire, en ne cherchant pas à contester (même en différé) cette "définition" dégradante de sa personne, Jean-Luc l’avalise et la confirme lui-même ! Se considèrerait-il tant qu’à faire comme un "old fart" embourgeoisé de l’élite de Starfleet, tel les généraux français pratiquant l’entre-soi durant la WW1 dans Paths Of Glory (1957) ?
Eh bien non ! Même si c’est ainsi que désormais Patrick Stewart voit son personnage, non, en aucune façon, le véritable Jean-Luc Picard n’avait un orgueil surdimensionné, où se disputerait l’égo et le ça. Il était au contraire l’humble serviteur des idéaux de Starfleet, jusqu’à se dépouiller des vanités individuelles humaines au profit d’une conscience collective davantage vulcaine, qui lui valut d’être reconnu comme un semblable par Spock dans TNG 05x08 Unification II.
À l’inverse, le personnage de ST Picard a été reformaté par les prétentions ostentatoires du début du 21ème siècle, les showrunners confondant le personnage et l’acteur, corollaire d’une série totalement confisquée par la notoriété et l’agenda personnel de son acteur vedette.
L’échange avec Emily "Emmy" Bosch confirme bien ce qui fut suggéré dans Picard 01x02 Maps And Legends, à savoir que l’exploitation de l’Artefact et le Projet de récupération des Borgs sont – chose inhabituelle au regard de la "culture du secret" romulienne – des programmes largement publics, ouverts à des ressortissants de l’UFP et accrédités diplomatiquement.
Lorsque Emmy annonce tout naturellement que les Romuliens sont "de mauvaise humeur depuis 250 ans", c’est-à-dire depuis la Guerre romulienne, ou plus exactement depuis la première rencontre (masquée) en 2152 dans ENT 02x03 Minefield. Si les datations sont bien respectées, la chronologie l’est hélas bien moins. En effet, n’est-ce pas là un bras d’honneur adressé au génocide de milliards de leur ressortissants, mais aussi un déni grossier envers tout ce que la Fédération doit aux Romuliens, à savoir l’alliance dans DS9 ayant permis de vaincre le Dominion et l’assistance dans ST Nemesis ayant permis de sauver la Terre ?
Voilà une remarque qui renforce l’impression que Picard n’appartient décidément pas à la même timeline que TNG…
Rios ramènent non sans mal Musiker à ses quartiers, et l’aide à se coucher…
[Musiker] Tu me connais depuis combien de temps, Chris ?
[Rios lui prend la main] Longtemps.
J’ai un fils. Tu le savais ? Connaître quelqu’un depuis si longtemps sans connaître son gosse. Ça dit quoi ? Il a l’âge adulte. Il est marié. Il va avoir un enfant. Une petite fille. Je ne la connaîtrai jamais.
[Rios la borde, reste méditatif, puis dit à voix basse] Personne ne réussit sur tous les tableaux, Raff. [Puis il quitte la chambre en emportant la bouteille de whisky]
Concluant l’exhibition alcoolique sordide de Musiker devant l’équipage (entre Charles Bukowski et Jack Sparrow), cette brève capsule s’efforce d’assumer les révélations familiales dans Picard 01x05 Stardust City Rag, à la fois pour expliquer le perpétuel éthylisme dans lequel se réfugie l’héroïne, pour ménager la transition depuis son mutisme (à la fin du cinquième épisode) vers sa réintégration contrariée à l’équipage de La Sirena, et pour consolider l’antériorité de la relation entre Chris et Raffi (qui ont un vrai passé en partage). Toujours rien de transcendant en terme d’écriture, mais la relative qualité d’interprétation de Michelle Hurd et le caractère elliptique de cet échange rédiment un peu la précédente scène parodique sur la passerelle, tout en étant un peu moins triviale que celle avec son fils à la surface de Freecloud. En outre, c’est l’une des rares scènes depuis le début de série qui réussit à exister par elle-même, sans se contenter d’être au service (ou d’être une extension) de la "geste picardienne" (qu’elle soit baissière ou haussière) autour de laquelle gravite toute sa série éponyme.
À l’intérieur de l’Artefact, Soji et Narek discutent en marchant dans les gigantesques couloirs…
[Soji] J’ai refait ce rêve, la nuit dernière. Je voulais interroger ma mère à ce propos, mais...
[Narek] Oui ?
Je me suis endormie en lui parlant.
Ça arrive souvent ? Que tu t’endormes en lui parlant ?
Non. Peut-être, je ne sais pas. Qu’y a-t-il ?
Rien.
Narek, qu’y a-t-il ?
Dans tous les centres romuliens, toutes les transmissions sont systématiquement contrôlées. Le but est évidemment de maintenir la technologie Borg en sécurité, mais toutes les anomalies sont automatiquement signalées.
Anomalies ? Que veux-tu dire ?
On me dit que chaque appel à ta mère dure 70 secondes. Chaque appel. Chaque jour. Soixante-dix secondes exactement.
C’est impossible. [Choc de Soji]
Je peux te montrer les fichiers.
Sur l’Artefact, dans ses quartier, Soji tente de contacter sa mère :
[Soji] Bonjour, maman ?
[Pseudo-mère de Soji, par visiophonie translucide] Chérie, tout va bien ? Quelle heure est-il, là-bas ? Tu ne devrais pas être au travail ?
Je ne t’ai jamais parlé de ce rêve que j’ai fait la nuit dernière. Papa est là ?
Il est dans son labo, mais il a dit qu’il ne voulait pas être dérangé. [Soji commence à s’endormir, comme à chaque conversation avec sa pseudo-mère, aussitôt qu’elle pose des questions trop précises. Mais finalement, cette fois, Soji trouve la volonté de se ressaisir]
Maman. Maman, je crois qu’il y a quelque chose d’anormal chez moi.
Absolument. Tu travailles trop dur. Si tu ne vas pas travailler tout de suite, pourquoi ne pas t’allonger ?
Maman... [Et de nouveau, Soji est saisie par la torpeur. Elle se blesse alors la main avec un accessoire de bureau pour se maintenir éveillée. C’est alors que la voix et le visage de sa mère semble sortir de l’écran.]
Pourquoi ne pas t’allonger ? Absolument. [La perception de sa mère est alors totalement distordue, éclatée, à la façon d’un simulacre qui se brise]
Maman ?
Si tu ne vas pas travailler tout de suite, pourquoi ne pas t’allonger ? [Et Soji s’écroule devant le visiophone et le visage de sa pseudo-mère, plus virtuelle que jamais, avec des enchainements d’expression discontinus]
Dans ses quartiers sur l’Artefact, Soji sort progressivement du sommeil cyber-hypnagogique induit par sa pseudo-mère. Saisie d’un grand doute existentiel, elle sort alors des tiroirs et des armoires ses effets les plus personnels, notamment ses photos d’enfance et de famille, ses cahiers et journaux intimes, son collier gémellaire... et les soumets fébrilement à un scanner romulien de datation. Mais la seule réponse qu’elle reçoit, obstinément, désespérément, pour tout ce qui appartient, et même pour elle-même, c’est : « Âge probable, 37 mois » !
Sensation d’effroi, classique dans le cyberpunk, mais toujours déstabilisante lorsque se déchire le voile de l’illusion, du simulacre, de la Māyā.
En soi, cette scène compte au nombre des quelques réussites de l’épisode, l’actrice (Isa Briones) se révélant convaincante.
Là où le bât blesse en revanche, c’est dans la relation de causes à effets entre la découverte de la durée constamment identique des communications avec sa mère assorties de narcolepsie systématiques... et l’idée de dater ses effets et sa personne. Ce raccourci narratif est une faiblesse d’écriture.
Cette scène enfiévrée ne manque néanmoins pas de placer une nouvelle référence internaliste. En effet, l’une des cassettes (contenant de pseudo-photos de familles fabriquées) a pour jaquette une affiche de The Adventures Of Flotter, un holoprogramme pédagogique pour enfant qu’affectionnait beaucoup Naomi Wildman sur l’USS Voyager et qui fut mis à l’honneur dans VOY 05x05 Once Upon A Time. Un tel clin d’œil serait charmant dans une série véritablement respectueuse de l’héritage. Mais ici, cela respire l’hypocrisie au regard des profanations à la chaine dans laquelle s’est spécialisée ST Picard.
Désespérée, Soji a alors fait venir Narek :
[Soji, bouleversée] Tout ce que je possède, Narek. Rien n’est plus vieux que trois ans. Rien. Photos, journaux de bord.
[Narek] Comment l’expliques-tu ?
Je n’ai pas d’explication. En quelque sorte, tout dans ma vie a juste été fabriqué. Mes appels chez moi. Ma mère, Narek. Comment ma... Comment ma mère peut ne pas être...
As-tu envisagé la possibilité que quelqu’un ait implanté de faux souvenirs en toi ? Ça s’est déjà produit. Je sais que ça semble fou, mais si quelqu’un espérait t’utiliser pour trouver quelque chose, ici, sur le Cube ? En modifiant tes souvenirs pour cacher leur objectif, à toi y compris.
Pour trouver quelque chose ? Narek, j’ai peur.
Je sais. Je sais. Je sais, je sais. Et on découvrira ce qu’il en est. Ensemble. J’ai peut-être un moyen pour t’aider à comprendre ce qui se passe. C’est une pratique traditionnelle romulienne. Une forme de... méditation.
Le Zhal Makh. J’ai lu quelque chose là-dessus. Ce n’est pas tabou pour les non-Romuliens ?
Si. C’est une raison supplémentaire pour essayer. Viens. [Narek tend la main à Soji et l’entraine avec lui]
Même si Soji a besoin d’être rassurée à ce moment de son parcours, suggérer d’emblée l’implantation de faux souvenirs n’est guère tactique de la part d’un cador de l’espionnage romulien. Bien sûr, la confronter à son passé à travers l’analyse des rêves peut éventuellement livrer un indice sur la localisation des Synthétiques. Mais lui suggérer d’emblée que tous ses souvenirs sont faux est une supposition tellement osée et outrancière qu’elle aurait eu de quoi troubler Soji, voire même rendre Narek fort suspect à ses yeux...
Mais à l’instar de l’enchaînement direct narcolepsie -> datation dans la scène précédente, l’épisode franchit les étapes à grandes enjambées comme dans les "passages scriptés" des RPG (jeux de rôles), sans aucune considération pour les conséquences naturelles, ni pour les études de caractère. Encore un exemple de mauvaise écriture...
Narek conduit Soji dans une zone réglementée de l’Artefact…
[Narek] Cette pièce est libre ?
[Un garde romulien, répondant en langue romulienne] Pas pour elle.
Elle est avec moi.
Le Zhal Makh n’est pas pour les oreilles-rondes.
[Narek au garde en langue romulienne] Et le grade d’officier n’est pas pour les idiots, tu risques de le perdre. [Le garde les laisse passer]
Narek et Soji entrent dans une espèce de dojo, comportant un labyrinthe dessiné sur le sol et jonché de fanaux.
Désolé pour tout ça. Commençons par le début. Enlève tes bottes.
C’est beau.
Tu as demandé l’autre jour si je tenais à toi. Ce n’est pas que je ne voulais pas répondre. Mais là-bas, c’était trop dangereux de te le montrer. Ici, je suis en sécurité. Pour te montrer mon véritable moi. Pour être...
Vulnérable ?
Hrai Yan.
Quoi ? Je...
Mon vrai nom... c’est Hrai Yan. [Échange de regards intense]
[Soji regarde alors le sol] Je pars d’ici ?
Oui. Le Yut Makh.
Ça veut dire "fermeture", pas "ouverture".
Car un voyage sur la voie du Zhal Makh est un voyage qui commence toujours en fermant les yeux. Un voyage au centre de l’espace le plus intime de l’esprit où sont cachées les plus profondes vérités. Tes rêves.
Et tout en marchant sur le labyrinthe, Soji se retrouve alors replongée dans le rêve du teaser de l’épisode (ce couloir qu’elle ne cessait de parcourir enfant avec une peluche, nuitamment et pendant un orage), mais guidée par la voie de Narek (comme durant une hypnose). Mais il s’avère qu’en parallèle, Narissa Rizzo (la sœur de Narek) surveille électroniquement depuis une autre pièce l’intégralité de l’expérience...
[Soji adulte décrit à Narek son rêve] Je suis de retour à l’éternel point de départ. La pluie frappe les fenêtres.
[Soji enfant dans son rêve] Papa ?
[Narek] Pourquoi appelles-tu ton père ?
Parce que j’avais peur.
De quoi ?
De l’orage.
Tu avais peur de l’orage quand tu étais enfant ?
Je ne sais pas. [Soji lève les yeux vers Narek et sort alors du rêve]
Les yeux sur le chemin. Comment te sens-tu quand ton père ne répond pas ?
Seule. Abandonnée.
Bien. Tu te transformes en Lu Shiar : levant les yeux. Il y a une fenêtre, n’est-ce pas ? Qu’y a-t-il dehors ?
Je ne sais pas. Je n’ai jamais regardé de cette façon.
Essaie. [Flash violents dans l’esprit de Soji]
Je ne peux pas.
Ce n’est pas grave. Essaie de t’ancrer dans les détails. Dis-moi ce que tu ressens.
La fourrure de Squoodgy entre mes doigts. Mes cheveux sont froids. Je transpire. [Soji sort de nouveau du rêve]
Bien. La clé du Zhal Makh est de réaliser que tu as le contrôle. Ton esprit. Tes rêves. Tu dois te sentir libre d’explorer comme tu le désires. Tu sens que tu es aux commandes ? [Et par une simple chiquenaude, Narek replonge Soji dans son rêve]
Je ne vois pas grand-chose. L’obscurité. Peut-être des arbres.
Des arbres ?
Mais... Mais je n’en suis pas sûre.
Non tu te débrouilles très bien.
Tu passes à un autre stade. Glam wath : le déroulement.
Je suis à la porte de l’atelier de mon père. [Le rêve est sujet à quelques discontinuités] Je peux... je peux le voir à l’intérieur, mais pas sur quoi il travaille.
Pourquoi pas ?
Les orchidées. Je ne vois jamais plus loin que les orchidées. Il s’éloigne, maintenant. Et je voudrais entrer, mais quand j’essaie...
[Le "père" de Soji] Soji ! [La Soji enfant se retourne, non pas brutalement, mais de façon discontinue, comme s’il manquait quelques images, puis la Soji adulte sort du rêve]
[Soji] Désolée, je...
[Narek] Ça va. Pourquoi te réveilles-tu ?
Car j’ai peur.
De quoi ?
[Soji, sous le coup d’une vive émotion] Je ne sais pas. D’avoir des ennuis. Je ne suis pas censée être là.
Soji, tu es si près du but. Au-delà de cette porte, il y a ce que tu cherches. Vri Glam : le Centre. Ton inconscient essaie de te dire la vérité mais tu dois l’arpenter. Tu dois croire que tu en es capable. Peux-tu faire ça... pour moi ? [Toutes ces scènes se déroulent toujours sous l’œil inquisiteur quoique invisible de Narissa]
Je peux essayer.
Tu entres dans Rok Han.
Je pousse la porte, maintenant, et j’entre à l’intérieur. Je peux voir les orchidées. Elles sont belles. Éclairées par une lucarne. Mon père les aime comme si elles étaient ses enfants.
Ton père va te crier dessus mais cette fois, ne le laisse pas t’arrêter. Quoi qu’il advienne, continue d’avancer.
[Le "père" de Soji] Soji ! [Une nouvelle fois, Soji enfant se retourne mais en réussissant cette fois à ne pas se réveiller]
Je vois mon père.
À quoi ressemble-t-il ?
Oh, mon Dieu, son visage. Je ne peux pas le voir. Je ne peux jamais le voir. Il vient vers moi.
Regarde derrière les orchidées. Maintenant.
D’accord. Je regarde derrière les orchidées.
Que vois-tu ?
[Et alors, Soji, voit une poupée de bois, désarticulée sur une table] C’est moi. C’est moi, mais en morceaux. Je suis... je suis une poupée.
Lève les yeux vers la lumière du ciel. Que vois-tu ?
Deux lunes, sombres comme du sang. Et des éclairs. Tant d’éclairs.
[Narissa, se fait alors entendre ouvertement] Bravo, petit frère.
[Soji, choquée en entendant Narissa] Narek, qu’est-ce que ça veut dire ?
[Narissa] Je dois identifier une planète avec deux lunes rouges et des éclairs constants.
[Soji] Qu’est-ce que ça veut dire ?
[Narek] Ça veut dire que... Tu as trouvé ton foyer. Regarde. [Narek lui tend une image des deux lunes de son rêve]
Je ne comprends pas. Pourquoi j’étais sur l’établi ?
Ne t’inquiète pas. Tu n’as plus à t’inquiéter désormais.
Non. Mais pourquoi travaillait-il sur moi ? [Narek embrasse alors Soji sur la bouche]
[Narek avec les larmes aux yeux] Car tu n’es pas réelle. Tu ne l’as jamais été.
[Soji en état de choc] Narek ?
Au revoir, Soji. [Et sans un mot de plus, Narek quitte le dojo, y enfermant Soji, non sans y laisser un cube de Tan Zhekran]
Narek. Narek. Narek ? Narek.
Soji frappe désespérément derrière la vitre, Narek ne se retourne pas, mais il est visiblement très ému d’abandonner et trahir ainsi Soji. Le cube Tan Zhekran s’ouvre alors automatiquement, et diffuse un gaz lumineux rouge, mortel pour Soji. Elle rampe au sol pour tenter de lui échapper. Elle trouve alors la force (robotique) d’arracher de ses points de plancher de bois du dojo du Zhal Makh, et elle s’enfuit par le sol… devant Narek, médusé et impuissant. Le garde romulien prévient Narek de son évasion et s’apprête à tirer, mais ce dernier stoppe son geste en raison de la radiation émise par le Tan Zhekran piégé.
Décidément, la série Picard semble abonnée aux meurtres sordides commis avec regret les larmes aux yeux. Après la douce Jurati qui ne voulait pas assassiner son mentor et amant Maddox mais qui l’assassine quand même, voici le romantique Narek qui en fait de même avec Soji. Le faux suspens du tiraillement soapy entre la sœur perverse Narissa et la maitresse innocente Soji depuis cinq épisodes trouve sa résolution ici. L’androïde s’en sort miraculeusement, mais au moins les masques sont tombés. Si la série est loin d’avoir perdu son volet Alias, elle se sera au moins débarrassée de son volet Dynasty...
La vision de l’androïde sensient qui se découvre poupée désarticulée sur l’établi de son constructeur convoque évidemment de nombreux classiques de l’imaginaire, de Pinocchio de Carlo Collodi (auquel Data était parfois ironiquement comparé dans TNG), à des épisodes comme TOS 02x23 Return To Tomorrow et TNG 04x03 Brothers (écrit par Rick Berman).
Et cet homme dont le visage est flouté et que Soji prend pour son père dans le rêve récurrent, est-il son constructeur Bruce Maddox (mais alors pourquoi masquer son visage alors que les modestes trois ans d’antériorité de cette scène auraient permis d’employer le même John Ales sans avoir un recaster un acteur plus jeune ?). Ou bien est-ce quelqu’un d’autre pour le bénéfice du twist ? Voire une forgerie onirique sans relation avec une quelconque réalité ?
Il n’en demeure pas moins que toute la séance de méditation romulienne (Zhal Makh) est un what the fuck (WTF) digne de Discovery ! Le Star Trek historique avait développé diverses formes de méditations selon les espèces, mais toujours elles obéissaient aux lois naturelles, c’est-à-dire qu’il s’agissait d’initiations de longue haleine et dont les bénéfices restaient aussi incertains que subjectifs. Or ici, le Zhal Makh est proprement magique et totalement objectif, à se demander pourquoi Spock est venu enseigner les techniques vulcaines (comme la logique, la méditation, et la fusion mentale) aux Romuliens alors que ces derniers possédaient déjà bien mieux dans leur besace ! Ainsi, il suffit de marcher dans un labyrinthe moins élaboré que celui de la cathédrale de Chartres pour que le sujet puisse prendre le contrôle conscient de ses rêves, les lancer et les arrêter à loisir, avancer et reculer dedans à la manière d’enregistrement vidéo, et même y farmer comme dans un jeu vidéo pour en découvrir les moindres secrets. Et ainsi, en seulement quelques minutes, les plus insondables secrets oniriques sont révélés, avec bien moins d’effort et de risques que dans la série Sleepwalkers (1997-1998) ou dans le film Inception (2010.
Oui, c’est bien TGCM, car il n’y a même pas besoin de télépathie comme chez les Vulcains ni de technologie comme chez les Borgs.
L’absurdité est également au rendez-vous sur le terrain procédural et stratégique. Pourquoi cet empressement de Narek à assassiner Soji pour une information aussi vague, incertaine, et partielle que "deux lunes rouges avec de orages" (atmosphériques ?), avant même que Narissa ne soit pas parvenue à la localiser ?
N’y a-t-il vraiment qu’une seule planète parmi les milliards que compte la Voie Lactée qui posséderait deux lunes rouges et un ciel orageux ?
Surtout que l’étroite fenêtre sur le ciel depuis le bureau du père (enfin du constructeur) de la Soji enfant ne permettait pas d’avoir une vue complète sur le firmament et l’ensemble de la configuration (si ça se trouve, la planète en question avait vingt lunes avec des cycles de révolutions suffisamment complexes pour ne jamais apparaître toutes en même temps).
Et puis, dans quelle mesure cet indice strictement onirique est-il aussi fiable et précis qu’une photographie topographique ?
Enfin, si l’on part du principe (comme Narek) qu’il s’agit de souvenirs implantés (étant Synthétique, Soji n’a jamais été une petite fille), n’est-ce pas une complète aporie de se fier à cette fiction complète pour déterminer la localisation de ladite planète ?
Hors de toute considération morale (ou éthique), pour bâcler à ce point une enquête, se précipiter aussi vite sur les conclusions, et détruire la seule source d’information disponible, fallait-il que Narek et Narissa Rizzo soient des Romuliens d’opérette en dépit de leurs grands airs de conspirateurs. Et pourtant ils sont vendus dans la série comme membres du plus prophylactique et paranoïaque des services (Zhat Vash) ! Que reste-t-il de Romulus lorsque l’émotivité et de dogmatisme (de la posture) étouffent à ce point la raison et le pragmatisme (de l’efficacité) ?
C’est à croire que Narek savait que Zorro-Picard allait débarquer et que désormais chaque seconde était comptée. Sauf qu’il ne le savait pas !
À cette occasion, il y a aussi de quoi s’interroger sur la stratégie de Bruce Maddox ayant consisté à envoyer en "mission d’infiltration" les deux "jumelles" Asha (non "synthétiquement activées") pour recueillir des informations sur les raisons véritables de l’interdiction de toute vie synthétique par la Fédération. Car même en supposant que Soji et feue Dahj étaient programmées en amont (par Maddox) puis téléguidées en aval (par voie cyber-hypnagogique via les coms quotidiennes avec leur pseudo-mère), un espion qui s’ignore est difficilement le meilleur atout, dans le sens où il peut être plus facilement manipulé par ceux qui connaissent (ou soupçonnent) sa fonction (ou son identité réelle). A fortiori si n’importe quel scanner moléculaire (ou téléporteur) est capable de détecter sa nature synthétique (prétendre le contraire serait incompatible avec les implications scientifiques de la plus emblématique des technologies trekkiennes).
En outre, pourquoi Maddox aurait-il doté Soji de rêves ? Chez Data dans TNG, les rêves possédaient des fonctions précises et utiles. Même chez Dahj... dont les "rêves" avait pour vocation de la conduire chez Picard en cas de danger...
Mais le rêve traumatique et répétitif de Soji simulant une enfance qu’elle n’a jamais eu, quelle était sa fonction ? Créer une dissonance cognitive, donc une vulnérabilité conçue sur mesure pour les besoins de Narek ?
En supposant (comme le fait ce dernier) que les rêves sont juste là pour donner le change, c’est-à-dire pour participer de la "couverture" humaine de Soji, alors dans ce cas pourquoi les avoir rendus si obsessionnels et traumatiques ? La "fille" de Data ne trimbale pourtant pas le martyre des androïdes de Westworld...
Toujours est-il que Narek récompensera bien mal une si parfaite simulation des imperfections de la psyché et du subconscient des humanoïdes (pour prolonger en quelque sorte la formule de Maddox à la fin de l’épisode précédent) en infligeant à Soji l’anathème « tu n’as jamais été réelle » avant de l’assassiner. Il ne s’y serait pas pris autrement s’il avait voulu provoquer son "activation synthétique"...
Mais bien entendu, la vraisemblance statistique, tactique, causale, ou psychologique, ST Picard n’en a cure. Un univers de poche suffira bien à la série. Il serait même possible que la "planète aux deux lunes rouges" s’avère être simplement Omicron Theta (cf. TNG 01x11 Datalore)... où le Dr Noonian Soong avait établi ses laboratoires cybernétiques et où Data fut construit (puis trouvé par Starfleet). Autant dire que Lore pourrait bien sortir du bois à cette occasion...
La Sirena quitte la distorsion à proximité de l’Artefact. Rios lit alors à haute voix un message envoyé par les Romuliens. Mais en voyant le Cube borg, Picard est saisi de hantise. Des flashs de son passé borg s’impose à son esprit.
[Message lu par Rios] Pour répondre à votre requête urgente, l’amiral Jean-Luc Picard reçoit des accréditations temporaires, en tant qu’envoyé spécial de la Fédération pour le Projet de récupération des Borgs. L’objectif est de rencontrer le directeur exécutif du projet. Les accréditations ne sont valides que pour l’amiral Picard... et ne seront pas renouvelées.
[Jurati] On doit rester sur le vaisseau.
[Picard] Oui, je présume.
[Rios] Vous avez l’air déçu.
[Jurati] Non, soulagée.
[Rios, après réception d’une notification] On n’a pas eu l’autorisation d’atterrir. Les Romuliens vous ont restreint à des coordonnées spécifiques de téléportation.
[Elnor s’adressant à Picard] Je viens avec vous, bien sûr.
[Picard] Non. Tu as entendu. C’est moi seul.
[Elnor] Le serment que je vous ai fait est plus fort qu’une accréditation diplomatique.
[Picard hausse la voix] Tu crois que ça me plaît d’y aller seul ? C’est seul ou pas du tout.
[Elnor] Je déteste déjà cet endroit.
[Picard à Rios] Rios, je garderai les communications ouvertes. [Picard à Elnor] Et quoi qu’il advienne, tu ne quittes pas ce vaisseau. C’est clair ? [Picard contemple alors le Cube romulano-borg d’un air sinistre, sortant de sa poche le collier avec le symbole gémellaire que lui avait donné Dahj]
Picard se téléporte aux coordonnées communiquées par les Romuliens, qui s’avère un point désert de l’Artefact. Il appelle (« Ohé »), mais nul ne lui répond. L’environnement est sombre, inquiétant, écrasant, mécanique. Les murs du Cube sont mobiles, fourmillent, à la façon d’un métal fluide, polymorphe, évoquant les Replicators de Stargate... où une nouvelle fois le Pandémonium de la saga Hellraiser. Devant un alignement infini d’alcôves (où les drones sont habituellement parqués pour se régénérer), traversant une passerelle au-dessus du vide, Picard est saisi d’un vertige, d’une angoisse indescriptible, viscérale. Les spectres de son assimilation ressurgissent de sa mémoire, des images de TNG 03x26+04x01 The Best Of Both Words et de ST First Contact se surimposent, et il est rapidement submergé par des hallucinations, confondant passé et présent… exactement comme Seven dans le mémorable épisode VOY 04x25 One. Une crise de panique qui caractérise typiquement un syndrome de stress post-traumatique (ou PTSD).
Bien évidemment, ce n’étaient pas des Borgs qui assaillaient Jean-Luc pour l’assimiler… mais deux xBs qui étaient venus l’assister pour ne pas tomber de la passerelle, en attendant l’arrivée du directeur exécutif du Projet de récupération des Borgs, à savoir Hugh…
[Picard] Hugh ?
[Hugh avec émerveillement] Je ne l’ai pas cru...jusqu’à maintenant. Bienvenue au Projet de récupération des Borgs. J’ignore ce que vous faites ici mais je vous aiderai autant que possible.
[Picard] Une présence amicale me sera précieuse. [Accolade virile mais affectueuse... qui fut en fait suggérée par Patrick Stewart]
Cette jonction entre les deux trames principales de la série est évidemment construite pour émouvoir. Les retrouvailles entre Picard et Hugh sont supposées "bouleversantes" (voire "bouleversifiantes")… car sans recast (après 28 ans), d’une grande intensité émotionnelle (deux grands blessés voire violés de guerre qui tombent dans les bras de l’un de l’autre), et susceptible d’arracher des larmes aux trekkers ayant à l’esprit TNG 05x23 I Borg…
L’empathie de Hugh lorsqu’il rassure et met en confiance Jean-Luc et une délicate touche narrative, tel un retour d’ascenseur aux actions passées du capitaine qu’il fut.
ST Picard se construit ainsi sur le pathos... lorsque TNG (et plus généralement le Star Trek bermanien) privilégiait la sobriété et la distanciation crypto-kubrickienne (les émotions provenant davantage du ressenti des spectateurs que de leurs exhibitions à l’écran).
Les romantiques seront très sensibles à ce passage de l’épisode, mais il convient de rappeler que ce type d’effusions s’appuient trop souvent sur des manipulations émotionnelles...
Ainsi, pourquoi Hugh met-il si longtemps à rejoindre Picard, laissé longtemps seul dans un environnement désormais déstabilisant pour lui... si ce n’est dans le seul but narratif de lui faire endurer quelques cauchemars borgs ? Une petite facilité assez voyante...
La main salutaire tendue par Hugh contre l’angoisse indicible de son compagnon d’infortune Jean-Luc Picard à la perspective de remettre les pieds sur un Cube borg se construit sur un révisionnisme (un de plus, la série semble les collectionner). Car en cherchant à impressionner le spectateur au moyen d’un authentique PTSD (avec pour corollaires les hallucinations, la panique, la paranoïa, la hantise, l’angoisse, et la dissociation notamment temporelle), Picard 01x06 The Impossible Box en vient à (dé)nier la profonde reconstruction mentale du héros dans ST First Contact... qui l’avait déjà obligé à affronter ses démons intimes, puis les vaincre au propre comme au figuré il y a déjà 26 ans !
L’épisode joue également sur les mots, car si Jean-Luc n’a jamais remis les pieds sur un Cube borg depuis son assimilation, il a revanche remis les pieds (sans y perdre ses moyens) dans d’autres complexes et/ou vaisseaux borgs qui n’avaient simplement pas des formes cubiques (TNG 06x26+07x01 Descent, ST First Contact)… Faut-il vraiment croire que c’est la seule forme cubique qui est l’origine de son trauma ?
Le Cube visité ici est un Artefact, c’est-à-dire totalement déconnecté d’un Collectif qui est supposé avoir été vaincu par les deux Janeway à la fin de VOY il y a deux décennies, et qui ne saurait donc se comparer aux véritables périls borgs (actifs) auquel Jean-Luc a été confronté sans faillir à plusieurs reprises après TNG 03x26+04x01 The Best Of Both Worlds. Dans ses propos pourtant, et à nouveau, Picard semble confondre (consciemment ou inconsciemment) les xBs affranchis et autonomes... avec les drones constitutifs d’un Collectif qui théoriquement n’existe plus depuis 21 ans ! À croire que Picard 01x06 The Impossible Box aurait développé envers et contre le passé trekkien de Jean-Luc Picard le même sophisme que le piètre Exorcist II The Heretic (1977) de John Boorman envers le fondateur The Exorcist (1973) de William Friedkin.
Enfin, l’état de grâce de ces retrouvailles aura été subjectivement – et artificieusement – fabriqué par les cinq épisodes précédents au moyen d’une masse de frustration. En effet, depuis le début de la série, il ne s’était pas encore trouvé une rencontre entre Jean-Luc et des relations de son passé (Kirsten Clancy, Moritz Benayoun, Raffi Musiker, Seven Of Nine…) qui n’ait été assortie de mépris, de railleries, de rancune, voire de haine… De quoi déstabiliser les trekkers qui ne reconnaissaient ainsi en rien – à travers ces réactions – le personnage qu’ils avaient connu et aimé dans TNG. Comme pour dire qu’après le film Nemesis (2379), ce ne fut pour le héros qu’une interminable déchéance, et que les protagonistes apparaissant dans la première moitié de la saison 1 étaient seulement l’écho de ses années d’échecs et de chute. Mais dans la seconde moitié de la saison, avec Hugh (et bientôt Riker, Troi, voire peut-être d’autres VIP vétérans non encore spoilés par la promo de CBS), viendrait le reflet des années de succès et de gloire du héros. En somme, exactement comme pour Michael Burnham dans Discovery, ST Picard s’aligne sur ce qui est progressivement devenu la pire tarte à la crème de la fantasy, à savoir le monomythe campbellien assujétissant un univers entier à la geste d’un personnage (ou d’un petite élite) providentielle soumis à des cycles quasi-narcotiques de dépressions/exaltations.
Et du coup, retrouver ici un personnage qui, comme les trekkers, se souviendrait de qui était vraiment Jean-Luc Picard en dépit des épaisses couches de révisionnisme et des tombereaux de calomnies déversées sur lui par la série... amplifiera la volupté du public. Cyniquement manœuvré.
Mais bien évidemment, l’alibi en creux pour "vendre" en toute impunité aux spectateurs la négation à la fois du personnage de Jean-Luc et des événements du ST historique, c’est le grand âge (quoique 95 ans ne soient pas si âgés selon l’espérance de vie humaine au 24ème siècle, cf. McCoy dans le pilote de TNG)... et surtout l’équivalent de l’Irumodic Syndrome dévoilé par le Dr Benayoun dans Picard 01x02 Maps And Legends.
Ainsi donc, le héros-en-titre de la série serait déjà sérieusement "atteint", et il aurait en réalité perdu le contrôle sur lui-même comme Sarek à la fin de sa vie. Mais avec une mauvaise foi consommée, Jean-Luc ne le reconnait pas, il ne prévient personne, il ne doute même pas dans son for intérieur, il ne passe par aucune phase d’introspection à laquelle les spectateurs auraient pu être convoqués... tout en multipliant avec complaisance les erreurs, les irresponsabilités, les vacheries, et les chutes. En somme, c’est là une répétition (en passe de devenir clichée aussi) de l’involution du Charles Xavier âgé interprété par Patrick Stewart dans X-Men : Days Of Future Past (2014) et Logan (2017). Mais si le lien d’acteur est flagrant (a fortiori étant donné ses déclarations publiques et son implication dans la composition de son rôle pour la série ST Picard), l’incertitude sur l’intention des auteurs & showrunners demeure une vraie pierre d’achoppement : est-ce une volonté très maîtrisée de démystification du personnage le plus iconique de Star Trek (objectif en lui-même très casse-gueule) ou est-ce simplement un exemple d’écriture bâclée et inconséquente (s’appuyant sur une collection de ficelles d’écriture sorties d’un chapeau de prestidigitateur au gré des besoins).
La seconde hypothèse est malheureusement à craindre étant donné que la série se garde bien de traiter sur le fond la problématique de la déchéance (comme pour le Bendii Syndrome vulcain dans TNG 03x23 Sarek ou l’Irumodic Syndrome dans l’anti-futur de TNG 07x25+07x26 All Good Things...).
Une question d’autant plus centrale que la sénilité et la folie ont toujours été des blancs-seings (d’immunité et d’impunité diégétique) pour faire accepter n’importe quelle incohérence comportementale, ce pli ayant été pris par Alex Kurtzman dès ST 2009 avec l’invraisemblable Nero. Libre à chacun de se satisfaire ou non de ce pur joker narratif...
Hugh et Picard déambulent maintenant ensemble dans les couleurs du Cube-Artefact :
C’est dur de revenir. Je sais. C’est le dernier endroit au monde qu’aucun de nous voudrions revoir.
Comment pouvez-vous le supporter ? Pourquoi avez-vous choisi de vivre ici ?
Le projet avait besoin d’un directeur. Au moins, en tant que citoyen de la Fédération, je peux partir n’importe quand, contrairement aux autres xBs de ce Cube.
XBs ?
Anciens Borgs. C’est ainsi qu’on se surnomme. Un nouveau nom est la première étape d’une nouvelle identité. J’ai appris ça sur l’Enterprise il y a des années. [De nombreux visages interlopes dévisagent Picard durant son déplacement] Ce n’est plus un Cube Borg. C’est l’Artefact. Et vous êtes Jean-Luc Picard, pas Locutus. Tout cela est loin derrière vous.
Merci, Hugh. Vous avez raison. C’était il y a très longtemps.
Dites-moi comment je peux vous aider.
Je cherche quelqu’un. D’apparence humaine, de la Terre. Elle est peut-être engagée dans un projet de recherche. Elle s’appelle Soji...
Docteur Soji Asha.
Oui.
Court-elle un grave danger ?
Que... Pourquoi me demandez-vous ça ?
Un pressentiment. Quelque chose en elle. Quelque venant de vois, le fait que vous arriviez ici de si loin. Et quelque chose à propos d’un jeune et séduisant espion romulien arrivé il y a deux semaines, prétendant ne pas poser de questions sur elle.
Pouvez-vous me conduire auprès d’elle ?
Hugh mène Picard dans une zone de soins de l’Artefact, où des médecins redonnent une forme humanoïde aux xBs :
[Picard] Quel est cet endroit ?
[Hugh Nos patients viennent s’y rétablir après le choc de la procédure de récupération.
Je n’aurais jamais cru que l’assimilation puisse être défaite à un tel niveau. Et par les Romuliens, en plus. [Picard observe un xBs dont la peau de visage est régénérée]
Les résultats sont loin d’être idéaux.
C’est bien, ce que vous faites, Hugh. Ça n’a pas besoin d’être parfait. Après toutes ces années, vous montrez ce que sont les Borgs au plus profond. Ce sont des victimes... pas des monstres.
Malgré tout, nous restons les êtres les plus haïs de la galaxie, aussi impuissants et asservis qu’auparavant. Sauf que maintenant, notre reine est une Romulienne.
Merci de m’avoir montré ça.
Personne ne pourrait le comprendre mieux que vous.
Et un Picard qui pourrait défendre les Borgs libres... ce serait quelque chose, non ? Et vous avez fait toute cette route. [Hugh consulte un assistant géolocalisateur holographique] Soji semble être venue aujourd’hui. Allons voir si on peut vous la trouver.
Hugh et Picard sont toujours à la recherche de Soji. En entrant dans ses quartiers, Hugh est interloqué par le désordre. Tout est sens dessus dessous, comme suite à un cambriolage.
[Hugh] Docteur Asha ?
[Voix féminine d’une annonce vocale] Les secteurs 5-8 à 5-21 et tous les secteurs ouverts sont temporairement fermés en raison d’une activité protométrique. Si vous êtes entré dans l’une des zones affectées...
[Hugh, devant l’immense désordre] C’est quoi, tout ça ?
[Picard, voyant une photo déchirée des "jumelles"] Je pense qu’elle est sur le point de découvrir qui elle est vraiment.
Comment cela ? Qui est-elle ?
On n’a pas le temps. Vous devez la trouver, je vous en prie.
[Hugh consulte une miniature holographique 3D de l’Artefact] Ça dit qu’elle n’est pas sur le Cube. C’est impossible.
À moins que… quelqu’un l’ait cachée.
Il y a une légère dimension méta (ou brechtienne) dans la réponse de Hugh (« and something about the dashing young Romulan spy who showed uptwo weeks ago, pretending not to be asking questions about her ») à la question de Picard. Mais en montrant ainsi que lui-même a compris ce que les spectateurs avaient également compris depuis plusieurs épisodes, cela décrédibilise par effet de cumul et de contraste Soji Asha qui pourtant se caractérisait par une maturité émotionnelle (et donc une psychologie) hors norme (sans compter son savoir multi-encyclopédique).
Grâce à la visite guidée de Hugh (une visite utilement gore, i.e. loin de la gratuité du teaser de Picard 01x05 Stardust City Rag), Jean-Luc est plongé sans ménagement dans la réalité quotidienne de ces gueules cassées, non de la Première Guerre mondiale, mais de la vaste opération de "dé-borguisation" menée sous supervision romulienne. En terme de fond, voilà donc probablement la meilleure scène de l’épisode, puisqu’elle met en exergue la qualité (et par extension le récit) victimaire des drones Borgs, tout en confirmant – tant pas l’exposé de Hugh que par le cri du cœur de Jean-Luc – l’impression laissée par Picard 01x02 Maps And Legends. À savoir que, par-delà leur prédation technologique assumée, les Romuliens accomplissent ce qui se rapproche le plus – dans la réalité dystopique de ST Picard – d’une action caritative de grande échelle au bénéfice des innombrables victimes borgs.
L’idée est trekkienne, mais la contradiction douloureuse. N’est-ce pas le comble que Picard semble surpris de la faisabilité d’une pareille entreprise (voire séduit comme s’il y avait été idéologiquement hostile au départ)... alors qu’il en est pourtant à la fois le "patient zéro" (Locutus est bien redevenu Jean-Luc) et l’initiateur (avec Hugh) ? En outre, c’est bien à la Fédération – étant donné son humanisme historique revendiqué mais aussi la responsabilité de l’USS Voyager dans l’effondrement du Collectif Borg – qu’il appartenait d’entreprendre cette opération d’envergure, et cela depuis 2378. Or rien de tel, pas même des prémices ni mêmes des projets avortés…
Ce qui suggérerait en réalité que l’UFP aurait basculé dans la contre-utopie bien avant l’attaque de Mars par les Synthétiques (2385), en fait dès le retour du capitaine Janeway. Avec pour corollaire que ST Picard n’appartiendrait pas à la même trame temporelle (ou au même univers) que les cinq séries historiques.
Il est malgré tout possible de tiquer devant l’affirmation que les ex-drones Borgs (xBs) seraient communément considérés comme les êtres les plus haïs de la galaxie, comme s’il était d’usage de les confondre avec les Borgs connectés au collectif. À croire que la plupart des sociétés ayant pourtant atteint le stade évolutionniste du FTL (i.e. de la distorsion) pratiquent naturellement des amalgames et ne sont pas intellectuellement capables de faire le débat entre victimes et coupables. Les ressortissants de la Fédération eux-mêmes doivent-ils se sentir concernés par ce reproche de Hugh ? Car pour mémoire, l’USS Voyager avait accueilli plusieurs xBs (ils ne portaient pas encore ce qualificatif à l’époque) comme Icheb, Azan, Rebi, Marika Wilkarah, mais rien ne suggérait dans le quadrant delta qu’ils étaient la cible de défiance, de discrimination, ou de haine individuelle. Et pourtant les civilisations endeuillées et ravagées par le Borg étaient bien plus nombreuses dans le quadrant delta que dans les quadrants alpha et bêta, tandis qu’en 2399, la Collectif n’est plus supposé exister depuis longtemps.
Dans ces conditions, pourquoi la haine anti-drones serait-elle supérieure dans le quadrant alpha... sauf à vouloir une fois de plus enfoncer sa principale force (et son phare historique) dans les tréfonds de la déchéance.
À moins que l’objectif soit de transposer dans ces xBs les migrants contemporains… Auquel cas le parallèle serait lourd, maladroit, et particulièrement impropre. Parce que xBs ne sont pas des migrants en quête d’une terre d’asile (voire d’une terre promise), ce sont des abductee à la recherche de leurs identités volées et de leurs mondes respectifs.
Au chapitre des spéculations un peu stériles, lorsque Hugh annonce au coin d’une réplique « only now our queen is a Romulan », il annonce peut-être l’entrée en scène d’une nouvelle Némésis… ou d’une ancienne telle Sela (interprétée par Denise Crosby)... par exemple pour le cliffhanger de fin de saison...
Mais n’est-ce pas incompatible avec la nouvelle entité Romulan Free State - apparemment non impériale - évoquée dans Picard 01x02 Maps And Legends ?
Rios vient réveiller Raffi dans ses quartiers à bord de la Sirena :
[Rios] Raffi. Raff, Raff, réveillez-vous. Je vous apporte un café. [Rios lui sert un café] Et vous me devez deux bandes de latinum. La jumelle est vivante.
Foutaise.
C’est un fait. Picard l’a vérifié.
Je pensais que c’était un coup sûr. Pourquoi ?
Parce que vous êtes une pessimiste invétérée.
Non. Pourquoi la garder en vie ? Le Tal Shiar a tué Dahj. Ils ont traqué Maddox sur Freecloud. Ils savent à quoi elle ressemble. Ils devaient savoir qui elle était. Pourquoi la garder en vie ? Ils doivent en avoir besoin pour quelque chose. [Après ces déduction logiques, Raffi se met à réfléchir plus intensément, moment emphatisé par la BO inquiétante] Pourquoi le Tal Shiar aurait besoin d’une Synthétique ?
C’est alors que s’engage une course de vitesse entre les deux "équipes", celle qui veut la tuer (Narek et les Romuliens) et celle qui veut la sauver (Picard et Hugh) :
[Hugh] Elle est à nouveau en ligne.
[Picard] Où est-elle ?
Elle semble être entre deux niveaux. C’est déréglé. Ça la montre bougeant bien trop vite.
Elle a été activée. Vous devez me conduire auprès d’elle. Maintenant !
[De son côté, Narek, après l’évasion de Soji] Badge d’employée 74983 touche 2.
[Une voix féminine à travers les com] Hostile ?
Oui, extrêmement dangereuse.
[Hugh, suivant Soji sur son localisateur] Tout droit.
[Sur sa route au pas de course, un xBs reconnait Picard] Locutus ?
[Hugh] Dégagez le passage.
Soji, le visage blessé, atterri d’un étage supérieur en traversant le plafond précisément au moment de l’arrivée de Picard et d’Hugh.
[Picard] Soji ?
[Soji] Vous me connaissez ?
Je m’appelle Jean-Luc Picard. Je suis un ami de votre père, et votre sœur est venue me voir pour me demander de l’aide, mais je n’ai pas pu l’aider. S’il vous plaît, laissez-moi vous aider.
Savez-vous ce qui m’arrive ?
Oui. Je vais vous l’expliquer.
[Hugh] Les Romuliens. Tout un tas.
[Picard à Hugh] Pouvez-vous nous sortir d’ici ?
[Hugh] Par là.
[Picard à Soji, suppliant] Venez. Venez. Faites-moi confiance. S’il vous plaît.
[À bord de la Sirena, Musiker] Ils sont dans un sérieux pétrin et il ne répond pas.
Formidable, en dépit du gigantisme de l’Artefact, Soji est littéralement tombée du ciel pour agréer les héros !
Certes, Hugh allait à sa rencontre en suivant son "radiogoniomètre" (moyennant un effet de modulation de niveau comme dans Aliens lorsque les Xénomorphes prenaient d’assaut l’équipe des Marines par l’inter-étage supérieur). Mais curieusement, Hugh aura réussi à devancer à lui seul toutes les forces romulienne lancées rageusement par Narek à la poursuite de Soji.
Cette scène emblématise la facilité ne fût-ce que par sa symbolique visuelle.
Visiblement, la perplexité et la défiance de Soji envers Picard prouve que son "activation synthétique" ne s’est pas accompagnée des mêmes visions que Dahj. "Jumelles"... mais lorsque ça arrange les showrunners.
La fuite effrénée se poursuit dans les interminables couloirs du Cube romulano-borg sous la conduite de Hugh, tandis que les alertes retentissent de toute part. Hugh réussit alors à ouvrir un passage très secret à l’extrémité d’une coursive exigüe…. Qui s’avère être la cellule de la reine borg ("queencell" en VO).
[Picard, surpris] C’est la cellule de la reine. Je...
[Hugh] Souvenez-vous, même si vous n’êtes jamais venu ici.
Oui.
Même chose ici. Tout est là. [Hugh active un mécanisme et fait apparaître depuis le plafond et le sol un volumineux système… qui se révèle être un portail spatial.]
Celui-ci est ultérieur à votre époque. Un trajecteur spatial. Le Borg a acquis cette technologie après avoir assimilé les Sikariens. Le Borg a acquis cette technologie après avoir assimilé les Sikariens. Son utilisation était réservée à la reine en cas d’urgence. Ça a une portée théorique de...
[Soji] Quarante mille années-lumière.
[Picard appelle Musiker par son combadge] Raffi, on a trouvé un moyen de sortir du Cube mais nous devons partir maintenant. Fixons un rendez-vous.
[Musiker] Un rendez-vous ? Où allez-vous ?
[Picard] Nepenthe. Rios, vous connaissez ?
[Rios] Bien sûr, mais comment...
[Picard] Non. Juste, retrouvez-nous là-bas.
[Après avoir coupé la communication, Rios découvre qu’Elnor n’est plus sur la passerelle] Où est le petit ?
[Dans la cellule de la reine, le groupe se fait surprendre par trois Romuliens] Les mains en l’air.
Mais arrivant par derrière, Elnor les estourbit tous trois à l’épée en quelque secondes.
[Picard] Elnor, je t’ai dit de rester dans le vaisseau.
[Elnor] Oui. Je n’ai pas écouté.
[Picard] Merci.
[Soji] Plus de gardes arrivent. Je peux les entendre.
[Hugh] Elle a raison. On est presque à la puissance maximum. Partez. Je les empêcherai de vous suivre.
[Picard] Elnor, viens, cette chose peut nous emmener en lieu sûr.
[Elnor] Je couvrirai votre fuite. J’ai fait le serment de vous défendre.
Alors, je te libère de ton serment.
Je refuse d’être libéré.
Que fais-tu ?
Je me prépare à combattre.
[Soji] Ils se rapprochent.
[Picard] Hugh.
[Hugh] C’est prêt. Allez-y.
[Picard] Elnor. Je ne te laisserai pas à nouveau.
[Elnor] Ça me comble de joie de vous entendre dire ça. Maintenant, partez. Vous avez fait tout ce chemin. Ils la détruiront. Partez.
[Picard à Soji] Venez.
Picard et Soji franchissent seulement à deux le portail spatial sikarien.
[Picard et Soji partis, Hugh à Elnor] Ça prendra quelques minutes pour tout fermer et redissimuler cette salle. [Hugh lance le mécanisme de fermeture de la cellule de la reine et en sort avec Elnor] Pouvez-vous les tenir à distance aussi longtemps ?
[Elnor] Ça ne prendra que quelques minutes. Restez derrière moi.
Et tandis que l’entrée du passage secret se referme derrière eux, l’épisode s’achève par un lent fondu au noir où l’on peut successivement entendre (en aveugle) :
Lâchez vos armes !
Lâchez votre épée !
Je vous en prie, mes amis. Choisissez de vivre.
La série Picard n’est jamais avare de références internalistes, mais davantage dans un esprit d’alibi que de véritable continuité interne. Ainsi le portail spatial secret dont dispose la reine Borg (pour ménager sa fuite au besoin) provient de la civilisation sikarienne rencontrée dans l’épisode VOY 01x10 Prime Factors, qui avait alors refusé d’en faire bénéficier l’équipage de Janeway pour accélérer leur retour. Cette dernière accepta de se retrouver ainsi du mauvais côté de la Prime Directive. Par la suite, les Borgs n’auront évidemment pas eu le même scrupule...
Tel serait donc le sort tragique des mondes visités par l’USS Voyager selon ST Picard… Était-il vraiment indispensable pour la nouvelle série dystopique de détruire, de dégrader, de salir ainsi toutes les planètes, toutes les sociétés, tous les personnages des séries historiques, comme si le ST kurtzmanien était une tournante systémique visant à profaner méthodiquement tout ce qui a été ?
Et malheureusement, comme presque chaque fois que ST Picard puise dans le Star Trek lore historique, il le fait très mal. La technologie de trajecteur spatial ("spatial trajector") des Sikariens a effectivement une portée plafonnée à 40 000 AL comme le précise spontanément Soji-qui-sait-tout (probablement pour connaître par cœur toutes les logs de tous les vaisseaux de Starfleet). Mais son fonctionnement réclame un amplificateur de la taille d’une planète, et cette technologie fut utilisable depuis Sikaris car son manteau est cristallin. En outre, le trajecteur spatial rend cette forme de "téléportation" à grande distance possible en générant une pliure spatiale ("space folding") qui bombarde en retour la source d’antineutrinos (provoquant une inflammation incontrôlable du plasma à la base des technologies spatiales de Starfleet).
Mais probablement en raison d’un mépris branchouille pour le technobabble trekkien (qui pourtant est la contrainte qui sépare la SF de la fantasy), Picard 01x06 The Impossible Box se garde bien de se préoccuper des incompatibilités d’emploi de cette technologie sikarienne par les Borgs... Aussi grand que soit un Cube, il est loin de pouvoir rivaliser avec une planète pourvue d’un manteau cristallin. Quant à supposer que les Borgs auraient été capables d’adapter et d’améliorer par eux-mêmes cette technologie (notamment en matière d’amplification et de résistance aux antineutrinos), ce serait ignorer ce que VOY 03x26+04x01 Scorpion avait établi, à savoir que par son caractère “cyber-charognard”, le Collectif Borg est dépourvu de toute créativité, le rendant incapable d’inventer quelque chose que les espèces assimilées ne connaîtraient pas déjà (d’où par exemple le recours à l’inventivité de l’équipage de l’USS Voyager pour contrer l’invasion de l’Espèce 8472).
Par ailleurs, le portail sikarien de la reine borg ressemble curieusement bien davantage aux portails iconiens rencontrés dans TNG 02x11 Contagion et DS9 04x23 To the Death...
Il faut aussi remarquer qu’à l’ère de ST First Contact et de VOY, c’est-à-dire avant l’assimilation des Sikariens par les Borgs, la reine justifiait sa perpétuelle survie, son ubiquité, et sa multiplicité par le recours à une dimension supplémentaire. Ce qui signifiait qu’elle disposait déjà de solutions qui ne nécessitaient pas de trajecteur spatial sikarien. Mais il est probable que dans leur ignorance (et aussi leur soif de légitimation internaliste), les showrunners de ST Picard soient allés chercher dans une civilisation tierce une technologie finalement incompatible (au prix d’une incohérence de plus) que les Borgs possédaient en fait déjà sous une autre forme...
Quant à la planète Nepenthe (point de rendez-vous du prochain épisode), son nom (toujours anthropocentriste) correspond dans la mythologie grecque à un remède fictif pour les peines de l’âme (ou du cœur), le plus souvent un élixir d’oubli. Par-delà le name dropping kulturé, il faut peut-être y voir une référence à l’épisode TOS 03x21 Requiem For Methuselah où comme Narek, Kirk tombait amoureux d’une androïde, Rayna... qui comme Soji ignorait sa condition de Synthétique, et qui comme elle était une "poupée" assemblée par son créateur humain (Flint et non Maddox). À la fin de l’épisode, Spock s’était employé à faire oublier à Kirk par Mind Meld son amour pour feue Rayna.
Accessoirement, quel étonnement de voir ce même Jean-Luc Picard qui dans le pilote ne réussissait pas à courir plus dix mètres sans être saisi de violente dyspnée (au bord de l’évanouissement), mais qui ici parcourt des kilomètres de couloirs borgs au pas de course sans y perdre son souffle. Est-ce une manière de dire que les voyages forment la jeunesse... ou bien les showrunners ont-ils simplement oublié en quelques épisodes un état physique qu’ils avaient pourtant eux-mêmes imposé au personnage-en-titre dans leur série ?
Picard 01x06 The Impossible Box s’achève donc exactement comme le final de la série Angel (Angel 05x22 Not Fade Away) ou encore 300 (2006) de Zack Snyder. Sauf qu’ici cela n’a rien d’allégorique…
Le coup de théâtre de l’arrivée surprise du "ninja" Elnor dans la zone la plus secrète de l’inaccessible Artefact est un beau nawak des familles comme Discovery, et hélas désormais Picard, en ont le secret ! Again, un personnage providentiel surgit de nulle part... tel un deus ex machina tombant du ciel (à nouveau).
Une vraie systémique narrative... qui autorise Picard (et en amont les auteurs) à lancer une opération de sauvetage dans un des sites les plus sécurisés de la galaxie sans le moindre plan opérationnel (le b.a.ba pourtant), sans voie d’exfiltration, sans solution de repli, et sans un quelconque "plan B" ! Heureusement que la "main invisible" (des scénaristes) et que des "anges gardiens" (Raffi, Hugh, Soji, Elnor...) jalonnent commodément cette virée en roue libre et en totale impro...
Ainsi donc, l’Artefact est un site hautement sécurisé par les Romuliens, protégé par des boucliers, et seul Picard a eu l’autorisation et la capacité matérielle de s’y téléporter à un endroit précis ; quant à Elnor, outre de n’avoir aucune expérience spatiale, il n’a aucune compétence technologique et informatique (comme l’a montré l’épisode précédent). Mais voilà que le "super-Elfe" débarque comme une fleur : il serait parvenu à se téléporter (malgré les boucliers) par ses propres moyens (sans l’aide de Rios ni de Musiker) dans l’Artefact (sans se faire repérer des services de sécurité) puis carrément localiser Picard (dans le gigantesque Cube) et y parvenir presque en même temps que lui dans la cellule de la reine (qui n’est rien de moins que le "naos" du Cube inconnu de tous) ?! Faut-il vraiment avaler ce serial-délire nonsensique ?
Et bien entendu, ni Picard ni Hugh ne questionnent Elnor sur sa présence incompréhensible dans le Cube, ni sur la possibilité de reproduire en sens inverse de ce qu’un simple "bleu" est parvenu à faire au nez et à la barbe de tout le monde (aussi bien de Rios que des Romuliens), c’est-à-dire se re-téléporter sur La Sirena...
Faut-il également gober le complet bullshit d’un Elnor qui massacrerait à la seule épée métallique (ou au seul katana) une troupe de soldats romuliens professionnels armés d’armes à particules (disrupteurs ou phaseurs) ? En somme, le Elnor serait un super-héros à super-pouvoirs de DC (ou de Marvel), omniscient, omnipotent, et invulnérable aux phasers ?
En présumant de l’infaillibilité de l’issue indépendamment du péril, par-delà sa vanité surréaliste, c’est une omnipotence surnaturelle que convoque cette formule rituelle « mes amis, choisissez de vivre », telle le fameux « tu ne le sais pas encore mais tu es déjà mort de Ken le Survivant.
Non contente de totalement dénaturer la culture romulienne, la série Picard trahit désormais les lois physiques et naturelles...
Il aisé de deviner que l’épisode suivant ne sera pas moins irréaliste que celui-ci…
Et quel est le sens de cet "héroïsme" aussi clinquant qu’invraisemblable ? Il aurait été bien plus cohérent pour Elnor de suivre Picard à travers le portail, puis à Hugh de le désactiver et refermer discrètement la cellule de la reine afin qu’elle demeurât inconnue des Romuliens. Et dans le cas où cette "restauration d’état" n’aurait pas été réalisable dans les temps, une téléportation générale sur La Sirena (puisque Elnor à pu s’en téléporter) aurait été moins irresponsable pour l’équilibre des forces dans le quadrant...
Car en l’état, à moins qu’Elnor ait l’ambition de tuer les Romuliens de l’Artefact jusqu’au dernier avec son katana, toute action défensive (meurtrière en fait) entreprise ne fera qu’attirer l’attention sur la cellule de la reine, compromettant la position de Hugh dans le projet, mais exposant surtout le trajecteur spatial sikarien à tomber entre les mains des Romuliens. Souvenons-nous des efforts stratégiques déployés par Starfleet pour que les portails iconiens ne tombent pas entre les mains des Romuliens dans TNG 02x11 Contagion...
Mais bon, le sort de l’équipage de La Sirena qu’il a embarqué dans ce voyage possiblement sans retour, Picard s’en fout. Le sort de Hugh et d’Elnor restés sur le Cube hostile, Picard s’en fout. Le sort de Nepenthe et de ses habitants (dont probablement Riker et Troi) vers qui il pourrait bien conduire une cohorte de Romuliens, Picard s’en fout. Le sort de la Fédération si un crypto-portail iconien tombait entre les mains des Romuliens, Picard s’en fout...
Pour Jean-Luc, seule la vie de Soji importe, ou pour être plus exact, seule son incontinente petite "rédemption égocentrée" importe.
Bien sûr, en aval, côté narration, il fallait absolument séparer l’équipage en deux, maintenant que Soji a quitté l’Artefact. Et cela afin de continuer à rentabiliser ce coûteux décors cubique dans les épisodes suivants, tout en optimisant l’attention des spectateurs par un split scénique. Rien de blâmable en soi... du moins si le procédé n’était pas aussi voyant… et que l’internalisme n’était pas à chaque fois vilement sacrifié à l’externalisme.
Conclusion
Picard 01x06 The Impossible Box capitalise tout son argumentaire de vente sur l’émotionnel et le visuel.
Soji découvre la facticité de sa vie et sa véritable nature synthétique par la voie des rêves. Picard affronte le fantôme de Locutus. Les touchantes retrouvailles entre Jean-Luc et Hugh feront pleurer Margot...
À l’appui d’une BO spatiale saisissante et d’une tension permanente, la plongée cyberpunk dans une version upgradée des cubes borg de TNG et VOY offrira quelques moments d’effroi. Tandis que les introspections oniriques (aussi bien de Picard que de Soji) et la superposition morphique des visages de Picard et de Locutus seront les points d’orgue de l’épisode. Une certaine finesse d’interprétation de Patrick Stewart (quoique l’ombre de lui-même par rapport à jadis) assortie aux expressions et aux non-dits de Jonathan Del Arco laissent transparaître avec talent toute l’Histoire passée commune entre les deux personnages, ainsi qu’une connivence et une reconnaissance implicites.
Autant dire qu’il y a un léger progrès après l’abyssal épisode précédent. Picard 01x06 The Impossible Box relance la diégèse dans une autre direction, puisque les deux intrigues duales autour desquelles s’étaient déployées les cinq premiers volets fusionnent et mutent. Soji a été sauvée in extremis par Picard pour rejoindre bientôt La Sirena (via la planète Nepenthe), Narek a résolu son dilemme et donc révélé son vrai visage (plus de comédie ni de faux-semblants), et Elnor est resté combattre aux côtés de Hugh dans l’Artefact... L’improbable serial a changé de cap mais se poursuit...
Malheureusement, il ne faut pas gratter beaucoup la surface pour se rendre compte que strictement rien ne tient la route dans cette narration, et qu’absolument tout sonne faux !
L’assassinat du MacGuffin (Maddox) qui était le moteur de l’intrigue des cinq précédents épisodes laisse l’équipage tellement indifférent que strictement aucune enquête n’est menée. Et bien que l’EMH soit un témoin oculaire de l’assassinat, la meurtrière (Jurati) n’est aucunement inquiétée.
À défaut d’autorité et de légitimité, Picard est prêt à sacrifier tout et tout le monde à sa "rédemption" personnelle (i.e. Soji). Le sort de ses compagnons, de ses amis, comme de la Fédération l’indiffère. Et il exploite dorénavant sans vergogne son équipage, et notemment Raffi, qui se retrouve à devoir cramer ses amis et ses relations pour le bon vouloir de Jean-Luc. Désormais, le mensonge, le chantage, et la concussion se signent sous un tonnerre d’applaudissements et se ponctuent par le thème historique de TNG !
L’émotivité démonstrative des retrouvailles de Picard avec Hugh est une forme de manipulation émotionnelle car c’est principalement sur ce type "d’événements people" (presque davantage externalistes qu’internalistes) que la série mise son pouvoir d’attraction, à croire qu’ils sont en réalité la finalité même du show en mode tabloïd. Dans l’épisode suivant (le septième), ce sont les retrouvailles (inscrites au planning des Celebrity magazines) entre Picard et Riker (et aussi Troi) qui feront chialer l’assemblée (sortez déjà les mouchoirs).
Le "super-égo" irrémissible de Jean-Luc semble être un fait établi au sein de Starfleet, renforçant un peu plus le sentiment qu’il n’est décidément en rien le personnage de TNG, et que ST Picard n’appartient pas à la même ligne temporelle.
Le retour du fantôme de Locutus se conçoit au mépris complet des multiples catharsis résolutives passées de Jean-Luc. Et probablement pour des questions de prévalence dans la culture populaire, ST Picard tient absolument à faire du diptyque TNG 03x26+04x01 Best Of Both Words le moment fondateur et charnière de l’existence Jean-Luc pour mieux revenir dans son ombre et rejouer la partition de First Contact, mais autrement, tel un reboot qui ne dirait pas son nom.
Davantage encore que dans le cas du professeur Charles Xavier dans la saga X-Men, la vieillesse et la maladie neurodégénérative de Jean-Luc deviennent les alibis et les jokers faciles des incohérences et des trahisons.
L’épiphanie synthétique de Soji résulte d’un rite de "méditation" (Zhal Makh) obéissant aux seuls mécanismes de la magie, une pierre de plus à verser à la démolition en règle de la culture romulienne par la série.
Narek reproduit exactement le même schéma que Jurati dans sa tentative éplorée d’assassinat ("je t’aime donc je te tue"), tout en ridiculisant stratégiquement les efforts déployés durant l’ensemble des épisodes précédents pour arracher la localisation de la planète d’origine de Soji (en se contentant d’informations peu fiables et qui ne devraient pas être exploitables dans un univers réaliste non-miniature).
Finalement, Picard et Soji doivent leur fuite et leur salut à la plus invraisemblable des interventions d’Elnor, apparaissant à un endroit où il ne pouvait matériellement être, et déployant des capacités de super-héros, seul avec son épée devant une armée de soldats équipés de disrupteurs.
Les MacGuffin d’hier au centre de toutes les obsessions et de toutes les attentions (Bruce Maddox, Cube romulano-borg…) peuvent se transformer à tout moment en serviettes hygiéniques consommable-jetables. Renforçant le sentiment que ST Picard est bien davantage un produit (comme tout le ST produit depuis 2009) et non une œuvre.
Bien entendu, l’épisode multiplie les placements internalistes, mais en général à contremploi (voire à contresens), renforçant la désagréable impression que les auteurs ne captent rien au Star Trek historique mais qu’ils ne cessent en revanche de puiser massivement dans les wikis (une "triche" et une cuistrerie qui n’étaient pas possibles pour les productions ST jusqu’à 2005).
Toutes les idiosyncrasies et prosodies de ST Picard demeurent toujours aussi grossièrement contemporaines (phrasé négligé, argot, f-word, diminutifs branchouilles, drogues et addictions, tabac et vapoteuse, whisky et biture, marginalité et injustices, fric et classes sociales, égo, matérialisme, préjugés, racisme...).
Les dialogues sont pauvres, amateurs, et dépourvus de subtilité. Médiocrité et paresse dans cette écriture sans talent qui ne donne pas de chair ni de réalité aux situations proposées. Et la plupart des personnages (certes pas tous) demeurent désespérément clichés...
Ainsi, pour le narcissisme de quelques émotions fan service et le confort de dialogues pour le moins convenus, Picard 01x06 The Impossible Box est l’épisode par lequel la montagne accouche de la souris. Certes, la série bifurque et tourne la page de nombreux fils rouges, mais rétrospectivement, ils se sont (presque) tous avérés être des marchepieds ou des culs-de-sac.
ST Picard n’a jusqu’à présent apporté aucun réel contenu, les "grands enjeux" étaient essentiellement des produits jetables, de transition, ou de crédit. Beaucoup de gesticulations, de bruits, de verbiage, d’appréhensions, de traumas, de flashs, d’effets, de jeux de pistes, de références, de promesses... mais qui finalement accouchent seulement d’un nouveau cliffhanger et d’une multitude d’illusions déçues. Oui, beaucoup de (...) pour rien !
L’impossible box est en fait une pure Mystery Box abramsienne gouvernée par une seule loi, celle du TGCM (ta gueule c’est magique), dispensant les auteurs de toute contrainte d’explication, soit un passeport d’immunité pour infliger autant d’incohérences, de WTF, de facilités, et de dei ex machinae... que les épisodes de Discovery.
Et contrairement au Tan Zhekran, cette Mystery Box n’a pas vocation à être ouverte tant elle est une bulle spéculative creuse se nourrissant des fantasmes, des projections, et des espérances des trekkers. En somme, un éternel teaser de potentialités qui ne verront jamais le jour.
Aucune véritable problématique de science-fiction n’a encore été sérieusement traitée, pas le moindre débat philosophique de fond n’a été développé, pas la plus modeste étude de caractère n’a été proposée. Mais en lieu et place : une accumulation de têtes de chapitre prétentieuses, du name dropping figuratif à gogo, des twists autocentrés, quelques scènes d’actions chorégraphiées, et un maillage perpétuel d’interactions relationnelles interpersonnelles (comme dans les soaps du soir).
En revanche, la série possède à son actif une "réussite" incontestable : avoir brillamment massacré le Trekverse, aussi bien ses personnages historiques (Picard, Seven, Maddox, Icheb...), que son héroïne principale (la Fédération des Planètes) et sa contraposée (l’Empire Romulien)… probablement de manière irréversible.
Somme toute, à ce jour, ST Picard est un changeling : une exhibition d’acteurs historiques sur le retour (vecteur d’appel et de nostalgie), des promesses de retrouvailles entre personnages non recastés (vecteur de buzz et de pathos) et une accumulation de cautions internalistes fourguées en vrac (l’habillage et l’alibi)... pour vendre tout sauf du Star Trek… en s’assurant bien que ce bric-à-brac d’emprunts non-trekkiens soit toujours dans le vent... comme les feuilles mortes.
YR
ÉPISODE
Episode : 1.06
Titre : The Impossible Box
Date de première diffusion : 27 février 2020 (CBS All Access) - 28 février 2020 (Prime Video)
Réalisateur : Maja Vrvilo
Scénariste : Nick Zayas
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