Star Trek : Roberto Orci fait des révélations sur le film de 2009
Roberto Orci, ancien associé d’Alex Kurtzman (devenu depuis, l’homme à penser de CBS pour l’univers Star Trek en construction), s’est très longuement entretenu avec TrekMovie à propos du film Star Trek de 2009 réalisé par J.J. Abrams qu’il a co-écrit et dont il était producteur délégué (avec Kurtzman). À cette occasion, il a fait quelques révélations sur l’écriture du scénario, dévoilant au passage certains des chemins qu’auraient pu emprunter le film…
Ci-dessous une retranscription de la première partie de l’interview qu’il a accordé à Anthony Pascale, de TrekMovie.
Revenons au début : Paramount vous a approchés, vous et Alex [Kurtzman], quelques années seulement après Nemesis. Avaient-ils décidé qu’ils voulaient ramener Trek ou juste se faire une idée de vous ?
Ils voulaient se faire une idée, c’est tout. C’était Marc Evans qui était cadre là-bas, et c’était avant Mission : Impossible 3 [sorti en 2006], c’était avant qu’on ne le fasse avec [le réalisateur] J.J.[Abrams]. Il savait que nous étions des fans de Star Trek et il a dit : « Vous avez une idée de ce que ça pourrait être ? » Nous avons dit oui. Nous retournerions à la jeunesse des personnages. Nous n’avions pas toute l’idée, mais nous en avions une petite, et nous sommes retournés aux personnages d’origine. Nous ne savions pas encore comment rebooter dans le canon. Et lorsque nous avons fait Mission : Impossible 3, c’est à ce moment-là que Paramount est venu nous voir officiellement et nous a demandé si nous étions intéressés pour écrire quelque chose pour que J.J. puisse le produire. C’est seulement après avoir vu à quel point nous avions bien travaillé ensemble sur Mission : Impossible 3 qu’ils sont venus nous voir officiellement.
Paramount vous avaient-il imposé des paramètres spécifiques, tels que les personnages à utiliser ou même l’époque ?
C’était comme un ciel dégagé. Ils ont été très clairs sur le fait qu’ils ne comprenaient pas ce qui faisait marcher l’univers Star Trek. Tout ce qu’ils savaient, c’est qu’ils voulaient s’assurer qu’il n’était pas nécessaire d’être un inconditionnel pour le comprendre. C’était le seul paramètre que nous avions. Brad Grey a admis qu’il ne comprenait pas Star Trek. C’était la même chose pour J.J. qui n’était pas un fan de Star Trek, avant de devenir le réalisateur du film et de vraiment y plonger. C’était donc un ciel très dégagé pour nous, ce qui était à la fois merveilleux mais aussi horrible parce que la liberté est terrifiante. Comme le disait le philosophe français Rousseau à propos de l’Amérique, la liberté peut être aussi contraignante que l’esclavage.
Alors on a décidé : « Allons par là ». Et quand Alex et moi avons eu l’idée d’une suite qui serait en réalité un reboot au canon, nous savions que ce serait adapté à un nouveau public, mais aussi pour quiconque ne connaissant pas Star Trek.
Depuis les années 1980, les films Star Trek étaient des films à petit et moyen budget. Et pourtant, si peu de temps après que la série Star Trek : Enterprise ait été annulée et Nemesis très critiqué, vous avez proposé d’y aller avec un gros budget. Quelle résistance y avait-il pour le placer à un tel niveau ?
Paramount a été très courageux. Ils étaient très favorables à l’idée de produire un film du XXIe siècle et de faire une énorme avancée, comme ce que nous avions fait avant, avec Transformers et Mission : Impossible 3. Ils savaient que pour attirer un public mondial, ils devaient joindre le geste à la parole. C’est donc tout à l’honneur de Paramount d’avoir appuyé une vision à gros budget. Mais, nous ne l’avions pas écrit dans ce but. Nous aurions pu raconter cette histoire de plusieurs façons et pour moins cher. Mais l’appétit de J.J. et celui de Paramount nous ont dicté un scénario d’un niveau dont nous étions satisfaits. J’ai toujours préféré moins, mais je n’avais pas l’intention de m’opposer à ce qu’il soit aussi parfait qu’il pouvait l’être.
Avez-vous pensé à développer d’autres histoires à part celles de Kirk et Spock, qui sont en fait des reboots de TOS ?
Nous avons développé une histoire centrée sur l’Académie, et vous le voyez un peu dans Star Trek ’09. Nous en avons développé une version qui n’était que l’Académie, très inspirée par l’un des épisodes de Next Generation où Wesley est dans l’Académie et où il passe devant le comité pour expliquer ce qui s’est passé au moment de la catastrophe [‘First Duty’]. Cette histoire nous a inspiré pour développer une histoire complète centrée sur les années Académie. Mais à mesure que nous avancions nous nous rendions compte qu’ils allaient nous laisser le champ libre et l’idée que nous pouvions avoir Leonard Nimoy nous a fait élargir notre champ d’action.
Cette histoire centrée sur l’Académie aurait impliqué Kirk et Spock ?
Oui.
L’histoire que vous avez choisi au final reposait entièrement sur Leonard Nimoy qui devait dire oui. Est-ce que vous aviez un plan B ?
Il n’y a jamais eu de plan B pour moi. Paramount avait peut-être un plan B, mais pour moi et Alex, il fallait que ce soit Nimoy et c’est pourquoi cette rencontre avec lui a été si importante. Son rôle devait être essentiel, sinon il ne l’aurait pas fait. Donc, avoir un plan B aurait été irrespectueux pour lui, et pour la franchise. Je ne savais pas comment faire autrement une histoire originale qui serait à la fois un reboot et une suite au canon. Si vous avez un plan B, ça veut dire que votre plan A n’était pas si génial que ça.
C’était bien avant que le MCU, univers hyper connecté, ne devienne vraiment ce qu’il est. Le film le plus récent a avoir été un reboot était celui de Christopher Nolan, Batman Begins. C’était aussi l’époque du Battlestar Galactica de Ron Moore. Le mot ‘reboot’ faisait fureur à l’époque…
J’ai utilisé le mot ‘reboot’ parce que c’est comme ça que les gens l’appelle, mais je ne classerais jamais ce que nous avons fait comme un reboot. Je considère que c’est une suite. C’est juste une suite qui vous raconte une histoire originale sur la façon dont ils se sont rencontrés et qui aurait pu se produire dans le canon. Je trouve le terme ‘reboot’ déplaisant à l’égard de cette franchise parce que je ne pense pas que c’était aussi simple. Le mot ‘reboot’ implique de jeter un tas de choses, car l’idée même que Nimoy revienne et change lui-même l’histoire, c’est bien dans les paramètres de ce que Star Trek avait établi dans ses propres règles. Donc, j’ai juste utilisé ce terme parce que c’est comme ça que la presse l’appelle mais ‘rebooter’ est un mot sale en ce qui concerne Star Trek.
Et vous n’avez jamais pensé à faire un reboot total ?
Non, pas une seconde.
C’est donc parce que le film se déroule en partie après Star Trek : Nemesis, que vous le voyez comme une suite...
Exactement. Et cela a fonctionné en partie parce que si vous ne connaissez pas les dix films d’avant, vous n’avez pas besoin de savoir que c’est une suite, mais si vous connaissez ces dix films, alors vous comprenez que c’est une suite.
Et maintenant Alex va reprendre certains de ces éléments pour la nouvelle série Picard…
Je ne le savais pas. Rappelez-moi de lui demander un chèque. [rires]
Une fois que vous vous êtes mis d’accord sur cette approche, est-ce que la rédaction du scénario et son approbation ont été plus difficiles ou moins difficiles que pour vos autres projets ?
C’était le moins difficile, parce que nous avions une telle passion et un plan tellement clair, qu’il n’y avait pas de retour en arrière. Ce n’était pas une question à choix multiples. On s’est dit : « C’est le film, et c’est tout ». C’était l’une des expériences les plus agréables et les plus naturelles que nous ayons jamais vécues en tant que scénaristes.
Dans le scénario, y a-t-il eu d’autres impasses importantes où vous avez fait des changements majeurs ou des choses que vous avez coupées ?
Bien sûr, à l’origine, nous l’avions écrit pour que le personnage original de Nimoy, Spock, apparaisse bien au début de l’histoire comme étant ce mystérieux personnage. Vous ne savez pas qui c’est. Ils poursuivaient ce voyageur du temps potentiellement perturbateur comme un faux méchant, qui se révélerait plus tard être Spock. Et il aurait révélé pourquoi il avait remonté le temps, à cause de tout ce problème. C’était un prétexte, une sorte de MacGuffin à la Dark Vador qui traînait dans le temps. Et puis ça devient la révélation du film.
L’autre impasse que nous avions eu, c’est qu’il était prévu qu’il se déguiserait en Robert April ou quelque chose comme ça et qu’il aurait été à l’origine de ce même personnage. Nous avons également exploré cette possibilité dans Star Trek : Into Darkness, mais nous avons décidé que cela en faisait trop dans Star Trek.
De plus, au départ, j’avais Carol Marcus dans l’histoire en tant qu’amoureuse de Kirk, et pour préparer des suites. Mais il s’est avéré que c’était un peu trop compliqué pour ce que nous essayions de faire. Nous avions déjà une sorte de bromance entre Kirk, Spock et toute l’équipe, et cela nous a semblé plus important.
Un autre changement s’est produit lorsque nous avons remis le scénario et que Paramount est devenu plus confiant. Nous devions avoir plus d’action. Ainsi, par exemple, la scène où ils sautent depuis l’espace jusqu’à la plate-forme. À l’origine, la scène était plus impressionniste. Une fois que nous avons obtenu le feu vert pour avoir quelque chose de plus puissant, nous avons transformé cela en une séquence d’action entière qui n’existait pas dans le scénario original. C’était beaucoup plus abstrait. Une partie de l’action a donc été renforcée. Pareil pour la destruction de Vulcain et le fait d’être sur place. Ce genre de choses sont devenues de plus en plus importantes au fur et à mesure que nous devenions plus confiants.
Vous avez écrit une version alternative de la fin qui aurait inclus William Shatner. Dans quelle mesure y a-t-il eu un effort sérieux pour que cela se produise ?
C’était sérieux. Mais en fin de compte, J.J. ne l’a pas fait parce qu’il trouvait que c’était trop. Personnellement, je m’y suis tenu et, par la suite, nous avons eu une conversation à ce sujet au cours de laquelle il a en quelque sorte dit que nous aurions peut-être dû le faire. Il n’était pas sûr. Mais, finalement, c’était son choix et si vous deviez lui poser la question aujourd’hui, je pense qu’il dirait honnêtement qu’il était indécis à ce sujet. J’ai bien sûr adoré cette fin, et j’aime aussi l’idée de rendre à Nimoy ce qui lui est dû, car nous y mettons fin maintenant. J’ai beaucoup aimé cette scène, c’était très naturel.
Et vous n’avez pas parlé d’une scène post-générique ?
Nous avons envisagé de trouver le Botany Bay comme une séquence post-crédits. Mais, j’avais l’impression que ça nous aurait enfermés dans une suite dans laquelle nous n’étions pas prêts à nous engager. Encore une fois, je ne pense pas que cela aurait signifié quoi que ce soit pour les non-fans et je pense que c’est la raison pour laquelle nous l’avons finalement rejeté. Nous voulions faire un film complètement autonome, au lieu de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.
Restez connectés à Unif’ pour la suite de l’interview de Trek Movie où Roberto Orci parlera de la réaction du public au film, de ce qu’il aurait fait de différent, de ce qu’il aurait fait avec la franchise aujourd’hui et plus encore.
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