La Servante écarlate : Margaret Atwood nous montre-t-elle comment résister dans un monde sous contrôle ?
LA SERVANTE ÉCARLATE : MARGARET ATWOOD NOUS MONTRE-T-ELLE COMMENT RÉSISTER DANS UN MONDE SOUS CONTRÔLE ?
Qu’est-ce qui pousse un individu à se rebeller lorsqu’il est privé de toute liberté ? Peut-on vraiment échapper à un système omnipotent par des moyens discrets et insoupçonnés ? C’est le cœur de La Servante écarlate, le roman emblématique de Margaret Atwood.
Ce chef-d’œuvre de la science-fiction dystopique pose des questions essentielles à notre perception de l’existence sur les moyens de résistance dans une société où le contrôle est omniprésent. Je vous en parle, car c’est à peu près l’avenir vers lequel nos propres sociétés sont en train d’évoluer et donc, nous verrons que Atwood a su anticiper cette possibilité et la développer pour nous préparer à l’inévitable. Ce thème résonne d’ailleurs avec de nombreuses autres œuvres de science-fiction, parfois moins connues, mais tout aussi pertinentes que La Servante écarlate qui reste un incontournable.
Gilead : un reflet de nos peurs les plus intimes
Dans La Servante écarlate, la République de Gilead représente une société totalitaire où la vie de chaque individu est minutieusement surveillée et contrôlée. Les femmes sont les plus durement touchées, mais les servantes comme DeFred (OfFred en version originale) sont bien plus à plaindre, car elles sont réduites à de simples outils de reproduction. L’une des forces du roman est de montrer comment même dans une telle situation, l’esprit humain cherche des échappatoires, des moyens de préserver une forme d’indépendance mentale et donc une forme de résistance.
Les souvenirs de DeFred en sont un parfait exemple puisqu’ils deviennent un refuge contre la déshumanisation imposée par Gilead. En se rappelant sa vie d’avant, DeFred maintient une connexion avec son identité passée, refusant ainsi de se laisser complètement modeler par le régime en place. Ce lien avec le passé est un des thèmes que l’on retrouve aussi dans d’autres dystopies, comme Les Fils de l’homme de P. D. James, où la mémoire et l’espoir jouent également un rôle crucial pour résister à une société sans aucun avenir.
La résistance par le langage a toujours été un défi à l’ordre établi
Le langage est un autre outil de résistance essentiel pour DeFred. Dans un monde où les mots sont également sous contrôle, où même les lectures sont interdites aux femmes, le simple fait de se souvenir de mots anciens ou d’inventer de nouvelles expressions devient un acte de rébellion puissant. Le graffiti « Nolite te bastardes carborundorum » (Ne laissez pas les bâtards vous broyer) est plus qu’un simple message que découvre Defred dans sa chambre, gravé dans un placard ; c’est un symbole de la résistance silencieuse qui persiste malgré tout et partout.
Cette utilisation du langage comme outil de résistance n’est pas unique à La Servante écarlate. On la retrouve, par exemple, dans 1984 de George Orwell, où le Newspeak (novlangue) est utilisé pour limiter la pensée et donc la rébellion des citoyens. Cependant, contrairement à 1984, où la résistance semble presque impossible face à l’efficacité du contrôle linguistique, Atwood laisse entrevoir l’idée que même dans un système totalitaire, l’esprit humain peut trouver des fissures à exploiter.
Reste l’alliance silencieuse d’une résistance collective
Les relations que DeFred noue avec d’autres personnages, tels que Moira, Nick ou même le Commandant, montrent que la résistance peut également se manifester par l’établissement de certaines alliances. Ces relations, bien que risquées, permettent à DeFred de maintenir un semblant de pouvoir sur sa vie. Les parties de Scrabble avec le Commandant, bien qu’apparemment inoffensives, deviennent un moyen pour elle de réaffirmer son humanité et de briser la monotonie de sa condition imposée.
Cette idée de la résistance par les alliances silencieuses est également présente dans des œuvres comme Le meilleur des Mondes d’Aldous Huxley où des personnages comme Bernard Marx et Helmholtz Watson, bien qu’étant des produits du système, trouvent des moyens de remettre en question les valeurs de la société. Toutefois, Atwood va plus loin en montrant que même les relations les plus triviales peuvent devenir des actes de résistance dans un monde où tout est vérifié, révisé et examiné.
DeFred incarne donc également une forme de résistance passive. Elle se conforme aux attentes, mais refuse intérieurement d’accepter son sort. Cette résistance silencieuse est un thème assez fréquent dans la littérature dystopique, mais Atwood lui donne une profondeur particulière en explorant les nuances psychologiques de la soumission et de la rébellion. Contrairement au personnage de Winston Smith dans 1984, dont la résistance est finalement brisée par le système, DeFred parvient à conserver une part de son autonomie mentale, malgré les pressions énormes qui s’exercent sur elle. Ici, la résistance prend donc la forme d’une quête de connaissances et de compréhension.
Les réseaux de résistance comme Mayday dans La Servante écarlate montrent que même dans les sociétés les plus contrôlées, l’entraide et la bienveillance envers autrui, peut offrir une lueur d’espoir. Ces réseaux sont le reflet des tentatives désespérées, mais courageuses, de maintenir l’espoir d’un changement, l’espoir d’une future libération. Le rôle des Marthas et d’autres femmes dans la transmission des informations ou alors dans la protection des fugitifs est un autre aspect de cette solidarité silencieuse. Il reste donc à prendre conscience de ceci : toutes sociétés totalitaires ne pourra jamais s’affranchir d’une souche d’opposants qui agissent dans l’ombre et c’est à travers leurs actions que le monde redeviendra un jour vivable.
Ces thèmes se retrouvent aussi dans le roman La Parabole du Semeur de Octavia Butler où la protagoniste, Lauren Olamina, construit un réseau de croyants pour survivre dans un monde post-apocalyptique. Cette résistance collective et la création de nouvelles communautés deviennent alors des moyens de résister à l’effondrement social, tout comme dans Gilead où les liens humains sont cruciaux pour la survie morale et physique des personnages.
Petite introspection personnelle
La Servante écarlate, vous l’avez maintenant compris, n’est pas seulement une œuvre de science-fiction dystopique ; c’est un miroir déformant de nos propres sociétés où les questions de contrôle, de liberté et de résistance sont plus pertinentes que jamais. Atwood nous rappelle que la résistance ne nécessite pas toujours des actes héroïques. Il y a parfois une forme plus discrète et invisible, elle réside dans les pensées que nous choisissons de préserver. Ce sont les mots que nous utilisons en secret et les liens de confiance que nous nouons avec les autres.
Pour nous, la question reste assez difficile à appréhender. Est-ce que dans nos propres vies où les systèmes de contrôle sont souvent plus subtils, mais tout aussi réels, nous pourrions imaginer y résister ? Quels seraient les moyens par lesquels nous conserverions une certaine autonomie et plus loin, une véritable identité, voire une véritable individualité ? Peut-être que, comme DeFred, la réponse à ces questions se trouve dans les petites actions quotidiennes, mais aussi dans les souvenirs que nous chérissons, et enfin les amitiés fidèles que nous construisons.
Donc, n’oubliez pas ceci. Dans une société de contrôle, chaque acte de résistance, aussi petit soit-il, est une affirmation de notre liberté et humanité.
Rejoignez-moi sur mon podcast Sauce Fiction pour continuer l’exploration de ce superbe roman écrit par Margaret Atwood.
À bientôt les fans de fiction !
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