Les menhirs de glace : Vivre 1000 ans avec 100 ans de mémoire ?

Date : 02 / 07 / 2024 à 12h00

LES MENHIRS DE GLACE : VIVRE 1000 ANS AVEC 100 ANS DE MÉMOIRE ?

Voudriez-vous vivre 1000 ans, mais en ayant uniquement accès aux 100 dernières années de souvenirs ?

Cette question fascinante se trouve au cœur du roman de science-fiction Les menhirs de glace de Kim Stanley Robinson. Publié pour la première fois en 1984, ce roman de science-fiction spéculative nous invite à prendre conscience des implications possibles d’une telle avancée technologique et sur la manière dont elle pourrait remodeler notre compréhension de l’identité et de la mémoire.

Les menhirs de glace est un fix-up, c’est-à-dire une compilation de plusieurs nouvelles intégrées pour former un roman cohérent.

Il se compose donc de trois parties principales :

  • La première concerne Emma Weil : Spécialiste en systèmes de support de vie, elle est approchée par deux anciens amis pour rendre viable un astronef interstellaire. Malgré ses réticences initiales, elle accepte et découvre les plans d’une mystérieuse structure circulaire avant de retourner sur Mars où une révolution éclate contre les Corpos.
  • La seconde concerne Hjalmar Nederland : Trois siècles plus tard, cet archéologue martien obtient la permission de fouiller les ruines des villes détruites pendant la sédition. Ses découvertes remettent en question les récits officiels et il fait le lien entre un cercle de menhirs de glace sur Pluton et les plans mentionnés par Emma, 300 ans auparavant.
  • La troisième et dernière partie concerne Edmond Doya : Arrière-petit-fils de Hjalmar, il doute des découvertes de ses prédécesseurs et pense qu’il s’agit d’une mystification. Il questionne la manipulation et la réécriture de l’histoire par les puissants, une réflexion qui résonne fortement avec notre époque où les fake news et autres reformulations historiques sont monnaie courante.

La mémoire comme thème récurrent du livre
Robinson imagine une société où les humains peuvent vivre mille ans grâce à un traitement révolutionnaire, mais leur cerveau ne peut conserver que les souvenirs des cent dernières années. Les autres souvenirs sont soit effacés, soit profondément enfouis dans l’inconscient, ne ressurgissant qu’occasionnellement et de manière incontrôlée. Les habitants de cet univers rédigent alors des autobiographies pour leur « Moi » futur, devenant ainsi pratiquement des individus inconnus pour ceux qu’ils seront à chaque nouveau siècle.

Ce concept pose des questions intrigantes sur notre identité. Si nous oublions notre passé, sommes-nous toujours la même personne ? Cette idée rappelle des œuvres comme Ubik de Philip K. Dick où la réalité et la mémoire sont constamment manipulées, rendant incertaine la nature de l’identité humaine.

Robinson explore également la manière dont l’histoire peut être manipulée par ceux qui détiennent le pouvoir. Hjalmar Nederland découvre que les récits officiels des destructions martiennes pendant la sédition sont des fabrications. Ce thème rappelle bien évidemment des classiques comme 1984 de George Orwell où la vérité est constamment réécrite pour servir les intérêts du pouvoir en place.

La manipulation de l’histoire dans Les menhirs de glace nous invite aussi à nous interroger sur notre propre société où la quête de la vérité devient alors un effort héroïque, une lutte contre des forces qui cherchent à modeler la réalité pour leurs propres fins.

Les personnages et leurs quêtes
Les personnages de Robinson sont profondément humains et complexes. Emma Weil, Hjalmar Nederland et Edmond Doya, chacun à leur manière, cherchent à découvrir la vérité et à comprendre leur place dans un monde où la mémoire et l’histoire sont constamment en flux. Leur quête est une métaphore de notre propre recherche de sens dans un univers en perpétuelle évolution.

Emma Weil, par exemple, doit naviguer entre ses loyautés personnelles et les implications éthiques de ses découvertes. Son retour sur Mars et son implication dans la révolution contre les Corpos illustrent bien la tension entre l’individu et les structures de pouvoir. Hjalmar Nederland, de son côté, en tant qu’archéologue qui doit faire face aux vérités inconfortables que ses fouilles révèlent, se questionne sur les fondements mêmes de son monde. Enfin, Edmond Doya est un sceptique moderne, un personnage qui doute et qui remet en cause les narratifs établis, cherchant toujours la vérité derrière les apparences.

Le roman, Les menhirs de glace, oscille entre les visions utopiques et dystopiques du futur. La possibilité de vivre mille ans pourrait être vue comme une utopie, une avancée extraordinaire de la science. Pourtant, cette avancée est teintée de dystopie par la perte obligatoire de la mémoire.

La science-fiction a souvent été utilisée pour projeter les espoirs et les peurs de notre temps dans des futurs imaginaires. En cela, ce récit est comparable à La Machine à explorer le temps de H.G. Wells où le voyage dans le temps révèle autant les potentialités que les cauchemars de l’humanité.

La science-fiction de Robinson n’est pas seulement une exploration de futurs possibles, mais aussi une critique de notre présent. À travers les luttes de ses personnages et les mystères qu’ils cherchent à résoudre, il nous pousse à revoir notre propre construction et conservation de la mémoire collective à travers nos réseaux sociaux, par exemple.

En fin de compte, Les menhirs de glace nous rappelle qu’il est de notre responsabilité de défendre le concept même de vérité pour maintenir une société éclairée et informée. Par nos actions quotidiennes, en adoptant une approche sceptique et analytique, en promouvant la transparence et en valorisant l’éducation critique, nous pouvons chacun contribuer à cette quête.

En terminant ce voyage à travers le roman, je ne peux m’empêcher de me demander : comment notre propre mémoire façonne-t-elle notre identité et notre perception du monde ? Sommes-nous plus que la somme de nos souvenirs ou ces derniers définissent-ils entièrement qui nous sommes ? Ces questions sont au cœur de l’expérience humaine et restent aussi pertinentes aujourd’hui qu’elles le seront demain.

À bientôt les fans de fiction !

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