Dossier 64 : La rencontre avec Nikolaj Lie Kaas, Fares Fares et Louise Vesth
Lors de la promotion du film Dossier 54, la nouvelle enquête du Département V, Unification a été invité à rencontrer les acteurs Nikolaj Lie Kaas et Fares Fares et la productrice de Zentropa, une société de production et de distribution de films, fondée en 1992 par Lars von Trier et Peter Aalbæk Jensen, Louise Vesth lors d’une table ronde.
Je remercie vivement l’éditeur Wild Bunch, l’agence Mensch Agency d’avoir permis cette rencontre possible. Et je remercie vivement les très sympathiques Nikolaj Lie Kaas, Fares Fares et Louise Vesth qui ont répondu aussi agréablement à nos questions.
Merci aussi aux autres participants de la table ronde : Alexandre de Close Up Magazine, Anne de Le bleu du miroir, Aude de Epixod, Elise de Lily Lit,Guillaume de Culturellement votre et Lisa de Esprit Ciné.
Voici la retranscription des échanges qui ont eu lieu.
Louise Vesth : C’est une bonne opportunité. C’est aussi une histoire qui permet de voyager. J’aime le cinéma, je trouve cela magique. C’est une opportunité que ce type de diffusion. Cela permet la disponibilité d’un film. Cela donne plus de flexibilité. Il y a une stratégie importante à mettre en place pour une sortie en salle. Ce type de distribution permet de le diffuser plus largement et permet aussi de parler de lui. De plus, il permet de rencontrer les gens et son public.
Vous avez signé un contrat avec l’auteur Jussi Adler Olsen pour ses 4 premiers romans. Est-ce que vous allez signer un autre contrat pour les 3 autres qu’il a écrit ?
Louise Vesth : Non. On savait dès le début qu’il n’y aurait que 4 films.
L’auteur n’est pas très content des films. Mais c’est OK. Il y a souvent des conflits avec des auteurs sur un film.
Nous voulions faire le meilleur film possible. Nous avons fait appel au meilleur scénariste danois. C’est dur pour l’auteur qui continue d’écrire et veut faire 10 livres de sa série. C’est compliqué, car le film prend l’image qu’il y a dans la tête des lecteurs et impose celle des acteurs. Nous n’avons pas eu les droits après les 4 premiers livres.
C’est une autre production qui va faire la suite et il y aura un nouveau casting. Visiblement, ce sera sous forme de films et non pas de série comme c’était initialement prévu.
Vous êtes sur la production du film depuis le début ?
Louise Vesth : Au début, cela devait être une série télévisée. Quand j’ai lu le livre, j’ai trouvé que l’histoire était très forte pour le cinéma. Nous avons donc décidé de faire quatre films pour le cinéma en adaptant chacun des livres.
Nous avions beaucoup d’ambition et nous voulions garder un niveau élevé pour avoir une très bonne qualité. Il n’était donc pas possible de faire de la télévision après le premier film. Et nous avons essayé de faire mieux après chacun des longs métrages.
L’atmosphère du film est très noire ?
Fares Fares : En fait, l’ambiance était très bonne. Nous travaillons bien ensemble. Il y avait une très bonne relation avec le réalisateur. On savait aussi que c’était le dernier film de la série. Et on voulait dire au revoir à nos personnages. On a exploité l’idée de ce que l’on avait de nos personnages. C’était très sympathique.
Quel était la meilleure scène que vous avez faite dans le film ?
Fares Fares : C’est la scène dans l’hôpital.
Et la plus dure ?
Fares Fares et Nikolaj Lie Kaas : La même. Quand on marche de la voiture au bâtiment lors de cette même scène.
Comment s’est passé votre séparation avec vos personnages ?
Fares Fares : J’étais heureux de signer un contrat avec seulement quatre films dedans. C’était mon travail sur le dernier film, et j’avais envie de faire au mieux. Cela finit la saga entre Carl et Assad, et c’est la meilleure façon de finir. Si on continuait, on risquait de perdre un peu d’énergie pour les personnages.
Est-ce que vous avez prévu d’autres projets ensemble ?
Fares Fares : Non, mais on cherche ensemble.
Pouvez-vous nous parler de votre relation ?
Fares Fares : Cela a été instantané. C’était sympa tout de suite. Il y a eu une alchimie dès le début entre nous.
Nikolaj Lie Kaas : On croyait l’un en l’autre.
Comment se sent-on après avoir porté un personnage pendant si longtemps ?
Fares Fares : Il y a une forte relation entre nous. Mais le réalisateur était toujours là. Même si c’est un nouveau réalisateur, on échangeait beaucoup avec lui. Certains personnages restaient plus longtemps que d’autres.
Nikolaj Lie Kaas : J’accepte de faire partie d’un projet dans lequel je suis un connard qui veut tout faire par lui-même. Je sais que je vais mourir seul et misérable. Mais j’accepte de faire partie de cette relation avec Assad, car elle me permet d’être égoïste et égocentrique. Mais ce que je suis dans mon rôle est très loin de ce que je suis vraiment.
Rose était plus présente à l’écran. Est-ce que vous avez envie de faire un trio ?
Fares Fares : Elle a plus de présence à l’écran et est plus importante. Mais les films n’ont pas la place pour mettre en place un trio. Elle apporte une vraie dynamique à l’équipe. J’avais des objections quand est arrivé une autre personne en plus de Assad dans le Département V. Mais l’actrice apporte quelque chose d’autre. Elle a une vraie relation avec les deux autres personnages. Elle est devenue aussi drôle pour Assad. Cela donne une grande dynamique entre les trois.
Louise Vesth : Elle joue un rôle très important. Elle fait partie de l’histoire et est liée à l’intrigue. Il a besoin de créer une atmosphère dans le département V. Cela créé une dynamique avec tous les personnages. C’est très important d’avoir un personnage de soutien comme elle. Dans mon opinion, elle est très importante pour le dernier film. Elle supporte complètement Assad. C’est un lien entre tous.
Nikolaj Lie Kaas : C’est très dur de jouer un tel personnage comme Carl. C’est drôle de jouer Assad, car personne ne bronche. C’est aussi drôle de jouer Rose.
Fares Fares : Je ne me sentais pas si à l’aise dans mon rôle dans le premier film.
Louise Vesth : Il faut être un très bon acteur pour rester dans son personnage aussi longtemps. Les acteurs ont du mal à revenir de façon récurrente dans un tel type de rôle. Celui d’un homme qui se moque de tout.
Fares Fares : C’est très difficile de bien le faire. On sépare le personnage du comédien.
Nikolaj Lie Kaas : Tout est un ping-pong entre nos deux personnages.
Comment le réalisateur est venu sur le projet ?
Louise Vesth : J’ai été à l’école de cinéma avec lui et je le connaissais bien.
Nikolaj Lie Kaas : J’étais surpris au départ, car on ne m’avait jamais parlé de lui.
Louise Vesth : On voulait avoir quatre réalisateurs différents pour chacun des films. Mais on a pris le même pour les deux premier. On avait peur d’un échec au cinéma, et le deuxième volet est plus puissant que le premier. Donc on a tourné les 2 films presque ensemble. C’était un vrai désastre, car on a dû tourner le deuxième film très vite.
Le réalisateur Christoffer Boe est un très bon directeur d’acteurs. Il a la capacité de donner une très bonne qualité à ses films. Sur le troisième long métrage, c’était très dur car cela portait sur les enfants. Le tournage était très vivant et s’est fait l’été.
Il y a eu plus de temps entre le troisième et le quatrième film, car il fallait attendre la fin des projets des principaux comédiens. Christoffer à une très forte signature. Il est très bon avec les angles des caméras. Il ne filme pas seulement des images plates, mais créé une histoire avec une vraie signature reconnaissable. C’est un réalisateur très intelligent. J’étais très contente quand il a dit oui. Je considère que c’était la meilleure personne pour le film et cela m’a ravi.
Est-ce qu’il a été très dur de rentrer dans les personnages du Département V ?
Fares Fares : C’était un peu limité. On ne peut pas faire n’importe quoi. Les personnages doivent se respecter. Dès le début, je voulais que Abbas soit plus humain que dans le livre. Qu’il soit plus respectable et moderne. On a mis en place cela dès le début et cette relation entre Nicolas et moi est restée dans tous les films.
Ce qui était le plus difficile pour moi, qui suis suédois, c’était de jouer dans un film tourné en danois. J’ai dû apprendre la langue qui est horrible. C’est une langue qui est basée sur le son, pas les mots. J’avais un coach pour le texte et Nikolaj et le réalisateur m’aidaient aussi.
Nikolaj Lie Kaas : Mon personnage ne montre jamais rien. C’est difficile pour lui faire montrer quelque chose. C’est un idiot. On le déteste.
Sa relation ne marche que parce qu’ils sont deux. C’est un idiot, et c’est sa relation avec le personnage d’Abbas qui permet de le faire. Il peut se reposer dessus et donc se comporter de la sorte. On a toujours un équilibre à trouver. Je peux faire n’importe quoi, ce qui dérange Assad. C’est un personnage très sombre.
Fares Fares : Ma fille est venu sur le tournage, et au bout de deux jours, elle me dit « Mais quelle différence entre Nikolaj et son personnage ! » En effet, dès qu’on coupait, Nikolaj faisait complètement autre chose qui n’avait rien à voir avec son rôle.
Nikolaj Lie Kaas : Ma fille joue le rôle principal d’un film. Elle fait n’importe quoi en dehors du tournage, comme moi. Et dès qu’on dit que l’on tourne, on se focalise tous les deux intensément sur le rôle.
Avez-vous commencé par découvrir le script ou le livre ?
Fares Fares : Le script. Je ne suis pas fan du livre. J’ai lu le premier livre après le script. J’ai travaillé sur le personnage, puis ensuite, j’ai dit oui sur le rôle à partir du script. J’ai alors lu le premier livre pour plus de préparation et j’étais ennuyé pour le traitement de mon personnage. J’ai nettement préféré lire le script.
Pouvez-vous me parler de évolution du script pendant le tournage ?
Fares Fares : On a beau beaucoup parlé avant le tournage, mais sur le tournage on n’a pas modifié grand-chose. Le script n’a pas beaucoup changé. En plus, pour moi, il y a la barrière de la langue. Je ne peux pas trop improviser. Je travaille beaucoup sur le script avant.
Nikolaj Lie Kaas : Cela dépend du genre. Ici, c’est très écrit. On ne peut pas faire ce que l’on veut sur le tournage.
Louise Vesth : Le script est très bien écrit. Il y a eu peu de changement possible, car c’était très tendu au niveau de la durée du tournage. Pendant le tournage, il y a eu beaucoup d’échanges, de regards, des jeux de comportement. Il y a eu de grosses coupures sur le script original pour pouvoir resserrer l’intrigue.
Votre histoire est vraiment inspirée d’une histoire vraie ?
Louise Vesth : Oui. On passe devant cette île, et les parents disent aux enfants qu’ils les y enverront s’ils ne sont pas sages. On connaissait l’histoire. Mais pas vraiment la véritable histoire. Cela n’a jamais été dit dans un film, uniquement raconté dans des documentaires.
Nikolaj Lie Kaas : On ne la connaissait pas cette histoire.
Est-ce que vous avez vraiment besoin d’en parler ?
Louise Vesth : Oui, on doit en parler. Il y a beaucoup de graffitis sur l’île. C’est une partie importante de l’histoire du Danemark.
Nikolaj Lie Kaas : C’est un problème important. Il n’y a pas de vraie noirceur dans les personnes.
Louise Vesth : C’était la politique de cette époque. Elle voulait créer une population en bonne santé et qui correspondent à des critères définis. Les politiciens essayaient d’éliminer les personnes qui ne correspondaient pas à ceux-ci.
Quand avez-vous découvert cette histoire ?
Fares Fares : Dans le script. Il y a beaucoup d’informations. C’est l’histoire principale du film. La jeune fille migrante n’est pas dans le livre. Le film commence dans les années 60 et se continue dans l’histoire plus moderne d’aujourd’hui. On en a parlé ensemble, quand on a découvert l’histoire du livre.
Nikolaj Lie Kaas : J’ai lu le livre en premier. Le film a fait des bons choix. Il y a beaucoup d’histoires secondaires dans le livre qu’on ne peut pas raconter.
Louise Vesth : Cela a été notre plus grand challenge, de faire tenir le cœur du livre dans un seul film. J’aime la combinaison qu’on obtient entre brutalité et humour. C’est une sorte d’ADN du film. Il y a une belle écriture du script qui met en miroir le personnage et le cas.
Et dans le dernier film, on se demandait vraiment comment faire tout rentrer dedans. Ce n’est pas évident. Il y a la relation entre les femmes et on se demandait comment on la faisait rentrer dans l’histoire. On se trouve devant un récit parlant de femmes coincées sur une île et qui n’ont pas de futur. On apprend des choses à la fin du livre, mais on ne pouvait pas procéder de la même façon pour le film.
Nikolaj Lie Kaas : on ne sait pas de qui il s’agit dans le livre. On ne le découvre qu’à la fin. Dans un film, on a besoin de montrer des choses.
Est-ce que vous jouez au bon flic et au mauvais flic ? Est-ce que vous avez une évolution de votre personnage ?
Nikolaj Lie Kaas : Depuis le début c’est une grande issue pour mon personnage. Il n’a besoin de personne. C’est pathétique. Et il considère que le monde doit accepter ce qu’il est. On aime voir son personnage s’ouvrir et se craqueler un peu. Cela dépend de la relation entre les deux protagonistes principaux. Je l’aime et le personnage peut arriver enfin à s’ouvrir. C’est une vraie évolution. On veut qu’il s’humanise, mais qu’il comprenne tout seul pourquoi il doit d’ouvrir cette porte. Je dois le sentir. Nous avons beaucoup discuté à ce propos sur le tournage.
À l’issue de la table ronde, j’ai eu la chance de pouvoir m’approcher de la productrice Louise Vesth qui est vraiment une personne des plus abordable et sympathique. Et nous avons entamé une discussion passionnante, dont voici le résumé ci-dessous.
Je lui ai posé la question que je voulais vraiment lui poser et que malheureusement la durée de la table ronde passionnante ne m’a pas laissé le temps de faire. Je lui ai donc demandé s’il était plus facile ou difficile de produire un film comme ceux issus du département V par rapport à d’autres longs métrages comme le dernier Lars Von Trier The House That Jack Builthttp://www.unificationfrance.com/article54503.html.
Elle m’a indiqué que ce n’était pas vraiment la même chose. Sur les films de Lars Von Trier, ils étaient plus faciles à produire et à distribuer, car son nom était très connu. D’autres films étaient plus stressants parce que ce n’était pas évident de les faire. En ce qui concerne les enquêtes du département V, c’était un projet personnel qu’elle avait porté dès le début. Elle s’était beaucoup impliquée dedans, notamment pour que les œuvres soient de grande qualité. Elle est ainsi d’autant plus ravie que les films aient trouvé son public et qu’ils aient rencontré le succès.
La discussion s’oriente ensuite sur le dernier film de Von Trier et la réception qu’il a eu, en divisant fortement les personnes qui l’ont regardé.
Certaines critiques ont été extrêmement acerbes. Nous avons alors discuté sur la façon de dire les choses. Je partage son opinion sur le fait que l’on ne peut pas du tout aimer une œuvre, mais que l’on peut rester respectueux dans ses propos, sans être agressif, ne serait-ce que pour respecter le travail des personnes impliquées.
Nous avons aussi évoqué l’histoire clivante du film. En effet, on y suit un serial killer qui n’a aucune morale ni remord et dont la psyché humaine est des plus sombre. Une violence intrinsèque très forte, et la mise à mort de jeunes enfants lui ont attiré certaines foudres.
Si je n’ai pas d’attirance malsaine pour un personnage charismatique et abominable, je conseille le film qui est très réussi. Ce dernier est sorti en DVD en France le 5 mars 2019. Il a d’ailleurs eu le Prix du public à L’étrange festival 2018.
Dossier 64 est un très bon film vraiment passionnant. Vous pouvez en retrouver la critique ICI.
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