Deux Fils : La rencontre avec Félix Moati
À l’issue de la projection du film Deux Fils, le réalisateur Félix Moati est venu répondre aux questions du public.
Voici la retranscription des échanges qui ont eu lieu. Vous pouvez aussi en visualiser la vidéo en fin d’article.
Comment avez-vous choisi votre chef opérateur ? La lumière du film et très belle.
Il s’agit de Yves Angelo. J’aime l’idée d’être très proche des personnages et de laisser les spectateurs se faire une idée sur l’environnement. Yves est une légende de la lumière. Il a une vraie cohérence dans la façon dont il utilise la matière pour la porter à l’écran. Il y a aussi un contraste très fort entre lui, qui a un certain âge, et par exemple notre très jeune chef de la décoration et d’autres membres de notre équipe. Le film parle aussi de dialogue intergénérationnel.
Nous avions de la lumière naturelle en extérieur, et pour le décor en intérieur, nous ne mettions de la lumière que dans le cadre afin de ne pas faire de surexposition.
Yves est très proche du visage, sa caméra les caresses, il ne rajoute pas de sur-lumière dessus. C’est une sorte d’hommage à la réalité qui vient contredire la comédie du film.
Je n’ai pas fait de storyboard, il n’y a pas d’événements spectaculaires qui se passent dans l’histoire. Je voulais être proche des êtres humains et ne pas faire une mise en scène démonstrative. Je ne voulais pas qu’elle soit au-dessus des personnages.
Comment avez-vous fait le montage ?
La fabrication d’un film, c’est empirique. Il faut coller à la lumière du jour, aux acteurs.
C’est au cours du montage que je me suis rendu compte que j’avais fait un film sur le manque et l’absence de la femme aimée. J’ai présenté trois hommes à qui il manque une partie.
Cela était très dur au niveau du montage, car j’étais très proche des acteurs. Les scènes les plus flamboyantes, celle que je préférais le plus, dans lesquels il y avait beaucoup de figurants, je les aie finalement coupées.
Je voulais que ma fin soit sur le sourire de Vincent, comme une protection contre ce qui arrive dans le film.
Dans le montage, il faut être sans pitié. Il ne faut pas être amoureux des images que l’on a tourné.
Comment avez-vous fait le choix des acteurs ?
Je connais Vincent Lacoste depuis 10 ans. Il a tourné dans Les beaux gosses et moi dans LOL. Je voulais faire un film avec lui depuis longtemps. Pas forcément comme acteur, mais aussi comme réalisateur.
C’est quelqu’un qui me passionne. Il a toujours en lui un mystère qui n’est jamais volontaire. J’ai écrit le rôle en pensant à lui. S’il avait refusé, je n’aurais pas proposé moi-même de faire l’acteur.
Benoît Poelvoorde, je l’ai rencontré sur Le grand bain. Dans la scène du début, quand il rentre dans le cercueil, cela fonctionne parce que c’est lui qui le fait. Quand on a un penchant à la gravité, il est important de se protéger par la comédie. Vincent nous protège avec douceur, et candeur, tout comme Anaïs Demoustier.
Quant à Vincent, il est le personnage, mais il est aussi lui-même.
Comment avez-vous fait pour la direction d’acteurs ?
Ma direction était différente avec Vincent et Benoît, car je ne le connais pas. Vincent, il a un grand sens de l’observation. Dans le film, j’ai remarqué qu’il marchait comme moi. Entre nous deux, nous n’avons pas besoin de nous parler vraiment. Nous avons beaucoup échangé au moment de l’écriture avant le début du film, mais plus vraiment pendant le tournage.
Comment s’est fait le choix de l’acteur qui incarne Ivan ?
Je ne l’ai pas fait sur la ressemblance physique, je l’ai pris parce que c’était un bon acteur.
Nous avons vu 450 enfants. Mathieu Capella ne voulait pas devenir un acteur. En fait, au moment du tournage, il s’est rendu compte qu’il voulait être chef opérateur. Il s’intéressait vraiment à toute la technique autour du film. Je l’ai choisi parce qu’il avait beaucoup d’attention pour les autres. Il a une vraie tendresse et une férocité en même temps. Cela correspond parfaitement au rôle de son personnage. Il a une sensibilité qui est la même que celle de Vincent. Il n’a pas peur d’être regardé. Il jouait son texte très naturellement.
Vous avez une certaine ressemblance physique avec vos acteurs. Est-ce que vous vous êtes vus dans les personnages ?
Oui. Même dans les personnages féminins. On devient un personnage de fiction après coup. Quand on aime le film, on découvre une certaine personnalité du réalisateur. Le cinéma permet ce type de rencontre. J’aime voir cela quand je vais voir un film, découvrir la personnalité du réalisateur derrière. Je n’ai pas eu envie d’embarrasser les gens avec ma vie intérieure, j’ai plein d’obsession que j’ai mise dans mon film.
Quelle était votre idée de départ ?
Je me suis attaché à former la représentation d’un homme qui n’est pas attaché à la masculinité, qui n’est pas bêtement viril. Je voulais faire dialoguer le souvenir fantasmé du gamin de 13 ans que j’étais avec celui adulte que je suis devenu et qui est un déserteur. Les personnages ont une grande démission de tout. Et ils se réconcilient grâce au petit frère, Car ce dernier ne se résigne pas. Ils ne veulent donc plus décevoir le petit. Et ils ré-occupent leurs fonctions de grand frère et de père. Le film Husband de John Cassavets m’a beaucoup inspiré. Il s’agit d’hommes hantés par des femmes et qui finissent par rentrer chez eux.
Quelles sont vos références du film ?
Lorsque j’ai choisi Yves comme chef opérateur, ce n’était pas en hommage à Claude Sautet, bien que j’adore ses films.
Yves a travaillé avec lui. J’ai adoré son amour du cinéma. Sur le plateau de LOL, j’ai découvert la fraternité, la camaraderie, le collectif qui a un même objectif. Le cinéma, c’est la transmission du savoir, c’est beaucoup plus que ce que l’on en voit.
J’aime beaucoup les films de Michel Piccoli. Et aussi ceux de Woody Allen. C’est lui qui m’a fait prendre conscience de l’importance de la comédie. C’est un genre qui est plus délicat. C’est une forme de protection.
Martin Scorsese m’a aussi inspiré. La façon dont il filme New York et la volonté de puissance de ses personnages sont des éléments qui m’ont inspiré.
Il y a aussi Jean-Pierre Melville, avec son L’Armée des Ombres.
On a tous un musée imaginaire en nous, et on essaye de le retranscrire au mieux.
Et pourquoi avoir mis ce message du Christ ?
Et en fait, il y avait trois raisons. J’étais très religieux quand j’étais jeune. Et cela m’a beaucoup marqué. J’ai trouvé aussi que c’était un élément de comédie intéressant. C’est un élément très sophistiqué, tout comme le latin. Cela faisait un contraste chez ce jeune garçon qui s’intéresse à des éléments comme la religion et qui en même temps fume et bois.
Et puis il y avait aussi la fascination pour la douleur. C’est très enfantin. Cela fait partie du romantisme adolescent. Je voulais représenter sa croyance en montrant une église trop grande pour lui, vide et silencieuse, sans réponse.
Le film présente une belle relation entre trois hommes cherchant à se retrouver. Vous pouvez en retrouver la critique ICI.
VIDÉOS
Rencontre avec Félix Moati 1 :
Rencontre avec Félix Moati 2 :
Bande annonce :
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