High-Rise : La rencontre avec Ben Wheatley

Date : 06 / 04 / 2016 à 08h10
Sources :

Unification


À l’issue de la projection du film High-Rise, Ben Wheatley est venu répondre aux questions du public.

Voici la retranscription des échanges qui ont eu lieu. Vous pouvez aussi en visualiser la vidéo en fin d’article.

Vous avez lu et relu High-Rise et qu’est-ce qui vous a plu dans le livre pour en faire ce film ?

J’ai lu ce livre quand j’étais adolescent et cela me faisait comprendre le mouvement de l’époque. J’écoutais Jimi Hendrix, je testais la drogue…
High-Rise parle de sexe et de violence.
A 40 ans, on est plus vieux et j’ai aussi un enfant. Ce qui m’intéresse, c’est ce que Ballard avait prévu : que l’on devienne esclave de la technologie, la séparation des classes.

Qu’est-ce qui est vient de Ballard et qu’est-ce qui vient de Wheatley ?

Il n’y a pas que moi dans le film, mais aussi de ma femme qui a écrit le scénario. On a trouvé ridicule de tout changer. On a voulu rester proche de l’esprit de Ballard à un niveau plus personnel. Je suis né dans les années 70. J’aurais pu être un enfant dans ces tours. J’avais ce luxe d’avoir ce regard sur une période familière. Ballard parlait du passé et du futur proche dans son livre. Dans le film, j’ai voulu parler du passé, mais aussi le mêler de science-fiction.

Quelles sont vos relations avec la scénariste qui est aussi votre femme ?

Amy écrit des scénarios. Un jour, j’ai vu le livre sur une étagère. Je l’ai pris et le lui ai donné.
Pendant toute l’écriture du scénario, nous n’en avant pas parlé du tout. En général, elle réécrit ses scénarios en fonction de mon travail sur le film.
Quand on a chez soit deux écrivains, c’est embêtant d’en avoir un plus brillant que l’autre…
On se connaît depuis nos 17 ans.

Il s’agit d’une histoire écrite en 75. J’ai pensé à l’intégrer à notre époque avec les techniques actuelles, mais je me suis heurté au problème des technologies et du social média.
Aujourd’hui, si un événement arrive, c’est immédiatement sur Instagram, Twitter… Or, il y a beaucoup de secrets dans l’histoire. C’est une certaine anarchie qui se développe et dont personne ne parle hors de la tour.
On ne pouvait pas l’adapter à l’heure actuelle sans casser une partie du livre.
Par exemple pourquoi certains films historiques ou de science fiction sont mis en avant aujourd’hui ? C’est aussi car on n’a pas envie de parler du présent.
Un film portant sur une période différente ou sur de la science fiction, permet de penser et juger des questions actuelles.
Dans un film de science fiction, ce n’est pas nécessaire de l’ancrer dans le présent.

Avez-vous vu ou lu Snowpiercer et si c’est le cas, cela a-t-il eu une influence sur votre travail ?

Non, je ne l’ai jamais vu. C’est High-Rise dans un train d’après ce que l’on m’a dit.
Cela a été écrit en 1982, donc ce serait plutôt les créateurs de l’histoire qui auraient copié le livre qui a été publié en 1975.

Tom Hiddleston était votre premier choix ? Est-ce que dans votre processus d’écriture Tom n’est jamais très loin ?

Oui, Amy écrit en pensant à des acteurs. Tom est unique. C’est un mélange de personnes réservées et fortes. Elle a écrit en pensant à lui dans le rôle. Nous avons découpé une photo de Tom et l’avons mise dans cuisine. Ce qui est un peu effrayant quand on y pense.

Où est-ce que vous avez trouvé le deuxième acteur qui interprète Wilder ?

J’ai repéré l’acteur, Luke Evans, qui joue Wilder dans un film sur une attaque de train (The Great Train Robbery) et j’avais vu que ce dernier avait un feu intérieur qui allait bien avec le personnage.

À un moment Tom donne un papier à Wilder. Est-ce que votre femme vous a dit ce qu’il y avait d’écrit dessus ?

Oui, elle m’a dit ce qu’il y avait dessus. On ne voulait pas tout dire et garder quelques secrets pour le public. Souvent au cinéma, on a trop d’informations et souvent, en sortant, on ne se souvient plus de ce que l’on a vu. On comprend ce qu’il y a écrit lorsqu’on voit ce que fait Wilder après avoir vu la note dans le film.

Il y a beaucoup d’idées dans votre film. Qu’est-ce que vous retiendrait comme idée principale parmi celles présentées, anarchie… ?

Je ne peux pas donner de réponse sur le but du film. Il y a beaucoup de thématiques dans ce dernier et je ne veux pas donner trop de réponses, donner trop de sens, je crains que cela ne bloque la réflexion du public. C’est 2 ans de réflexion de ma part et je veux vous laisser le plaisir du questionnement.

Votre film porte sur l’architecture et les grands ensembles des années 70. Est-ce que votre femme a fait beaucoup de recherches dessus ?

Le fond du travail de Ballard est un maître de la métaphore, mais pas dans l’architecture en tant que symbole. Mais dans les symboles, on trouve les êtres, pays, continent… Je ne voulais pas mettre un sens dans l’architecture du film. Il y a eu plein d’ensembles de béton de ce type dans les dernières années, mais il n’y a jamais eu de guerre sociale dans ces structures.
Mais cette architecture est quelque part brutale.

La musique du film est très vaste et va du classique au punk. Comment s’est fait son choix ?

J’ai eu deux grands moments de musique grâce à Twitter. En effet, j’ai pu rencontrer des grands musiciens grâce à Twitter.
Il y en a deux que je voulais avoir pour ma musique de film. J’ai vu qu’ils me suivaient sur Twitter et j’ai décidé de les contacter. Et comme j’ai vu qu’ils aimaient mes films sur Twitter, cela a été plus facile de les contacter.
Il y a quelques années, j’aurais sans doute dû passer par leurs agents, mais je n’aurais sans doute pas su comment m’y prendre.
Quand Amy a écrit l’histoire, elle a passé 2 passages avec ABBA.
Dans le film, on a réutilisé le principe même de la mémoire en jouant la chanson en 2 temps. Le premier est assez classique et le deuxième, c’est la version de Radiohead. On ne fait plus attention aux paroles, mais cela donne l’impression qu’on a une mémoire réelle.

Pour parler de Kill List, quel est le mystère à Kief ?

Ce qui est passé à Kief reste à Kief, je ne craquerais pas maintenant.
Nous nous sommes saoulés dans un club et avons fait du karaoké.

Saviez-vous que Ballard a écrit High-Rise grâce, ou à cause, de touristes français ? Ils étaient dans des tours d’un grand hôtel, au rez-de-chaussée, et s’étaient plaints, car des étrangers des étages supérieurs leur jetait des mégots dessus. Ils avaient alors filmé et photographié les personnes pour les identifier.

Quelles sont vos influences en général pour adapter ce roman ?

Je ne veux pas justifier ma façon de filmer à cause d’influence. Quand je filme, je me pose la question de comment gérer l’espace, les acteurs, le montage. J’essaye de trouver du rythme au film. Mais je n’aime pas l’idée de référencer les films.
En voyant le film, on peut penser à du Russell Crowe, ou la période anglaise de Stanley Kubrick.

Quel est le tableau dont on parle dans le film et pourquoi l’avoir choisi ?

C’est un des tableaux de sorcières de Goya. En plus, c’était une réponse dont j’essayais de me souvenir, car j’étais sûr qu’on me poserait la question un jour. (le réalisateur a précisé cela, car il a mis deux questions suivantes pour se souvenir du nom de l’artiste, nda).

Avez-vous beaucoup travaillé avec les symboles, comme les animaux très présents dans le film ?

Les chiens étaient dans le livre, mais pas le cheval. Les animaux sont à la limite entre des êtres vivants et des objets.
Quelle est la limite entre le partage entre le corps mort et l’être humain qui est objectifié ?
Est-ce qu’on peut manger ses amis ? Et si oui, on n’est prêt à tout. Cette question traite de l’humanité.
D’ailleurs, il y a avait sur le tournage quelqu’un qui regardait les scènes où on voit des images des crânes et il avait fait la remarque que même si cela se voulait réel, cela donnait une impression de ne plus être humain tellement c’était désincarné.

Vous finissez le film avec un discours de Margaret Thatcher à la radio. Quelle en est la signification ?

Quelque chose de mauvais est en train d’arriver et c’est Thatcher. C’est un peu comme la fin de The Thing.
Pour ma génération, c’est quelque chose de glaçant. On avait peur de l’âge glaciaire à l’époque. C’était le début du terrorisme. Toutes les graines étaient là. C’était la fin de l’après-guerre et de l’optimisme des années 60 et le début de la dureté économique.

Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Je viens de finir un nouveau film qui sortira en septembre, Free Fire, un thriller policier américain dont le producteur exécutif est Martin Scorsese.

Ballard disait, je ne suis jamais plus heureux quand j’écris sur des piscines et des hôtels qui se vident. Qu’en est-il pour vous ?

Quitter une session de Question/Réponse sans avoir été tabassé par le public.

High-Rise est un très bon film et une merveilleuse adaptation du livre de Ballard. Vous pouvez en retrouver la critique ICI.

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VIDÉOS

Rencontre avec Ben Wheatley :


Bande annonce :


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High-Rise : La rencontre avec Ben Wheatley



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