Nosferatu : Le film est né d’une déception face à Harry Potter
Chris Columbus est bien conscient que son rôle de producteur du film Nosferatu de Robert Eggers a suscité quelques réactions mitigées de la part du public. On pourrait penser que le réalisateur de deux films Maman j’ai raté l’avion, Mrs. Doubtfire et des deux premiers films Harry Potter n’a que peu de points communs avec l’approche idiosyncratique d’Eggers en matière de films de genre. Mais l’un des objectifs de Maiden Voyage, la société de production de Chris Columbus et de sa fille Eleanor, est de montrer que les cinéastes sont des multitudes, et non une seule entité.
Le parcours du père et de la fille Columbus, qui produisent leur troisième film pour Eggers (et le quatorzième au total sous la bannière Maiden Voyage), dépend de plusieurs facteurs différents. Le premier est la philosophie de production, que Chris a établie au cours du tournage du film de lancement de la franchise Harry Potter à l’école des sorciers (2001). Le cinéaste n’était pas entièrement satisfait de la séquence du filet du diable, il a donc demandé des augmentations liées à la CG, ce qu’un producteur exécutif a finalement refusé :
L’un des responsables m’a dit : "Bon, ce n’est pas grave si cette scène n’est pas aussi bonne que les autres scènes du film". Je me suis donc dit que je ne dirais jamais ça si je produisais pour quelqu’un d’autre. Cela va probablement sonner le glas de Maiden Voyage en tant que société, mais notre philosophie est de ne jamais dire non au réalisateur. Je ne plaisante pas. Et cette attitude a été très efficace pour aider Rob Eggers à réaliser sa vision de Nosferatu.
La prochaine étape sur la route de Maiden Voyage a été la participation de Chris Columbus à la décision d’obtention de subventions aux réalisateurs débutants. Pendant cinq ans, l’ancien élève de l’Université de New York a contribué à choisir les bénéficiaires du fonds Chris Columbus-Richard Vague, et le programme se targue de voir les premiers longs métrages de réalisateurs désormais décorés, dont l’oscarisée Chloé Zhao (Songs My Brothers Taught Me) et Dee Rees (Pariah). Mais à son grand désespoir, Chris avait peu d’interactions avec les réalisateurs dont il avait contribué à lancer la carrière. Il a donc passé un appel téléphonique crucial à Eleanor, qui, après avoir obtenu son diplôme de la Tisch School of the Arts de l’Université de New York, et payait ses cotisations par le biais de la scène cinématographique indépendante de New York. 48 heures plus tard, elle s’est installée à San Francisco pour cofonder Maiden Voyage avec son père.
L’autre raison pour laquelle Chris a recruté Eleanor était qu’il avait lui-même compris que les réalisateurs à succès peuvent souvent tomber dans un schéma d’étroitesse d’esprit en vieillissant. En conséquence, Eleanor a pu apporter des idées et des conseils à une jeune génération, et son influence partagée se reflète dans la programmation variée de Maiden Voyage. Chris pense également qu’Eleanor et la liste de jeunes réalisateurs l’ont aidé à faire évoluer ses propres techniques de réalisation :
À un certain moment, les réalisateurs à succès commencent à avoir une vision en tunnel qui se rétrécit et leur ego se met à grandir. Mais la vérité, c’est qu’ils ne savent pas mieux que quiconque. Il y a beaucoup de réalisateurs quinquagénaires ou sexagénaires qui, très franchement, ne peuvent pas atteindre le niveau qu’ils avaient à 30 ou 40 ans. Pourquoi ? Je crois que c’est une perte de passion et une perte d’écoute de tous ceux qui vous entourent.
Quant à Eggers, les partenaires de production familiaux ont rencontré le cinéaste pendant la post-production de son premier film à succès, The Witch (2015). Il avait rencontré un obstacle et avait donc cherché des conseils extérieurs pour faire passer le cap au film d’Anya Taylor-Joy. Les Columbus ont fait exactement cela, établissant un lien au cours du processus, et leur attention s’est rapidement portée sur la réinvention de Nosferatu par Eggers. Le développement a progressé et régressé pendant près d’une décennie, mais le retard s’est avéré être une lueur d’espoir, car Eggers a admis qu’il avait d’abord besoin de peaufiner ses compétences sur The Lighthouse et The Northman :
Nous avons travaillé avec plusieurs studios qui n’ont pas vraiment compris le film. Nous avons reçu des suggestions horribles sur les acteurs qui devaient jouer dans le film, sur des points de l’intrigue et du scénario, mais Rob était catégorique sur le fait de ne rien changer. Ce n’est pas qu’il ne voulait pas changer un mot de son scénario, mais il avait une vision. Il vit avec ça depuis qu’il a neuf ans, bon sang. Il n’allait donc pas changer, et cela a fait peur à quelques personnes dans d’autres studios. Quand nous sommes arrivés à Focus, Peter Kujawski et Kiska Higgs ont vraiment soutenu la vision de Rob.
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