Star Trek Discovery : Review 4.02 Anomaly
A la suite de la décision de ViacomCBS de proposer Star Trek Discovery sur la plateforme Pluto TV, en attendant le déploiement de Paramount+ en France, nous réactivons donc la critique hebdomadaire de la série.
Après un début de saison assez catastrophique, Discovery est fidèle à elle-même en proposant quasi l’antithèse visuelle et émotionnelle du premier épisode. Si je devais caractériser la vision du 4.01 Kobayashi Maru, ce serait un sur-jeu permanent du casting, une mise en scène saccadée et peu inspirée et une Burnham qui explose son score d’auto-suffisance. Le 4.02 Anomaly propose l’exact inverse.
Oubliez donc la caméra à l’épaule au plus près des grimaces des acteurs, l’ambiance de ce second épisode est à l’apaisement. Au programme, beaucoup de plans larges qui permettent d’admirer les décors et l’adéquation des costumes avec l’environnement du vaisseau. A l’instar du Mandalorian, cette saison de Discovery profite des nouvelles technologies de murs d’écran et sur cet épisode, cela se voit concrètement en ouvrant le champ de vision. Discovery a désormais un look à l’écran que je qualifierais de cinématographique.
Je note des évolutions assez conséquentes sur la psychologie des personnages. D’abord avec Michael qui nous propose pour une fois beaucoup plus de stabilité émotionnelle à l’écran. Avec les évènements dramatiques, cela aurait pu se terminer comme souvent dans une sensiblerie exacerbée. Or, si les sentiments du personnage sont bien montrés, Sonequa Martin Green est beaucoup plus sur la réserve qu’avant. Cela fait du bien…
Ce n’est pas la seule bonne nouvelle de cet épisode. Si Burnham est toujours autant centrale, j’ai trouvé que le reste de l’équipage avait enfin droit à une existence en dehors d’elle. Le retour de Saru fait du bien et le choix d’en faire le nouveau Number One du vaisseau correspond à mon avis beaucoup mieux à la psychologie du personnage. Cela va en faire raller certains, mais j’avoue avoir esquissé un sourire quand on l’a renommé Monsieur Saru. Une référence avec des gros sabots...
Les dialogues habituellement erratiques de Tilly ne sont plus. Je ne me rappelle pas avoir déjà vu dans la série des moments d’échanges avec elle aussi calmes et posés. J’espère que ce n’est pas juste une parenthèse avant un retour aux fondamentaux.
On sent aussi que la production essaye de faire évoluer l’ensemble du casting. Que ce soit Stamets pour le faire sortir de son statut de râleur patenté ou le binôme Adira/Gray pour donner enfin quelque chose à jouer de différent pour Blu del Barrio et Ian Alexander.
Bref après mon haut le cœur de la semaine dernière, je retrouve enfin un épisode que j’ai eu plaisir à regarder.
Mais Discovery ne serait pas Discovery sans ce rapport toujours aussi distendu avec ce qui faisait le sel de Old Star Trek, c’est-à-dire la crédibilité scientifique. Je ne suis ni aveugle ni amnésique. Je me souviens très bien combien je rallais à l’époque de l’utilisation un peu trop systématique du technoblabla pour résoudre la problématique des épisodes. Mais sous les auspices des célèbres Michael et Denise Okuda, on avait quand même l’impression qu’il y avait de bonnes raisons de les utiliser.
Mon problème avec Discovery, c’est que leur techoblabla ne sert que de caution pour donner un aspect visuel spectaculaire à la série. Bref surfer sur les vagues gravitationnelles cette semaine nous donne la lévitation de l’équipage et le beau plan sur la main de Burnham. C’est super beau, avec une pincée de ridicule, mais en même temps un peu vain pour une série qui s’appelle Star Trek…
Sur la très très très très... ... très très très grosse anomalie qui donne le titre à l’épisode, on reste quand même encore assez sec. Il y a, il me semble, une grosse contradiction entre la taille de cette menace (5 années lumières) et le micro univers que propose Discovery. Ce n’est pas parce qu’on fait une grosse taille qu’on se déplace à la vitesse de bip bip et qu’on va en peu de temps menacer toutes les planètes de la Fédération qui semblent encore plus tenir sur un territoire "timbre poste".
Quoi qu’il en soit, les données récoltées par Book et Stamets devraient donner plus de réponses la semaine prochaine...
Ne vous étonnez pas de la longueur moindre de la critique d’Yves. En trois saisons, il a eu l’occasion de faire amplement le tour du sujet. Il n’est donc pas nécessaire qu’il répète ce qui fut si exhaustivement analysé par le menu détail auparavant.
FM
Puisque le fil des critiques reprend grâce à l’alibi de Pluto TV, récapitulons le pitch de Discovery 04x01 Kobayashi Maru...
Après plusieurs mois comme capitaine de l’USS Discovery refité dans la fonction de coursière express (tournée de dilithium pour tout le monde) et de petite télégraphiste de la Fédération reconstituée du 32ème siècle (désormais passée de 38 membres à 59), Michael Burnham va être confrontée à une nouvelle catastrophe galactique, pire que toutes les précédentes of course.
Le premier épisode de la quatrième saison débute par le travail de routine de l’héroïne (en l’occurrence de la diplomatie-pour-rire avec les hommes-papillons sur Alshain IV)… en tandem amoureux avec son amant Cleveland en Millenium Falcon Transformer et ses potes rescapés du 23ème siècle en "propulsion mycologique" (spore drive) sur l’USS Discovery.
Puis, Michael assura le discours d’ouverture de Starfleet Academy après 125 ans de suspension, et elle introduira aux cadets la nouvelle présidente de la Fédération, Laira Rillak. Cette dernière dévoilera alors un nouveau "spatiodock" (ou chantier astronaval) baptisé du nom de Jonathan Archer pour symboliser le retour aux missions originelles d’exploration de Starfleet… avec en toile de fond une reprise du touchant générique de fin des épisodes de ST Enterprise. Renouer ainsi avec la vocation de la superbe série prequelle de Rick Berman et Brannon Braga (la dernière production à avoir mérité de porter le label "Star Trek") aurait été légitime si cette quatrième saison de Discovery avait véritablement cherché à explorer et reconstruire la Fédération plus de mille ans après sa fondation (en 2161). Mais il n’en sera rien, l’Archer theme ne sera qu’un placement racoleur (de plus) pour propulser un nouveau péril apocalyptique...
Enfin, Burnham sera chargée de secourir la station de réparation Beta Six exposée à une distorsion gravitationnelle, sous l’œil inquisiteur de la présidente Rillak qui s’embarquera sur l’USS Discovery… pour évaluer sa capitaine en vue d’un poste sur l’USS Voyager J équipé d’une technologie FTL expérimentale (le pathway drive prototype). Mais l’expérience se transformera en test Kobayashi Maru live grandeur nature (sans simulation ni filet) auquel Mary Sue échouera, non pour la collection surréaliste d’incohérences alignées par le premier épisode de la quatrième saison, mais pour n’avoir pas sciemment accepté d’abandonner plusieurs membres d’équipage VIP. Il y aura malgré tout trois morts à déplorer, à savoir le lieutenant Aloka, l’enseigne Neville, et Nalas, le commandant de Beta Six (ouf, "seulement" des red shirts).
Devenu "Grand Ancien" au sein du conseil sous-marin de Kaminar (réunissant Kelpiens et Ba’uls), Saru se laissera progressivement convaincre tel un enfant par l’orphelin-centenaire Su’Kal que sa place contractuelle est sur l’USS Discovery...
Cleveland partira sur sa planète natale pour assister avec son frère Caim à la cérémonie écologiste d’Alkuzen (passage à l’âge adulte) de son neveu. Mais alors qu’il sera en orbite, Booker sera témoin de la destruction de sa lune sous l’effet d’une distorsion gravitationnelle (la même que celle qui avait touché Beta Six)... Évanoui, son vaisseau "métamorphe" le ramènera en pilotage automatique sur l’USS Discovery, dont l’équipage découvrira effaré à travers le "deeper space array" (magique comme un Google Street View dans toute la galaxie) la paradisiaque Kwejian éventrée et réduite à l’état de boule de magma !
Discovery 04x02 Anomaly met en scène les conséquences de l’avènement de cette soudaine menace globale, tant sur le psychisme de Book (et des autres protagonistes) que sur le conseil de la Fédération. Celui-ci organise un vaste sommet avec des élites politiques non membres (telle T’Rina, la présidente de Ni’Var) et de nombreux officiers supérieurs de Starfleet (dont par exemple un capitaine ferengi... au maquillage raté – on dirait un masque fondu). La classique union sacrée face à un péril commun, mais aussi pour prévenir les troubles civils suite au vaste trauma collectif laissé par le Burn…
Les premières études estiment que la distorsion gravitationnelle fait cinq années-lumière de diamètre, et qu’elle se dirige présentement vers le système Riscot… dont l’ordre d’évacuation est sonné. Et bien entendu, c’est Burnham et l’USS Discovery qui sont chargés par l’amiral Vance de collecter un maximum de données à la périphérie immédiate voire à l’intérieur de l’anomalie. D’où le titre de l’épisode.
Saru reviendra au QG de Starfleet en grand uniforme (et porteur du symbole kelpien de communauté). Bien qu’il lui ait été proposé de commander l’USS Sojourner, il sollicite l’honneur de devenir le Number One de Burnham, comme elle avait été le sien dans la saison précédente. Et cela au nom de leur mentor commun, Philippa Georgiou, qui connaissait la valeur des tiers de confiance en période de crise.
En parallèle, le Dr Hugh Culber, présente à Adira Tal le corps cybernétique destiné à accueillir Gray et à l’image de ce dernier. Celui-ci a été créé par un artisan selon les méthodes (vieilles de 800 ans) du cybernéticien Altan Inigo Soong (fils de Noonian) pour un certain amiral de Starfleet. Une manière très pesante d’assumer en internaliste la première saison de la série Picard…
Entre de nombreux dialogues interpersonnels mélodramatiques et faussement profonds, la seconde moitié de l’épisode sera surtout consacrée à la mission de collecte d’informations sur l’anomalie, avec l’aide de Book aux commandes de son Millenium Falcon Transformer (toujours capable de prouesses inaccessibles aux autres), assisté pour les scans scientifiques de Paul Stamets (mais à distance, sous forme d’hologramme connecté par lien neuronal). Le vaisseau de Cleveland fera en quelque sorte office de sonde (ou de canari), suffisamment lourd pour traverser le nuage d’accrétion et suffisamment souple pour en revenir. Il sera cependant rattaché à l’USS Discovery par un filin afin de pouvoir en être tiré en urgence. Mais le vaisseau principal ayant subi de lourds dégâts suite à des fluctuations gravitationnelles imprévisibles (ayant notamment provoqué une panne complète de la gravité artificielle), alors que holo-Stamets n’avait pas encore achevé ses relevés, le cordon ombilical sera délibérément rompu. Book ne devra alors sa sortie de l’anomalie (et son salut) qu’à la compétence de kitesurfeur du lieutenant RA Bryce, qui se proposera d’appliquer son expérience des plus gros breaks de Manark IV pour que le Millenium Falcon enfourche l’une des vagues d’ondes gravitationnelles ! Il faudra toute la mièvrerie contagieuse de Burnham pour regagner par radio la concentration de Cleveland (sujet à des pulsions sacrificielles ou suicidaires) et synchroniser son retour.
Toute cette opération sera aussi spectaculaire et improbable que la course poursuite sur Alshain IV puis la tentative de sauvetage de la station Beta Six dans l’épisode précédent.
Discovery 04x01 Kobayashi Maru recyclait ainsi dans un medley (ou un shaker) indigeste les scènes les plus emblématiques du Star Trek kurtzmanien depuis 2009 : la "normalité" des destructions planétaires comme dans ST 2009 et Picard, la fuite dans les bois et les sauts de falaises comme dans le teaser de ST Into Darkness, les quiproquos diplomatiques infantiles par impréparation ou incompétence comme dans le teaser de ST Beyond, les courses-poursuites Jackass comme dans Prodigy, Rillak qui remet la capitaine Michael Burnham à sa place en relayant à l’écran les reproches que lui adressent les spectateurs comme l’amiral Christopher Pike à l’endroit de Baby-Kirk au début de ST Into Darkness, Book qui perd sa planète Kwejian comme Spock avait perdu Vulcain dans ST 2009.
L’auto-cannibalisation se poursuit dans Discovery 04x02 Anomaly, par exemple lorsque Burnham manifestera à Cleveland – au mot près – les mêmes attentions affectives – mais si nombrilistes – qu’Uhura-Saldana à Spock-Quinto suite à la destruction de son monde dans ST 2009.
Pire, on retrouve dans ce second épisode toute l’inconséquence tonale du reboot de 2009, dont l’un des lourds travers (mais loin d’être le seul) avait été de ne pas vraiment prendre la mesure de la tragédie de Vulcain (six milliards de morts mais on faisait la teuf à la fin car les personnages iconiques quoique recastés de ST TOS avaient été réunis). Ici, le génocide de Kwejian ne se perçoit qu’à travers Cleveland, et encore bien peu, car il est surtout présenté comme un cas clinique (il est dépressif, il refuse de se nourrir, et on hésite à le laisser piloter son vaisseau…). Puissant ! Une scène intime entre Book et Burnham lorgnera même directement celle de Picard et Troi dans Star Trek Generations, du semblable deuil (la mort du frère et du neveu) aux larmes de douleurs de celui qui ne pleurait jamais. Sauf qu’ici, il ne s’agit pas de la mort de deux ou trois proches, mais d’une civilisation entière. Mais au moins, on n’y aurait gagné un peu de parité dans un série n’ayant cessé depuis son lancement le perpétuer le pire cliché sexiste : Cleveland aura offert en offrande ses larmes, ne laissant plus le monopole lacrymal à la seule Mary Sue Niagara.
Une fois de plus, le Star Trek kurtzmanien ne réussit pas à s’élever au-dessus du pathos gluant ni du cas particulier pour témoigner du général et du collectif. La comparaison avec une série comme Battlestar Galactica 2003 ou encore la troisième saison de Star Trek Enterprise sera fatale...
Certes, le début Discovery 04x02 Anomaly bénéficie d’une apparente sobriété de mise en scène qui peut suggérer une amélioration de forme par rapport Discovery 04x01 Kobayashi Maru (quoique du même réalisateur, Olatunde Osunsanmi). Malheureusement, les mauvais plis sont tellement enracinés chez les acteurs principaux que leur jeu est caricatural et en décalage avec cette note d’intention. Et la relative crédibilité des figures de l’autorité (Rillak, T’Rina, Vance) ne rattrape hélas rien en raison d’un trop faible temps d’écran. Michael ne cesse presque jamais d’exhiber sans complexe ce sourire autosatisfait depuis qu’elle a été promue capitaine. Stamets surjoue chacun de ses exposés scientifiques (ce qui leur fait perdre le peu de crédibilité qu’un technobabble déjà inconséquent aurait pu leur laisser). Même Saru, qui représentait à l’origine l’interprétation la moins outrancière du main cast, flirte avec la complaisance affectée (d’autant plus contreproductive pour qui n’a pas oublié les antagonismes voire mesquineries d’égo qui avaient opposé Saru à Burnham dans chacune des saisons précédentes).
Et comme dans le même temps, l’épisode accorde imperturbablement une place prépondérante au soap opera à tous les étages, de nombreuses scènes apparaissent particulièrement incongrues (voire insultantes) dans le contexte tragique de l’épisode...
À l’exemple d’Adira qui se préoccupe surtout du golem cybernétique destiné à accueillir Gray, et de son ajustement cosmétique. Les échanges entre Culber, Adira, et Gray sont tellement nombrilistes, tellement hors sol, et tellement en circuit fermé qu’ils semblent sortir d’un salon de Mayfair ou de Greenwich Village. Les scénaristes ont eu suffisamment conscience pour couvrir cet onanisme d’une grosse lantern (il y en a désormais dans chaque épisode). Mais Gray a beau prétendre se culpabiliser pour son égocentrisme incongru dans ce contexte, cela ne change rien au fait que l’épisode l’impose sans complexe aux spectateurs, infligeant une schizophrénie tonale supplémentaire à l’épisode.
De même, il est permis de se demander si toute l’opération "épique" de collecte de données dans l’anomalie n’avait pas – outre le spectacle décérébré bien sûr – pour seule et unique fonction "buddy" de rapprocher Paul et Cleveland autour de leur commune capacité à piloter le spore drive, afin d’en faire des potes voire des BFF. Eh oui, le relationnel façon télé-réalité, c’est bien tout ce qui importe dans Discovery. Si "bien" que, trop souvent, la série possède des airs de fanprod...
Rien d’étonnant alors que l’arnaque kurtzmanienne atteigne une nouvelle apothéose lorsque Stamets, quasi-énamouré, déclare solennellement à Booker : « Je vais comprendre cette chose. Pour vous. Quoi qu’il en coûte. » ! Ben voyons ! Cela se veut émouvant, mais c’est juste indécent ! Alors on ne combat plus ce fléau avant tout parce qu’il a exterminé une civilisation entière et qu’il menace toutes les planètes de la galaxie... mais pour consoler la peine – quand bien même insondable – d’un seul VIP. Tout l’esprit du #FakeTrek résumé en une seule réplique.
Rien d’étonnant alors que tout le volet "scientifique" de l’épisode s’apparente à une vaste blague, à la fois un prétexte facile pour alimenter les relations entre les personnages principaux et un tape-à-l’œil grossier pour que le fil rouge de la saison soit toujours plus paroxystique et grandiloquent...
Comment expliquer que dans ce 32ème siècle d’une Fédération en grande partie reconstituée (et au cœur de nombreux partenariats galactiques), seul le personnel de l’USS Discovery – provenant du 23ème siècle et accusant donc presque un millénaire de retard – possède le monopole voire l’exclusivité de toutes les investigations et théorisations de pointe ? Comme dans la saison 3 de Discovery, l’UFP du 32ème siècle passe pour une idiocratie attendant messianiquement son Buck Rogers ou son Jacquouille la Fripouille...
Comment expliquer aussi qu’il ait fallu l’arrivée de l’USS Discovery pour que les ressortissants du 32ème siècle (comme Adira et Gray) découvrent soudain l’héritage d’Altan Inigo Soong (et carrément à travers le Dr Culber)… comme si ST Discovery transportait dans ses bagages la série Picard (pourtant sise plus d’un siècle après leur siècle dans l’alter-chronologie kurtzmanienne) ?
Comment également expliquer que le "golem" du fils Soong, alors qu’il représentait le rêve du transhumanisme, ait été collectivement abandonné en raison de quelques échecs de transferts (selon Hugh), et qu’aucune recherche n’ait été menée par personne sur cette question dans une Fédération s’étendant sur autant de civilisations durant huit siècles ? Exactement comme dans la saison 3 de Discovery, cette UFP du 32ème siècle renvoie à un sentiment de stagnation anti-prométhéen (et donc anti-trekkien), et cela avant même le Burn...
Culber se moque du monde en prétendant que la conscience de Gray a davantage de chance de survivre au transfert vers le corps d’un "golem" androïde au motif qu’il a déjà fait cette expérience en tant que Trill ! Or s’agit là d’une tradition de symbiose organique sans rapport avec le transhumanisme du fils Soong. S’il y a bel et bien eu des ratés il y a huit siècles, le cas des Trills (et de bien d’autres aliens symbiotiques ou métempsychotiques) auraient dû être étudiés à l’époque, sauf à suggérer que l’univers entier est peuplé d’imbéciles, héros de DIS exceptés. Mais si le facteur risque n’a pas été réduit depuis l’ère où cela a carrément conduit à abandonner la promesse de "vie éternelle", il est totalement irresponsable de se lancer dans cette procédure à l’aveuglette sur le dos de Gray (et de son impatience juvénile à s’incarner), car mieux vaut encore être une conscience sans corps que de cesser d’être. Dans tous les cas, c’est à un cybernéticien et/ou un cyber-neurologue du 32ème siècle que cette opération aurait dû être confiée, et non à Hugh venant d’une époque très antérieure à celle d’Altan Inigo Soong. Mais de toute évidence, la série occulte ces questions derrière une épaisse couche de "feel good" démagogique. Et puis, il faut toujours réserver l’omni-monopole de tout aux personnages du main cast et la "Discovery team".
Les quartiers personnels du Burnham à bord de l’USS Discovery refité par le Starfleet du 32ème siècle peuvent instantanément être transformés en holodeck. La capitaine en profite pour demander à Zora (l’IA du vaisseau a enfin trouvé son nom) simuler holographiquement la Vulcain de son enfance, au lac Yuron, non loin des falaises de Surak. Lorsqu’on songe que même en 2364, Picard et son équipage s’extasiaient devant la technologie des holodecks de l’Enteprise D dans ST TNG 01x12 The Big Goodbye en 2364. Mais pour Michael et Saru, des protagonistes de Discovery venant pourtant de 2258, l’expérience est manifestement aussi banale que pour n’importe quel trekker ayant vu tout ST TNG et ST VOY. Discovery et ST TOS ne viennent décidément pas du même monde...
L’hypothèse de travail des cadors de l’USS Discovery (Stamets, Tilly, Adira) est que l’anomalie résulterait de la fusion/collision entre deux trous noirs. Aberrant, car les trous noirs (en collision ou pas) ne se manifestent aucunement ainsi dans le monde réel. Aussi massifs qu’ils soient, leur puits gravitationnel ne possède qu’un effet local, de proximité, strictement circonscrit au rayon de Schwarzschild (qui est paradoxalement très réduit). Du coup, le seul impact physique possible sur la planète Kwejian aurait été de la piéger derrière l’horizon des événements (la zone où la vitesse de libération est supérieure à c), puis la faire totalement disparaître !
Mais avant cela, la distorsion de l’espace-temps indissociable de tout puits gravitationnel aurait induit de fortes dilatations (ou ralentissements) temporel(le)s (un point que même les séries Stargate SG-1 et Andromeda avaient su comprendre et mettre en scène il y a déjà vingt ans). Dès lors, aussi bien Kwejian que le Millenium Falcon Transformer de Book (durant ses relevés) et la station Beta Six dans l’épisode précédent auraient été soumis à un considérable déphasage temporel par rapport au reste de la galaxie.
Quant à prétendre que ces deux trous noirs s’étendraient sur cinq années-lumière, c’est là aussi un viol de la relativité générale, car même les plus gros spécimens supermassifs (au centre des galaxies) ont un rayon de Schwarzschild ne dépassant pas les 20 UA (soit l’orbite d’Uranus). En somme, plus le syndrome de micro-univers de poche est prononcé, plus le Némésis est un Grosbill obèse.
Alors certes, il ne s’agit à ce stade que d’une hypothèse émise par les protagonistes (quoique officielle puisque assénée devant tout l’état-major). Mais de véritables scientifiques n’auraient jamais proposé en premier lieu (même au conditionnel) un scénario impliquant des trous noirs... en l’absence d’horizon des événements et de dilatation temporelle à proximité ! Sauf à vouloir refaire un trou noir de fantasy comme dans ST 2009. D’autres phénomènes relevant des sciences trekkiennes (comme par exemple les nombreuses anomalies spatiales rencontrées au cours des voyages spatiaux) auraient été de bien meilleurs candidats...
Et justement, lorsque la présidente demande s’il existe des enregistrements de quoi que ce soit de ce genre dans le passé, Tilly réplique que rien de similaire n’a été trouvé dans les bases de données. Outre qu’il soit indigne que l’audit se limite à cette post-cadette du 23ème siècle (au lieu de consulter d’éminents scientifiques du 32ème siècle comme s’il n’existait aucun écart de savoir ni d’expérience sur une période séparant le monde contemporain de celui d’Henri Ier, roi des Francs), Sylvia aurait pourtant dû citer le Delphic Expanse de ST Enterprise) qui avaient pas mal de parenté au minimum phénoménologique (en terme de distorsion gravitationnelle)... et qui faisait justement partie du champ de connaissance du Starfleet du 23ème siècle ! Bref, l’épisode a tout faux.
Inutile de s’étendre sur le bullshit de l’analogie établie par le lieutenant RA Bryce entre les vagues d’ondes gravitationnelles et kitesurfing sur les plages de Manark IV ou de Malibu. Comme l’expliquait le célèbre Richard Feynman à ses étudiants, l’analogie est le naufrage de la pensée scientifique. Du coup, faut-il encore s’étonner que dans le Kurtzverse, les analogies les plus cuistres avec l’American way of life soient les sempiternelles martingales à toutes les solutions tech miracles ? Et ici, la chevauchée du Millenium Falcon de Book sur les ondes gravitationnelles (qui soudain ne détruisent plus les objets physiques à leur contact) emprunte bien davantage à l’autre séance de surf cosmique du Star Trek post-2005, à savoir l’USS Franklin glissant sur la vague de drone ships (tout en les détruisant) dans ST Beyond, et non aux bien moins fantaisistes soliton waves de ST TNG 05x10 New Ground.
(...)
Lorsque Tilly vient affirmer avec force angoisse (à des fins de cliffhanger anxiogène) que ses connaissances ne lui permettent pas de prédire la trajectoire (et donc le "comportement") de l’anomalie, elle contredit en live son assertion précédente (trente secondes chrono avant), à savoir que l’Everest (sic) des données collectées par Stamets (et Booker) n’a même pas encore commencé à être exploité ! S’il est possible de rendre des verdicts aussi péremptoires et définitifs sans s’appuyer sur l’empirisme, alors pourquoi avoir pris autant de risques en amont pour réunir des informations sur le terrain ? Sans compter la prétention inouïe d’une ressortissante du 23ème siècle à zapper le savoir scientifique cumulé d’un millénaire de sciences à l’échelle de la galaxie...
Autant dire qu’un tel niveau d’impéritie possède le "bénéfice" indirect de réhabiliter le technobabble du Star Trek historique (1964-2005). Celui-ci souffrait de la mauvaise réputation d’être sur-utilisé (e.g. selon Ronald D Moore) et d’être parfois un peu cryptique (pour les néophytes). Mais ce technobabble avait une vertu salutaire, rédimante, essentielle : il faisait toujours sens, il était cohérent envers lui-même, et il était scientifiquement homogène (envers les hypothèses trekkiennes). Le couple Okuda y a certes contribué, mais il faut aussi chercher cette rigueur passée (et désormais bien révolue) du côté des conseillers scientifiques qui étaient alors toujours des pointures, outre d’être aussi (ou de devenir par la suite) de brillants auteurs : Naren Shankar, André Bormanis... et même Isaac Asimov en amont.
Par contre, Discovery 04x02 Anomaly n’est jamais en reste pour donner des gages de branchitude en toute occasion : applaudissements de la passerelle, high-five, obligation de posture cool et fun, guimauve saturée de sucre dès qu’il est question des relations entre les personnages, maniérisme dans l’exhibition des sentiments... Un pack nauséabond qui réussit à ruiner l’implication des spectateurs dans une collecte de données en milieu hostile... et plus généralement dans les supposées giga-tragédie (de Kwejian) et giga-menace (pesant sur l’univers lui-même).
La scène finale où l’épisode révèle – au travers d’un plan cosmique très large – que l’anomalie possède l’apparence d’un vaste quasar (avec son disque d’accrétion bombé) et qu’elle gloutonne progressivement les étoiles et les galaxies... c’est d’un ridicule scientifique consommé ! Au chapitre des recyclage non-sensiques de ses propres naufrages, Alex Kurtzman nous ressort une nouvelle variante absurde de la supernova Hobus de ST 2009 qui dans son expansion infinie (!!!) allait embraser la Voie Lactée entière (si Spock ne l’avait pas stoppée avec sa Red Matter sortie d’Alias).
Les scénaristes montrent une fois de plus qu’il pigent rien à rien ni à la physique la plus élémentaire (perpétuellement bafouée), ni à la relativité générale, ni aux puits gravitationnels, ni aux trous noirs (supermassifs ou pas). Ces derniers sont transformés ici en monstres de fantasy, réussissant à faire passer en comparaison le Galactus de Marvel pour de la Hard SF.
Ce crypto-quasar revêt d’ailleurs la forme d’un œil cosmique. Comment faut-il le comprendre ? Est-ce l’œil de la Providence du billet vert ? Est-ce Dieu en "mode Shiva", i.e. destructeur de mondes ? Ou est-ce une caricature mal comprise du V’Ger de ST The Motion Picture ?
Discovery 04x02 Anomaly et probablement les épisodes suivants semblent bien partis pour battre le propre record kurtzmanien du nawak anti-scientifique (qui était pourtant déjà hors catégorie jusqu’à maintenant).
La quatrième saison de Discovery nous vend donc ni plus ni moins la fin de l’univers, une espèce de le Big Crunch sans la moindre once de crédibilité science-fictionnelle et encore moins scientifique... mais que bien évidemment la Déesse Michael Burnham réussira à vaincre en fin de saison.
Matérialisation de la surenchère kurtzmanienne jusqu’à l’absurde, racoleuse et putassière comme jamais, parodique malgré elle. Faut-il rire ou pleurer d’une pareil hubris et d’une telle incontinence d’écriture, dédiée à la seule gloire cosmique de Mary Sue ?
Mais cette fois, le public ne s’y est pas trompé... car Discovery 04x02 Anomaly écope d’un très médiocre 5,2/10 sur IMDb – en réalité 4,9/5 en moyenne arithmétique – soit la note la plus basse à ce jour pour cette série ! Or les notes sont rarement marquées ou radicales sur IMDb du fait du nombre de votants (il faut donc savoir lire entre les lignes de l’amortissement...).
Il n’est même plus nécessaire de recenser toute les incompatibilités de Discovery avec Star Trek. Sur ce terrain-là, "ite missa est" depuis longtemps...
Mais Disco est aussi et surtout plombée en tant que simple série de SF (même hors de tout référent trekkien) par ses contradictions avec elle-même, par ses contradictions avec les implications réelles d’une problématique de tragédie, par ses contradictions avec la logique la plus élémentaire, par ses contradictions avec les sciences même conjecturales... qui ne sont finalement qu’un décorum au seul service du culte artificiel et forcé des personnages.
Mais qu’importe, n’est-ce pas, tant qu’on peut se rincer l’œil et barboter dans le glucose...
YR
EPISODE
Episode : 4.02
Titre : Anomaly
Date de première diffusion : 26/11/2021 (Pluto TV)
Réalisateur : Olatunde Osunsanmi
Scénariste : Anne Cofell Saunders & Glenise Mullins
BANDE ANNONCE