Army of the Dead : La review du film Netflix
Après une décade sur la mythologie des super-héros DC, Zack Snyder effectue avec Army of the Dead un retour aux sources zombies pour le compte de Netflix.
S’il n’est pas tenu compte de son contexte d’écriture, cette création originale, voire potentielle franchise, n’a pas la folie régressive de Zombieland, ni le rythme haletant et oppressif du Dernier Train pour Busan.
Prenant à contrepied son monde, Zack Snyder signe un scénario qui ne se livre pas à la surenchère attendue et qui n’a pas l’ambition de sortir des sentiers battus des films de genre.
Au moins, sans être " coup de poings " comme Dawn of The Dead, le film reste au-dessus des films d’équipe comme Triple Frontier. En effet, bien qu’étonnement révérencieux et convenue, le film effectue des rappels heureux à des illustres ainées d’hier et d’aujourd’hui : Kingdom, Aliens (2) ou Jurassic Park.
Toutefois, regardé à l’aune de son contexte d’écriture – pendant le deuil de la fille de Snyder – Army of the dead s’arbore d’une aura magnétique, presque hypnotique qui est sans nul doute liée au style très personnel du réalisateur et les thématiques abordées : l’altérité, la parentalité ou le deuil.
De manière général, le cinéma de Zack Snyder brille par l’efficacité redoutable de sa narration visuelle en dépit d’une durée conséquente. Cette esthétique visuelle vient servir un propos acerbe et nihiliste sur la société contemporaine. A cela s’ajoute la multiplicité de niveaux de lecture et les easter eggs renvoyant aux œuvres classiques de la littérature et du cinéma – et le tout forme une œuvre plus dense, plus fine, subversive et référencée qu’il n’y parait à la surface.
Reprenant les diatribes politiques des films zombies, Army of the dead livre derrière un astucieux mélange des genres, un authentique cri du cœur qui marquera le cinéma de son réalisateur Zack Snyder.
La déliquescence de la société contemporaine : l’impérialisme, le mâle alpha et sa horde
Army of the dead s’inscrit dans la pure tradition du genre Zombie en arborant une dimension politique.
En ce sens le film revêt plusieurs niveaux de lecture dont la première renvoie à la politique extérieure de certains Etats. Impérialiste et vorace, cette politique est nécessaire à la satisfaction des besoins d’une société de consommateurs de plus en plus impatients et exigeants. Ainsi, en première lecture, il est question d’un gouvernement envoyant ses champions sans scrupules, piller les trésors et richesses des royaumes voisins dont la population est peinte comme monstrueuses et non civilisées.
Dans un second niveau, usant des techniques de suggestions visuelles de la publicité, Zack Snyder communique ses idées et messages par le biais de références symboliques subliminales assez fortes pour imprégner les esprits. Comme un symbole vaut plus qu’un long discours conceptuel, Snyder n’a besoin que d’un mur et des réfugiés pour signifier l’Amérique de Trump – ce mâle alpha siégeant au-dessus de la statue de la liberté, dirigeant une horde d’écervelés acquis corps et âmes à sa cause. Army of the dead esquisse ainsi une critique acerbe des relations de servitude entre gouvernants – gouvernés au sein des sociétés modernes. Le film prolonge donc l’héritage de ses ainés en reprenant ce topique de « l’alpha meneur de horde » qui est retrouvé chez George Romero (Big Daddy de Land of The Dead) ou Robert Kirkman (Alpha et Beta dans The Walking Dead).
Par ailleurs, le choix de Las Vegas n’est pas anodin. Ville du péché et du vice par excellence, tout un chacun y arrive avec l’espérance de bonne fortune pour en ressortir moins humains. A travers plusieurs compositions visuelles, le film contient une réflexion sur la vacuité de l’argent et l’absurdité humaine liée à l’appât du gain, vecteurs de choix irréfléchies et déraisonnables menant à la ruine certaine de l’individu et du groupe. Ici se retrouve également un topique classique aux genres Z : il n’existe pas de film zombie sans une once de bêtise humaine. Car seule la bêtise humaine est à l’origine des monstres et dérègle les plans qui devraient se dérouler sans accroc.
Que Las Vegas soit voué au sort biblique réservé à Sodome et Gommorhe en dit beaucoup sur le regard que Zack Snyder porte sur l’avenir de l’humain. A noter que le film et la filmographie du réalisateur est hantée par les références à l’apocalypse de Saint Jean symbolisé notamment par le cavalier et son cheval. Par ailleurs, Snyder illustrant en musique ce qui est donné à voir à l’écran, il n’est pas un hasard s’il est maintes fois question dans le film du Ragnarök nordique via la mention du Crépuscule des Dieux (Götterdämerrung) de Wagner.
Army of the dead confirme encore une fois l’idée que Zack Snyder se retrouve beaucoup dans la caractérisation qu’il a fait de Rorschach dans son adaptation du Watchmen de Moore et Gibbons.
Ode aux films de genres : Heist movie, apocalypse zombie et Monsterverse classique
Outre la thématique politique, Snyder apporte une petite pierre à l’édifice du genre Zombie. Prolongeant ce que Romero a initié dans Land of The Dead (2005), Zack Snyder met l’homme et le zombie sur un pied d’égalité au moyen des marqueurs majeurs de la condition humaine : la conscience de soi et la quête de dépassement de la mort à travers la filiation. De plus, en créant un effet miroir entre l’homme et le zombie, Zack Snyder enlève au film la moralité manichéenne en précisant que le monstre est rarement celui qui est désigné comme tel.
En ce sens, avec son film, il trace à sa façon les limites des sociétés humaines : Outre la peur irrépressible de la mort, il existe chez l’humain cette envie de dévorer l’autre, de l’embrigader, de vouloir s’approprier ses richesses et la propension manichéenne d’y voir soit un allié à sauver, soit un ennemi.
En outre, en reprenant à son compte le topique du " non-mort ", Zack Snyder rappelle la filiation des films de zombies avec l’univers des monstres classiques et sacrés du cinéma. Car Army of the dead est un brillant mélange de genres qui vient puiser allègrement dans les classiques.
Contrairement à ce qui a été annoncé, le film reprend assez peu d’éléments des films de casses (Heist movie) – thème que le réalisateur tire de Peninsula. En fait, outre un petit clin d’œil à Die Hard, Zack Snyder s’est surtout servi des codes des Heist pour la constitution de l’équipe et la caractérisation des personnages. Le film de casse permet d’enrichir les archétypes de ses personnages, comme en témoigne trois personnages en particulier : Le " passeur " - inside man ; le " pilote " garant de l’exfiltration et le spécialiste de coffre-fort. A noter que ce dernier archétype se retrouve aussi dans les films de pilleurs de tombe.
D’ailleurs, le pitch d’Army of the dead sonne comme un remake à peine voilé de la Momie : Une expédition est organisée pour ouvrir une tombe scellée afin d’y piller ses trésors au risque de déchainer une malédiction mortelle pour l’humanité.
Army of the dead, s’apparente également à une relecture moderne de la créature de Frankenstein et de Dracula. D’une part, comme l’atteste la plaque militaire qu’il arbore tout au long du film, Zeus est une expérimentation qui témoigne que la société engendre des monstres.
D’autre part, Zeus reste une énième incarnation de Dracula. Du haut de son château, il est le seigneur des vampires qui règne sans partage sur un royaume jonché de vampires élus et de goules – ce qui traduit autrement le titre : Le héraut de la Mort et son armée.
Un création " bac à sable " originale et cathartique
Si le réalisateur effectue un " retour aux sources " en réalisant un film de zombie, c’est que le genre répond parfaitement à ses envies ou besoins de libertés et d’évolutions artistiques. Avec la bénédiction de Netflix, le réalisateur, libéré des franchises ne lui appartenant pas, s’offre un terrain de jeu immense, un " bac à sable " à 90 M€ dont il est le grand maître – comme Dracula en son royaume. En effet, il enfile les casquettes de réalisateur, directeur de la photographie, producteur et co-scénariste.
Dans la forme, Zack Snyder retrouve le plaisir de porter à l’épaule la caméra en abandonnant la pellicule 35 mm au profit du numérique. A noter que le style visuel reconnaissable du réalisateur s’accompagne d’un aspect empirique – presque expérimental – inhérent à un rétrécissement délibéré de la profondeur de champs entrainant des effets de flous stylisés. L’effet " wahou " de la composition snyderienne est moins présente afin de laisser la place à une dimension " petit budget " et intimiste.
Derrière cette folie zombie aux airs cool et décérébrés, Zack Snyder livre un film profondément personnel, nostalgique, mélancolique et triste. Rapproché de son contexte d’écriture, il n’est pas étonnant que les thèmes majeurs du film soient la filiation, le deuil et la mort. Le caractère personnel et intime de l’œuvre s’entrevoit clairement dans certaines scènes qui peuvent parfois apparaître comme " extérieur au film ". Or, certaines scènes émotionnellement authentiques renferment surement les raisons qui ont poussés Zack Snyder à reprendre un scénario qu’il a abandonné 17 ans auparavant. Paradoxalement, ce qui sonne comme " extérieur au film " constitue le cœur et l’émotion de celui-ci.
De manière plus prégnante que dans ses autres réalisations, la couleur émotionnelle du film s’imprègne fortement dans la bande originale. Faussement joyeuse, celle-ci reste nostalgique et tourmentée. La mélancolie arrive à son point culminant lorsque résonne d’outre-tombe la magnifique voix de Dolores Mary O’Riardan interprétant le mythique " Zombie " des Cranberries.
Plus subtil, bien qu’il s’approprie trois genres majeurs du cinéma, Snyder n’oublie pas de distiller dans son film une touche d’onirisme et de fantastique qui fait sa signature. En effet, il est fait dans Army of the dead des allusions très bien sentis aux rêves et réalités parallèles et extraterrestres rapprochant le film – après extrapolation – à Un jour sans fin ou Edge of Tomorrow.
En passant, il n’est nul besoin de mentionner le message subliminal derrière l’histoire de cet être mi-humain et mi-alien portant une cape qu’une énorme firme – dirigée par un asiatique – cherche à posséder sinon à détruire.
En définitive, avec Army of the Dead, Zack Snyder enrichit le catalogue Netflix d’une œuvre originale pluridimensionnelle, mélangeant les genres (Heist, Zombie et Monstre classique). Derrière la coquille faussement régressive, fouillie et dénuée de sens, le réalisateur donne à voir un film à la dimension à la fois nihiliste et très intime qui ne devrait pas laisser indifférent : soit l’œuvre est adorée, soit elle est détestée. Sur ce point, Zack Snyder va renforcer sa réputation de réalisateur clivant.
Pour l’avenir, après cette recréation et œuvre-tampon, Zack Snyder lorgnerait vers Napoléon.
SYNOPSIS
Profitant d’une attaque de zombies à Las Vegas, un groupe de mercenaires fait le pari fou de s’aventurer dans la zone de quarantaine pour tenter le braquage le plus spectaculaire de tous les temps.
BANDE ANNONCE
FICHE TECHNIQUE
Durée du film : 2 h 28
Titre original : Army of the Dead
Réalisateur : Zack Snyder
Scénariste : Joby Harold, Shay Hatten, Zach Snyder
Interprètes : Dave Bautista, Ella Purnell, Omar Harwick, Ana de la Reguera, Theo Rossi, Matthias Schweighöfer, Nora Arnezeder, Hiroyuki Sanada
Photographie : Zach Snyder
Montage : Dody dorn
Musique : Junkie XL
Costumes : Stephanie Portnoy Porter
Décors : Julie Berghoff
Producteur : Netflix, The Stone Quarry
Distributeur : Netflix France
LIENS
PORTFOLIO
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