Star Trek Discovery : Review 2.08 If Memory Serves
Plus de 50 ans après une première incursion sur Talos IV, Star Trek Discovery nous gratifie d’un épisode sur cette planète si importante dans la mythologie trekkienne.
Si j’ai beaucoup, mais vraiment beaucoup aimé cet épisode, il y a quand même une chose qui m’a bien dérangé. C’est la façon un peu cavalière de montrer les extraits de la Série Originale en introduction de l’épisode. Oui, le jeu, les effets spéciaux et les décors sont ceux d’une série des années 60, mais avait on vraiment besoin de le surligner avec ces transitions ? Ce n’est peut-être que dans mon imagination, mais j’ai eu l’impression qu’on cherchait à s’en moquer. Et pourtant, il était bien indispensable de rappeler à minima que la planète, les Talosiens, ses habitants, et la charmante Vina ne sont pas étrangers à Pike et Spock.
Si on met de côté cette faute de goût, c’est la seconde fois cette saison, après New Eden, que j’ai l’impression que les scénaristes ont conscience qu’ils écrivent un épisode de Star Trek. Est ce le premier effet de l’arrivée de Michelle Paradise, future co-showrunner de la série pour la saison 3, on croise les doigts.
Cela faisait trois épisodes que je pestais contre le rythme trop haletant des épisodes qui ne permettait pas, selon moi, de développer correctement et intelligemment les histoires. Ce n’est pas le cas, cette semaine. Que ce soit l’incursion de Burnham et Spock sur Talos IV, la gestion de la problématique de la section 31 par Pike ou le couple Culber / Stamets qui part en vrille, chaque histoire est maîtrisée, connaît une évolution logique et les surprises ne sortent pas de nulle-part.
La Série Originale est un peu loin dans mes souvenirs, mais je n’ai pas ressenti d’erreur flagrante dans les événements sur Talos IV. Certes, visuellement, les Talosiens ont un look un peu différent, mais pas plus que les Andoriens dans Star Trek Enterprise.
Très intéressantes sont les explications de Spock sur l’Ange Rouge. Si les destructions que lui montrent l’Ange sont bien le futur annoncé de cette timeline, cela ne correspond pas, sauf erreur, à l’univers Prime. Or, les actions de l’ange ont déjà modifié le futur. Est ce raisonnable de penser que son action a également modifié le développement des technologies ce qui expliquerait l’aspect plus évolué de la série par rapport aux autres séries Star Trek ?
Et si c’est l’Ange Rouge qui a montré à Spock le péril mortel qui attendait Michael sur Vulcain, sans lui, elle serait juste morte. Et vu les paroles de Burnham avant sa fuite, pas étonnant qu’on n’ait jamais connu son existence auparavant. Bref, avec la manipulation temporelle, toute explication devient possible et ce n’est pas pour me déplaire. À noter que la grosse bestiole, qui poursuit la jeune Michael, m’a irrésistiblement fait penser à la scène de poursuite de Kirk dans le premier Trek de J.J. Abrams. Cela m’a fait sourire, pas sûr que cela fasse rire les détracteurs de Kelvin.
L’épisode développe également les conséquences du retour à la vie de Hugh Culber. Si l’ex-docteur avait un uniforme blanc virginal en première saison, son costume noir souligne bien le changement radical de sa psychologie. J’ai bien peur que Stamets reste encore célibataire. L’affrontement avec Tyler était indispensable, je suis totalement d’accord avec Saru 2.0.
À l’occasion d’une conférence au sommet dans le vaisseau de la section 31, l’épisode souligne à nouveau la dérive de Starfleet. Cela m’aurait gêné précédemment, mais, à ce jour, j’attends de voir les développements des modifications temporelles pour avoir un avis sur ce sujet. Et une fois encore, cela renforce l’emprise de Georgiou sur la section 31.
If Memory Serves est pour moi un nouveau pas dans le bon sens. Comme après New Eden, je croise néanmoins les doigts pour que ces qualités nouvelles deviennent permanentes.
FM
DIS 02x08 If Memory Serves débute par une surprise de taille, à savoir un medley du pilote originel TOS 00x01 The Cage en lieu et place des habituels rappels par lesquels débutent presque tous les épisodes de DIS.
Cette initiative pourra aussi bien toucher les trekkers que les offenser… selon l’intention qui sera imputée aux auteurs. Il sera possible d’y voir un hommage sincère à la série originale (pour réaffirmer la volonté d’insérer Discovery dans sa timeline)… ou à l’inverse une volonté railleuse destinée à souligner le contraste entre un opus produit en 1964 et son relifting kurtzmanien de 2009 (comme pour narguer les rares trekkers qui croient encore à l’unicité de ligne temporelle).
En tout état de cause, et sans chercher à faire un procès d’intention, cette introduction TOSienne constitue à la base une mise en situation voire en condition honorable. Mais elle peut aussi constituer un alibi facile pour qui serait tenté de rapprocher un simple clip show de deux minutes (dénué de toute valeur ajoutée créative ou intégratrice) aux tours de force internalistes que furent TNG 06x04 Relics, DS9 05x06 Trials And Tribble-ations, VOY 02x26 Flashback, et ENT 04x18+04x19 In A Mirror, Darkly en leur temps.
Mis en perspective avec le Star Trek historique (1964-2005), il serait permis de voir dans ce procédé le syndrome de toute la fainéantise de Discovery, qui pour tout hommage à TOS se contente d’empiler quelques extraits de The Cage à la portée de n’importe quelle application vidéo de smartphone… lorsque TNG, DS9, VOY, et ENT avaient relevé le défi de reconstituer en dur le cadre de la série originale pour la transcender chronologiquement et la légitimer rétrospectivement à l’aune des avancées du monde réel.
Le parcours de Burnham et du reste de l’USS Discovery s’étant scindé au début de DIS 02x07 Light And Shadows, DIS 02x08 If Memory Serves continue à se déployer simultanément sur deux fronts distincts (Burnham et Spock d’un côté, Pike et l’USS Discovery de l’autre) avant de se rejoindre en fin d’épisode, avec pour antagonistes communs Leland, Mirror-Georgiou, et la Section 31 (qui désormais dicte sa loi à l’ensemble de Starfleet).
Cette critique s’articulera donc une nouvelle fois autour de ces deux fils événementiels concomitants.
Le pouvoir mental collectif psychogène des Talosiens se révèle particulièrement spectaculaire lorsqu’ils réussissent à masquer leur planète derrière un trou noir (visuellement impressionnant, même sur grand écran) ! Mais tout "déphasé" que soit Spock re-recasté (Ethan Peck) au look de hipster, il guide Burnham à travers l’illusion et finalement Talos IV apparait dans toute sa majesté. « Cette fois, nous sommes de l’autre côté du miroir » dira Burnham dans une nouvelle pesante allusion à Alice aux pays des merveilles.
L’atterrissage de la navette témoigne d’une baisse de budget perceptible. En outre, les scènes à la surface de Talos IV ont été tournées à Lafarge Quarry dans la périphérie de Toronto, précisément au même endroit (et avec les mêmes effets chromatiques bleutés) que pour les extérieurs de la surface de Harlak (QG de la Resistance menée par Mirror-Voq contre le Terran Empire) dans DIS 01x11 The Wolf Inside. On pourrait donc considérer que la production ne s’est guère foulée pour un épisode à la sémiotique historique aussi grande. Malgré tout, les scènes sur Talos se révèlent relativement convaincantes grâce à quelques efforts artisanaux de reconstitution, notamment pour les légendaires fleurs bleues musicales. Plaquant des filtres photographiques de couleur froide et un effet fisheye sur un environnement crypto-lunaire, la sensation d’environnement extraterrestre est ici hypertrophiée avec peu de moyens, faisant honneur à l’exotisme essentialiste de Talos IV de TOS 00x01 The Cage, elle-même héritière d’Altaïr IV de Forbidden Planet (1956).
De même, la bande originale de l’épisode sort de l’ordinaire, grâce à un bel exercice de style qui s’approprie certaines des sensations rétro-futuristes uniques des débuts de TOS, tout en leur associant alchimiquement des ouvertures cosmiques flirtant avec celles de Joel Goldsmith dans Stargate Universe.
Dans TOS 00x01 The Cage, le capital d’exotisme alien des Talosien provenait d’un look extraterrestre androgyne au cerveau hypertrophié (typique des années 60), exclusivement joué par des femmes, mais doublés par des hommes.
Malheureusement, entretemps, la vague de conformisme paritaire est passée par là, et dans DIS, les Talosians sont interprétés à la fois par des femmes et des femmes, contribuant à banaliser leur look.
Manifestement, Discovery ne peut s’empêcher de rebooter visuellement par principe tous les composants issus du Star Trek historique, qu’il s’agisse des espèces extraterrestres, des vaisseaux, et des technologies. Les showrunners ne s’y prendraient pas autrement s’ils avaient l’intention de situer la série non pas seulement dans une timeline alternative mais également dans un autre univers ! Ce parti pris ne s’explique probablement pas uniquement par le plus lâche des suivismes possibles envers les modes éphémères, mais il résulte probablement aussi d’une volonté commerciale de distinguer visuellement les produits dérivés des séries Star Trek d’Alex Kurtzman de celles de Gene Roddenberry et de Rick Berman (ce dernier ayant d’ailleurs eu l’humilité de ne jamais chercher à s’approprier ou à étiqueter la pourtant vaste part de la franchise dont il a eu la charge). Le fait que dans le même temps, les showrunners de DIS proclament – à la façon d’un mantra – la parfaite identité de timeline atteste bien d’une volonté d’avoir le beurre et l’argent du beurre en se payant la tête des trekkers (dont les indignations publiques participent de toute manière du buzz recherché par les producteurs).
Rien d’étonnant que les Talosiens passent donc à la même casserole (ou presque) que les Klingons. Et leur cas ne saurait se comparer à celui des Andoriens d’ENT puisque plus d’un siècle séparaient ces derniers de ceux de TOS, tandis que Berman et Braga avaient prévu d’expliquer dans les saisons tardives de la série les différences de localisation des antennes sur les cranes (au même titre que les différences entre Vulcains du 22ème et du 23ème siècle, ainsi que le changement d’apparence des Klingons dans TOS - points traités dans la quatrième saison). Tandis qu’ici, DIS 02x08 If Memory Serves ne suit que de trois ans TOS 00x01 The Cage tout en précédent de dix ans TOS 01x15+01x16 The Menagerie. Pire, l’épisode ne met pas en scène d’autres Talosiens (qui pourraient appartenir à un phénotype distinct) mais il replace sur le devant de la scène le même Keeper qui avait accueilli Vina et avait mené ses expérimentations sur Pike. Pour ne rien arranger, même au sein d’une espèce supposée androgyne, le Keeper initial était joué par l’actrice Meg Wyllie lorsqu’il est désormais interprété par l’acteur Rob Brownstein… ce qui demeure assez aventureux même si l’on partage le progressisme des adelphes Wachowski.
Mais ironiquement, le budget limité de TOS (quoique confortable si on le ramène aux normes des séries des sixties) avec sa réputation de décors en carton-pâte s’en sort finalement bien mieux quant au maquillage des Talosiens. Car ceux de DIS 02x08 If Memory Serves apparaissent moins exotiques et moins inquiétants, en bref moins convaincants. Paradoxalement, la comparaison avec le mythique pilote de la série originale au travers du résumé en début d’épisode ne profite pas forcément visuellement à Discovery, du moins pas sur tous les plans. Il n’y a pas que le budget qui importe. La créativité, l’innovation, et le travail artisanal sont bien souvent davantage "payants".
Ici, les Talosiens semblent plus pacifique et respectueux du libre arbitre que dans le pilote de TOS, mais cela ne constitue pas en soi une incohérence dans la mesure où il est à supposer que l’expérience The Cage les aura fait évoluer, leur aura fait mieux connaître l’humanité, voire les aurait conduit à s’attacher à ceux qui les avaient déjà visités en 2254.
Le diagnostic médical des Talosians ne se fait pas attendre : Spock est mentalement emmuré (i.e. deconnecté de son environnement social) car il perçoit désormais le temps de façon fluide (et non plus linéaire), ce qui contredit sa logique vulcaine (ainsi que tout logique conventionnelle). Seule une plongée dans les souvenirs d’enfance communs de Spock et Burnham sur Vulcain en quête de la "defining experience" pourrait permettre de guérir Spock. Gardons-nous cependant d’un nitpicking déplacé envers les capacités thérapeutiques talosiennes (avec leur aptitude à manipuler télépathiquement la perception, nul doute que les Talosiens sont mieux outillés pour guérir les psychopathologies que n’importe psychanalyste voire même que n’importe quel mind meld vulcain). Malgré tout, narrativement, cela respire le prétexte très artificiel pour infliger une nouvelle fois aux spectateurs du soap, via de pesants flashbacks dégoulinants de pathos et de mélo. Sortez vos mouchoirs…
Et celle que tous attendaient – Vina recastée – apparaît en tenue légère (Melissa George en lieu et place de Susan Oliver).
Il aura fallu toute l’expérience intime de TOS 00x01 The Cage et la perspective de quitter le simulacre doré des Talosians pour que Vina révèle son vrai visage mutilé. Mais ici, elle le dévoilera d’entrée de jeu à Michael.
Et contrairement au pilote de la série originale, les Talosians demanderont cette fois la permission à Burnham avant de pousser plus avant leur invasion mentale...
Pour soigner Spock, il faudra le "désengager de la logique", mais c’est apparemment Burnham qui devra en payer le prix (selon l’épisode). Est-ce seulement en référence au malaise de devoir revivre – qui plus hors de son intimité – une épreuve douloureuse de son passé, ou est-ce en référence à un procédé de "délestage télépathique", i.e. de vases communicants qui pourraient être comparés à la fonction tenue par Picard lorsqu’il aide Sarek à surmonter le Bendii Syndrome dans TNG 03x23 Sarek ? Finalement aucun détail de procédure curative n’est communiqué, tant l’impatience des scénaristes est grande pour nous servir de nouveaux flashbacks ’"100% pur soap garantis".
Spock est désormais à la narration (expérience mémorielle commune) tel un cicérone cognitif, et c’est ainsi que l’on déplace le curseur temporel sur la fameuse fugue de Michael (évoquée depuis pas mal d’épisodes)… nous conduisant dans les profondes forêts (!?!) du Désert de la Forge (au passage une ineptie botanique contredisant ce que nous en avait montré le superbe ENT 04x07 The Forge) où Michael se retrouve poursuivie par un monstre… assez similaire au drakoulia ou autre hengrauggi de la Delta Vega vulcaine de Star Trek 2009. L’essence commune entre Discovery et Kelvin ne manque jamais une occasion de se rappeler aux spectateurs. Et qui est détracteur à la fois de Kelvin et de Discovery… ne pourra que sourire doublement.
C’est alors que le Red Angel s’est manifesté au jeune Spock pour lui révéler l’endroit où la jeune Michael tentait d’échapper à la mort, permettant aux autorités de la secourir à temps. Si l’Ange rouge avait tendance au début de la seconde saison à intervenir au bénéfice de sauvetages collectifs (voire civilisationnels) à l’échelle galactique, la triangulation opérée au fur et à mesure que la saison avance permet de circonscrire une finalité salvatrice de plus en plus unipersonnelle, oscillant entre la carte du club "VIP-only" (si le Red Angel est Gabriel Lorca ou Jean-Luc Picard par exemple), le narcissime cosmologique autocentré (si le deus ex machina est Burnham elle-même comme pourrait suggérer sa morphologie), et l’exaltation messianique élective du destin individuel. Burnham aurait-elle une destinée aussi précieuse que des civilisations entières… ou serait-elle appelée à être effacée de la timeline (façon Evan dans The Butterfly Effect) si cette dernière était bien une "impasse" comme le répète Spock tout au long de l’épisode ?
Spock confirme que la seconde "rencontre" a bien eu lieu deux mois avant les sept red bursts galactiques, le Red Angel venant le prévenir d’un projet de destruction massive des planètes habitées de la galaxie, notamment Andoria et la Terre. L’illustration visuelle de cette précognition renvoie évidemment directement à la destruction de Vulcain et aux autres projets similaires de Nero dans Star Trek 2009. Manifestement, Alex Kurtzman ne se renouvelle guère : la destruction gratuite de planètes est une constante dans ses fils rouges depuis 2009. Cela dit ici, la causalité n’est pas la red matter (génératrice improbable de trous noirs) employée par Nero, car les planètes n’implosent pas (comme Vulcain dans la Kelvin timeline), mais explosent (comme la Terre sous l’effet de la superarme xindie dans ENT 03x08 Twilight).
Il est piquant de noter que Spock emploiera répétitivement une "formule poétique" récurrentes de la BD Valérian (visuellement inspiratrice de l’univers de Star Wars) : "le souvenir d’événements à venir".
Premier affrontement entre Spock et Burnham : « Je ne suis pas ici pour t‘absoudre. Il ne s’agit pas de tes sentiments. Tu portes le contexte de ma chronologie. » À quoi Michael répond par un « Needs of the many… » qu’elle n’achève même pas tant cette antienne trekkienne est essorée jusqu’à la moëlle par Kurtzman depuis 2009.
C’est alors que Spock assène la première révélation de cet épisode : bien qu’entourée d’une énergie impénétrable autour de sa combinaison mécanisée protégée par un champ quantique, ses tentatives de mind meld lui auront permis de capter une pensée humaine pétrie de solitude (loneliness) et de désespoir (despair), révélant du coup que le Red Angel serait un(e) humain(e) du futur (et un futur visiblement tragique) !
L’index temporel se déplace maintenant dans le passé proche, et c’est dans une cellule capitonnée de la Starbase 5 que l’on retrouve Spock, dessinant sur le sol ses visions et contacts transdimensionnels avec le Red Angel. Possible clin d’œil à Benny Russel – l’alter ego de Benjamin Sisko – dans DS9 07x02 Shadows And Symbols.
L’épisode dispense sa seconde révélation : Spock n’a pas tué les trois médecins de la Starbase 5, il les a juste assommés au moyen du vulcan nerve pinch lorsqu’il a appris que la Section 31 venait le rafler pour l’enfermer dans une de ses installations.
Twist certes de polichinelle. Et pourtant, avoir assisté à la reconstitution mentale dans l’esprit de Spock n’efface pas toute incrédulité (ou plus exactement toute surprise) chez Michael. Ce qui permet à Spock de prodiguer une formule structurée et formulée à la manière des leçons christiques aux infidèles dans les Evangiles : « Tu n’as plus foi en moi (…) Tu as regardé dans mon esprit, et tu demandes confirmation. As-tu vu un meurtre ici ? »
« Je leur dois un souvenir » ("my memory" en anglais) dira Burnham après la guérison de Spock et l’assistance offerte par les Talosiens pour communiquer avec l’USS Discovery et le solliciter son aide. Vina précisant alors qu’il ne vaut mieux ne pas laisser extraire les souvenirs par la force, tant l’expérience est désagréable, renvoyant en effet aux expérimentation douloureuses imposées par les Talosians lors de leur premier contact l’USS Enterprise dans TOS 00x0 The Cage.
Cette séquence dédramatise et socialise considérablement les Talosiens, puisque désormais toute menace attachée à leur civilisation se voit endiguée et absorbée par une dynamique économique d’échange ou de commerce, de troc ou de négoce (une banque de données mémorielles contre une assistance… non sans rappeler les trafics qui avaient cours dans VOY 04x10 Random Thoughts). En somme exactement de la façon dont les Ferengis sont passée de "pires ennemis" de l’UFP dans la saison 1 de TNG à des partenaires tout sauf inquiétants à la fin de DS9.
Mais dans le même temps, la bienveillance des Talosiens envers Spock et le lien qui s’est forcément créé à l’occasion de cette reconstruction mentale (largement digne d’un mind meld vulcain) pourra crédibiliser l’initiative de Spock dans TOS 01x15+01x16 The Menagerie, à savoir confier aux bons soins des Talosiens son ancien capitaine physiquement paralysé suite à une exposition aux delta rays. Soit un (modeste) apport de cohérence internaliste représentant du jamais vu dans DIS… mais hélas au prix d’incohérences structurelles (il ne fallait pas non plus rêver, n’est pas la série Enterprise qui veut).
« Too many Vulcans don’t want humans (…) Separatists come back attack home. » L’exploration de l’enfance de Michael et Spock se transforme en pamphlet contre la société vulcaine. Hélas pas dans le cadre d’une réflexion politique et sociologique sensée à l’image de celles que dispensaient brillamment la série préquelle de 2001, mais simplement au titre des "dommages collatéraux" d’une volonté de courber les sociétés, les structures, et l’univers lui-même aux seules finalités soapy de la narration. Le syndrome était au cœur de Kelvin, il redouble d’ardeur dans Discovery.
En somme, l’altruisme sacrificiel de Mary-Sue était déjà tellement développé durant son enfance que devant la violence des attaques des logic extremists (au passage, quel oxymoron, quel sophisme, quel illogisme !) représentant une menace perpétuelle pour l’illustre famille de l’ambassadeur, la Sainte Michael n’avait d’autre choix que de disparaître, quitte à se perdre affectivement aux yeux de son frère pour le sauver malgré lui, quitte à se faire avaler par l’un des monstres qui hantent le système de Vulcain revu et corrigé par la Kelvin timeline.
Faut-il que la situation sur Vulcain ait été insurrectionnelle, au seuil de la guerre civile, ravagée par une violence inouïe pour que la si pure et si noble enfant Michael se soit résolue à une pareille extrémité. Ce qui revient à faire passer les Vulcains du siècle de TOS pour des caricatures de Dixies étatsuniens de la première moitié du 20ème siècle, dont les humains et amis des humains auraient le sort des Afro-Américains persécutés et même assassinés par le KKK. C’est à peine si l’on n’évoque pas les croix plantées et enflammées devant le domicile des indésirables. Une transposition insultante non seulement parce qu’un sujet aussi grave ne saurait être traité par-dessus la jambe (tel un vulgaire gimmick au service d’un soap), mais également parce que ladite transposition dénie grossièrement l’évolution sociétale apportée par la série Enterprise (au terme de laquelle les Vulcains renouent avec l’enseignement véritable de Surak via le Kir’Shara et s’affranchissent du phagocytage romulien).
Comment est-il possible de croire que du temps du pilote de TOS et au terme d’un siècle d’existence de l’utopique Fédération, la société vulcaine avait régressé vers un état pré-Enterprise et même pré-First Contact ? Car en 2063 comme en 2151, aucun Vulcain ne s’en serait pris violemment à des humains ni à des Vulcains rattachés ou unis à eux. Au pire, les Vulcains les plus dogmatiques se seraient contenté de snober avec une indifférence ou un mépris altier ceux qui s’écartaient de la doctrine. Mais la violence inspirée par les pires outrances religieuses contemporaines aurait représenté un non-sens et un anachronisme. C’est d’ailleurs pour ça que la bombe ayant explosée dans ENT 04x07 The Forge ne pouvait être que l’œuvre d’un Romulien infiltré et non de Vulcains Syrranites (même Archer un siècle avant et en dépit de ses préventions anti-Vulcaines n’y avait pas cru). D’une certaine façon, Discovery crache sur la tombe de l’amiral Maxwell Forrest, l’une des figures les plus trekkiennes de la franchise.
Spock enfant : « Michael, attends, où vas-tu ? »
Michael enfant : « Spock, je mets ta famille en danger. »
Spock : « Notre famille. »
Michael : « Trop de Vulcains ne veulent pas d’humains parmi eux. Les séparatistes sont toujours là. Ils reviendront pour attaquer ta maison. »
Spock : « Notre maison. On les combattra ensmble. »
Michael : « C’est mieux comme ça. Tu mérites de grandir en sécurité. »
Spock : « La sécurité est un concept relatif. Le sens de cette notion varie. »
Michael : « Stop, je m’en vais. »
Spock : « Alors je viens avec toi. »
Michael : « Je ne veux pas de toi avec moi. Tu ne comprends pas ça ? »
Spock : « Tu es ma sœur. Tu aides ma part humaine à apprendre. »
Michael : « Ta part humaine est minuscule, ça ne changera rien. Rentre ça dans ta tête. Je ne veux pas d’un monstre comme frère. »
Spock : « Mais je t’aime. »
Michael : « Tu n’es pas capable d’aimer. »
Spock : « Si, je le suis. »
Michael : « Non. Tu es Vulcain. Et tu seras toujours froid et distant, comme une lune inaccessible. Tu n’en vaux pas la peine. »
Spock : « Tu devais m’apprendre les coutumes terriennes. Nous devions même y aller un jour. »
Michael : « Tu ne comprends toujours pas ? Je ne veux pas de toi dans ma vie. Arrête de me suivre.Sale petit bâtard (You’re weird little half-breed). »
Michael et Spock rejouent ainsi simultanément le "defining moment" de leur séparation originelle – à la fois comme enfants et comme adulte – selon une grammaire de tragédie antique qui se serairt à jamais figée dans l’ambre d’un moment matriciel de leur existence. Cette mise scène forgée dans une théâtralité crypto-brechtienne est assez brillante, teinté d’extranéité envers soi-même, tel un jugement dernier.
D’aucuns pourraient même trouver cette scène "bouleversifiante"... tant elle est de noouveau surjouée par Sonequa Martin-Green (miss sanglots longs).
De surcroît, le caractère traumatique de l’insulte ("half-breed") adressée à Spock durant la phase matricielle de l’enfance peut rétrospectivement apporter un éclairage nouveau à l’épisode TOS 01x26 This Side Of Paradise et à la facilité avec laquelle Kirk était parvenu à faire perdre à Spock son légendaire flegme (pour l’arracher à l’emprise des spores Omicron Ceti III). À la lumière de Discovery 02x08 If Memory Serves, half-breed apparaît tel un trigger mémoriel revoyant aux traumas d’enfance. Pour la première fois depuis 2009, il ne s’agit plus d’un simple alibi trompeur, d’un clin d’œil de connivence, ou d’un fan-service bas de gamme, mais d’une possible consolidation internaliste… certes timide, certes non nécessaire à la cohérence de TOS, et loin, très loin de rivaliser avec celles que prodiguaient à tour de bras quasiment chaque épisode la série Enterprise.
Malgré tout, si cet échange possède bel et bien une dimension tragique à l’échelle de l’enfance (et les enfants peuvent se révéler involontairement cruels avec de bonnes ou de mauvaises intentions), il est d’une part – et une fois de plus dans DIS – très anthropomorphe (il ne reste pas une once d’identité ou d’altérité vulcaine notamment du côté de l’enfant Spock qui s’accroche tel un amant éploré). Cet échange témoigne d’autre part d’une étonnante immaturité – même à l’échelle de l’émotivité humaine – pour entériner un état émotionnel strictement inchangé depuis l’enfance de part et d’autre. La famille dysfonctionnelle devra dès lors être davantage entendue au sens symbolique que réaliste. Car peut-on vraiment croire que durant les nombreuses années de vie commune qui ont suivi (et dès lors que Michael a renoncé à fuguer par sacrifice), aucun des deux adelphes n’a réussi à résoudre et dépasser ce qui ne relevait pourtant que d’une tactique prophylactique (ce que la logique vulcaine aurait dû d’emblée comprendre). Cette quête désespérée de pardon supposerait qu’il y ait offense en premier lieu, ce qui n’aurait jamais dû être le cas dans un paradigme vulcain bien compris.
Et bien entendu, ne parlons pas de Sybock, toujours aux abonnées absents, à croire qu’il a purement et simplement été effacé de la timeline de DIS.
Un cas d’école en somme : l’écriture des dialogues est ici de bien meilleure facture, la mise en scène est à l’avenant, quelques fulgurances parviennent même à être touchantes, on y détecte l’embryon d’une intention prequelle... mais l’articulation et l’intégration dans la maturation et la culture des protagonistes laisse toujours à désirer, qui plus est au détriment de la société vulcaine elle-même. DIS n’avait cessé de teaser (au moyen de flashbacks plus ou moins pesants) ce "péché de jeunesse" prétendument inexpiable de Michael depuis la première saison, mais l’accouchement maïeutique n’est une nouvelle fois pas au niveau de ce qu’il aurait pu et dû être. La forme est certes meilleure, mais le fond demeure inadéquat à défaut d’être totalement absent cette progrès. Un progrès certes, mais frustrant.
En fin de compte, cette scène de "lying à la mode de Talos" convoque le ban et l’arrière-ban des redemption episodes, cette tradition méta-chrétienne étatsunienne dont est si friand le public et par laquelle toute série au norme de la Doxa doit obligatoirement passer. Dommage malgré tout de prétendre aller si loin dans le temps et l’espace pour finalement ne jamais décoller de la "planète Hollywood".
S’ensuit alors la séance de rationalisation corollaire...
Spock : « Je suis conscient que tu voulais sevrer le lien émotionnel pour que je souffre moins de ton absence. Une tactique primitive, mais logique. »
Michael : « Ce n’est pas seulement ça. Les logic extremists auraient pris pour cible notre famille tant que j’étais là. Je ne voulais pas que vous soyez blessés ou tués. Mais j’aurais dû essayer autre chose, n’importe quoi d’autre. Je suis vraiment désolée. »
Spock : « Je suis reconnaissant. Tes paroles m’ont montré que mon humanité était dangereuse. Tu étais un catalyseur. Pour te fuir toi et les émotions, je me suis pleinement immergé dans la logique. Mais la base de ma logique a toujours été le temps lui-même. Et maintenant le temps me trahit. La logique m’a trahi. L’émotion m’a trahi. Privé de fondations, je dois bâtir. En cet instant même, se joue le sort de multiples civilisations et de millions de vies. »
Michael : « À qui en veux-tu le plus ? À toi-même ou à moi ? »
Spock : « Garde ta psychanalyse, Michael. Des esrprits plus brillants que toi s’y sont essayés et ont échoué. »
Michael : Pourtant tu m’as choisie pour ce voyage, tu accordes de la valeur à notre lien. La base de ta logique est peut-être notre relation. ».
Spock : « Absurde. Mais tu as raison sur un point. J’ai eu tort de t’idolâtrer. Je le regrette amèrement. »
Là, les dialoguistes sont allés trop loin, ils viennent soudainement de basculer dans le mélo cheap et narcissique d’une vulgaire série pour ado. Et l’effet associatif est désastreux, car tel un jeu de dominos, c’est l’intégralité de cette séance de rédemption qui pourrait s’effondrer et apparaître "phony"... même selon des normes USA-morphes.
En outre, la subordination par Spock de sa logique au temps est pour le moins curieuse. Est-ce une façon de justifier après coup qu’il ait perdu la boule après son dernier contact avec le Red Angel du futur ? Ou bien est-ce une façon alambiquée de déplorer le temps perdu dans la lutte contre le "péril du futur" (ce qui pourrait alors témoigner d’un zest de mégalomanie) ?
Revenons au début de l’épisode, côté pile cette fois.
Avec un nom emprunté au roman Section 31 : Control de David Mack (sis dans l’univers étendu) et occupant plus ou moins la fonction de M dans James Bond, c’est en transmettant ses ordres aux agents de la Section 31 que Control révèle pour la première fois sous vrai visage dans DIS. En l’occurence, les hologrammes de quatre zombies déshumanisés… appartenant pourtant aux espèces fondatrices de l’UFP (humains, Vulcains, Tellarites, et Andoriens). De quoi alimenter bien des théories complotistes, y compris en prise avec la "menace du futur"… Control, la Section 31, Mirror-Georgiou, et même Airiam (cf. plus bas) pourraient-ils être des vecteurs de destruction à la solde d’une faction de la Guerre temporelle ?
Tout affectivement attachée à Burnham qu’elle prétend être, Mirror-Georgiou n’a aucune hésitation à "enfoncer" Burnham auprès de Leland, de Control, mais aussi de Pike. De facto, l’ex-impératrice Terran commande le vaisseau de la Section 31, manipule Control pour écarter l’USS Discovery de la traque active des fugitifs Spock et Burnham (en tablant sur la volonté de cette dernière à entrer en contact avec son capitaine), et donne même directement des ordres à Pike (à savoir continuer à étudier les traces laissées par la sonde non loin de Kaminar). Bien entendu, l’objectif est de surveiller une surveillance constante de l’USS Discovery (on se croirait dans l’Empire romulien ou en URSS).
S’ensuivra un échange entre Pike et Tyler où chacun réaffirmera à sa manière sa confiance prioritaire envers Burnham par rapport à la Section 31.
La confrontation tant attendue entre Tyler (l’assassin) et Culber (le défunt ressuscité) s’annonce dès le début de l’épisode par un échange de regard distant mais incisif… Le public va être servi…
En dépit d’une surérogation d’attention de la part de Stamets, toujours émerveillé que son vœu le plus insensé ait été exaucé, Culber se révèle de plus en plus instable et asocial, confronté à un véritable malaise existentiel. Il "sent" ne plus être le même qu’avant sa mort, non seulement physiquement (un nouveau corps) mais également mentalement (une perpétuelle colère le consume). Envoyant paître violemment Stamets dont les égards le mettent hors de lui, il erre dans les coursives du vaisseau… jusqu’à rencontrer Tyler dans le mess. Il lui fond alors littéralement dessus…
Un règlement de compte digne des westerns… ou des films noirs – entre pègre et mafia – des années 50. Tout le réfectoire s’écarte spontanément pour laisser aux deux duellistes la place d’exprimer leur haine et leur violence sans entraves. Le commandant en second, Saru, dissuade même quiconque d’intervenir. Contre toute attente, le distingué médecin Culber se révèle de force égale mano a mano face à Tyler, en dépit de toute l’expérience pugilistique klingonne de ce dernier. Sous le voyeurisme passif de l’équipage, le pancrace aurait pu mal se terminer. Mais finalement, avant que le sang (ou la mort) ne s’épande, les deux antagonistes (Culber en particulier qui était le plus enragé) reprennent le contrôle… constatant peut-être qu’ils ont désormais davantage en commun qu’il n’y paraît. « – Je ne sais même plus qui je suis. – À qui le dites-vous. »
Cet événement peu ordinaire donnera lieu à une argutie privé entre Pike et Saru sur l’opportunité d’avoir laissé (et même encouragé) ce spectacle si peu "starfleetien". Pike impute cette gestion virile à la mutation post-vahar’ai de Saru (ce que ne dément pas Super-Saru ou Saru 2.0), mais il consent à fermer exceptionnellement les yeux à la condition que cela ne se reproduise plus et qu’à l’avenir les litiges soient résolus selon les "codes de l’uniforme".
Puis, dans un réfectoire démoli et déserté, un Culber dépité avoue à son ex-amant Stamets que la version qu’il connaissait et aimait de lui est désormais morte, et qu’il souhaite mettre un terme à leur liaison.
Alors bien entendu, le premier réflexe du trekker sera de s’indigner de ce viol supplémentaire par DIS de l’esprit trekkien et de la déontologie de Starfleet, maintenant carrément dissouts dans la vulgarité outrageusement machiste d’un ring de catch !
Toutefois, à la différence des nombreux précédents de la série, l’écart de conduite est ici clairement assumé par les auteurs et pointé dans le script (conformément à la fameuse "lantern" du "cours d’écriture télévisuelle" professé par Martin Lloyd dans le superbe épisode méta SG-1 10x06 200). Mieux, cette séance prend une véritable signification comme thérapie cathartique non conventionnelle pour répondre de façon inédite à une situation elle-même inédite (une absence de "regulatory guidelines" envers un humain sur lequel a été greffé un Klingon et un autre revenu de la mort dira explicitement Saru). Une façon astucieuse de faire sortir la résurrection – narrativement contestable en SF – du cadre de la banalité pour la soumettre à un questionnement ontologique. D’autant plus qu’il ressort une symétrie symbolique entre Hugh Culber artificiellement "reconstruit" par le réseau mycélien et Ash Tyler non moins "artificiellement" reconstruit par L’Rell. Deux êtres en partie brisés, ne s’appartenant plus pleinement, perdant pied, en quête de sens et d’identité, s‘affrontant tant ils sont colère, sans vraiment en comprendre les raisons.
Il y a donc là – et c’est quasiment la première fois depuis le pilote de DIS – un potentiel trekkien. Aux scénaristes maintenant de l’explorer et de le fructifier… ou bien à l’inverse de le gâcher une nouvelle fois par une pirouette indigne (comme pour les Kelpiens dans DIS 02x06 The Sounds Of Thunder), par une dilution dans un soap stérile (spécialité de la série depuis son lancement)… et/ou par le conformisme putassier – bien plus hollywoodien que réaliste – de violences qui ne seraient qu’un préliminaire à l’accouplement.
Seul dans sa ready room "picardienne" (car curieusement, celle du Crossfield-class du 23ème siècle ressemble beaucoup à celle du Sovereign-class du 24ème siècle), Pike reçoit la visite mentale de... Vina… qu’il connut trois ans avant dans TOS 00x01 The Cage. S’ensuit toutes les déclamations et déclarations sentimentales usuelles (« Après votre départ, j’ai su ce que j’avais perdu (…) Les Talosiens m’ont redonné une illusion de vous, avec qui j’ai passé une vie entière (…) Je suis restée ancrée à notre amour et c’est ce qui m’a sauvé (…) »)... mais qui malgré tout participent d’un élégant romantisme science-fictionnel, transcendant la matière et l’espace, et qui pourraient emphatiser rétrospectivement le choix charitable de Spock dans TOS 01x15+01x16 The Menagerie. Mieux, ces retrouvailles entre Pike et Vina s’accordent du temps, un temps non pas polynomial mais trekkien, disparu depuis 2005. Et le rythme lent, les non-dits, les gestes, le langage corporel expriment ici une puissante synesthésie, celle d’une expérience intime à nulle autre pareille.
Bien entendu, le Star Trek kurtzmanien ne saurait perdre ses vieilles habitudes de fan-service paresseux, et le copié-collé d’une réplique culte du pilote de TOS se glisse dans les dialogues : « as real as it needs to be ».
C’est alors à une véritable session d’holocommunication télépathique en duplex que Pike assiste : Burnham, Pike, et le Keeper talosien apparaissent derrière un "portail" transdimensionnel qui n’a rien à envier à celui des Iconiens dans DS9 04x23 To The Death. Et ainsi, les deux groupes séparés au début de DIS 02x07 Light And Shadows peuvent se mettre mutuellement au parfum à des dizaines voire des centaines d’années-lumière (Spock a été guéri et il annonce que le Red Angel est venu révéler le "final outcome of our current timeline"), puis coordonner leurs actions à venir (Spock sollicite de Pike un acte de foi en lui demandant de venir en urgence le chercher lui et Burnham sur Talos IV), et cela sans l’assistance d’une quelconque technologie de communication, donc sans que la Section 31 aux aguets n’ait les moyens de l’apprendre. Ou comment l’IDIC glisse progressivement dans les super-pouvoirs de comics…
Malgré tout, par sa sérénité et son contraste envers les autres épisodes de la série, cette scène de "visitation métaphysique" à la frontière de la fantasy est baignée d’une irréalité poétique susceptible de marquer positivement le spectateur.
Visiblement, la télépathie psychogénique des Talosiens porte plus loin dans le cosmos que ce qu’avait jamais suggéré TOS (l’USS Discovery est encore dans le voisinage de Kaminar par ordre de la Section 31). Même si l’épisode entérine une fragilité de communication (« windows is closing »), ce qui semblait relever de l’exception à la faveur d’une relative proximité géographique de Talos IV dans TOS 01x15+01x16 The Menagerie (avec l’illusion de la cour martiale présidée par le commodore José I. Mendez)… devient dans DIS une norme à des distances considérables de Talos (avec la possibilité pour les Talosiens de communiquer télépathiquement et d’altérer la perception de n’importe qui)… telle une extension hasardeuse des possibilités de la Force dans Star Wars - Episode VIII - The Last Jedi.
Autant dire une invalidation des fondements même du General Order 7 au cœur de la première saison de la série originale (ce "placement en quarantaine" de Talos devenant dès lors sans objet). Un General Order 7 que d’ailleurs Discovery 02x08 If Memory Serves se garde bien de citer... alors qu’une prohibition formelle assortie de la peine de mort demeure une exception suffisamment saillante au sein de l’utopique UFP pour mériter d’être explicitée dans le cadre des décisions successives de Burnham, de Pike, et de Leland d’aller se promener sur Talos IV. Faut-il en déduire que General Order 7 n’a pas encore été adopté... et qu’il a déjà perdu sa raison d’être ?
Accessoirement, si les Talosiens ont une portée télépathique aussi grande à travers l’univers, il n’est guère logique qu’ils se précipitent sur tous ceux qui croisent à proximité pour satisfaire leur avidité en expériences mémorielles/sensorielles (au point même de lancer les prémices d’un commerce).
Burnham révélera que la Section 31 avait l’intention d’utiliser une machine infernale venue de l’univers Miroir pour "rip the mind" de Spock… à la recherche de ses "memories of the future". Difficile de comprendre comment Burnham le sait avec autant de certitude. Cela ne correspond guère à ce que Mirror-Georgiou lui avait révélé dans l’épisode précédent. Seraient-ce alors les Talosiens qui auraient fouillé à travers le cosmos directement dans les cerveaux des agents de la Section 31 ? Mais même en le supposant, chaque épisode de DIS enfonce et décrédibilise davantage cette Section 31 à l’aune des idéaux trekkiens, en la transformant en auxiliaire du Terran Empire.
Etant donné l’urgence de la sollicitation de Burnham/Spock depuis Talos et l’œil inquisiteur de la Section 31, le premier réflexe de Pike est de recourir au spore drive pour se matérialiser instantanément et ni vu ni connu en orbite de Talos IV.
Sauf que finalement ce saut n’a pas été exécuté... puisque l’équipage découvre que la "propulsion mycologique" a été délibérément sabotée (fichiers duotroniques endommagés) par celui-là même qui aura envoyé trois salves de plusieurs pétaoctets à un destinataire inconnu (un volume de données au demeurant ridiculement élevé si l’objectif est juste de tenir la Section 31 au courant des intentions de Pike). Ash Tyler est immédiatement soupçonné (puis placé en détention préventive) étant donné que c’est son identifiant qui aura été utilisé, mais aussi que la Section 31 possède une technologie d’invasion neurologique capable de transformer n’importe qui en agent double sans même qu’il ne le sache (le syndrome The Manchurian Candidate). Dans ces conditions de défiance, il est alors curieux que Pike ne prenne pas davantage de précaution lorsqu’il donne publiquement l’ordre sur la passerelle de se rendre en distorsion sur Talos IV… tout en faisant mine de mettre le cap du la Starbase 11 afin de tromper un éventuel limier de la Section 31.
In fine, l’épisode suggère par quelques effets visuels assez lourds (comme les yeux qui s’allument en rouge) que c’est la crypto-androïdienne Airiam qui joue double-jeu. Bref, tous les ingrédients d’Alias, mais avec davantage de tech.
Toujours est-il que cette séquence apparemment anodine confirme par l’exemple ce que mes critiques avaient extrapolé dès le troisième épisode de la première saison de Discovery, à savoir que le spore drive représente un tel bon conceptuel qu’il n’est plus sociologiquement possible de faire marche arrière. C’est un boîte de Pandore entropique. Stamets avait beau s’être moralement engagé dans DIS 02x04 An Obol For Charon et DIS 02x05 Saints Of Imperfection envers l’alien May à ne plus utiliser le spore drive qui dégrade le paradis mycélien des Jahsepp, il ne subsiste rien de cette "parole de scout » devant une contrainte impérieuse. Parce que nécessité fait droit, et il en a toujours été ainsi à travers l’Histoire, dans le monde réel comme dans le Trekverse. Et ce qui vaut pour Spock et Burnham vaudrait au centuple pour l’équipage de l’USS Voyager perdu dans le quadrant gamma ou encore pour le plus sanglant des conflits à savoir la Guerre du Dominion.
L’USS Discovery approche de Talos IV, le voyage n’aura vraiment pas été long. Mais les Talosiens identifient un vaisseau malveillant à ses trousses. Et en effet, Leland poursuit Pike avec son NCIA93 exactement comme Marcus poursuivait Kirk avec son USS Vengeance dans Star Trek Into Darkness. La parenté entre Kelvin et Discovery se rappelle en toute occasion.
Le capitaine de le Section 31 – qui n’a pourtant aucun primauté en autorité et en grade – ordonne à l’USS Discovery de stopper, sachant où il va...
Parvenus en orbite de Talos IV en même temps, les deux vaisseaux tentent de téléporter Spock et Burnham simultanément… au risque de les tuer. Vina interviendra dans la psyché de Pike, à la façon d’un songe ou d’une succube, assorti d’un adieu supposé mélancolique (« – Let them go, let us go, it’s only way – Good bye, Vina »).
À contrecœur, Pike ordonne l’abandon de la tentative de la téléportation, ce qui permet à Leland de récupérer avec jubilation les deux officiers, puis quitter l’orbite à distorsion non sans ordonner à Pike de se présenter lui et son vaisseau à la Starbase 11 pour une action disciplinaire. En terme de hiérarchie et de chaîne de commandement, c’est le nawak intégral.
Mais les spectateurs se doutaient bien qu’en tant que rois de l’illusion, les Talosiens ménageaient une surprise à Leland. En effet, les deux téléportés à bord n’étaient que des images projetées pleines d’humour (« - Say ’Good bye’ Spock – Good bye Spock »), laissant le temps aux véritables Burnham et Spock de rejoindre physiquement au moyen de leur navette l’USS Discovery… qui dès lors quitte l’orbite de Talos sans demander son reste. Le timing de la manipulation demeure néanmoins assez peu crédible (s’arracher à une planète de classe M en navette est une opération plus longue que la découverte finalement rapide de la supercherie par l’équipage du NCIA93). Mais le plus critiquable n’est pas là. En effet, les Talosiens avaient bien d’autres moyens nettement plus efficaces à leur disposition pour éconduire d’emblée le vaisseau de la Section 31 (e.g. allant de l’impossibilité à trouver Talos IV à une apparente panne généralisée des équipements). Mais l’épisode aura sacrifié le rasoir d’Ockam de la stratégie à des effets de chapeaux de prestidigitateurs… comme pour renforcer l’effet deux ex machina… ou pour accentuer l’effet cartoonesque façon Tex Avery des gentilles proies jouant un mauvais tour au méchant prédateurs.
Et pour enfoncer un clou de plus dans le cercueil de la crédibilité, Mirror-Georgiou ne manquera pas cette occasion pour la ramener une fois de plus sur ses "exploits génocidaires" en expliquant que lorsque les Talosiens de l’univers Miroir lui avaient fait le même coup, elle les as tous désintégrés. Ce qui, outre d’être abject – notamment par la normalisation de ce type de répliques voire de concepts au sein de l’UFP de DIS) – est également difficile à croire étant donné les capacités des Talosiens à induire (par voie de manipulations mentales) l’autodestruction à distance de n’importe quel vaisseau dont ils n’auraient pas manqué de détecter à des années-lumière les objectifs exterminatoires.
La Section 31 devient plus risible et grotesque que jamais, Leland et Mirror-Georgiou émulant bel et bien Diabolo et Satanas, l’ex-impératrice Terran jubilant même ouvertement devant Leland des peaux de bananes qu’elle place sous ses pieds (i.e. ne pas l’avoir informé des capacités psychogènes des Talosiens), de ses échecs, de son embarras devant l’amirauté et Control, et finalement son intention avouée de le faire professionnellement tomber (une attitude qui serait hautemement sanctionnable dans une société normale).
Mais à cette occasion, outre sa méchanceté autosatisfaite et stérile totalement anti-trekkienne (« nous sommes les méchants par ce que, conscients et heureux de l’être »), la Section 31 de Leland révèle également en toute occasion son degré d’incompétence et d’impréparation (« on agit d’abord et on pense ensuite »). Car avec ses ressources illimitées en terme de renseignement, il est inconcevable que Leland n’ait pas eu accès aux rapports de mission du capitaine Pike suite à TOS 00x01 The Cage ayant conduit à la promulgation de l’exceptionnel General Order 7. S’être donc rendu sur Talos sans même avoir pris la peine de s’informer des raisons de la "quarantaine" et donc des aptitudes des Talosians est totalement branquignolesque pour une section supposé représenter l’élite opérationnelle de Starfleet. C’est à de pareils moments que Discovery parait bien plus parodique que The Orville… si ce n’est que cette dernière l’est volontairement.
À bord de l’USS Discovery, DIS 02x08 If Memory Serves prodigue un ultime clin d’œil à TOS 00x01 the Cage… lorsque Spock sourit de retrouver son bien-aimé capitaine. Fait suffisamment rare pour que Pike ne manque pas de relever… et qui s’était également produit dans le pilote de la série originale lorsque Spock avait découvert les fleurs bleues musicales de Talos IV (en externaliste, la logique vulcaine n’avait alors pas été encore pleinement définie en 1964).
Pike se considère désormais hors-la-loi, il laisse bien sûr la liberté à son équipage de ne pas le suivre, mais comme un seul homme, celui-ci se rallie à son oriflamme de résistance. Surtout que la mission de salut galactique est plus urgente que jamais. Spock annonce explicitement que le Red Angel est un(e) humaine(e) qui vient changer une timeline sans avenir (c’est-à-dire dont l’outcome serait apocalyptique) en raison d’une force (encore indéterminée) qui chercherait à éradiquer toute vie sentient dans la galaxie (vaste programme !).
La question majeure est alors : cette correction de timeline (désirée de toute force par une bonne partie des trekkers) sera-t-elle rétroactive ? Rien n’est moins sûr. Mais si tel était le cas, cela pourrait représenter une porte de sortie salutaire pour une série ayant tellement accumulé les gaffes, les inconséquences, et les incompatibilités depuis son lancement que cela tient presque du mauvais gag.
À moins de confondre la Section 31 avec le commandement même de Starfleet, ou de transformer davantage encore (que dans la saison 1) l’UFP en dictature dystopique sans protection légale ni déontologie aucune, il est aberrant qu’un vaisseau de la Section 31 puisse frapper d’indignité l’USS Discovery, ni que celui-ci se considère de lui-même hors-la-loi sur la seule base des jugements rendus par ladite Section 31. D’une part, les capitaines Leland et Mirror-Burnham ne possèdent aucune préséance en grade ou en fonction sur le capitaine Pike, a fortiori sachant que la Section 31 agit hors de cadre de la loi (il ne s’est jamais trouvé que des services action ou des barbouzes de black ops traduisent en justice des officiers réguliers même dans les sociétés contemporaines bien peu utopiques). D’autre part, le vaisseau de Leland ne s’est pas moins placé en situation d’irrégularité en se rendant lui aussi sur Talos IV exactement pour les mêmes raisons que l’USS Discovery (à savoir récupérer Burnham et Spock).
Par surcroit, sur les bases des révélations apportées par Burnham (à savoir que Leland utilise un engin issu de l’univers Miroir qui allait mettre en morceau le cerveau de Spock sans la moindre forme de procès… tandis que ce dernier a trouvé une solution d’innocuité pour recouvrer ses souvenirs), c’est au contraire Pike qui possède tous les éléments en main pour trainer Leland devant une cour martiale. Mais pas à un seul instant des arguments légaux ni des réflexes de citoyens d’un état de droit (ne parlons même pas d’utopie) n’effleurent les officiers de l’USS Discovery. Au contraire, le seul réflexe de Pike et de son équipage, c’est de prendre immédiatement le Maquis. Ce qui en dit long sur l’état naturel de dystopie de la Fédération discoverienne (ou de l’incompréhension des showrunners de DIS envers l’utopie trekkienne, allant jusqu’au contresens).
Saru va d’ailleurs jusqu’à anoblir l’USS Discovery en le qualifiant fièrement de "Starfleet most wanted vessel" (visiblement un titre de gloire selon la nouvelle définition de l’héroïsme selon DIS). Et Pike s’enquiert auprès de Spock de sa "vieille expérience" de fugitif : « we run » ! Soit le reflexe même du célèbre Doctor face à tous les prédateurs de l’univers. Tout est dit.
Discovery 02x08 If Memory Serves pose également que la Starbase 11 est sise à seulement deux années-lumière de Talos IV. Ce retcon est inconséquent à bien des titres.
Non seulement il ne tient pas compte de la durée du trajet entre cette même Starbase et Talos dans TOS 01x15+01x16 The Menagerie (ayant même permis la tenue à bord de l’USS Enterprise d’une cour martiale).
Mais il ne tient pas non plus compte du degré d’éloignement de Talos IV au début de TOS 00x01 The Cage : le signal radio conventionnel – donc omnidirectionnel – capté par l’USS Enterprise trois ans avant en 2254 avait été émis 18 ans avant, ce qui signifie qu’il n’existait aucun avant-poste ni station de l’UFP à moins de dix-huit années-lumière de Talos IV. Il faudrait alors supposer que la (très vaste) Starbase 11 ait été construite entre 2254 et 2257, ce qui est d’autant plus difficile à croire au regard de son degré de proximité (selon DIS) avec la zone d’exclusion réputé la plus dangereuse (et au franchissement la plus sévèrement réprimé) de tout l’espace connu.
Plus généralement, la facilité et la rapidité avec lesquelles Burnham et Leland se rendent en simple navette sur Talos IV, suivis de l’USS Discovery, puis du NCIA93… brisent par voie de banalisation (une récurrence dans DIS) le sentiment de "bout du monde", dangereux et inaccessible, qu’avaient su magnifiquement distiller les trois épisodes de TOS consacrés à Talos, la nouvelle "planète interdite" (huit ans après celle de Fred M. Wilcox).
Enfin, si Talos IV n’était qu’à deux années-lumière de l’espace de la Fédération lorsque l’USS Enterprise est venu la visiter en 2254, c’est-à-dire durant sa mission quinquennale, comment se fait-il qu’au regard d’un si faible éloignement, Pike n’ait pas participé à la guerre contre les Klingons de la première saison de DIS ? Durant la mission quinquennale de Kirk dans TOS, celui-ci était rappelé à la rescousse par Starfleet à la moindre occasion.
En outre, la révélation dans DIS 02x08 If Memory Serves d’une capacité d’influence psychogène des Talosiens sur des dizaines voire des centaines d’années-lumière, mais également de leur bienveillance constructive et coopérative envers l’UFP (ils ont spontanément accepté de soigner Spock et ne se sont pas fait prier pour lui sauver la vie ainsi que celle de sa sœur adoptive) invalident le fondement prophylactique et la sévérité contre-utopique du General Order 7…
Petit rab d’incohérences en vrac :
En évoquant les "SQL injections" (curieusement sous-titré en français par requêtes SQL) de la sonde upgradée dans le futur, la série témoigne d‘une incontinence en terme d’anticipation, révélatrice de sa vanité "contemparonocentrée", alors que les normes informatiques sont les marqueurs temporels les plus volatiles, appelés à être démodés en seulement quelques décennies. Les auteurs croient-ils vraiment que dans deux siècles et demi, à l’ère de la téléportation et du FTL, le langage informatique SQL destiné à exploiter des bases de données relationnelles sera encore d’actualité ?! Dès les années 60, et à fortiori à l’ère bermanienne, Star Trek s’employait par prudence à ne jamais user de normes ou des protocoles techniques/informatiques contemporains afin de repousser au maximum la "date de péremption" de son univers, ce point de bascule entre anticipation et uchronie.
De même, Saru évoque une fuite de données depuis l’USS Discovery transmises à un destinataire extérieur inconnu (la Section 31 bien entendu qui surveille de très près les faits et gestes des héros) et estime le volume en pétaoctets (petabytes). Ce qui une nouvelle fois subordonne des technologies de rupture d’un lointain futur à des unités de mesures d’aujourd’hui (les bytes). Le Star Trek historique – développé pourtant à une époque où le recul envers l’informatique était moindre – avait pris la précaution d’utiliser des unités informatiques distinctes des nôtres, à savoir les quads.
Bien entendu, Discovery continue avec son show off techno-geek qui, à aucun moment, ne cherche à tenir un tant soit peu compte des séries ST supposées être ultérieures. Moya, le vaisseau vivant Leviathan de Farscape, possédait des robots d’entretiens rampants. Mais DIS fait mieux en introduisant dans 02x08 If Memory Serves des robots volants d’entretien… qui remettent en quelques instants d’aplomb le réfectoire ravagé par les manifestations humorales de Culber et Tyler. Rien de tel, même dans les séries trekkiennes du 24ème siècle.
Signe incontinent de l’opulence de production, DIS sature littéralement de figurants les scènes à bord du vaisseau en titre… quitte à se contredire elle-même lorsque dans le même temps, elle établit que l’USS Discovery (pourtant gigantesque avec son hangar à navette starwarsien, ses serres à perte de vue, son intérieur de cube borg) n’est composé que de 136 membres d’équipages ! Un cas flagrant de disparité entre le verbal et le visuel, mais il en est ainsi depuis 2009.
DIS 02x08 If Memory Serves est une vitrine soapy exclusivement character driven + twist driven, multipliant comme à l’accoutumée les incohérences contextuelles et structurelles, cartoonisant davantage à chaque apparition sa Section 31 d’opérette, sacrifiant une nouvelle fois la sociologie vulcaine à l’USAmorphisme et l’utopie trekkienne à la mode conspirationniste/dystopique.
Mais en dépit de ses innombrables faiblesses, c’est aussi un épisode qui – pour la toute première fois depuis le lancement de Discovery – semble découvrir la véritable vocation d’un prequel en venant crédibiliser quelques détails de la série originale plutôt que de la démolir ou la ringardiser comme dans chaque chapitre précédent. L’initiative est encore timide et maladroite, au point de s’apparenter au fan-service avec lequel les mauvais prequels se confondent souvent. Cet opus ne saurait donc arriver à la cheville des exceptionnelles plus-values internalistes et de la maestria rétroactivement unificatrice qui caractérisaient la très regrettée Enterprise.
Malgré tout, l’inflexion demeure palpable dans DIS 02x08 If Memory Serves au point de rejaillir sur l’écriture des dialogues qui réussissent à véhiculer un fond de psychologie (et même une ébauche d’ontologie), magnifiés par une mise en scène créative voire poétique, un rythme apaisé voire introspectif, et une BO très fine.
De plus, en filigrane, se dessine la perspective réjouissante d’un reset complet de la timeline de DIS... qui a peut-être été jugée aporétique et sans issue par quelque script doctor du futur (lol).
Alors, If Memory Serves est-il juste un one shot porté par la seule "grâce" d’avoir revisité la mythique "planète interdite" Talos IV (quand bien même en partie rebootée) ? Ou bien faut-il y voir le signe encourageant de l’arrivée de Ted Sullivan et de Michelle Paradise suite à l’éviction de Gretchen J Berg et d’Aaron Harbert ?
YR
EPISODE
Episode : 2.08
Titres : If Memory Serves
Date de première diffusion : 07/03/2019 (CBS All Access) - 08/03/2019 (Netflix)
Réalisateur : T. J. Scott
Scénariste : Dan Dworkin & Jay Beattie
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