Utopiales 2013 : Le panel d’Orson Scott Card 1/2

Date : 24 / 11 / 2013 à 10h30
Sources :

Source : Unification


Rencontre avec Orson Scott Card par Jeanne A. Debats

Avant de vous faire partager cette longue interview, il est nécessaire de présenter rapidement Jeanne A. Debats qui échange avec Orson Scott Card et la remercier.

Jeanne A. Debats est une romancière française de science fiction. Plusieurs de ses romans ont obtenu des prix, notamment La Vieille Anglaise et le Continent qui a obtenu le Grand prix de l’Imaginaire 2008, le Prix Julia-Verlanger 2008, le Prix du Lundi 2008 et le Prix Rosny aîné 2009.

C’est donc un échange entre deux auteurs que nous allons partager avec vous. Un échange qui traitera au delà des romans connus d’Orson Scott Card, notamment d’écriture, de sa manière de travailler, de ses prochains projets et bien entendu de la Stratégie Ender.

Nous remercions Jeanne A. Debats pour nous avoir envoyé le texte exact de ses questions pour nous aider à établir ce compte rendu.

INTRODUCTION

JAD :

Bonjour Monsieur Card.

Il est d’usage de dire qu’on ne présente plus l’invité mais je vais le faire quand même, votre carrière le mérite.

Vous êtes né en 1951 à Richland dans l’État de Washington aux États-Unis.
Professeur, script docteur, essayiste, nouvelliste, ’anthologiste’ et romancier d’imaginaire, votre seule carrière littéraire est fulgurante, prolifique, protéiforme et impressionnante, faisant de vous un des grands noms incontournables de la littérature de science fiction américaine. Il semblerait que vous vous soyez appliqué à vous-même et plus que largement l’une de vos phrases « on ne doit pas passer plus de dix ans à faire le même travail ».

Au point que je ne citerai pas TOUTE votre œuvre d’écrivain, l’interview d’aujourd’hui y passerait. Et nous prendrions la journée si je devais citer également vos essais et ouvrages historiques, ou couvrant encore d’autres domaines…

C’est pourquoi l’entrevue d’aujourd’hui s’articulera autour de trois axes seulement :

a) Votre travail de passeur en matière d’écriture,

b) vos rapports aux genres de l’imaginaire,

c) et enfin pour terminer, l’énorme travail accompli autour de La Stratégie Ender qui culmine provisoirement avec la sortie du film éponyme.

Mais revenons un peu sur votre carrière :

Il n’est pas question, je l’ai dit, de citer votre œuvre intégrale, mais nous pouvons la survoler :

En 1977, votre première nouvelle obtient le prix John Wood Campbell du meilleur nouvel écrivain de science-fiction.

Les Maîtres Chanteurs, 1978, roman de science fiction inoubliable qui traite d’amour, d’art, de tyrannie.

Une planète nommée trahison parait en 1979, c’est un roman de science-fiction, peut-être un des rares de votre carrière où le Héros est déjà mature lorsque l’aventure commence, bien que tout son périple soit initiatique comme le seront ceux de ses successeurs sous votre plume.


Espoir-du-cerf, 1983, une revisitation de blanche neige.

En 1985, vous publiez La Stratégie Ender, roman tiré de la nouvelle éponyme publiée à l’origine en 1977 par Ben Bova, récompensé à la fois par le prix Hugo du meilleur roman et par le prix Nebula du meilleur roman.

La suite de ce roman, La Voix des morts, reçoit à nouveau le prix Hugo et le prix Nebula, l’année suivante, une première dans l’histoire de la science-fiction américaine. Nous reparlerons de ce cycle dans la dernière partie de cette interview.

En 1987, vous publiez le premier volume de la Série Alvin le Faiseur, cycle inachevé à ce jour, le septième tome Alvin le Faiseur restant encore à paraître et ce depuis presque 20 ans. Ce cycle représente semble-t-il votre déclaration d’amour à l’Amérique et à son histoire.

Jason Valois parait en 1989 mais vous entamez le cycle de nouvelles qui y donnera naissance contes de Capitole et de la forêt des eaux en 1979.

Puis nous citerons sans nous y arrêter le cycle de Terre des Origines ou encore le tout dernier Les mages, voilà pour les romans.

Vous avez également publié deux ouvrages de références quant à l’écriture :
Personnages et points de vue paru en 1988 et Comment écrire de la SF et de la fantasy en 1990 qui reçut le prix Hugo de la non-fiction.

DES NOUVELLES D’ALVIN

A la demande de Jeanne A. Debats (JAD) concernant la fin du cycle, soit le dernier volume de la série d’Alvin, Orson Scott Card (OSC) répond qu’il est très long, soit autant que tous les autres volumes de la série, mais il pense avoir trouvé le moyen de le réduire. Il ne l’a pas encore écrit car il doit finir ses deux autres séries en cours avant d’écrire le dernier volume d’Alvin le faiseur.

Après la présentation d’Orson Scott Card et de son oeuvre, voici le premier axe autour duquel s’articule l’interview : Le travail de ’passeur’ en matière d’écriture.

JAD :

Comment envisagez-vous l’écriture monsieur Card ? Ici, en France, et hors des exercices de styles farfelus de L’OuLiPo, nous avons une culture de l’inspiration et du talent brut, qui fait que l’attitude typiquement américaine des Study Writing nous échappe encore, bien qu’elle commence lentement à s’installer dans quelques universités de pointe. J’aimerais donc que nous commencions par aborder ce sujet.

a) D’abord, quelles sont vos méthodes d’écriture personnelles ? Avez-vous besoin d’un environnement particulier ? Quel temps dans la journée ?

OSC :

J’aimerais avoir un horaire régulier pour écrire, mais si je mets en place un planning : je suis perdu. Donc j’admire les auteurs qui travaillent en heure fixe et j’aimerais en faire parti. Mais à la place, mon style d’écriture revient à plonger dans mes romans puis d’essayer ensuite de nager jusqu’à la berge.

Ce qui entraîne comme effets secondaires que personne ne m’aime dans ces moments là. Je reste dans une petite cabane pour écrire et n’en sort pas beaucoup pendant mes phases de production.

Je donne comme conseil pour les jeunes auteurs de faire de l’exercice et du sport régulièrement car quand on est gros, c’est très difficile de maigrir par la suite. Par ailleurs, je trouve que j’ai les mêmes sensations quand je fais du sport que quand j’écris.

Pour résumer, ma vie est un équilibre entre rester en vie, et en bonne santé, et gagner de l’argent pour rester en vie. J’essaye d’avoir une bonne santé, et une bonne hygiène de vie, mais en même temps je se pose la question de qui se préoccuperait de savoir si je serai encore en vie si je ne finissais pas mes séries.

JAD :

b) Quel est le plus important selon vous dans un atelier d’écriture ?

OSC :

Dans les ateliers d’écriture, on n’apprend très peu des commentaires des autres sur ses propres histoires mais on apprend beaucoup des mauvaises histoires des autres car au final on apprend en identifiant leurs erreurs puis en en retrouvant des similaires dans son propre texte.

JAD :

c) Quels inducteurs utilisez-vous le plus fréquemment ?

OSC :

Il existe deux raisons pour écrire : on lit quelque chose de merveilleux et tout en essayant de faire aussi bien, on devient un imitateur de l’œuvre originale. Ou on lit quelque chose de mauvais et on se dit si c’est publié, on peut faire mieux.

Si vous aimez la science fiction, assurez-vous de lire des livres d’histoire, de la romance, des romans policiers. Il faut se forger une boîte à outil pour tous les types d’écriture puis on ne doit pas essayer de forger un livre pour remplir une catégorie. En effet quand on écrit un livre, on doit savoir tout faire, comme par exemple un charpentier qui doit aussi savoir recouvrir des fauteuils…

JAD :

d) Lorsque vous animez un atelier, quel est votre type favori d’exercice à donner à vos étudiants ?

OSC :

Je reste devant mes étudiants et je pose des questions auxquelles ils répondent. On prend beaucoup de réponses et on voit émerger plein d’histoires différentes. Je leur fais alors remarquer que la seule question posée c’est pourquoi car la causalité est la clé de l’existence et du comportement humain.


En effet, la causalité est le pouvoir des histoires fictives. La plupart des histoires racontées c’est en fait du commérage et tout le monde est doué dans ce domaine. Mais le commérage, c’est toujours de la fiction sur des autres personnes car on ne connaît jamais les gens réellement. Ils peuvent toujours vous étonner.

Chaque personne peut avoir un moment dans sa vie où il se dit « Ah je comprends pourquoi j’ai fait ça à ce moment ! » et vous révisez votre propre histoire. Et les auteurs inventent des histoires exotiques sur ce que font leurs personnages, tout comme les scientifiques et les journalistes, mais les auteurs eux écrivent des bêtises.

JAD :

e) Avez-vous une idée du nombre d’écrivains publiés sortis de vos ateliers ? Et dans quels genres se sont-ils illustrés ?

OSC :

L’auteur issu de mes ateliers qui a eu le plus de succès est resté au top des ventes pendant 1 an, dans un domaine qui n’était pas de la science fiction, mais c’est rare.

Mes ateliers d’écriture ne font pas de miracles et en réalité chaque atelier commence par « Pourquoi vous êtes là parmi nous au lieu d’écrire à la maison ? » car je n’ai pas suivi de cours pour écrire et je ne pense pas que mes études universitaire m’aient aidé dans ce domaine.

Quand on veut être écrivain, il faut :
1) écrire des centaines de page,
2) trouver un pauvre lecteur pour vous relire

Ce dernier doit nous donner un rapport fidèle sur la qualité de l’expérience de la lecture de notre texte. Il le lit avec un crayon et il marque des commentaires : endroits ennuyeux, confus, pas crédibles. Car c’est cela qui importe : si le lecteur s’intéresse à votre texte c’est qu’il le comprend et du coup y croit.

Mon vrai atelier d’écriture, c’est le théâtre. On rassemble des amis pour jouer des pièces et ces derniers ne peuvent pas cacher aux spectateurs du théâtre l’ennui, la confusion ou l’incertitude d’un texte. Si on remarque parmi les spectateurs des mouvements, un ennui, un rire qui ne fuse pas au bon endroit au bon moment, ça veut dire que le texte ne marche pas.

Lorsqu’on voit un bon film ou une bonne pièce, on ne remarque pas quand on veut aller aux toilettes, au contraire d’un film ou d’une pièce ennuyeuse.

JAD :

f) La question ’provoc’ : pensez-vous que l’on puisse apprendre à écrire, en réalité ? Naissons-nous écrivain ou peut-on créer des talents dans vos ateliers ?

OSC :

On ne peut pas créer un écrivain.

Le mieux c’est d’aider un auteur à franchir l’étape de l’accouchement d’une œuvre, mais cela se passe quand ce dernier n’est déjà pas loin du terme. Par contre je déconseille de rester dans le même atelier plus d’un an car il ne peut plus y avoir de progression. On se connaît trop au sein du groupe et on n’a plus de destination ou de propos différents.


Les illustrations des articles sont Copyright © de leurs ayants droits. Tous droits réservés.



 Charte des commentaires 


Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg 2024 : Le (...)
Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg 2024 : Un (...)
L’Étrange Festival 2024 : Le Palmarès
L’Étrange Festival 2024 : Un programme trentenaire
Japan Expo 2024 : Le jeudi 11 juillet
Alien - Romulus : La technologie
Unif’ TV : Visionnez le documentaire sur Michel Gondry - Do (...)
Tusk : La critique
Thunderbolts* : Wendell Pierce & Chris Bauer dans le film (...)
Brèves : Les informations du 08 octobre
Defcon : La critique du jeu qui fait monter la tension
Cinéma - Bandes annonces : 08 octobre 2024
The Walking Dead - Daryl Dixon : Critique 2.02 Moulin (...)
Lanterns : Josh Brolin s’exprime sur son refus
Ranma 1/2 : La critique de la nouvelle adaptation sur (...)