Livre SF : Soleil vert de Harry Harrison - Peut-on imaginer un avenir où la quête du profit sacrifierait l’humanité tout entière ?

Date : 10 / 11 / 2024 à 12h00

PEUT-ON IMAGINER UN AVENIR OÙ LA QUÊTE DU PROFIT SACRIFIERAIT L’HUMANITÉ TOUT ENTIÈRE ?

- Auteur : Harry Harrison
- Premier éditeur : Doubleday
- Première parution : 1966
- ISBN : 978-2290079416

Cette question est essentielle dans Soleil vert (titre original Make Room ! Make Room !), le roman emblématique de Harry Harrison publié en 1966. Il se déroule dans une société surpeuplée, sur-industrialisée et écologiquement dévastée où l’humanité semble avoir perdu son orientation première. Pourtant, c’est dans ce futur désastreux, un futur où l’éthique est sacrifiée sur l’autel de la survie, que Harrison nous pousse à nous interroger sur nos choix, non seulement dans le domaine social, mais aussi spirituel et psychologique. En effet, l’œuvre interroge l’individu dans sa globalité, depuis ses rapports avec la société tout entière, mais aussi jusqu’à remettre sur la table le concept fondamental de sa propre âme.

Le sacrifice moral, l’exploitation des masses et l’injustifiable marchandisation des vies humaines est le coeur de ce livre. Soleil vert nous invite à une introspection qui dépasse le simple cadre de la dystopie. Il nous demande comment une société déshumanisée par la quête du profit peut-elle influer sur l’individu ? Et surtout, jusqu’où sommes-nous prêts à sacrifier notre propre humanité au nom de cette survie ?

Une société où la quête du profit dévore l’éthique

Dans Soleil vert, la race humaine est au bord de l’effondrement. La surpopulation mondiale, la pauvreté galopante, la pollution extrême et la disparition des ressources naturelles ont transformé la planète en un immense dépotoir. Dans cette atmosphère étouffante, l’élite dominante, responsable de cette dégradation (encore eux !), a trouvé une solution à la crise alimentaire : la production de Soleil vert, un substitut alimentaire fabriqué à partir de… cadavres humains. Cette abomination, imposée comme solution pragmatique, devient un reflet de l’industrialisation extrême et de la déshumanisation des rapports sociaux. Mais plus que cela, elle incarne un sacrifice moral imposé par une société où le profit est devenu l’ultime objectif au détriment de toute considération humaine.

L’éthique, autrefois considérée comme essentielle à la construction d’un bien-être collectif, est aujourd’hui sacrifiée pour une forme de « bien-être » économique. C’est cette dégradation de la moralité que Harrison explore avec une telle acuité. La quête du profit, couplée à la nécessité de maintenir un ordre social, pousse l’humanité à fermer les yeux sur l’exploitation systématique de la vie humaine. Les gens vivent dans un état de déni, et la société elle-même accepte que l’homme soit réduit à une simple ressource dans un monde impitoyable. C’est là que l’auteur nous interroge : jusqu’où l’humanité peut-elle aller sans perdre ce qui la rend unique ?

Psychologie de l’individu dans une société déshumanisée

L’une des forces du roman réside dans la façon dont il explore l’impact psychologique de ce monde déshumanisé sur ses personnages. Sol, le protagoniste, est un inspecteur de police fatigué et désillusionné, un homme qui incarne la lutte intérieure entre son devoir et les compromissions qu’il doit faire pour naviguer dans cette société corrompue. À travers son regard, Harrison nous offre une réflexion poignante sur la manière dont l’individu, écrasé par la pression sociale et les compromis imposés par un monde injuste, finit par se perdre dans le système.

Psychologiquement, le monde de Soleil vert est un lieu où l’espoir est une denrée rare. La survie n’est pas seulement une question de vivre au jour le jour, mais de lutter contre une lourde perte de sens. La dépression et l’apathie dominent l’existence de nombreux personnages, qui comme Sol, ont perdu leur capacité à réagir face à l’injustice. Le roman explore donc cette déconnexion de l’âme humaine où l’incapacité à percevoir la vérité et à lutter contre l’exploitation devient une forme de survie mentale. Sol se trouve face à un dilemme : peut-on encore être humain dans un monde où l’on doit accepter l’indicible pour simplement vivre ?

Cette quête nous invite ainsi à réfléchir à l’impact psychologique de la soumission à des systèmes injustes. Comment ces systèmes nous transforment-ils ? Jusqu’où le sentiment d’impuissance peut-il mener un individu à accepter l’inacceptable au point de ne plus remettre en question la nature de la souffrance humaine ? C’est cette souffrance qui est au cœur du livre, une souffrance collective et individuelle qui découle de l’impossibilité de s’échapper d’une société que l’on a construite et que l’on accepte malgré tout.

Un grand sacrifice pour l’humanité ?

Mais au-delà de ces aspects, Soleil vert ouvre également un questionnement spirituel. À travers cette société déshumanisée et la production de nourriture à partir de corps humains, Harrison soulève un problème profond sur le respect de la dignité humaine et sur ce qui constitue l’essence de l’humanité elle-même. Le sacrifice de la vie humaine pour la survie économique pose une question fondamentale : jusqu’où une société peut-elle aller avant de perdre son âme ?

Dans un monde où les principes spirituels sont relégués à l’arrière-plan au profit de la survie matérielle, la question de la rédemption devient centrale. En effet, Soleil vert ne se contente pas de décrire un monde en déclin, mais il nous interroge sur ce que cela signifie d’être humain dans un tel monde. La société dans Soleil vert ne semble pas simplement être une société de consommation, mais une société sans âme, où la spiritualité et l’éthique sont effacées au nom de la nécessité économique.

C’est en fait cette petite chose qui se perd lorsqu’une société oublie ses racines spirituelles et humaines. En choisissant de survivre à tout prix, cette société perd la capacité de s’élever au-delà de la simple survie. Elle oublie que l’humanité réside aussi dans la capacité à vivre en harmonie avec les autres, à respecter la dignité de chaque être humain, et à préserver une forme de connexion spirituelle à la vie. Le sacrifice d’une vie humaine pour nourrir d’autres êtres humains met en lumière ce qui se perd lorsque l’on oublie la valeur intrinsèque de chaque individu.

Petite introspection

À la lumière de ces éléments, Soleil vert devient plus qu’un simple avertissement contre les dangers d’une industrialisation sans frein. Il nous pousse à une introspection personnelle, en particulier dans notre monde actuel, où les dérives de la consommation et la marchandisation de la vie humaine sont une réalité de plus en plus palpable. L’œuvre de Harrison nous invite à nous reprendre et à maitriser à nouveau la chaine de production alimentaire, mais surtout à reconsidérer la dignité que l’on accorde à autrui.

Peut-être devons-nous repenser nos valeurs et remettre en question la hiérarchie des priorités qui gouverne nos sociétés. La question fondamentale posée par Soleil vert est intemporelle. Et c’est notre propre place dans ce monde que nous devons interroger. Le danger est réel : nous risquons de nous perdre dans un monde où la moralité et l’éthique deviennent des concepts dépassés, oubliés au profit de la survie à tout prix.

À bientôt les fans de fiction !

Continuons ensemble cette découverte du roman de Harry Harrison à travers l’épisode de mon podcast qui lui est consacré.

SAUCE FICTION : LE PODCAST


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