Il était une fois le Cinéma : Soyez sympas, rembobinez, ou comment faire un bon film suédé

Date : 12 / 05 / 2023 à 00h00
Sources :

Unification


SOYEZ SYMPAS, REMBOBINEZ

- Date de sortie : 5 mars 2008
- Titre original : Be Kind Rewind
- Durée du film : 1h34
- Réalisateur : Michel Gondry
- Scénariste : Michel Gondry
- Interprètes : Jack Black, Yasiin Bey, Danny Glover, Mia Farrow, Melonie Diaz

Vous connaissez déjà sans doute le film, qui est un classique pour les amoureux du cinéma, mais cette chronique à minuit, loin des créneaux habituels d’Unification, nous permettra ensemble de nous remémorer ce chef-d’œuvre, en parlant cinéma.
Je vous propose bien une critique du film, mais c’est surtout une évocation, une ode.

Pour ceux qui ne l’auraient jamais vu, je vous en supplie, un genou à terre, après la lecture de cet article, ne mettez pas le visionnage dans votre "to do list", mais foncez dès que possible afin d’être certain de ne pas le manquer.

"Aux films qui ont du cœur... et une âme !" dixit le personnage de Mia Farrow dans Soyez sympas, rembobinez.

Pour l’histoire, Mike (Yasiin Bey) est un jeune homme, protégé du vieux Mr. Fletcher (Danny Glover) qui tiennent un vidéoclub un peu désuet (il ne propose que des VHS alors que la demande de DVD est déjà hégémonique), dans un quartier très populaire dans la petite ville de Passaic (New Jersey, USA) qui est connue et appréciée par sa population uniquement par son unique célébrité : le jazzman Fats Waller qui y est né.

Parmi les amis de Mike, on retrouve surtout le fanfaron et déjanté Jerry (Jack Black), qui traîne tout le temps dans le vidéoclub, et tente de lui faire vivre les 400 coups alors que Mr. Fletcher lui a laissé les clefs du magasin pour un temps, afin de, soit disant, prendre un peu de vacances.

Devant le refus de son ami Mike, nouvellement investi de responsabilités par son mentor qu’il adore, Jerry décide de pénétrer seul dans une centrale électrique, où il a un accident et ressort le cerveau magnétisé.

C’est alors que, se rapprochant des cassettes VHS, il efface par accident tous les films du vidéoclub. Or les clients, dont la bande un peu louche de jeunes du quartier, et la sympathique Miss Falewicz (Mia Farrow) veulent en louer, évidemment.
Sous l’impulsion du "génial" Jerry, ils décident alors de les retourner entièrement, avec les moyens du bord.

Le premier film un SOS Fantômes fait avec du carton, des combinaisons en papier d’aluminium, et des rayons laser réalisés avec des guirlandes de Noël, ne fait que 20 minutes, mais plaît.
Croulant sous la demande, les tournages s’enchaînent (Robocop, Le Roi Lion, Rush Hour, Miss Daisy et son chauffeur, King Kong, 2001 l’Odyssée de l’espace...) et la petite équipe justifie le temps d’attente par le fait qu’ils proviennent de Suède, ils sont "suédés".

FAIRE UN BON FILM SUÉDÉ

Un film suédé est un film amateur pastichant un film culte, connu de tous. Le tournage se fait sans budget, utilisant des acteurs totalement débutants, souvent des amis, et des caméras bas de gamme (type caméscope).

Le pastiche se fait, idéalement, de mémoire (comme l’a demandé le réalisateur Michel Gondry à ses acteurs, pour plus de véracité et capter l’énergie de l’improvisation), en reprenant les scènes clef. Il s’agit donc, et c’est primordial, de bien comprendre le modèle afin d’en extraire la moelle, et de se l’approprier en reproduisant les scènes et surtout les détails qui auront marqué et le cinéaste amateur, et le public.

Si la musique fait partie de ces détails, il faut la reproduire (en chantant faux par exemple, mais en essayant d’en reproduire l’énergie), idem pour tout ce qui fait le charme du film. C’est alors que, fatalement, de nombreux décors ou véhicules sont refaits en carton, et que des tonnes de petits bricolages de fortunes font s’actionner le monde de l’illusion. Comprenez bien, si l’effet est forcément cheap, il doit, dans sa simplicité, à la fois reproduire l’âme de la scène, et déclencher le sourire et l’admiration du public pour l’ingéniosité de l’effet.

En exemple, dans Soyez sympas, rembobinez, l’on simule une fusillade en pleine rue laissant du sang sur les murs. Là où un simple film pastiche utiliserait du faux sang, un film suédé utilise des pizzas. Ou alors les rides au coin des yeux de Jerry, qui joue une vieille femme, sont juste des traits de crayon noir. Le but n’est pas d’être réaliste (loin de là) mais de voir que l’on fait attention aux détails. Encore, Dans le SOS Fantômes suédé, plutôt que d’utiliser 4 acteurs (dans leur premier film, ils ne sont que deux acteurs, le duo se lance alors, sans aide), on place un miroir qui double le nombre de protagonistes !

La réalisation de ce genre de film demande donc de reprendre toutes les étapes d’un film (écriture, décisons, choix cornéliens, décors, costumes, accessoires, lieux de tournages, son, lumière, rythme, acting, cadrage, effets spéciaux, montage, projection...), de se l’approprier, et de comprendre pourquoi les professionnels s’y sont pris ainsi. De par le temps et l’énergie qui y sont investis, par les cinéastes et ceux qu’ils doivent fatalement convaincre de les aider, de par leur but philanthropique, les films suédés sont un hommage au cinéma venant des tripes.

Le film de Michel Gondry a lancé une mode et des concours de films suédés sont lancés dans les écoles (pas forcément de cinéma d’ailleurs, l’esprit de groupe, le temps et la passion étant le moteur du succès). Je vous laisse fouiller sur le net pour en trouver facilement, ou visionner celui de Taxi Driver, par Gondry lui-même, plus bas.

DU PASSAGE DU TEMPS

L’autre facette du film est le passage des générations, de ses modes et de ses références.

Mr. Fletcher (interprété par Danny Glover, qui est décidément "trop vieux pour ces conneries") est conscient que les temps changent, il s’est adjoint l’aide de jeunes pour le vidéoclub et il sent que le vent tourne en faveur des DVD. Les grandes surfaces aseptisées et ne proposant que peu de références à louer, sont aussi bien plus attractives que son antre aux trésors. Le passage de la passion, de ce qui faisait le cinéma, de la mémoire et du savoir est moins important, il s’agit de consommer en masse plutôt qu’en qualité, sans avoir les bases.

Bien entendu, toute génération dans tout secteur, connaît cela. De la mode qui passe et d’une autre qui arrive, qui sera balayée à son tour... Mais dernièrement, dans le cinéma, l’apparition des plateformes de streaming, la dématérialisation, la course à la mort et à la nouveauté qui en découle, vers un éclatement de la bulle qui semble inéluctable, cela fait encore plus écho en chacun de nous.

Oh, bien entendu, on ne découvre pas ce système, auquel nous participons tous un peu, mais cela fait du bien de s’arrêter de temps en temps et de revenir à l’essentiel et ouvrir son œil critique pour ne pas gober tout ce que l’on veut nous servir (c’est d’ailleurs ce que je tente de faire, humblement, dans les rubriques Il était une fois les séries et La Séance de Minuit que vous avez découvert il y a peu sur Unif’).

Dans cette optique d’amour et de passion de l’art, on pourrait conseiller d’autres excellents films, comme The Fabelmans, Cinema Paradiso, et surtout, dans le monde de la musique High Fidelity, qui partage bien des points communs avec Soyez sympas, rembobinez, ne serait-ce que la boutique et la présence de Jack Black dans un rôle similaire.

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