Le Chant des vivants : La critique

 Date de sortie : 18/01/2023
 Titre original : Le Chant des vivants
 Durée du film : 1 h 22
 Réalisateur : Cécile Allegra
 Scénariste : Cécile Allegra
 Interprètes : Bailo, Egbal, Anas, David, Sophia, Hervé, Chérif, Michael, Haylat, Victoria, Fadumo, Ismail, Cécile, Mathias

Le Chant des vivants est un excellent documentaire parlant formidablement de la résilience de survivants à l’indicible.

La réalisatrice Cécile Allegra a fait plusieurs documentaires sur les horreurs commises en Libye où les migrants sont traités comme de véritables esclaves et maltraités de la plus abominable des façons.

Après avoir appris la tentative de suicide d’un mineur qui a échappé aux camps syriens, et qui n’arrivait plus à vivre, elle a alors décidé de fonder l’association Limbo en 2016 pour aider les survivants de cette route de la mort à retrouver le goût à la vie.

Six fois par an, une dizaine d’entre eux se retrouvent au village de Conques. Ils y suivent de l’art-thérapie, se promènent dans les environs et vont à la rencontre des villageois.

Ainsi, progressivement, ils arrivent à mettre des mots sur ce qu’ils ont subi et à les coucher sur le papier.

Cécile Allegra a alors décidé de faire un film se focalisant sur ces jeunes gens et sur leur reconstruction. Elle a aussi demandé à l’un de ses amis, le formidable compositeur Mathias Duplessy, de les accompagner dans cette démarche et de mettre en chanson les mots de ces derniers.

Le film suit trois sessions des jeunes gens. Situé à trois périodes différentes de l’année, il montre leur évolution, la manière dont ils commencent à s’ouvrir à nouveau et surtout les mots absolument terribles qu’ils arrivent progressivement à prononcer.

Car ce sont des horreurs infinies qui apparaissent au détour de leur conversation. Certains n’arrivent d’ailleurs toujours pas à les prononcer et gardent en eux les blessures béantes de leur chemin d’exil.

Le spectateur peut assister à certaines de leurs séances leur donnant l’occasion de se réapproprier leur corps et leurs souvenirs. C’est à partir de cela qu’ils énoncent les mots qui seront par la suite mis en musique et qu’ils interpréteront eux-mêmes.

Ce sont donc de nombreuses chansons qui ponctuent une œuvre incroyable à la puissance émotionnelle immense qui est régulièrement bouleversante.

Il faut d’ailleurs saluer le travail superbe fait par Mathias Duplessy sur les mélodies qu’il compose. Ces dernières sont toutes diversifiées et parfois très entraînantes. Toutefois, les textes des chansons sont d’une précision clinique et complètement bouleversants. On apprend ainsi, non seulement une partie de la tragédie de leurs auteurs, mais à travers leurs mots, se dessine un tableau encore plus sombre qui glace complètement d’effroi.

Les chansons sont parfaitement intégrées dans la trame narrative de ce surprenant documentaire musical. Il y a une progression impressionnante et le dernier titre, Le chant des vivants, est une véritable ode à la résilience et à la vie. Une chanson enjouée, collectivement composée, criant à la face du monde qu’il est possible de renaître, même quand on est tombé en enfer et qu’on continue d’être hanté par les exactions que l’on a subies.

Cette démarche thérapeutique de parole, intégrant l’art et la nature a une grande puissance et fait vraiment des miracles. Ce serait aussi intéressant de l’intégrer dans d’autres cas de traumatismes profonds. Car malheureusement, les plaies visibles finissent par guérir, mais celles invisibles peuvent suppurer le temps d’une vie et détruire une personne de l’intérieur plus sûrement que des coups.

On s’attache rapidement à ces individus aux destins brisés que l’on rencontre au fil du documentaire. Grâce au travail de l’association Limbo, on voit progressivement les survivants reprendre goût à la vie et se projeter dans un avenir où ils pourraient goûter à nouveau au bonheur.

Le Chant des vivants est un film absolument remarquable donnant la parole à ceux qui ont vécu des horreurs dont on ne parle pas assez, préférant les traiter de migrants sans se poser la question, ni de leurs raisons, ni du calvaire qu’ils ont enduré pour essayer de fuir des situations tragiques dans leurs pays natals.

Le documentaire, tant dans sa forme que dans son fond, est particulièrement prenant et émotionnellement intense. Le récit de ces jeunes gens, qui ont un nom, permet de prendre conscience de tous ceux qui ont disparu ou que l’on ne voit pas.

Il ne faut réellement pas hésiter à aller découvrir une œuvre aussi puissante qui marque la mémoire et dont les chansons incroyables résonnent longtemps en nous.

Vibrant et bouleversant.

Survivants de la longue route, Bailo, Egbal, Chérif et les autres arrivent dans le village de Conques, en Aveyron. Là, une association, Limbo, permet au groupe de se poser un temps. Tous ont enseveli la mémoire de leur exil. Grâce à un travail musical, ils vont tenter de faire ressurgir cette parole murée sous la forme d’une simple chanson.

 Photographie : Thibault Delavigne
 Montage : Fabrice Salinié, Michael Phelippeau
 Musique : Mathias Duplessy
 Producteur : Delphine Morel pour TS Productions
 Distributeur : La Vingt-Cinquième Heure

 ALLOCINÉ

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