Star Trek Discovery : Critique 4.10 The Galactic Barrier
STAR TREK DISCOVERY
Date de diffusion : 25/02/2022
Plateforme de diffusion : Pluto TV
Épisode : 4.10 The Galactic Barrier
Réalisateur : Deborah Kampmeier
Scénaristes : Anne Cofell Saunders
Interprètes : Sonequa Martin-Green, Doug Jones, Anthony Rapp, Wilson Cruz, Blu del Barrio et David Ajala
LA CRITIQUE FM
Plus la diffusion de cette quatrième saison se poursuit, plus je me dis que Discovery a un sérieux problème de rythme et de disponibilité de casting. Je ne sais pas à quel point la Covid a eu un impact sur ce qui était prévu à la base pour cette saison, mais la ligne directrice de l’ensemble me semble de plus en plus erratique.
Du cast principal aux personnages secondaires, ca s’en va et ça revient, ça disparait et cela réapparait obligeant, comme cette semaine, à placer des scènes d’adieux ou de retrouvailles. Et le tout arrive comme un cheveu sur la soupe en brisant le rythme de l’épisode. On a même l’impression que les acteurs ne savent pas franchement comment aborder la chose comme avec le retour d’Adira.
Alors que la promesse mise en avant cette semaine est la traversée de la célèbre barrière galactique, à la fin de l’épisode, il faut bien avouer que ce n’est en fait que la portion congrue. Oui, on a effectivement le droit à 5-6 minutes de beaux effets spéciaux avec un équipage très inquiet. Mais la substantifique moelle de l’histoire ne se situe pas là.
En fait, en parallèle, on suit l’évolution psychologique de trois binômes.
1- Michael Burnam et la Présidente Laira Rillak
Entre l’émotionnelle révoltée, désormais à la tête du Discovery, et la politicienne réaliste, les choses avaient mal commencées. Ambiance conflictuelle au départ avec la confiance qui n’était pas au rendez-vous, ces deux là se sont apprivoisées au fur et à mesure de la saison pour certainement devenir un binôme efficace quand la rencontre avec l’espèce 10-C se fera plus précise.
2- Saru et T’Rina
L’attirance entre la Vulcaine et le Kelpien me semblait au départ une astuce de scénario assez capillotractée. Toujours sur le bord du rasoir du ridicule, la production de Discovery semble vouloir aller au bout de cette logique. Pour autant, cela ne me dérange pas plus que ça. Je suis même curieux de voir jusqu’où ils vont pouvoir aller. Mon principal bémol est la sensibilité à fleur de peau que montre T’Rina et qui ne me semble pas en adéquation avec l’attitude d’une pure vulcaine d’autant plus à la tête de hautes fonctions sur Ni’Var.
3- Book et Tarka
Depuis l’apparition du personnage, on se doute bien que Tarka n’est pas qu’un scientifique imbu de lui même. C’est donc l’occasion, cette semaine, de découvrir le traumatisme qui l’habite. Cela permet en définitive de rétablir une certaine confiance avec Book après la forfaiture de Tarka la semaine dernière.
Trois sous histoires dans cet épisode, mais trois raisons pour ne faire que des petits sauts de puces vers la résolution de cette quatrième saison. L’occasion de me dire qu’avec 5 ou 6 épisodes de moins et une intrigue resserrée, cela aurait fait beaucoup de bien à une série qui a une sérieuse tendance à se perdre cette année.
LA CRITIQUE YR
Comme prévu dans Discovery 04x09 Rubicon, pour établir un premier contact officiel avec les exterminateurs ayant créé la DMA, Starfleet envoie l’USS Discovery – avec les délégués de la Fédération dont les présidentes Rillak et T’Rina – à travers la Galactic Barrier (les boucliers du vaisseau se voyant renforcés d’antimatière programmable) en direction de l’espace des 10-C et son hyperfield en forme de Zeppelin. De leur côté, Tarka et Book prennent le même initiative avec le vaisseau-Transformer de ce dernier.
Mais parce que Discovery n’est qu’un soap opera poisseux (où la SF n’est qu’un décors non de carton-pâte mais de SFX), cette double équipée est juste le prétexte pour que plusieurs pairs de personnages puissent solutionner leurs petits différends d’égos (Burnham & Rillak) ou surmonter leurs traumas passés et surtout 100% clichés (Book & Tarka). En bonus, d’autres binômes viendront parler avec passion d’eux-mêmes (Stamets & Adira revenue à bord) ou avouer leurs états d’âme romantiques (Saru & T’Rina visiblement toujours en plein Pon farr).
Cependant, histoire de dynamiser un épisode profondément vain et soporifique, un compte à rebours et une surenchère sont ajoutés par deux fois : d’abord la DMA 2.0 se révèle plus puissante (donc elle aspire les boronites plus vite et reste moins longtemps au même endroit), puis au moment d’entrer dans l’espace extra-galactique, Burnham & co apprendront que la DMA s’est déplacée comme par hasard à proximité à la fois de la Terre, Titan et Ni’Var (planètes sises pourtant dans des systèmes stellaires distincts et éloignés) et que ces trois planètes n’ont plus que 70 heures à vivre ! Roulement de tambour !
Donc, vite, ça urge, prenons contact avec les 10-C pour sauver le jour...
Et voilà tout.
Alors plutôt que de s’imposer cette fois un inventaire exhaustif ou un podium sélectif de WTF, voici un focus sur l’aspect scientifique, tel un échantillon de la médiocrité ordinaire.
À la façon des Talosiens dans Discovery 02x08 If Memory Serves, Discovery 04x10 The Galactic Barrier tente de revisiter à sa manière un élément culte de la série originale, au point d’en arborer fièrement le titre. Burnham prononce solennellement – comme au cours d’une liturgie – la cultissime devise "where no one has gone before" pour désigner les espaces encore non-explorés hors de la Voie Lactée. C’est moins une référence à ST TNG 01x06 Where No One Has Gone Before qu’à ST TOS 01x01 Where No Man Has Gone Before (mais moyennant une formulation "wokisée"), dans la mesure où l’USS Discovery s’apprête à accomplir le même voyage que l’USS Enterprise dans le second pilote de la série originale (et que le SS Valiant peu après le First Contact de Zefram Cochrane en 2063).
Hélas, comme à chaque fois, ce pesant fan-service est mal digéré pour ne pas dire franchement à côté de la plaque et préjudiciable à la cohérence in-universe et au worldbuilding…
Même si le concept de Galactic Barrier est peu prédit par les sciences réelles (notamment l’observation astronomique et le modèle standard), il restait acceptable au sens de la SF dans la série originale dans la mesure où s’agissait d’un champ énergétique rayonnant (et non d’un "dôme" opaque qui envelopperait toute la galaxie). Or si une traversée sans précaution pouvait hypertrophier le niveau ESP (perceptions extrasensorielles) des humains (dans ST TOS 01x01 Where No Man Has Gone Before en 2265), il n’a pas fallu plus de trois ans pour que l’USS Enterprise réussisse à franchir sans difficulté ladite barrière afin de gagner l’espace extragalactique en direction de la galaxie M31 Andromède (dans ST TOS 02x21 By Any Other Name en 2268), sans compter la grande expertise en la matière du Medusan Kollos pour le bénéfice de Starfleet (dans ST TOS 03x07 Is There in Truth No Beauty ? dès 2268 aussi).
Autant dire que la Galactic Barrier ne sera plus un obstacle au 24ème siècle, et l’USS Enterprise de Picard avait même réussi à atteindre la galaxie M33 du Triangle dans ST TNG 01x06 Where No One Has Gone Before en 2364… et aussi à communiquer par voie subspatiale à travers ladite barrière (invalidant donc la nécessité des recherches menées à cette même fin par le commander Bryce et par Kovich dans Discovery 04x10 The Galactic Barrier).
Et c’est sans parler du Starfleet spatiotemporel des 29ème siècle (dans ST VOY) et 31ème (dans ST ENT) capable de se projeter instantanément n’importe où et n’importe quand dans l’univers...
Du coup, neuf siècles après que Kirk a quitté la Voie Lactée (dans ST TOS 02x21 By Any Other Name) et huit siècles après que Picard en a fait de même (dans ST TNG 01x06 Where No One Has Gone Before), il est surréaliste (ou risible) d’entendre ici l’amiral Vance – chef d’état major de Starfleet – déclarer que nul n’a jamais quitté la galaxie (sic) ! Pour fabriquer de "l’exploration de l’ultime frontière" au même rythme que McDo vend des hamburgers, pour transformer artificiellement Michael Burnham en pionnière de ce que pourtant beaucoup d’autres ont déjà fait avant elle... la quatrième saison de Discovery pratique un révisionnisme historique éhonté ou se trompe totalement de timeline (ou d’univers) !
En outre, lorsque Discovery 04x10 The Galactic Barrier prend le parti – en lorgnant la Great Barrier de ST V The Final Frontier – de mettre en scène la Galactic Barrier à la manière d’un méga-cumulonimbus spatial opaque et tourmenté de fantasy, contenant des "courants" de gigantesques bulles de savons (nommées "spacial cells") servant de "télécabines" pour traverser, on sombre dans le remake de la Voie Lactée de ST TOS doublé d’un nawak scientifique intégral… au même titre (par exemple) que le concept absurde d’antimatière programmable dans les boucliers (contredisant son explosivité au contact de toute matière) !
La figuration visuelle est tout aussi bancale : si la Galactic Barrier enveloppait vraiment la Voie Lactée, celle-ci devrait apparaître à la façon d’un mur (quand bien même convexe), couvrant intégralement le champ visuel à partir d’une certaine proximité. Mais elle apparaît telle une ligne étroite ! Auquel cas, il suffirait à l’USS Discovery de la contourner plutôt que de la traverser... Des erreurs de SFX/VFX aussi élémentaires en 2022 sont impardonnable...
On appréciera en passant la logique des héros consistant à franchir la Galactic Barrier précisément à l’endroit où la densité des particules est la plus élevée (histoire de se payer le "roller coaster" spatial le plus risqué possible), tout comme le choix de pénétrer les "spacial cells" sans même s’assurer qu’il est possible d’en sortir…
Enfin, aussi TGCM et anti-scientifique que le concept de "mycelial network" soit, la première saison de Discovery avait explicitement posé que ces "veines" et ces "muscles" du cosmos s’étendaient dans l’univers entier, permettant donc de se matérialiser en spore drive n’importe où. Et voilà que soudain, pour les "besoins" de cet épisode (et d’un fan service aussi intempestif que contreproductif), le "mycelial network" se limite à la seule Voie Lactée, le propulseur mycologique n’étant apparemment plus utilisable ni dans la Galactic Barrier ni à l’extérieur de la galaxie (où il y a pourtant encore des étoiles) ! Mais il est vrai qu’il serait inconsidéré d’espérer qu’une série aussi inconsistante que Discovery soit homogène envers elle-même entre ses saisons 1 et 4… alors qu’elle ne cesse de se contredire à l’échelle d’une même saison voire d’un même épisode.
Dans le même style d’auto-contradiction crasse, la présidente Rillak – pour justifier de s’incruster à bord de l’USS Discovery – invoque sa qualité de "top négociatrice" de la Fédération pendant 20 ans ! Mais de quoi on parle là ? Négocier avec qui ? Avant l’arrivée messianique de Mary-Sue dans la saison 3, la Fédération idiocratique du 32ème siècle était invisible et introuvable, elle se réduisait à une peau de chagrin et se cachait piteusement depuis un siècle ; les rares vaisseaux de Starfleet pouvaient à peine voyager en FTL suite au Burn.
À la recherche de l’antimatière programmable pour consolider le bouclier du vaisseau-Transformer (en prévision de la traversée de la Galactic Barrier), Ruon Tarka traine Book sur la planète de l’Emerald Chain – désormais désertée – où ce premier était détenu dans un camp de travail dix ans auparavant. Selon le rituel hollywoodien assez convenu, ce sera donc le "redemption episode" pour le scientifique maudit à travers des flashbacks relatant une tragédie personnelle. En l’occurrence sa rencontre puis son amitié avec un compagnon de cellule, Oros, traumatisé par sa détention cruelle et lui-même scientifique.
La cap de la confiance passé, ce dernier lui révélera l’objet de ses recherches personnelles, à savoir un "interdimensional transporter" permettant de voyager à travers les multivers et capable de le conduire sur Kayalise. Mais cet univers parallèle, supposé idéal et disposant même d’un nom propre, est en fait l’objet même de la foi religieuse du peuple d’Oros ! En somme, on prétend développer ici une machine pour aller au paradis des croyants (et s’évader par la même occasion) !!! Discovery fait donc encore plus fort que son "royaume mycelien" des jahSepp dans DIS 02x05 Saints Of Imperfection et autres portails enchantés de fantasy, façon armoire magique de Narnia ! Au fait, mourir (ou se suicider) n’aurait-il pas été plus simple et plus rapide pour rejoindre Kayalise ?
Finalement séparés dans des conditions douloureuses, Tarka n’aura ensuite de cesse de retrouver son grand (ou petit) ami Oros sur Kayalise. Bon, il ne faut pas trop questionner la façon dont ce dernier développera et concrétisera une technologie aussi disruptive au nez et à la barbe de ses geôliers alors qu’il était prisonnier de la cruelle mafia d’Osyraa.
Mais le plus surréaliste peut-être est qu’Oros alimentait son "interdimensional transporter" simplement avec de l’énergie géothermale, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus banal sur Terre (et à fortiori dans le cosmos pour qui voyage à distorsion). Or c’est pourtant pour employer un semblable appareil que Tarka partira en quête de la source d’énergie inconnue et incommensurable au sein d’une anomalie spatiale détruisant des systèmes solaires entiers !
Le spectateur appréciera l’homogénéité de Discovery sur les questions énergétiques, pourtant le catégorème le plus déterminant du métagenre SF (puisque c’est ce qui le différencie de la fantasy).
04x10 The Galactic Barrier est en quelque sorte le parangon emblématique de Discovery. Il ne raconte strictement rien d’intéressant, il délaye une nouvelle fois le fil rouge, il recourt à des dramatisations factices pour faire monter artificiellement la tension, ses personnages se contemplent le nombril ad nauseam, ses fondements scientifiques sont à hurler d’imbécilité, et il contredit sans cesse l’internalisme du Star Trek historique et même la continuité propre de la série (Discovery).
Le plus navrant peut-être, c’est que la table ronde d’introduction du teaser – avec Kovich et l’astrolinguiste, xénophonologue, et sémioticien Dr Hirai – présentait une vrai tenue crédible dans la forme et un potentiel SF trekkien sur le fond, évoquant même les premières saisons de la série prequelle Enterprise (voire ST TNG 05x02 Darmok) sur le thème des limites d’emploi des traducteurs universels avec des formes de vies à l’entendement trop distinct ou incompatible... Hélas, cette brève fulgurance fut aussitôt noyée dans une marée noire de glucose puis dans le naturel discoverien, qui ne se contente pas d’être nullissime, mais qui est également une machine à transformer l’or en plomb pour ne pas dire en m**** (cf. les scripts "kurtzmanisés" d’une scénariste aussi brillante qu’Anne Cofell Saunders...). Résultat : on prétend vouloir faire de la SF, mais on ne dépasse pas le cap de Santa Barbara.
Du coup, au terme du visionnage, on retiendra surtout que Burnham est ENFIN parvenue à dompter Rillak ! Cette dernière sait désormais qui est le vrai boss et qui peut lui apprendre à agir en leader. Laira est donc honorée in fine que l’archange Michael l’adoube présidente (et lui permette même de s’adresser directement à l’équipage de l’USS Discovery) ! "Kneel down before Mary-Sue".
Quant à la grande leçon du jour, c’est : qu’importe les tragédies obsidionales et les périls cosmiques, le "feel good" réside toujours dans le partage, l’échange, les câlins, la guimauve, et les réseaux sociaux. Ainsi que bien sûr dans les grands yeux de biche, les sourires niais et les chuchotements de Burnham. Bref, tout ce à quoi se résume le #FakeTrek désormais. Vertigineux.
Alors pour rendre justice à cet irrésistible appel du vide, pour une fois, la critique sera tout aussi vide. Une démonstration par l’exemple en somme.
BANDE ANNONCE