Rien à foutre : La critique

 Date de sortie : 02/03/2022
 Titre original : Rien à foutre
 Durée du film : 1 h 52
 Réalisateurs : Emmanuel Marre, Julie Lecoustre
 Scénaristes : Emmanuel Marre, Julie Lecoustre
 Interprètes : Adèle Exarchopoulos, Alexandre Perrier, Mara Taquin, Jonathon Sawdon

Rien à foutre est un bon film vraiment singulier qui n’emmène pas forcément le spectateur là où il croit aller.

Le scénario des co-réalisateurs Emmanuel Marre et Julie Lecoustre se focalise sur une jeune femme hôtesse de l’air dans une compagnie aérienne low cost. Suite à un événement indésirable, celle-ci va faire une introspection sur sa vie et prendre conscience qu’elle n’a, finalement, pratiquement plus de liens avec sa famille et ses amis.

L’œuvre est d’un côté une très belle étude sur un métier précaire et sur la manière dont vit le personnel aérien qui est toujours entre deux ports, et de l’autre une réflexion intéressante sur la famille et sur la maison.

Si le film commence comme une comédie grinçante, le titre prend progressivement toute sa valeur à partir du moment où son personnage principal commence à vraiment s’intéresser à son existence et à remettre en question certains éléments qui lui paraissaient aller de soi jusqu’à présent.

C’est l’interprétation magistrale d’Adèle Exarchopoulos du personnage principal qui apporte tout sans sel à une œuvre faisant rire, mais surtout beaucoup réfléchir sur notre société, le travail et la relation entre les individus. La comédienne s’est beaucoup investie dans son rôle et les premières scènes permettent de la découvrir dans la peau d’une hôtesse de l’air sur une véritable compagnie aérienne où elle a effectivement remplacé l’un de ses personnels pour le tournage.

Tout ce qui se passe dans de telles compagnies est particulièrement crédible. La scène de formation est à la fois instructive, mais aussi glaçante lorsque l’on prend connaissance du contenu de certains messages qui sont portés à l’attention du futur personnel.

Le long métrage d’Emmanuel Marre et de Julie Lecoustre met particulièrement bien en valeur la comédienne et réussi à capter la routine de ces trajets aériens et la manière dont le personnel volant essaye de retrouver un semblant de vie lors d’escales souvent très courtes. Qu’il s’agisse des séquences aériennes, de celles au sol, ou des moments en famille, elles sont toutes bien filmées et intéressantes. Le final est d’ailleurs particulièrement intéressant et impressionnant.

Le reste de l’interprétation est tout à fait convaincante. Entre les non-professionnels qui partagent avec les spectateurs leur métier, et ceux qui jouent la famille du personnage principal, cette immersion dans ce monde décalé est réussie.

Alexandre Perrier est formidable en père de la jeune femme. Mara Taquin est excellente dans le rôle de sa sœur cadette. Les trois personnages principaux ont une alchimie qui fonctionne parfaitement et qui rend cette famille particulièrement attachante, tout en me mettant bien en valeur les problèmes de communication qu’ils ont parfois entre eux.

Rien à foutre est une bonne comédie dramatique qui fait beaucoup réfléchir sur le sens de la vie. Avec une histoire originale, une belle réalisation et une actrice principale captivante, le film est plaisant à découvrir et plutôt dépaysant.

Différent et introspectif.

IA

Rien à foutre est un film surprenant à bien des niveaux. En effet, c’est uniquement lorsque le générique de fin défile devant nos yeux que les véritables ambitions formelles et thématiques paraissent claires. Alors qu’on pensait uniquement découvrir les coulisses du travail d’hôtesse de l’air dans les compagnies low-cost le film bascule dans son dernier tiers dans quelque chose d’assez inattendu et qui vient donner un sens totalement différent au parcours de Cassandre l’héroïne du film. D’ailleurs, Adèle Exarchopoulos, apporte une profondeur assez incroyable au personnage, dont la volonté de fer ne parvient pas vraiment à masquer une profonde mélancolie et une détresse dont on a du mal à comprendre l’origine.

De la même manière que la série The Flight Attendant qui se plaisait à donner une image plutôt glamour du métier d’hôtesse de l’air pour mieux en dévoiler les véritables failles, Rien à foutre déconstruit un métier qui fait souvent rêver, mais de façon quasi-documentaire. Le choix d’avoir mélangé dans le casting des amis des réalisateurs avec des comédiens professionnels et des personnes travaillant dans les vols low cost donnent une authenticité indéniable à l’ensemble.

Ainsi, les scènes de vie en vol s’enchaînent de manière volontairement décousues et répétitives afin de nous faire ressentir à quel point la vie des travailleurs low cost est monotone. Ce procédé divisera sans aucun doute l’appréciation qu’auront les spectateurs, mais renforce notre immersion dans un univers que l’on découvre impitoyable. En effet, à l’image de ce qui se fait dans d’autres secteurs, la rentabilité et le profit passent avant l’épanouissement des salariés et comme ces derniers n’imaginent pas vraiment rester toute leur vie dans leur compagnie low cost, une certaine forme d’exploitation perdure.

Tout en apportant un vent de fraîcheur narratif (à tel point qu’on peut parler d’un autre film dans le film), le dernier tiers du film, qui se déroule en grande partie sur la terme ferme, nous donne les clefs de compréhension de la psychologie de son héroïne tout en la remettant au centre des enjeux de l’intrigue. Cette rupture de ton quelque peu déstabilisante impressionne et donne finalement au film un cachet assez unique caractéristique des films qui marquent définitivement la mémoire des spectateurs.

Amputé de quelques longueurs, Rien à foutre aurait sans doute gagné en efficacité, mais il n’en reste pas moins une proposition de cinéma pertinente et audacieuse qui mérite largement d’être découverte en salle !

AN

Cassandre, 26 ans, est hôtesse de l’air dans une compagnie low-cost. Vivant au jour le jour, elle enchaîne les vols et les fêtes sans lendemain, fidèle à son pseudo Tinder « Carpe Diem ». Une existence sans attaches, en forme de fuite en avant, qui la comble en apparence. Alors que la pression de sa compagnie redouble, Cassandre finit par perdre pied. Saura-t-elle affronter les douleurs enfouies et revenir vers ceux qu’elle a laissés au sol ?

 Photographie : Olivier Boonjing
 Montage : Nicolas Rumpl
 Décors : Anna Falguères
 Producteur : Benoit Roland pour Wrong Men Productions
 Distributeur : Condor Distribution

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