Star Trek 11 : Roberto Orci s’efforce de rassurer les canonistes...
Dans le cadre d’un dialogue d’experts avec Anthony Pascale sur trekmovie.com, Roberto Orci, coscénariste du prochain Star Trek de J.J. Abrams, révèle de quelle façon son film - manifestement établi dans un monde très différent de La série Originale - parviendrait malgré tout à respecter les canons de l’univers existant de Star Trek !
L’explication est en fait "toute simple" : le prochain Star Trek prend place dans un univers entièrement parallèle, résultant de la modification de la timeline par Nero, le Romulien venu du 24ème siècle (post Star Trek : Nemesis). Et comme cette altération temporelle consiste à avoir attaqué l’USS Kelvin (et à avoir provoqué au passage la mort du père de James T Kirk) longtemps avant les évènements mythiques (la jeunesse des héros) auquel s’intéresse le film, cela est supposé expliquer toutes les différences contextuelles par rapport à la timeline que l’on connait : le comportement picaresque du jeune Kirk oprhelin, les causes particulières de son entrée à Starfleet Académie, ses affectations différentes (pas d’USS Farragut à la sortie de l’Académie), sa rencontre anticipée avec tous les autres personnages de TOS, la confrontation prématurée aux voyages temporels et aux visages des Romuliens, la construction de l’USS Enterprise en Iowa, le changement de design extérieur et intérieur du vaisseau, la variation du look des uniformes... et pourquoi pas la nouvelle tête des personnages (recastés) tant qu’à faire...
Mais cet univers parallèle a beau avoir bouleversé les cadres, les situations, et les destins, l’essence (ou l’esprit) de Kirk demeureraient intact selon Roberti Orci (débat "nature versus nurture").
Pour légitimer ce choix scénaristique, Roberto Orci - et à vrai dire plus encore son interviewer Anthony Pascale - invoquent sans ambages les plus éminentes références temporelles de la franchise (Star Trek TOS 01-28 The City On The Edge Of Forever (Contretemps), Star Trek IV The Voyage Home (Retour sur Terre), Star Trek TNG 03-15 Yesterday’s Enterprise (L’Enterprise viendra d’hier), Star Trek TNG 07-11 Parallels (Parallèles), Star Trek DS9 03-11+03-12 Past Tense (Passé décomposé)), mais aussi - et là par opposition - d’autres œuvres de SF temporelles (les trilogies Retour vers le futur et Terminator).
Mieux, pour rassurer les trekkers quant à la préservation de la timeline initiale qu’ils chérissent tant, Roberto Orci n’hésite pas à s’appuyer sur la science contemporaine, et plus particulièrement sur la "théorie des multivers" constituant l’une des façons de résoudre les paradoxes de la mécanique quantique (et accessoirement de la théorie des cordes). Ainsi, le prochain film ne reposera pas sur le "paradoxe du grand-père" où la "nouvelle" timeline est supposée anéantir la "précédente", mais il reposera sur le principe quantique selon lequel "toutes les possibilités qui peuvent se produire se produisent bel et bien en engendrant autant de réalités quantiques indépendantes" (énoncé par Data dans Star Trek TNG 07-11 Parallels (Parallèles)), garantissant ainsi la survivance de toutes les timelines initiales ou "antérieures".
Et avec beaucoup d’humour (et de bon sens), Roberto Orci en veut pour preuve que la sortie de son film ne va pas rayer de l’existence toutes les éditions DVD du Star Trek initial que nous possédons chez nous. Bien vu.
Durant les 76 (précisément - j’ai compté) épisodes & films de Star Trek liés aux problématiques temporelles (hors flashbacks), et les 80 (précisément - j’ai compté aussi) épisodes & films de Star Trek liés aux réalités alternatives et aux univers parallèles (hors holodecks & simulations virtuelles, hors illusions mentales & consciences altérées), toutes les hypothèses et tous les paradoxes imaginables & inimaginables ont été mis en scène avec la plus grande inspiration & cohérence : des "timelines substitutives" aux "univers parallèles co-existants", des "univers énantiomorphes" à toutes les déclinaisons de "l’effet papillon", de l’absorption à la concaténation, des "boucles temporelles" aux "patrouilles du temps", des "paradoxes de prédestination" aux "guerres temporelles"... et avec pour conséquences autant de modifications potentielles de timeline (même si peu perceptibles) que d’épisodes temporels.
En ce sens, il est très improbable que le film de J.J. Abrams propose un cas de figure qui n’ait pas déjà été traité auparavant - sous une forme ou sous une autre - dans le vaste univers existant de Star Trek.
Il serait alors tentant de souhaiter que le script du Star Trek à venir s’inspire du mémorable Star Trek TNG 03-15 Yesterday’s Enterprise (L’Enterprise viendra d’hier) ou du non moins mémorable Star Trek VOY 05-08 Timeless (Éternité)... si ce n’est qu’alors la "nouvelle" timeline devrait supplanter la "précédente"...
Si les justifications de Roberto Orci ont le mérite de rendre compte de sa possible qualité de connaisseur - voire de trekker - ainsi que de ses apparents scrupules envers l’univers existant, elles ne réussiront toutefois pas à rassurer pleinement l’ensemble des trekkers...
Car un univers parallèle assumé comme tel n’est-il pas finalement surtout un artifice pour tenter de rendre artificiellement "canonique" un authentique "reboot" au goût du jour... offrant tout latitude pour développer une trilogie Star Trek au parfum de Star Wars, affranchie des véritables contraintes & spécificités trekkiennes, mais avec la bénédiction des trekkers grâce à une bien pratique "filiation quantique" de l’univers initial ?
Et quelle est alors la prégnance de l’enjeu, et même la raison d’être du voyage dans le passé du Spock-Nimoy, si au nom de la "théorie des multivers", le Star Trek que nous connaissons ne peut en rien être affecté par les altérations temporelles de Nero, et si l’univers parallèle du film est appelé à le rester à la fin ?
Spock-Nimoy se serait-il découvert une vocation tardive de "slider" & "guide campbellien" de tous les jeunes Kirk alternatifs des "quantum realities" qui tournent mal ?
Plus sérieusement, la création d’un univers totalement parallèle au Star Trek initial, et qui le demeurera à la fin du film, autorisera n’importe quel développement futur sans se préoccuper de quarante ans de canon. Mais en même temps, cet univers parallèle conservera un "lien quantique" avec l’univers canonique symbolisé par le flambeau initiatique que le Spock originel sera venu lui transmettre.
Le film Star Trek VI The Undiscovered Country (Terre inconnu) s’était achevé par une superbe succession entre l’équipage originel et un nouvel équipage.
Mais le Star Trek de J.J. Abrams va faire beaucoup plus fort : il va mettre en scène une succession du troisième type... entre l’univers originel et un nouvel univers !!!
C’est astucieux, c’est stratégique, et c’est une façon machiavélique d’avoir le beurre et l’argent du beurre : à la fois un nouvel univers aux normes des blockbusters pour séduire le grand-public, et le "legs quantique" de l’univers canonique pour se concilier les bonnes grâces des trekkers !
Je ne suis pas certain d’apprécier intellectuellement cette manœuvre. Mais commercialement, je l’admire.
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