Les Hommes et toi : Entretien avec Selma Guettaf - Maghreb des Livres 2017

Date : 19 / 02 / 2017 à 09h00
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Le Maghreb des Livres a ouvert ses portes ce samedi 18 février pour sa 23ème édition. Situé une nouvelle fois à l’intérieur de l’Hôtel de ville de Paris, le festival rend hommage cette année à la littérature algérienne. L’occasion pour nous d’aller à la rencontre d’une jeune auteure algérienne, Selma Guettaf présente sur le stand des éditions Marsa. Elle est venue présenter son nouveau roman Les Hommes et toi éditée chez Apic Éditions, qui nous raconte l’histoire de Nihed, une jeune femme qui revient dans son pays natal, pensant y retrouver son frère, Rayane. Questions.

Les Hommes et toi est votre second roman. C’est aussi une nouvelle fois une jeune femme qui est au cœur de l’intrigue. Doit-on voir une forme de continuité entre vos deux romans ?

Je dirai que ce sont une sœur et un frère qui se trouvent au cœur de l’intrigue. Je ne peux pas prétendre que seule Nihed occupe l’histoire puisque le récit n’aurait pas de sens sans l’autre partie qui concerne Rayane.

Le cadre de votre histoire est de nouveau la société algérienne, malgré le fait que vous vivez depuis plus de deux ans en France. Votre histoire ne pouvait-elle que prendre place dans votre pays natal ?

L’histoire ne se passe pas qu’en Algérie, mais dans deux pays différents : l’Algérie et la France. La partie se déroulant en France est assez brève, certes, elle peut être perçue comme un préambule. Pour résumer, Nihed part à l’étranger pour poursuivre des rêves qui finiront avortés. Mais j’avoue que je pense très peu au cadre social quand j’écris, c’est d’abord les personnages qui m’importent. Bien sûr, une fois qu’on choisit un lieu, il faut le représenter…mais j’essaye de laisser très peu de repères par rapport à l’espace. Je n’aime pas enfermer le lecteur, je préfère qu’on puisse se dire : cela aurait pu se produire n’importe où. Cependant, il est vrai que dans Les Hommes et toi, on sent le poids des traditions qui nous rapproche forcément de la société maghrébine. Certaines questions soulevées dans le roman n’auraient pu l’être si l’histoire se déroulait ailleurs. On se retrouve finalement avec des personnages qui ont des envies, des projets qui ne correspondent pas avec le cadre social dans lequel ils évoluent au départ.

Votre personnage masculin principal traverse une quantité d’expériences sordides. Pourtant, il est aussi le plus conciliant de l’ensemble de vos personnages, doit-on trouver une signification à ce propos ?

En réalité, si on compare le parcours de Nihed à celui de Rayane, ils sont presque identiques. Tous les deux se retrouvent à un moment donné dans la prostitution, certes pour des raisons différentes mais finalement, la trajectoire de vie de l’un fait écho à celle de l’autre. Ils traversent quasiment les mêmes étapes et affrontent les mêmes difficultés. On ressent peut-être plus d’empathie envers Rayane parce qu’il n’intériorise pas ses émotions, mais dans tous les cas, l’objectif était de faire de Nihed et de Rayane deux êtres complémentaires, comme si l’un pouvait être le reflet de l’autre.

Votre écriture peut être qualifiée de provocante, ou plutôt d’osée. Pourquoi vous exprimez-vous ainsi ? Est-ce d’abord un moyen de capter l’attention ?

Si mon écriture est provocante ? Vous faîtes sûrement référence à mon premier roman J’aime le malheur que tu me causes [aux éditions Lazhari Labter], car c’est à ce moment-là que j’ai choisi cette manière de m’exprimer pour capter l’attention, mais surtout pour adopter le point de vue d’une adolescente en pleine révolte. Par contre pour Les Hommes et toi, ce qui peut paraître choquant est le choix du thème, ou plutôt des thèmes que j’aborde. Parce que le thème était suffisamment dur comme ça, je ne voulais pas surcharger le récit d’une écriture « crue ». Au contraire, je voulais être plus subtile notamment avec le personnage de Rayane que j’ai voulu placer parfois dans un univers plus poétique ou enchanté. Lorsque j’ai écrit la partie Nihed, j’ai adopté une approche plus journalistique, d’abord à cause de son statut de rédactrice mais aussi parce qu’elle essaie de fouiller le passé, qu’il y a éclairage sur les années d’avant la décennie noire.

Peut-on voir dans cette manière de s’exprimer une façon de défier la société ?

Je cherche simplement à bousculer certains lecteurs, les faire sortir de leurs habitudes confortables de lecture. Personnellement, je suis lasse de certaines redondances dans la littérature maghrébine. C’est pour cela que j’ai voulu m’attaquer à certaines figures, comme celle de la femme par exemple, qui n’est plus un être angélique et innocent, mais un être libre, capable d’autonomie. J’aime aussi l’idée de pouvoir parler de ceux que la société ignore et marginalise, et quoi de mieux alors qu’un réalisme brut, pour que tout cela soit à la fois subjectif et immersif.

Résumé de Les Hommes et toi, paru chez Apic Éditions :
Deux petits êtres mal-aimés, frère et sœur, se cognent et se couvent l’un l’autre. Chacun connaît et partage les souffrances de l’autre… le poids de l’abandon… les errances inévitables avant une éventuelle éclaircie... Chacun a affronté des amours sordides pour oublier… Les blessures de l’enfance – non cicatrisées – ne favorisent pas les amours stables. On fuit l’engagement… Vivre tout dans l’urgence et l’intensité plutôt que de subir l’ennui, l’abandon ou la désolation. Quand le frère, Rayane, accepte de pardonner à son père et croit en une illusoire réconciliation, il oublie que son « attitude féminine » est une barrière à sa véritable reconnaissance. Après cette dernière désillusion, il tombera encore plus bas. Seul son retour auprès de sa sœur Nihed lui accordera quelque répit. Cette dernière, pourtant rebelle et indocile, ne peut éprouver que de l’empathie pour son frère déjà fragile… Avec ce roman, l’auteure nous invite à délaisser la figure du jugement ou de la morale, pour emprunter avant tout le chemin de l’amour et de l’empathie.


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