La philo vagabonde : La rencontre de bistrot avec Alain Guyard

Date : 06 / 10 / 2016 à 09h30
Sources :

Unification


Nous avons eu la chance de rencontrer Alain Guyard dans un bistrot parisien. Le genre d’endroit qu’il chérit par-dessus pour enrichir sa philosophie. L’homme est très souriant, drôle, aussi charismatique qu’à l’écran et sait très vite vous mettre à l’aise. Tant de sujets auraient pu être abordés avec lui, compte tenu du fait qu’absolument tout peut se raccrocher à son métier de philosophe forain. Si dans un premier temps, nous sommes, bien entendu, revenus sur La philo vagabonde, le documentaire qui lui est consacré, nous en avons bien entendu aussi profité pour lui poser des questions sur le cinéma et les séries télé. Une rencontre enrichissante et forcément pleine de philosophie que nous partageons avec les lecteurs d’Unif.

Bonjour, Alain Guyard. Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs d’Unif ?

Je m’appelle Alain Guyard, philosophe forain, bonimenteur de métaphysique et décravateur de concepts et pétomane mental, mais uniquement le week-end et sur rendez-vous.

Pourquoi avez-vous accepté de faire un documentaire centré sur vous ?

Parce que justement, il n’est pas vraiment centré sur ma personne. C’est cela qui est très intéressant et c’est la raison pour laquelle j’ai dit oui au documentariste [Yohan Laffort NDLR] quand on s’est rencontré. Il était intéressé par ma démarche et moi, j’étais intéressé par la sienne. Je me suis renseigné sur les autres documentaires qu’il avait faits auparavant. Il avait fait des documentaires à caractère social. Il avait suivi par exemple des médecins originaires d’Algérie, de Roumanie ou de Madagascar et qui venaient dans les déserts médicaux habités par des populations vieillissantes. Il avait aussi fait un autre film sur les paysans de l’Aveyron et donc il y avait vraiment chez lui un attachement au " petites gens ", mais quand je dis " petites gens " ce n’est pas du tout de manière dépréciée. Et lorsqu’il s’est penché sur mon cas, nous sommes tombés tous les deux d’accord sur le fait qu’il allait me suivre quand je fais de la philosophie tout-terrain. Quand je fais de la philosophie à la campagne, dans les grottes, dans les foyers ruraux dans les prisons, ce n’est pas simplement pour me mettre en scène, mais c’est aussi pour voir les gens s’emparer de la philosophie dans leur vie quotidienne, dans leur pratique professionnelle et comme cela peut les nourrir et les irriguer. Le film s’appelle La philo vagabonde et cela définit bien le fonctionnement. La philosophie, une fois que je l’ai proposée, elle vagabonde, elle m’échappe et elle va être dans la vie de ces gens-là, qui ne sont pas nécessairement des gens avec des diplômes, mais des gens pour qui soudain la philosophie va donner du sens à leur quotidien et c’est cela qui m’a plu.

Que pensez-vous de votre image à l’écran ? Avez-vous regardé le documentaire ?

Oui, je l’ai vu plusieurs fois. De toute façon, j’ai de gros travers narcissiques donc plus je me vois en gros, mieux je m’aime. En même temps à force de me voir, je ne me supporte plus. Je crois que je me verrai en fin de soirée dans un bistrot, je me chercherai la merde maintenant ! (rires)

Appliquez-vous à vous-même les préceptes de la philosophie dans votre propre vie ?

Non, parce qu’à chaque fois, j’ai un public différent pour qui j’essaie de construire, de trouver des concepts, de trouver des philosophes qui vont pouvoir être en rapport, en relation avec les problématiques de leur quotidien. Ça veut dire que je ne suis pas détenteur d’une philosophie que je répandrai ici, et puis là et puis là... Qui serait la mienne et qui serai toujours la même. C’est exactement le contraire. Ma démarche quand je suis confronté à un public est la suivante : je prends plusieurs mois en amont pour essayer de trouver en amont quels auteurs je vais présenter et vont pouvoir correspondre aux attentes de ce public. Donc il n’y a jamais ma philosophie et comment moi, je la vis. Ce que je vais dire à des détenus sur la philosophie n’a rien à voir à ce que je vais dire à des puéricultrices. Le défi est donc de trouver à chaque fois quelle philosophie pourrait correspondre à leurs attentes et en même temps les surprendre et les décaler.

Êtes-vous davantage intéressé par les livres ou par les écrans ?

À la base, je suis romancier et mon temps principal, je le passe à écrire des romans ou des pièces de théâtre. Ma matière première comme je suis écrivain, c’est d’abord du temps libre, ne rien faire. J’essaie de faire en sorte que la moitié de mes journées soit consacrée à ne rien foutre. C’est grâce à ça que l’on peut sentir la granulosité des choses, le quotidien. Il faut être attentif aux singularités aux choses dont personne ne se rend compte. C’est çà ma matière première à moi. Ce n’est même pas l’image ou le mot. C’est d’abord se mettre dans un état de disponibilité par rapport aux choses à la vie. Il faut surtout faire de la terrasse de bistrot puis glander, glander en chaise longue dans le jardin, se promener à la maison en pilou-pilou. Aller au marché, ne rien acheter, mais voir les gens...

Avec quel état esprit conseillerez-vous à nos lecteurs d’aller voir La philo vagabonde ?

Un film est construit par les spectateurs. Certains auront envie de prendre de notes, car ils se disent qu’il y a du nutriment conceptuel. Ça peut être une piste. Par exemple, j’ai vu un ébéniste lors d’une avant-première à Saint-Ouen qui est venue me voir après la projection et qui m’a dit que ce qu’il avait adoré, c’était le travail de la main. De voir qu’il y avait le boulanger qui faisait le pain, la puéricultrice qui lavait le corps de l’enfant, de voir qu’il y avait un ferronnier qui travaillait le métal, de voir que j’ai bossé aussi avec une chorégraphe. Lorsqu’il a vu le film, il a chaussé les lunettes du " geste du métier " et de" l’homme et de la main " et c’est ça qu’il a kiffé dans le film. Je crois qu’il y a beaucoup d’entrées possibles. Il faut y aller peinard " open " de partout... Faut se dire « Bon, allez, je vais picorer de la groseille, ou de la framboise et de la mûre, et de la fraise et de banane..." Tout est bon ! (rires)

Que pensez-vous du cinéma actuel et des séries télé ? Quel est votre point de vue sur ces deux médias ?

Je trouve super ce qui se passe aujourd’hui sur les grandes séries HBO. Je trouve ça fantastique, j’adore ça. Là, j’ai tout de suite en tête la première saison de True Detective qui est une tuerie exceptionnelle. C’était vraiment monstrueux et génial ! Je trouve ça super parce que ça veut dire que les gens ont besoin qu’on leur raconte des histoires et tant qu’ils éprouvent ce besoin, c’est très, très bon signe. Quand je suis dans un TGV, j’adore parce que je vois que les gens ont des bouquins ou leurs ordinateurs portables avec des séries qu’ils ont téléchargés. Ça veut dire que le monde a besoin qu’on lui raconte des histoires et tant qu’on raconte des histoires aux gens cela veut dire qu’ils ne se contentent pas de subir avec fatalité la réalité. On peut être plus fort que le réel, on peut l’inventer et ça que font les gens qui racontent des histoires, les gens de la fiction, dont je fais partie lorsque, j’écris mes romans et c’est très bon signe.

Avez-vous un genre de prédilection ?

Je suis très éclectique et j’ai une gamme qui est très large. Je vais vers du cinéma qui est du cinéma presque janséniste, avec de la retenue, de la sobriété. J’adore Bresson, j’adore Pickpoket. C’est pour moi un de mes films cultes, J’adore Kurosawa et ses Sept Samouraïs. J’adore les films qui sont travaillés à l’os, dans une sobriété extrême et à côté de ça, je suis gros bouffeur de cinéma grand public pourvu qu’il soit bien fait. Je pense à Machete que je trouve génial. C’est un film où tu bois, où tu manges, où ça éclabousse partout. J’ai une gamme très large et j’adore la raclette et j’adore la graine germée.

Qu est-ce qui vous touche le plus en tant que spectateur ? L’ellipse ou ce qui est montré ?

C’est une question difficile, car j’ai envie de dire les deux. Le bon cinéma, c’est le hors-champ. C’est celui qui va permettre aux spectateurs de fantasmer sur le monstre qui est hors écran, qui va être d’autant plus redoutable qu’il n’est pas visible. On va fantasmer dessus. Il va être terrible, car il va être à la hauteur de nos terreurs et de nos phobies. En même temps, on parlait de Kurosawa et ses derniers films étaient des peintures animées et il faut aussi cette exigence. C’est difficile pour moi de répondre à cette question, car je veux en avoir plein les mirettes. Je veux aussi qu’on me laisse le droit de rêver sur ce qui échappe du cadre.

Quel ouvrage recommanderiez-vous à ceux qui n’ont pas fait de philosophie depuis le lycée afin qu’ils se remettent dans le bain ?

Je conseillerai 33 leçons de philosophie par et pour les mauvais garçons aux éditions Le dilettante sorti en 2013, écrit par votre serviteur. (rires)

Dans Star Trek, il est beaucoup question de ce que serait le futur de l’humanité. Comment voyez-vous cet avenir ?

Nous sommes à l’orée d’un bouleversement considérable, de civilisation, écologique politique social culturel symbolique, énorme dont on ne mesure pas l’idée et c’est tant mieux, car si on ne mesure pas l’idée cela veut dire qu’elle échappe à toutes prévisions et qu’on peut y exercer notre liberté. Donc moi, je suis très heureux parce que je me rends compte comme tout le monde qu’on ne sait pas à quelle sauce on va être mangé. Cela veut dire qu’on peut nous-même devenir nos propres cuisiniers et ça c’est important.

Unif remercie chaudement Alain Guyard pour sa gentillesse et le temps qu’il nous a consacré. Unif remercie également son attaché de presse, Claire Viroulaud, pour nous avoir donné l’opportunité de le rencontrer.


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