Opera : Dario Argento La rencontre
Le réalisateur italien Dario Argento était l’invité d’honneur du PIFFF 2016. Unification a eu la chance de le rencontrer pour une interview vraiment intéressante. Merci beaucoup à ce très grand nom du cinéma de genre pour sa grande gentillesse et les réponses apportées à nos questions dans un français parfait.
Bonjour, vous êtes l’invité d’honneur du PIFFF 2016. Vous venez présenter la version restaurée d’Opera, un film sorti il y a presque 30 ans. Est-ce que vous pensez que ce film est encore maudit ? Car lors de sa sortie, c’est ce que vous aviez affirmé.
Non le thème est maudit. C’est ce que l’on dit de la pièce Macbeth de William Shakespeare et de l’opéra éponyme. Mais c’est pour ça que j’ai fait ce film parce que je ne pensais pas que c’était vrai, et je me disais qu’on devait en parler comme d’un conte de fées. J’ai introduit un opéra lyrique dans un théâtre.
Quand je suis arrivé dans la ville où je devais faire la mise en scène du film, je suis descendu du train, suis tombé et me suis cassé 3 côtes. J’ai alors pensé que peut-être, il y avait une vérité dans cette malédiction.
Aujourd’hui on a la chance de voir la version rénovée. Savez-vous sous quel format elle sera distribuée, car elle n’est pas facile à trouver ?
Je sais pas dans quel format le film va sortir, car je n’ai pas suivi la restauration. La chose importante pour moi, c’est qu’il s’agit de la version originale que j’avais faite. Car il avait été coupé par la distribution américaine de 15 minutes et cela avait changé l’esprit du film.
Les distributeurs avaient changé des scènes. Ils m’avaient téléphoné à l’époque de sa sortie, puis ils avaient envoyé une copie en me disant « Nous avons fait quelques changements et tu nous dis si tu es d’accord pour ces derniers ». J’ai dit non, car c’était horrible. Ils m’ont répondu « d’accord », mais ils l’ont quand même sorti tel quel. La version que le public connaît, c’est l’histoire de la distribution américaine.
En parlant des Américains, je voulais vous demander ce que vous pensez du remake de Suspiria ?
Il a été tourné en Italie. Mais je n’ai pas été impliqué dedans. Même si le metteur en scène est un ami à moi.
Le Giallo (genre de film d’exploitation, à la frontière du cinéma policier, du cinéma d’horreur et de l’érotisme, nda) est un genre qui vient de loin. La 20 Century Fox voulait utiliser ce type d’œuvre. Ils ont cherché à faire le film. Mais ils n’aimaient pas le scénario alors ils ont abandonné. Puis, ils ont signé un accord avec Amazon. Ils ont repris le film et ont écrit un autre scénario. Le tournage a commencé et au bout de 2 semaines, le réalisateur m’a téléphoné et m’a dit « Je t’en prie, viens ici quelques jours, voir les acteurs et aussi me donner des conseils sur le tournage ».
J’étais intéressé de voir cela, parce que j’étais curieux. Puis j’ai pensé que c’était une sorte d’humiliation que d’aller là-bas voir mon film refait par d’autres qui m’ont pris mon idée. Mon film était intéressant. Il n’y avait pas besoin de le refaire. Alors je n’y suis pas allé.
Hier il y a eu la nuit du PIFFF. Zombie de George Romero a été diffusé. Pouvez-vous nous parler de cette aventure, car vous avez largement contribué au tournage de ce film ?
C’est une histoire qui a commencé quand j’étais à New York. Un ami m’a présenté à George Romero. Nous sommes allés au restaurant, et le soir, je suis allé à son domicile pour boire quelque chose. On passait à la télévision mon premier film L’Oiseau au plumage de cristal. Et il m’a dit que c’est bien.
Il était un peu triste à ce moment-là, car il avait déjà vécu des aventures cinématographiques qui ne s’étaient pas bien passées. Moi, je suis enthousiaste par nature, alors je lui ai donné un nouvel enthousiasme. Après quelques jours, il m’a dit « pourquoi est-ce que nous ne ferions pas un film ensemble ? Tu m’aides, tu m’épaules et tu me donnes tout ton enthousiasme. »
Il est venu à Rome et on a écrit le film. Puis il est retourné à Pittsburgh. Quand il a commencé le tournage, j’étais là pour regarder les prises de vues. C’était un grand succès. Puis il m’a envoyé un montage large de 3 heures et m’a demandé de le réduire à 1h50. J’ai fait des changements et les lui ai envoyées, mais il m’a répondu qu’il n’aimait pas cela. Alors il l’a sorti dans tous les pays, en Europe, en Orient. Le film a eu un grand succès.
Puis, il a pensé que peut-être ma version était plus intéressante et avait plus d’émotion. Il a changé d’idée et il a sorti ensuite ma version aux États-Unis avec le succès que vous savez. Nous sommes devenus de grands amis et nous avons fait un autre film.
Vous avez commencé votre carrière comme scénariste. Vous vous êtes ensuite mis au giallo. Pourquoi avez-vous fait cette bascule de passer du giallo au cinéma fantastique d’horreur ?
Parce que c’est normal de changer, mais aussi de rester dans le domaine du thriller. Le giallo, le thriller sont proches du film d’horreur. J’ai pensé changer et faire un film d’horreur pur. Cela a donné Suspiria.
Pensez-vous que la télévision peut apporter plus de liberté au genre que le cinéma ?
La télévision est importante. C’est étrange, mais on est plus libre quand on fait de la télévision commerciale et pas de la télévision d’état.
J’ai fait des films pour la télévision américaine, il y a quelques années pour la série Masters of Horror. J’ai fait deux films (Jenifer et J’aurai leur peau, nda). C’était extrême dans tous les cas sur le plan du sexe et de la violence. J’ai eu une liberté incroyable. Alors j’ai compris que l’on est plus libre à la télévision qu’au cinéma. Dans le cadre d’Opera, je n’étais pas libre, car j’ai dû couper des scènes.
Vous avez achevé la trilogie des Mères en 2007. Malheureusement, en France, elle n’a pas trouvé de distributeur. Est-ce que cela n’a pas été difficile pour vous de finir cette trilogie majeure de votre œuvre ?
Ce n’était pas difficile d’arriver au bout, mais je n’avais pas envie de faire une trilogie. Après les deux premiers films, je n’étais pas forcé de faire un troisième épisode. Le dernier se passait dans le futur par rapport aux deux autres. Alors, j’ai laissé passer les années. Et quand j’ai été prêt, je l’ai fait.
Attendiez-vous qu’Asia Argento soit plus vieille ?
Peut-être, oui.
Est-ce que vous pouvez nous parler de cette collaboration, car vous l’avez faite tourner très jeune ?
Nous avons fait 5 films ensemble. Je l’ai vu grandir en face de moi. Je l’ai regardée devenir plus adulte et plus femme. C’est beau de regarder sa propre fille évoluer. C’est une actrice, et elle change de rôle dans chaque film. C’était une belle expérience pour elle aussi.
Vous l’avez aidée dans la réalisation, car elle a déjà fait trois films ?
Non.
Ce qui est intéressant dans votre œuvre, c’est la façon dont vous parler des femmes. Elles ne sont jamais des femmes victimes, mais des femmes qui prennent leur destin en main, même s’il est horrible. Pourquoi en cette période où l’on voit des hommes partout, mettre les femmes en valeur ?
Parce que j’aime beaucoup les actrices. Elles ont une liberté que les acteurs n’ont pas. Elles ont une façon d’être libres, de vous suivre dans votre travail. Les suggestions que vous donnez, elles sont prêtes à les accepter. Les acteurs sont plus difficiles. Il y a de l’orgueil, quelque chose comme ça. Ils ne sont pas vraiment libres dans leur liberté. Les femmes sont prêtes à accepter des conseils.
Est-ce que le numérique a modifié votre perception de la mise en scène ?
Pas du tout, parce que l’on peut faire des choses magnifiques et incroyables avec le numérique. Néanmoins, le numérique a aussi une partie qui n’est pas vraie. Alors le spectateur comprend quand il y a une scène numérique, qu’elle est faite en laboratoire. Il comprend que ce n’est pas vrai et cela donne à la scène une sorte de fausseté.
Opera est un formidable film de genre, addictif et anxiogène présentant un malsain jeu du chat et de la souris entre une jeune cantatrice talentueuse et un tueur psychopathe. Vous pouvez en retrouver la critique ICI.
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Bande annonce d’Opera :
PIFFF 2016 : Présentation du film Opera par Dario Argento :
Rencontre avec Dario Argento lors du PIFFF 2016 :
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