The Art of Television : La rencontre avec Charlotte Blum
À l’occasion de la sortie de la première saison de la série documentaire OCS signature de 6 épisodes de 26 minutes sur les réalisateurs des séries télévisées, The Art of Television, OCS a permis à Unification de rencontrer la journaliste et réalisatrice Charlotte Blum qui nous a parlé de sa série.
Merci beaucoup à OCS et à Charlotte Blum pour cette rencontre passionnante. The Art of Television sera diffusée sur OCS à partir du 6 juillet 2017 a raison de deux épisodes par semaine. Vous pourrez retrouver les chroniques de cette excellente série sur notre site.
Comment avez-vous fait pour obtenir les réalisateurs qui apparaissent dans votre série ?
À l’ancienne, en passant par leur agent et par IMDB pro. J’ai mis 1 an pour avoir les personnes. Il fallait les convaincre. On a reçu de réponses négatives, car ils ne savaient pas qui ont était, et ils n’avaient pas le temps. Je voulais avoir plein de réalisateurs parce que je suis fan de beaucoup d’entre eux, mais c’est vraiment compliqué.
Comment s’est passé votre tournage ?
J’étais super contente quand OCS a accepté mon projet, et même quand j’étais découragé, mes producteurs avaient plein d’énergie et je n’avais pas le choix et ne pouvais pas me décourager.
Je ne savais pas le matériel américain qu’il fallait, car tout est plus grand chez eux. On n’était que deux sur le tournage et on passait 80 % de notre temps à transporter du matériel : caméras, lampes, projecteurs...
Là-bas, si on n’a pas de matériel, on, ne vous prend pas au sérieux. Ici, on fait les interviews avec une petite caméra. Mais j’avais envie de leur dire quand ils s’étonnaient de notre matériel réduit, qu’en France, cela aurait représenté un tournage Hollywoodien !
On a dû acheter des plaques de plexiglas de 2 mètres à 200 euros pièce pour mettre dessus les images correspondant aux séries de chacun des réalisateurs que l’on rencontrait. Il fallait le transporter et pour cela, il fallait une voiture dans laquelle elles rentraient et on passait notre temps à entrer et sortir de l’hôtel avec. On les avait recouvertes avec un drap avec des fleurs pour passer plus inaperçu...
Alan Taylor et Alan Poul n’ont pas voulu rendre celui de leurs épisodes, car ils les ont trop aimées. Je pensais que c’était pour me faire plaisir, mais ils les ont vraiment chez eux ou dans leurs bureaux !
C’était les réalisateurs qui choisissaient leurs personnages secondaires. On était à leurs ordres. On me donnait la liste et je devais les contacter, ce qui était parfois vraiment compliqué. J’aurais bien aimé leur dire de les appeler eux-mêmes. En plus, c’était parfois très difficile de les joindre et on ne pouvait pas forcément les avoir.
Steve était adorable. Il nous a accueillis superbement, a envoyé sa femme à la cave pour récupérer des vieux scénarios. Ses enfants étaient là, et il nous a invités à manger.
Jennifer Getzinger était très attachée à Master of Sexe. On voulait faire un tournage en extérieur, mais cela n’a pas été possible.
On avait une vraie envie. On a choisi ces réalisateurs et on voulait les mettre en valeur. Les retours sur leurs tournages ont été très bons et ils ont beaucoup aimé les épisodes qui leur étaient consacrés. Seul David Chase n’a pas eu son épisode, car il est imprévisible. J’ai peur qu’il ne l’aime pas et cela me briserait le cœur.
Je sens que si je le déçois, cela va me couper les jambes et ses agents sont horribles, car c’est quelqu’un de très connu et ils embêtent les gens pour montrer qu’il est quelqu’un d’important. Je ne pense pas lui envoyer l’épisode s’il ne me le demande pas.
Les agents nous ont fait vivre un enfer. Mais ils s’en foutent. C’est rendre leur artiste important s’il rendre ta vie un enfer.
En dehors de son métier, David Chase est un homme adorable, mais en mode carrière, il me fait peur. En plus, c’est le réalisateur de séries que j’adore et qui m’ont poussée vers le métier que je fais.
Je le regrette, mais ce n’est pas moi qui ai fait l’interview de Tom Fontana, pour des questions de budget.
Parlez-nous de votre carrière ?
Au début de ma carrière, j’ai bossé dans le métal, pour MTV. Je suis reste 6 ans. J’ai ensuite bossé pour un magazine Série Inside, sorte de mix entre magazine série et revue people. Mais cela ne m’a pas beaucoup plus. Je venais avec une idée comme « et si je décryptais le générique de telle série ? » Et on me répondait « Aucun intérêt, par contre si machin couche avec truc… ». Puis j’ai écrit un bouquin sur les séries en 2011 et un autre en 2015 après en avoir fait 6 sur le métal.
J’apparais aussi dans une émission hebdomadaire sur OCS où je parle des séries Ciné, séries & cie.
Comment vous est venue l’idée de cette série documentaire ?
À force de regarder des documentaires, j’ai voulu faire cela. Et puis après, je me suis demandée pourquoi je l’ai fait, car cela a représenté deux ans de travail sans vacances avec plein de problèmes à résoudre tous les jours. On m’appelait parfois en pleine nuit pour me demander telles ou telles choses, comme un réalisateur qui voulait une limousine alors que le tournage se passait chez lui…
J’aime la série télévisée. Je lui dois beaucoup dans mon rapport au gens, à la vie. Rencontrer des femmes réalisatrices et comprendre que ce que je ressens au quotidien se retrouve chez elles a été très fort. On mène le même combat. De voir cela chez des gens plus forts que moi, cela nous lie. Il n’y a pas de honte à avoir peur. Si Rosemary Rodriguez dit devant la caméra qu’elle a peur de mal faire quand elle réalise un épisode et que cela va être diffusé, cela fait du bien.
On voulait une parité dans nos invités, et on n’a pas réussi, pour des questions de planning, de personnes. Beaucoup de réalisatrices n’ont pas voulu participer, car elles ont peur que cela leur porte préjudice.
Il y avait 7 % de réalisatrices de séries télévisées l’année dernière et 9 % en 1998, ce qui n’est pas beaucoup…
Ryan Murphy ne fait que des séries sur des minorités et il n’engage jamais de femmes. Les hommes qui ont embauché des femmes ne les quittent plus, car ils savent ce dont elles sont capables.
Quand Jennifer Getzinger a voulu entrer dans le milieu, on lui a dit de devenir script. Puis les autres réalisateurs l’ont poussé, l’ont aidé. Les gens qui ont de l’argent, ont peur du risque financier que représente une femme, surtout pas connue. Ils ont aussi peur qu’elle ne soit pas assez écoutée sur le plateau et que le tournage se passe mal.
Rosemary Rodriguez est vice-présidente de la guilde des réalisateurs, mais n’a aucune autorité. Il ne faut pas froisser les producteurs, les studios, les scénaristes...
Dans The Walking Dead, il y a pas mal de femmes. C’est très opposé à ce qui se passe sur Game of Thrones où on dit aux actrices de se mettre là et de sourire. C’est aussi dans les séries de super héros, et celle d’action qu’il y a des femmes.
Mais en général, quand on est une réalisatrice, on veut vous filer des comédies dramatiques, pas des séries d’action. Et après ils gueulent, car des femmes montent le ton pour se faire entendre.
On sent que vous l’avez délibérément orientée votre série vers le féminisme. Pourquoi ?
Certaines réalisatrices ont refusé de participer, car elles avaient peur d’être porte-parole du féminisme. Elles ne voulaient pas passer pour des ingrates en se plaignant des séries qu’elles ont eu et de celles qu’elles auraient préféré faire. Parce qu’elles font aussi ce métier pour vivre.
On retrouve la même chose pour les personnages secondaires, car on n’a qu’une seule femme, une actrice.
Le F world aux USA, c’est maintenant le féminisme et plus « Fuck ». Certaines femme ne veulent plus s’y référer, car elle ont peur d’être étiquetées.
Le temps de parole est le même pour tous les réalisateurs. J’avais une volonté féministe, car je voulais la parité, mais ne l’ai pas eu. Il y a des gens chez qui on allait et qui ne me disaient pas bonjour parce que j’étais une femme. Le milieu est très machiste.
Il y a même un invité qui m’a regardé de haut en bas de l’air de penser, « c’est ça la réalisatrice ? » Puis il a commencé à parler, est devenu tout rouge et s’est arrêté en bafouillant et en disant qu’il n’y arrivait pas. Je l’ai gentiment guidé et tout s’est ensuite bien passé.
Jennifer Getzinger le dit elle-même, « on ne me filera pas de pilotes », aussi, je ne réserve pas cette période de l’année pour travailler. De plus, ce serait un poids très lourd à porter, car si je me plante, les femmes seront interdites de faire des pilotes pendant des années.
C’est terrible, car aujourd’hui, on n’arrive même plus à imaginer qu’il fut un temps où on écoutait les femmes et on recherchait leurs avis.
Ce qui très fort avec ces femmes, c’est qu’elles ont besoin d’un travail pour vivre. Elles n’ont pas besoin d’être une star ou de devenir célèbre.
Comment avez-vous pris contact avec OCS ?
On a une série hebdo, et je fais la partie série. Puis on m’a mise en relation avec une boîte de production, Empreinte Digitale.
J’en suis la première surprise, mais OSC est très peu intrusif. On a vu une fois celui qui a donné l’accord d’OCS et on l’a revu pour lui montrer les trois premiers épisodes. On n’a plus été contacté entre le lancement et le résultat final. J’attendais régulièrement des coups de fil, mais une fois qu’OCS a donné son accord, ils vous laissent travailler sans vous déranger ou vous imposer des choses. Du coup, on ne se restreint pas. On se fabrique nos propres contraintes.
On ne sait pas s’il y aura une saison 2. Nous avons déjà d’autres réalisateurs qui nous ont dit oui, dont deux femmes. Cela dépend d’OCS.
The art of television from Empreinte Digitale on Vimeo.