ADN : La rencontre avec Maïwenn
À l’issue de la projection du film ADN, sa réalisatrice, Maïwenn, est venue répondre aux questions du public. Voici la synthèse des échanges qui ont eu lieu.
Je ne voulais pas faire un film sur la révolte. Je voulais évoquer le racisme et j’avais un devoir de mémoire. Je suis une enfant d’immigrés. Je voulais montrer que l’on avait parfois besoin d’être apaisé grâce à un autre pays.
J’avais déjà écrit une première version du scénario lorsque Mathieu Demy est arrivé. Il est parti de la situation autour du deuil et est venu m’aider pendant 15 jours. Il a bousculé la structure du scénario et y a apporté beaucoup de son sens de l’humour.
Je me suis déjà retrouvée à organiser des enterrements, mais cela n’avait pas d’intérêt. Néanmoins, je voyais le potentiel comique d’une telle scène. C’est vraiment le travail de Mathieu qui a permis d’améliorer ces passages. La femme de la boutique exerce vraiment ce métier. Cela m’a beaucoup inspiré. Il y a aussi eu l’improvisation des différents acteurs. Fanny Ardant n’arrêtait pas de lancer des choses. Et ça, ce n’était pas prévu.
J’avais vraiment envie de retrouver la naïveté de mon premier film. J’avais tourné avec peu de moyens, pas beaucoup d’argent, des décors et des personnages limités. Mais j’avais beaucoup plus d’attentes concernant ce film. Dans mon premier, j’étais déjà tellement contente de réussir à le faire, alors que pour ADN, il y avait toujours des choses qui ne me plaisaient pas, car j’avais plus d’exigences.
Lors de ma préparation, j’ai découvert beaucoup de livres et de films qui ne parlaient d’ailleurs pas seulement que du sujet, mais qui m’ont beaucoup aidé. J’ai lu sur l’Algérie, le deuil, les parents engagés. J’ai vu beaucoup de documentaires, notamment sur la guerre Algérie. J’ai ainsi découvert le 17 octobre, avec cette manifestation où les policiers ont jeté plusieurs manifestants dans la scène. C’est un événement dont on ne parle pas vraiment, et que peu de personnes connaissent à l’heure actuelle. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai voulu en parler dans mon film.
J’ai écrit le personnage de Neige pour moi. C’est mon deuxième prénom et je le trouve très beau. Dans mon film précédent, j’avais dû diriger une actrice. Je pensais que c’était plus facile pour moi de réaliser d’un côté et de diriger les acteurs. Mais en fait, ça crée d’autres complications, car je suis souvent obligée d’expliquer certaines choses. C’est donc plus facile pour moi de réaliser et de jouer en même temps. En plus, cela crée une certaine solidarité entre acteurs.
Quand j’ai écrit le scénario, j’avais Fanny Ardant en tête pour le rôle de la mère. Mais je n’osais pas trop m’y accrocher, car j’avais peur qu’elle refuse. J’avais vraiment espéré qu’elle joue dedans et qu’elle pourrait transcender mon écriture. Je me disais vraiment que sa personnalité pouvait servir le film. Je ne l’ai pas rencontrée dans un bar, car elle m’a fait comprendre qu’elle en avait un peu assez. On s’est donc vu toute une après-midi dans un parc sur un banc où j’avais apporté de la bière. Elle a commencé par me dire oui, puis finalement non et enfin oui. Quand le tournage a commencé, j’ai senti qu’elle regrettait un peu d’avoir donné son accord. Mais ça s’est très bien passé.
Le tournage s’est fait dans l’ordre chronologique. Il y avait généralement très peu de prises. J’ai par contre ajouté la dernière scène avec Fanny. Il s’agissait d’une séquence écrite à la dernière minute que je pensais importante pour mon histoire. J’ai donné quelques informations à Fanny et c’est elle qui a rajouté des répliques pendant son tournage.
Il y avait d’autres scènes plus lumineuses entre nous deux. Mais pour celle-là, j’ai fait le choix qu’elle soit finalement fermée. L’humour est aussi une sortie de secours. J’y mets mon envie de pouvoir faire des choses. Je n’ai pas pu m’expliquer avec ma mère avec qui je m’entendais très mal.
Il est plus agréable pour moi de tourner avec des stars ou des acteurs non professionnels. Parce qu’ils s’en moquent de tourner avec moi. Mais si un comédien n’est pas un non professionnel ou quelqu’un qui n’a pas besoin de mon film pour être connu, il attendra toujours quelque chose de moi, que je ne lui apporterai peut-être pas. C’est moi qui aie envie de tourner avec certains acteurs.
En ce qui concerne le rôle du grand-père, il y a une annonce qui a été publiée. La personne que l’on a retenue n’était pas professionnelle, mais avait une grande connaissance de l’improvisation. Lors de son casting, il a fait une improvisation très dure d’une personne atteinte d’Alzheimer en EHPAD.
Lors du montage, j’étais persuadée que mon film ne sortirait jamais, car il était trop nul. À un moment, ma monteuse, Laure Gardette, m’a même demandé de partir. J’ai voyagé en Algérie et me suis retrouvée en pleine montagne, loin de toute connexion Internet. Du coup, je n’avais pas forcément la possibilité de répondre à ce qu’elle m’envoyait. Quand je suis revenue, j’ai découvert un gros montage de 2h30 qui m’a beaucoup surprise. J’ai alors repris confiance dans mon film et je me suis replongée dans ces scènes.
Cela m’a alors permis d’aller très vite. Dans mon premier film, je l’ai monté lentement, alors que sur celui-là, j’avançais très rapidement. C’était vraiment l’opposé de ce que j’avais vécu sur mon premier film. À l’époque, je trouvais que tout était magnifique, et ma monteuse, Laure, me disait que cela n’allait pas.
Sur ADN, je voulais éviter de tomber dans le pathos. Je voulais que le film donne envie de vivre et permette de trouver un sens à la mort. C’est finalement le deuil qui donne un sens à notre vie.
L’histoire s’inspire de mes deux grands-parents qui m’ont construite. Ce sont eux qui m’ont permis d’échapper à mes parents toxiques. Je ne parle pas beaucoup de la grand-mère, mais la mienne a aussi beaucoup compté dans ma vie. J’ai préféré optimiser quelques scènes aux dépens de certains personnages. J’ai filmé ce qu’ils étaient et ce qu’ils devenaient, mais finalement, je ne trouvais pas cela intéressant au sein du film. Je mettrai peut-être ces passages dans les bonus du DVD.
J’ai choisi d’appartenir à deux pays, la France et l’Algérie. Je me sens pleinement citoyenne. Pour moi la carte de vote est extrêmement importante. L’actualité m’intéresse beaucoup plus qu’avant maintenant. Je baignais dedans dans mon enfance, en regardant les journaux télévisés et l’actualité. Et j’ai perdu cela lorsque je suis devenue adulte. Je me suis réveillée à la mort de ma grand-mère et de mon grand-père. À 44 ans j’ai décidé de ne plus m’intéresser à mes parents toxiques qui m’ont détruite. Je pense que l’on peut épouser un pays et qu’il peut nous aider à aller de l’avant.
ADN est un film intéressant sur le deuil et la famille qui bénéficie d’une très belle réalisation de Maïwenn. Vous pouvez en trouver la critique complète ICI.
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